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CHAPITRE 1
LE CONCEPT DE CONSTITUTION
Etat est un ordre forcément hiérarchisé.
Concept récent. Il remonte au XVIII° siècle. Dans l’antiquité grecque, il n’existait pas. Mais il
y avait un synonyme : politéia. A Rome, le mot existe mais il signifie autre chose : les actes
législatifs. Ce mot est resté dans le monde de l’Eglise. Montesquieu utilise ce terme de
manière moderne. C’est un sens descriptif. Plus tard apparaît le sens normatif : comment
l’Etat doit être constitué, c'est-à-dire ensemble des normes prescrivant les compétences de
l’Etat. En revanche, chez Rousseau, le terme est déjà utilisé dans le sens normatif. Au même
moment, De Vattel dit que c’est le règlement fondamental qui va d’ailleurs déterminer la
manière dont l’Etat doit gouverner. Ce sont les statuts de cette société universelle à
responsabilité limitée qu’est la nation. La chose elle-même est peut être plus ancienne que le
mot. Déjà, en 1639, il y a les ordonnances fondamentales du Connecticut, c'est-à-dire que
c’est une sorte de pacte entre les puritains immigrés. En 1649, à la révolution anglaise, accord
populaire des soldats de Chromweld. En 1653, Chromweld va proposer la définition de
instrument du gouvernement où il établit une assemblée. Mais finalement la chose n’a pas de
véritable impact. Cette tentative de constitutionnalisme a détourné les anglais à la rédaction de
la constitution anglaise. A nouveau en Amérique, un siècle plus tard, on observe l’apparition
de constitutions. Puis déclaration d’indépendance. Certains gardent même leurs constitutions
d’avant l’apparition de la nouvelle. Certains vont rassembler des assemblées constituantes
pour écrire des constitutions. En 1787, naissance de la constitution fédérale des USA
fabriquées par quelques pères fondateurs. Très élitiste. Ensuite, chaque état membre des USA
a ratifié de manière démocratique cette constitution fédérale. Pour le moment, cela s’arrête là.
En Europe, pas grand-chose. C’est la France qui va jouer le pionnier et même le rôle de
laboratoire constitutionnel. Ce n’était pas le même mécanisme. En France, il y avait la
révolution interne et non internationale comme aux USA. On a donc voulu faire des
constitutions mais cela a engendré des conflits. C’était donc les constitutions qui engendraient
les révolutions. Méthode à la française qui change le régime politique a inspiré le modèle
européen. La France depuis 1791 a pratiqué 22 constitutions.
Idéologie politique normative : ce qu’on doit faire et comment. Il ne faut pas s’imaginer que
le constitutionnalisme est le synonyme de la démocratie. Il y a des variantes démocratiques. A
la fin du XVIII° et tout au long du XIX°, on pratique la démocratie constitutionnelle : sorte de
contrat avec le Parlement. Constitution négociée. Constitutionnalisme est strictement lié aux
doctrines du droit naturel (jusnaturalisme). Du moins dans la doctrine des droits de l’homme.
Considère que les droits de l’homme sont naturels et il s’agit de leur donner une valeur
importante. Elle est obligatoire parce qu’elle réalise un but objectivement juste : la liberté
politique. Obligatoire parce que c’est une bonne chose, par son contenu. Constitution est un
texte sacré, un objet de vénération. Aujourd’hui, c’est différent. On jure la fidélité à la
constitution et non à la nation comme aux USA.
Quand on invente cette notion au XVIII°, on pense en terme d’un mécanisme politique, une
machine politique. C’est un siècle encore de Newton, une fascination pour la mécanique. Tout
est pensé en termes mécaniques qui doivent réaliser un certain but. Les métaphores
mécaniques sont très fréquentes. C’est un bricolage mécanique dont tout le monde est fasciné.
On compare le monde à un mécanisme d’horloger. Avant, on parlait de manière organique.
Montesquieu distingue trois régimes : nature particulière (monarchie, despotisme,
république), ressort juridique (sentiment de l’honneur, crainte, peur, vertu, …) et l’objet
(délices du prince, gloire du prince, bien public). C’est là où en se basant sur les systèmes
anglais Montesquieu recherche un mécanisme constitutionnel qui aurait pour objet la liberté.
