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Thèmes du chapitre :
1. Historique de l’impartition
2. Impartition : définition et bénéfices
3. La démarche d’impartition
4. Impartition des activités logistiques
Historiquement, une des stratégies adoptées par les entreprises pour assurer leur
développement était de procéder à une intégration verticale. L’une des formes
d’intégration est d’acquérir ses fournisseurs, ce qui constitue une intégration verticale en
amont (voir la figure 1). Il s’agit en quelque sorte de la stratégie adoptée par Quebecor qui
au départ était un éditeur de journal qui a acquis des imprimeries et qui a même pris des
participations dans des sociétés papetières (soit les fournisseurs de ses imprimeries).
Une autre forme est d’acquérir ses clients, ce qui constitue une intégration verticale en aval
(voir la figure 1). La société Transcontinental, un imprimeur, qui a récemment procédé de la
sorte lorsqu’elle a acquis des journaux ou en prenant des participation dans le journal
«Metro». Il s’agit d’un moyen de sécuriser les débouchés pour ses produits et d’avoir une
masse critique des ventes qui permettent d’amortir une partie des investissements dans
l’appareil de production.
Enfin, il y a l’intégration totale (figure 1), ce qui pouvait être la situation de la pétrolière Irving
qui en plus de posséder des raffineries possédait ses propres stations-service (aval), ses
propres pétroliers et ses propres chantiers navals pour construire ses navires (amont). Les
bénéfices de l’intégration peuvent être de trois ordres :
• elle accroît le contrôle sur les différentes activités d’un secteur facilitant les efforts de
coordination;
• la coordination devrait être facilitée car les communications pourraient être plus aisées à
établir car elles se font à l’intérieur du même groupe;
• des économies d’échelle peuvent être envisagées car les volumes de production ont des
clients pratiquement assurés ce qui peut permettre la construction d’installations de plus
grande ampleur.
• il peut y avoir une perte d’incitatifs à se surpasser pour répondre aux demandes des clients
puisqu’une partie de ceux-ci sont déjà membres du groupe;
• la diversité des activités peut demander de nombreuses mesures de contrôle créant un
phénomène de déséconomies d’échelle;
• enfin, cette diversité demande des capitaux importants ce qui accroît les charges financières
et par conséquent, les risques.
Figure 1 – Le degré d’intégration d’une entreprise1
Matières Produits
premières consommés
Forme
initiale
Aval
Amont
Totale
Dans ce contexte, il est naturel de retrouver divers niveaux d’intégration l’intérieur d’un
même secteur d’activités, comme celui de la production des semi-conducteurs (voir la figure
2).
Wacker (Allemagne)
Silitec (U.S.) Racorde-
Shinetsu (Japon) ment
Sumitomo (Japon)
Motorola, Toshiba
Telefunken
(Opto) Siemens
(IC, LSI) Hitachi
Harris
BKC, Rohm, IR
Une dernière formule d’acquisition est celle du conglomérat où une entreprise prend des
participations dans des entreprises provenant d’une diversité de secteurs d’activités. Cette
formule permet de profiter des effets anticycliques, ainsi si le marché est moins favorable
dans un secteur, il peut être bon dans un autre ce qui peut assurer une croissance plus
régulière de la société mère. Cette approche permet d’être plus patient avec des entreprises
dans des secteurs d’activités en difficulté car la société mère à d’autres sources de revenus
sur lesquelles compter. À l’inverse, cet effet de diversification empêche la société mère de
consentir tous les investissements nécessaires à l’une de ses entreprises pour qu’elle profite
de la relance de son secteur, car ses fonds d’investissement doivent être répartis entre
plusieurs sociétés3.
1
TARONDEAU, J.C., Stratégie Industrielle, Paris, Vuibert, 1998, 424 p.
2
LASETER, T.M., Balanced Sourcing, San Francisco, Jossey-Bass Publishers, 1998, 256 p.
À la suite de la récession des années 1980, les entreprises ont remis en question leur
présence dans de multiples activités jugées secondaires au cœur du métier : par exemple,
centre de reprographie, cafétéria, service de sécurité, entretien des bureaux administratifs.
