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SOMMAIRE

Publication de
l'l. R. E. M. de Strasbourg

LE LIVRE
du PROBLEME
fascicule 1

pédagogie de l'exercice
et du problème

CEDIC 1973
LYON - PARIS
12, rue du Moulin de la Pointe - 75013 Paris
SOMMAIRE

© CEDIC 1972
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SOMMAIRE

pédagogie
de l'exercice
et du problème
SOMMAIRE
SOMMAIRE

SOMMAIRE

Introduction 7

Chapitre 1 Exercices d'exposition 13

Chapitre 2 Les problèmes 19

Chapitre 3 Les exercices didactiques 29

Chapitre 4 Exécution des tâches techniques 37

Chapitre 5 Les manipulations 45

Chapitre 6 Applications des mathématiques 61

Chapitre 7 Les tests 81

Bibliographie 97
SOMMAIRE
SOMMAIRE

INTRODUCTION

La réforme de l'enseignement des mathématiques se poursuit dans le


monde entier dans des conditions difficiles : ayant à assumer la scolarisation
d'un nombre toujours croissant d'élèves, elle doit poursuivre une délicate
politique de formation de maîtres qualifiés. Mais ce n'est pas son moindre
avantage que d'avoir suscité, ici et là, des réflexions sur les buts et les
méthodes de cet enseignement. Elle a permis la découverte -on plutôt la
redécouverte- de vérités tellement "évidentes" que nul ne songe à les mettre
en doute... ni à les appliquer.
Tout le monde s'accorde pour affirmer que "faire des mathématiques"
ce n'est pas emmagasiner des connaissances, et que l'exercice de l'intelli-
gence, de l'imagination, de la rigueur, de la minutie, de l'honnêteté intel-
lectuelle ne se développent pas en écoutant un cours dicté, recopié, appris,
récité. Et pourtant l'essentiel de la préparation des futurs professeurs
consiste toujours à apprendre à bâtir des exposés "magistraux" bien char-
pentés, ce qui est certes utile, mais ne prépare qu'à une faible partie du
métier d'enseignant.
SOMMAIRE 8