Il ne trouve aucun régime. C’est pourquoi Montesquieu invente le système mixte : le
gouvernement mixte. Il faut faire en sorte qu’en mixant les différents éléments du système
tout tend vers la liberté. Le plus proche modèle est le gouvernement d’Angleterre au sens
politique car le principe des institutions de l’Angleterre ce n’est pas la vertu, la république
c’est fragile. Au fond, l’Angleterre n’a pas besoin de vertu, elle a mieux : l’égoïsme. Il vaut
mieux se baser sur l’opposition des intérêts qui vont garantir l’équilibre en s’annulant. Ce sont
les intérêts de la monarchie et les intérêts de l’aristocratie et le peuple. Idée reprise aux USA.
Madison considère que la vertu des citoyens ne permet pas d’oublier les intérêts individuels
au profit de généraux. Mais plus les vices. La bonne constitution selon Madison est la
constitution qui marcherait dans une nation de démons. Le ressort est le vice ici et la vertu est
produite par la constitution. Cette opposition des intérêts fera que les lois ne seront pas
autentatoires des libertés et des droits. Moins il y a de lois et plus il y a de libertés. Tous les
problèmes ici est de construire cette mécanisme qui ne doit pas s’enraillée. Elle doit être
inviolable. La bonne constitution est inviolable. On évolue vers une conception normative à
partir du XIX° siècle où la constitution est un ensemble de normes qui s’impose aux organes
en leur dictant des conduites. Et si les organes violent la constitution, il faut pour que ça
marche qu’elle soit acceptée, donc compter sur la vertu des organes. Utopique. On commence
à entourer cette nouvelle vision de la constitution de certaines précautions. On s’est dit oui
effectivement le législateur ne va pas violer la constitution. Mais si en réalité. Il faut instaurer
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Plusieurs choses. Tout d’abord, la Constitution règle l’organisation d’un corps politique dans
la forme moderne, et surtout le structurer en Etat. Donc en temps normal, il n’y a pas d’Etat
sans constitution. Même très rudimentaire, même très primitive. Il faut assurer une certaine
hiérarchie sinon c’est l’anarchie. Objet commun des constitutions : très limité : une
quelconque organisation politique que ce soit démocratique ou non. Pour nous, c’est un
concept de pouvoir. Le monde a connu depuis que Machiavel en parle au XVI° siècle au
moins 3000 constitutions écrites ou non, simples ou compliquées, toute une gamme
d’organisation politique. Depuis 1991, la France a produit au moins 22 constitutions. Sans
oublier la constitution de l’ancien régime. Il y avait les lois fondamentales du royaume qui
échappaient à la législation royale. Le roi était soumis à la législation : la législation est le roi
du roi. Par exemple, la loi a déjà supprimé par deux fois le testament royal. Il y avait donc ce
concept de constitution qui ressemblait à la constitution de la Grande-Bretagne. Il y avait des
constitutions complètement perverties comme celle du III° Reich. Deux significations :
- Règle de l’organisation de l’Etat au sens strict = constitution. On va se centrer sur
l’organisation centrale du pouvoir.
- Règle d’organisation de la société. Ex : article 16 de la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen qui parle très clairement de la société.
Il y a des choses qui n’ont rien à voir avec l’Etat comme la charte écologique. Depuis qu’on a
transféré le budget de la sécurité sociale dans celui de l’Etat alors qu’on sait que l’Etat est le
moyen budgétaire de la sécurité sociale. C’est la société même si l’Etat paye. Sur un autre
plan, il y a deux types de règles dans les constitutions :
- les règles instrumentales : fixent le mode de production des actes de l’Etat, c'est-à-
dire les procédures au sens large, les rapports de l’Etat central par rapport aux
collectivités locales, leurs compétences, les procédures…
- les règles substantielles : concernent le contenu des actes étatiques, c’est là où se
trouvent les garanties des droits du citoyen, c’est le second volet constitutionnel ainsi
que le principe de la séparation des pouvoirs.
Ce n’est pas la même chose : c’est une autre distinction mais toute aussi importante. Elle
s’entend au sens formel ou au sens matériel.