Ainsi, un nombre grandissant d’entreprises ont externalisé leurs activités. Un tournant a été
franchi au début des années 1990 lorsque la société IBM a imparti des usines. À cette
époque, l’entreprise traversait une grave crise et elle jugeait que la rapidité des évolutions
technologiques ne lui permettait pas d’amortir assez rapidement les investissements dans
ses sites de production. Ainsi, à la fin des années 1990, une douzaine de sociétés dans le
monde assemblaient les ordinateurs IBM. Il s’agissait d’une rupture sur les pratiques
reconnues car la haute direction des entreprises envisageait maintenant d’impartir ce qui
était historiquement considéré comme le cœur du métier 4. La société canadienne Nortel
vient de procéder de la sorte en externalisant ses unités de production à la firme
Flextronics5.
Les technologies d’information facilitent le recours à des services externes. Aux États-Unis,
une petite société se spécialise dans la gestion de la paie de PME. Les bureaux de cette
société sont au Texas, là où la location d’espaces commerciaux est moins chère, alors que
ses clients sont en Californie. L’ensemble des échanges se fait à distance grâce à Internet 6.
Finalement, selon une enquête américaine, 56 % de la production manufacturière est
impartie. De plus, 25 % des budgets d’opérations seraient consacrés à la gestion des
services impartis7.
L’impartition est la démarche visant à confier à un prestataire externe une activité interne.
La démarche peut recouper une nouvelle activité dont la direction de l’entreprise pourrait
réaliser à l’interne mais qu’elle décide de recourir à un prestataire externe.
3
MEDDAH, H. et al., «Siemens redécouvre les vertus du conglomérat», L’Usine Nouvelle, n° 2797,
2001, p. 38-40.
4
GARR, D., «Inside Outsourcing», Fortune, vol.143, n° 1, 2001, p. 85-92.
5
BARIL, H., «Flextronics prend en charge toutes les usines de Nortel», La Presse, mercredi 30 juin
2004, p. AFFAIRES 1
6
GARR, D., op. cit.
7
GARR, D., op. cit.
• la sous-traitance de spécialité est appliquée lorsque le donneur d’ordres va retenir les
services d’un fournisseur externe qui détient une expertise unique ou une expertise qui est
difficile de développer rapidement ou efficacement à l’interne.
• bénéfices financiers : en réduisant les actifs détenus par l’entreprise, on améliore rapidement
des ratios comme le rendement du capital investi (return on investment, ROI);
• optimisation stratégique : l’entreprise questionne ses secteurs d’activités et ceux qu’elle juge
nécessaire pour son développement futur;
• meilleure gestion de l’activité impartie (si elle est confiée à un prestataire expérimenté dans ce
domaine);
• discipline de marché : confronter la performance interne d’activités à celle de prestataire
externe;
• accès à des technologies de pointe;
• devrait libérer des ressources internes afin de les consacrer à d’autres activités ce qui devrait
accroître la flexibilité de l’entreprise8.
Selon les experts, une démarche d’impartition peut recouper plus ou moins d’étapes. Pour
notre part, nous divisons cette démarche en quatre étapes :
1. Réaliser une étude stratégique pour déterminer les activités jugées névralgiques pour le
développement à long terme de l’entreprise. Notez bien que si la haute direction de
l’entreprise entend étudier l’impartition de certaines activités, elle devrait au préalable scruter
la convention collective. Au fil des ans, il peut s’être négocié des clauses restreignant la
sous-traitance qui invalident toute la démarche à moins de trouver des failles dans la
convention. En fait, les clauses des conventions qui restreignent le recours par l’employeur
à des sous-traitants seraient les plus grandes restrictions aux options d’impartition des
entreprises10.
Un projet d’investissement est un projet d’échange de flux financiers. Le premier mouvement est
négatif, il nécessite des sommes relativement précises et importantes. Le second mouvement
consiste en des recettes nettes probables réparties sur plusieurs années12. Pour déterminer le choix
d’un projet d’investissement différentes techniques existent.
Le délai de récupération est le nombre d’années nécessaires pour reconstituer, à même les rentrées
de fonds, le capital investi. Dans ce cas, les projets A et B ont demandé un investissement initial de
1 000 $. Ainsi, le projet A demande deux et un tiers pour récupérer le montant alors que le projet B
demande quatre ans. Selon cette logique, le projet A sera privilégié.
Le délai de récupération est une méthode simple à utiliser, mais cependant elle exclut certains
aspects qui peuvent conduire à des décisions erronées.
• On ne tient pas compte des entrées de fonds après le délai de récupération ce qui peut exclure des projets à
rentabilité tardive mais dont les entrées de fonds s’échelonnent sur plusieurs années.