La suite de cette introduction aborde précisément l'autre aspect de ce


métier. Elle ébauche une réflexion sur la pédagogie de l'exercice et du problème qui
étudie l'art de susciter une attitude active et critique de l'élève.
Précisons tout de suite que, les fascicules présentés ici ne veulent pas être
de simples recueils d'exercices directement utilisables en classe. Pour cette
raison, ils sont généralement classes par thèmes et non par niveau. La
rédaction définitive des énoncés destinés à la classe reste à faire. Le texte
proposé n'est qu'une trame que le professeur devrait adapter à son goût
personnel, à celui de ses élèves, en fonction du moment où l'exercice est
proposé, à la réaction des enfants devant des thèmes analogues, et surtout à
l'objectif pédagogique visé dans ce cas précis: on ne rédige pas de la même
façon un travail de contrôle exigé en temps limité, sans documents, et au
contraire un travail libre que l'élève effectue à loisir. Il est alors hautement
souhaitable qu'il se documente lui-même sur des notions volontairement
imprécises.
Le rédacteur de l'énoncé pourra choisir entre diverses formes à donner
au texte. En particulier, certains problèmes pourront être présentés en
plusieurs temps, espacés par des interruptions d'une semaine. D'autres
énonces se groupent en batteries d'exercices : ce sont des séries de questions
courtes dont l'intérêt pédagogique tient à leur assemblage et à leur progres-
sion.
Le choix des énonces retenus par le professeur dépend aussi, pour une
large part, des programmes actuellement en vigueur. C'est ainsi que nous ne
nous dissimulons pas que certains des chapitres de l'ouvrage présenté ici
sont inexploitables dans leur totalité, avec les contraintes actuelles d'horaires
et d'examens. Mais nos recherches visent plutôt à explorer de nouvelles
possibilités d'enseignement. Nous rivons dune époque où les auteurs des
programmes officiels proposeront en premier lien des activités
mathématiques formatrices et choisiront ensuite les théories enseignées en
fonction des problèmes que I'on pourra soumettre aux élèves. Alors on
n'introduira plus gratuitement un jargon pédant et des théories qui ne seront
plus utilisées. Les mots et les définitions s'inséreront d'eux-mêmes, au fur et
à mesure des besoins réels
Note texte est aussi conçu comme un instrument de formation des
maîtres : le professeur pourra proposer un petit choix d'énoncés à sa classe
et en résoudre lui-même beaucoup plus. Ce sera pour- lui l'occasion de
motiver l'introduction des théories qu il expose. Et il arrivera souvent qu'à
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l'occasion d'une explication difficile cru d'une question imprévue d'un élève,
le maître, soit amené à exploiter inopinément un énoncé qu'il ne pensait pas
soumettre au départ. C'est le moment de rappeler que le professeur doit savoir
beaucoup de choses pour pouvoir en enseigner très peu. Il doit se sentir
complètement libéré des difficultés mathématiques pour se consacrer
entièrement aux difficultés, pédagogiques. Et en particulier la connaissance d
une théorie abstraite n'est souhaitable que si l'on ait l'appliquer dans des
situations variée.
En préparant ces recueils nous nous sommes constamment heurtés à
deux exigences contradictoires: d'une part, la plupart des énonces ne
prennent leur- valeur qu'à la faveur des commentaires pédagogique, présen-
tés en face du texte, et qui reposent souvent sur la connaissance de la
solution. Mais d'antre part, nous semblons céder trop souvent à la tentation
que nous dénonçons constamment: souffler prématurément la réponse et ne
pas laisser au professeur le temps de chercher lui-même, chaque fois que cette
recherche lui serait profitable. Car si l'on admet qu'un des buts de notre
enseignement est d'apprendre à nos élèves à résoudre des problèmes, il est
clair que le maître doit avoir une expérience vécue de l'aventure de
recherche de la solution. N'hésitons pas à affirmer que certains problèmes
ne peuvent pas être présentés valablement aux élèves par un professeur qui,
ne l'ayant jamais cherché, ne peut pas se rendre compte de ce qu'il faut
attendre de la part de celui qui cherche. Chaque fois que nous pensons que
le risque de dévoiler prématurément la réponse est trop grand, nous renvo-
yons le commentaire en appendice, sous un numéro entre double crochet,
[[ ]]. (Le simple crochet [ ] renvoie à la bibliographie). Et lorsqu'il nous a
paru souhaitable que le professeur "séchât" un mois ou deux et trouve
lui-même la solution nous avons renvoyé la réponse à des références
bibliographiques volontairement difficilement accessible. De toute façon
l'équilibre entre le désir d'épargner certains efforts inutiles à des collègues
surcharges de tâches et la nécessité de les inciter parfois à un effort
éminemment formateur est malaisé à obtenir.
Notre travail veut aussi réagir contre la routine qui s'installe si faci-
lement dans L'enseignement. Certaines idées pédagogiques intéressantes au
départ se stéréotypent rapidement, transmises de maîtres en maîtres, de
manuels en manuels et les élèves sont encouragés à apprendre par cœur la
solution de certains exercices "bien connus" pour réussir à leurs examens !
Nous ne sous-estimons pas le danger de voir nos propres innovations
donner lien, en peu de temps, à d'autres stéréotypes.
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Pour retarder ce fâcheux phénomène de vieillissement wons nous pro-


posons de rassembler délibérément, sur chaque sujet traité, une quantité de
documents qui dépasse de beaucoup les possibilités d'utilisation d'un maître
ou d'un interrogateur. Si chacun résiste à la tentation des reprendre tous les
ans les mêmes exercices, dans le mime ordre, dans les mêmes classes ou
aux mêmes examens. On évitera dans une certaine mesure la sclérose
redoutée.