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Au sens formel : c’est un écrit officiel spécial, en partie écrite et en partie non, mais ici c’est
la forme de l’acte qui est importante. C’est là où on voit la différence entre les lois
constitutionnelles et les lois nationales. Tout texte écrit n’est pas forcément une constitution.
La forme spéciale compte : les procédures sont différentes. Il peut y avoir plusieurs lectures,
les délais sont plus longs, la majorité constitutionnelle est différente de la majorité
parlementaire… L’autorité qui établit ces textes est différente : le congrès en France est la
réunion de deux chambres, c’est l’autorité constitutionnelle. Parfois, il faudra l’autorité des
autres Etats. Si on a parfois des hésitations pour savoir si un texte est une constitution ou non,
il ne faut pas regarder comment il a été établit mais il vaut mieux regarder comment on peut la
réviser : l’organe de révision peut-il toujours fonctionner ?
Au sens matériel : c’est le contenu et non la procédure qui nous intéresse. C’est un acte
officiel et c’est un certain type d’organisation équilibré, rationnel et protégeant certaines
libertés des citoyens. C’est pourquoi on appelle parfois la constitution la loi fondamentale. Tel
est d’ailleurs le nom de la constitution allemande. Il y a ici la priorité de la matière
constitutionnelle sur la forme. Cette matière est jugée particulièrement importante. C’est
d’ailleurs par rapport à cette matière que l’on va adopter une forme spéciale. Qu’est ce qui est
si fondamental dans la société ? Les règles de la nationalité ? C’est une sorte de
dysfonctionnement de lois civiles puisqu’elles se trouvent dans les codes alors qu’il s’agit de
droit public.
Dans tous les Etats, il y a un décalage entre la matière et le formel. La constitution n’est pas
un texte mais un ensemble de règles et donc, il s’agit d’un texte déjà interprété par des
autorités compétentes. La constitution au sens matériel est ce que fond les organes
constitutionnels. Même au sens matériel, la constitution est la plus importante et c’est ce que
fond les organes. Ce ne sont pas des définitions purement académiques. Du point de vue
juridique, il faut protéger la constitution du législateur. Pour assurer une certaine stabilité
d’une règle juridique et pour assurer la comparaison entre la constitution et les lois ordinaires.
Quoi qu’on pense, on privilégie aussi le sens formel qui est la politique soumise au droit,
selon Jean François Aubert. Il a ajouté que la juridiction juridictionnelle est la politique
soumise au juge.
La constitution c’est ce que fond les organes mais il y a beaucoup de choses que les organes
font et qui sont limités. Il y a les coutumes constitutionnelles qui sont un problème ancien. Au
fond, les lois fondamentales étaient sous l’ancien régime les lois coutumières et une bonne
partie de la population aujourd’hui est coutumière car la coutume est une réelle source du
droit. On ne sait pas combien de fois il faut répéter une coutume pour quelle soit reconnue
comme telle. La doctrine est divisée : pour les normativistes dans le style kelsénien, il y a
quand même le sein et le sollen. Il n’y a pas de normes supérieures à la constitution. C’est une
pseudo constatation : il y a des coutumes contra legem car finalement, comment peut-on
fabriquer de nouvelles règles à côté de la constitution ? Confrontés à ce problème, certains
auteurs disent que c’est irréaliste et que ces coutumes existent très souvent et qu’elles sont
souvent contre la constitution. Les organes violent parfois la constitution. Les coutumes
structurent parfois de véritables centres de constitutions. En Grande-Bretagne, il y a la
technique de la responsabilité gouvernementale. Ce fut aussi le cas en France avec Chirac en
1997. C’est aussi le cas aux USA avec Bush et Roosevelt. L’usage et la coutume est politique
et non juridique et est un jeu de contraintes entre les organes constitutionnels. Ils n’ont pas de
choix réel mais peuvent faire autre chose. C’est une contrainte proprement factuelle. Les
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coutumes constitutionnelles ça existe, la propre constitution ce n’est pas le texte mais des
pratiques considérées comme obligatoire par certains acteurs. Cas particuliers : conventions
de la constitution en Grande-Bretagne. Ce sont des pures pratiques parfois qui sont issues de
certains précédents politiques. Ce n’est pas obligatoire à proprement parler. Ce ne sont même
pas des règles juridiques mais politiques. Ces règles permettent de dire comment va se
comporter par avance le parlement. On peut les classer et ne sont pas si rigides que ça. Ex :
chambre des lords héréditaires.