• Elle ne tient pas compte du temps des entrées de fonds. Ainsi, pour deux projets dont les délais de
récupération sont égaux il faudrait privilégier celui qui présente les entrées de fonds les plus importantes à
court terme car un dollar vaut plus aujourd’hui qu’il ne vaudra dans un an.
Le calcul de la valeur actualisée nette (VAN) cherche à corriger ces lacunes en intégrant la valeur de
l’argent en fonction du temps. La VAN consiste à trouver la valeur actualisée des rentrées de nettes
de fonds attendues d’un investissement (actualisées au coût du capital) et à en soustraire la mise de
fonds initiale. Si la valeur actualisée nette est positive, l’entreprise retiendra le projet, sinon elle le
rejettera. Une VAN positive signifie que l’augmentation de la valeur de l’entreprise est supérieure au
11
À moins d’avis contraire, les propos de cet encadre proviennent de WESTON, J.F.; BRIGHAM, E.F.;
HALPERN, P., Gestion financière, 3e édition, Montréal, Les Éditions HRW ltée, 1982, 694 p.
12
CRÔTEAU, O., OUELLETTE, L.P.; FÉLEX, V.; BOISVERT, H., Comptabilité de gestion, 2e édition,
Montréal, Éditions du renouveau pédagogique inc., 1986, 383 p.
montant nécessaire pour financer l’investissement. Donnée importante : rentrées de fonds nette
(rentrées de fond - sorties de fonds), le taux d’actualisation et l’investissement initial pour
réaliser l’option.
Reprenons nos exemples des projets A et B avec des investissement égaux de 1 000 $ et en
recourant à un taux d’actualisation de 10 %.
La VAN permet de comparer sur des bases similaires des projets ayant des temps de vie différents,
ainsi sur cette base le projet B serait retenu. L’enjeu avec cette technique n’est l’actualisation qui n’est
qu’une technique mathématique. Avant d’actualiser, il faut s’assurer de bien mesurer chacun des
éléments de chaque terme de l’échange. Il faut faire intervenir tous les mouvements monétaires
provoqués par la décision sous analyse. Dans cette optique, l’amortissement comptable ne peut être
retenu comme un élément de l’équation puisqu’il s’agit d’une charge qui ne donne lieu à aucune sortie
de fonds. Par contre, il faut intégrer l’impôt à payer découlant du projet ce qui exigera de faire
intervenir l’amortissement comptable. Aussi, il ne faut pas inclure les coûts d’intérêt liés aux emprunts
financiers associés au projet. D’abord, ces coûts sont sous-entendus dans le taux d’actualisation et
ensuite il faut distinguer le choix d’un projet d’investissement de son financement. Enfin, l’une des
techniques visant à déterminer le taux d’actualisation est de recourir au coût du capital qui est
technique relativement complexe qui détermine le coût après impôt des différentes sources de capital
(emprunts, obligations, actions privilégiées et les actions ordinaires). Il faut préciser qu’il s’agit du coût
prévisionnel de chacune des sources de fonds13.
Cette technique a été conçue dans un contexte de projet d’investissement, il faut adapter l’outil à des
cas d’impartition qui relève d’une logique de désinvestissement.
Le taux de rendement interne (TRI) est le taux d’actualisation pour lequel la valeur actualisée des
recettes futures escomptées est égale au capital investi. En résumé, quel est le taux d’actualisation
pour lequel la VAN égale le capital investi? Le projet ayant le TRI le plus élevé sera retenu. Cet outil
est complémentaire à la VAN.
13
CRÔTEAU, O. et al., op.cit.
Bien que l’évaluation financière compte pour beaucoup dans la sélection d’un fournisseur,
Heywood considère qu’il faut intégrer d’autres critères comme :
4. Évaluation des habiletés internes à gérer une activité à distance. Les habiletés peuvent
prendre la forme :
Précisons qu’une entreprise qui décide de reprendre une activité impartie doit s’attendre à un
certain délai (années) avant de retrouver un niveau de performance acceptable. Le délai
dépendra du nombre d’années depuis l’impartition de l’activité et des compétences encore
disponibles à l’interne pour gérer l’activité reprise.
14
HEYWOOD, J.B., The Outsourcing Dilemma, Londres, Prentice Hall, 2001, 207 p.