Dans la déclaration de 1946, il y a une expression qui est que le préambule réaffirme
solennellement le droit et les libertés de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les
lois de la république. On ne savait pas trop quoi faire avec cette catégorie là. Principes
reconnus par la loi républicaine. En 1971, on a fait une sorte de coup d’Etat légal concernant
la loi des associations et notamment le principe de la liberté d’association. Le conseil
constitutionnel et le conseil d’Etat ont forgé de nouveaux principes dans la législation.
Principe de l’indépendance des institutions administratives puis on les multiplient en sortant
de la législation très ancienne. La doctrine dit qu’il faut les rechercher dans la législation
depuis la 3° république en excluant la période de Vichy. Il y avait tout de même des principes
plus anciens que la troisième république, déjà dans le code civil. Et on peut considérer que ces
principes sont fondamentaux. Les principes peuvent entrer en conflit et limiter d’autres
principes. Ex : droit de grève qui peut entrer en conflit avec le maintien de l’ordre public ou
même la continuité des services publics. On déduit aussi à la dignité humaine le droit à
l’habitat. Le législateur ne peut plus se permettre de faire des lois sous sa volonté car elle
serait supprimée. Le juge constitutionnel peut être considéré comme haut constituant.
Est un concept doctrinal, théorique mais le conseil constitutionnel lui-même utilise quelques
synonymes. Il a été forgé par le doyen Favozen qui pendant plusieurs années et surtout après
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IV – Types de constitutions
On dénombre de très nombreuses constitutions dans le monde. On a donc essayer de faire une
classification, c'est-à-dire un rangement dans un champ sémantique. Les constitutions
formelles sont celles que nous allons traiter. Dans cette très grande diversité, des constitutions
ne comportent que très peu d’articles mais il y en a des très longues comme celle de la
Californie (120-130 pages) et la plus longue au monde est celle de l’Inde. A partir des années
50, on a voulu mettre un peu d’ordre. Il y a deux typologies.
1) Classification Loewenstein
Trois types :
- les constitutions normatives : ce sont des vraies constitutions, c'est-à-dire qu’elles
posent des vraies normes constitutionnelles, règles d’organisation de pouvoirs ;
- les constitutions nominalistes : s’inspirent des premières mais singent les bonnes
constitutions souvent adopté par des Etats n’ayant pas de culture politique comme
c’est le cas des Etats fraîchement dépendants suite à la décolonisation ;
- les constitutions sémantiques : textes constitutionnels qui organisent une façade
constitutionnelle derrière laquelle se cache une dictature, un régime autoritaire et
d’autres anomalies politiques comme par exemple la constitution stalinienne adoptée
en 1936 et qui créer des belles façades démocratiques mais ne correspondant à rien.
2) Classification de Bryde
Elle est plus récente : date des années 80. Bryde parle de trois critères :
- Effectivité : la constitution est effective lorsqu’elle est généralement observée par les
organes de l’Etat ; l’inverse est la constitution symbolique qui est seulement une
apparence comme la constitution stalinienne ;
- Pertinence : la constitution est pertinente lorsqu’elle règle des aspects essentiels de la
vie politique, des vraies questions constitutionnelles sinon elle est rituelle ;
- Normativité : la constitution est normative lorsqu’elle impose aux acteurs politiques,
aux organes suprêmes certains comportements comme obligatoires. Si elle n’est pas
normative, elle est descriptive, c'est-à-dire qu’elle décrit les actes des organes
étatiques. A quoi elle sert alors ?
Il est possible de combiner les trois critères pour ainsi obtenir une vraie typologie. La science
politique classe aussi les constitutions, on parle de régime pluraliste où les partisans qui ont
un programme peuvent s’affronter librement, pacifiquement, et avec un certain espoir
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raisonnable de succès. Ils pratiquent l’alternance. Les constitutions sont donc pertinentes et
effectives. C’est dans les systèmes pluraliste où elles sont les plus élevées et on les oppose
aux non-pluralistes.