Classification des énoncés


Aux diverses activités de I'élève et du professeur correspondent des énoncés
dont la finalité est différente. Nous en distinguerons sept catégories, sans
nous dissimuler que cette classification n'est ni exhaustive, ni non-
disjonctive.
Cependant le tableau suivant nous semble fondamental:

Sigl Catégorie d'énoncés Comportement de l'élève Comportement du professeur


e
EE: Exercices , d'exposition. Apprendre Exposer incomplètement
Acquérir des connaissances Transmettre des
P Problèmes. Chercher. Susciter la curiosité.
"trouver." Encourager la persévérance dans la
recherche
ED Exercices didactiques. S'entraîner. Fixer des connaissances, des aptitudes,
Acquérir des mécanismes des habitudes.
ET Exécution de tâches techniques. Prendre ses responsabilités, Inciter a la minutie: au soin.
T Mener un travail à bonne fin Exiger un "travail bien fait.
en
prenant l'engagement de ne
pas laisser subsister
d'erreurs.
A Exemples d'illustration. Transférer des Rattacher l'abstrait a d autres centre. d
Exercices d'application. cconnaissances théoriques intérêt..
dans un contexte pratique.
M Mamipulations. Observer. Motiver Ies résultats d'une étude
Expérimenter. abstraite ultérieure.
Bricoler.
T Tests. Sujets de compositions. Vérifier la valeur de ses Contrôler les résultats de
d examens, de concours.' connaissances l'enseignement sur chaque élève.
Faire valoir ses aptitudes.

Chacune de ces catégories, relève d'une pédagogie différente. Les énon-


cés correspondants se rédigent conformément à des principes variés, parfois
opposés.
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Un énoncé est généralement composé sur un thème. Mais de même


qu'un motif musical peut se présenter, au choix, sous la forme d'une java
ou d'une marche funèbre, de même mue idée mathématique peut fournir
des exercices dont la finalité est tout à fait différente. Le professeur doit
être entraîné à transposer tin énoncé d'une catégorie à utile autre.
Il est temps de formuler les principes généraux d'une pédagogie de
l'exercice et du problème. Quelques auteurs ont déjà déblayé le terrain en
se cantonnant clans l'étude d'une des catégories précédente. (Par exemple,
Georges Polya [1], [2]. [3], [4] s'est occupé, d'une façon magistrale, de la
pédagogie de la recherche des problèmes (P)). Mais la réflexion globale reste
à faire. Le travail présenté ici est une contribution à cette importante étude
[5], [5 bis].
SOMMAIRE
SOMMAIRE

CHAPITRE 1

EXERCICES D'EXPOSITION

L'intérêt de ces énoncés se concentre sur leur contenu mathématique :


ici, l'objectif mathématique est une transmission de connaissances. Le cours
n'est réservé, d'ordinaire, qu'aux questions fondamentales du programme
exigibles aux examens; on préfère donc "mettre en exercices" des points
plus marginaux. Il s'agit de compléter la documentation des élèves, tout en
leur laissant le soin d'achever quelques calculs ou quelques raisonnements.
La difficulté de résolution de l'exercice reste donc à l'arrière-plan...
Bien au contraire, elle constituerait même un facteur nuisible, dans la
mesure où elle entrave la transmission rapide de l'information. C'est pour-
quoi la technique la plus usitée de "mise en exercices" consiste à opérer un
découpage en une succession de questions très faciles : chaque fois qu'un
obstacle risque de surgir, l'énoncé révèle (et parfois "parachute') l'artifice
qui permet de la surmonter. La solution se réduit alors à une suite de
vérifications immédiates où ni l'imagination, ni la chance ne sont sollicitées.
C'est ainsi que sont rédigés plus de la moitié des exercices de Bourbaki;
il en est de même de la plupart des énoncés (qui ne se réduisent pas à une
ligne) que l'on trouve dans les manuels scolaires.
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Voici un exemple typique:


Exercice 1 Factorisation d'un trinôme bicarré
1) Factoriser les trinômes x4 + x2 + 1 et x4 + 1 en faisant apparaître des
différences de carrés.
2) Pour factoriser le trinôme x4 +px² + q (où p et q sont des nombres réels) on
distinguera deux cas:
a) Si p2 - 4q > 0, on utilisera le changement de variable X =x2 .
β) Si p2 - 4q < 0 , on démontrera que l'on peut écrire le trinôme sous la
forme (x2 + a)2 - 62x2 où a et b sont des nombres réels, à déterminer.
3) Appliquer ces méthodes à la factorisation des trinômes bicarrés suivants:
x4 - 13x2 + 36 9x4 - 6x2 + 1 x4 + 2x2 - 15
4x4 - 17x2 +4 3x4 + 16x2 + 5 x4 +2.2+9
On notera le caractère marginal du thème, et le "parachutage" de
l'écriture x 4 + px 2 + q = (x 2 + ϖq - ) 2 - (2ϖq − p)x 2 qui apparaît en ⇓).
Pour des raisons pédagogiques qui seront analysées (après l'exercice 4 bis)
on redouble de prudence dans le choix des indications fournies aux élèves.
L'objectif pédagogique, disions-nous, est d'informer les élèves sur des
points marginaux du programme. On aimerait attirer leur attention sur ces
curiosités, qui sont parfois les "perles" des mathématiques, que tout lycéen
cultivé devrait connaître. Malheureusement, il faut reconnaître que le ren-
dement pédagogique est rarement à la hauteur du but poursuivi. Trop
souvent, l'élève ne remarque même pas l'intérêt de ce qu'on lui présente et
il l'oublie aussitôt. La transmission de connaissance a échoué. Pourquoi ?
Pourquoi ? Eh bien ! , c'est parce qu'un élève n'est pas un ordi-
nateur ! Un ordinateur retient instantanément et indéfiniment tout ce qu'on
enfourne dans sa mémoire. Mais le professeur doit engager un véritable
combat contre toutes les possibilités de distraction de sa classe. Pour que
l'élève retienne un fait, il est souvent nécessaire qu'un élément affectif
vienne valoriser le renseignement: effet de surprise, de "suspense", d'admi-
ration, joie d'avoir surmonté une difficulté, sympathie qu'inspire l'infor-
mateur, etc. etc.
Or la technique usuelle de "mise en exercices" s'ingénie précisément à
éliminer tout élément affectif. On s'acharne, au contraire, à adopter un ton
neutre, impersonnel, terne, pour présenter les plus belles fleurs de la mathé-
matique.
SOMMAIRE 15

Exemple 2

La formule de Héron S = p(p-a)(p-b)(p-c) s'établit grâce à un calcul


élégant que l'on a intérêt à faire exécuter.
Mais il ne faut pas rater l'occasion de signaler que ce résultat a été obtenu
au premier siècle de notre ère, alors que le calcul algébrique n'était pas
inventé. Il s'agit donc d'un exploit digne d'admiration, et le professeur qui
suscite cette admiration ne perd pas son temps [6] , [15].
Lorsqu'on décide de présenter un résultat sous forme d'exercice
d'exposition, il est indispensable de faire connaître les raisons qui ont
motivé ce choix. Que l'élève sache par avance quel spectacle on l'invite à
admirer. Un exercice d'exposition devrait comporter un titre.
Exemple 3
Le problème de mathématiques élémentaires de l'agrégation masculine
(1929) était un médiocre problème de concours (considéré comme test).
C'est par contre un excellent exercice d'exposition. Il présente sous une
forme très économique (i.e. sans exiger beaucoup de connaissances
préalables) la géométrie non-euclidienne de Lobatchewsky [7].
Malheureusement, l'auteur du texte s'est gardé d'indiquer ce point capital
(sous prétexte de ne pas déborder le programme officiel du concours). Les
nombreux agrégatifs qui continuent à s'exercer sur cet énoncé, tout en
ignorant de quoi il s'agit, en tirent un profit pédagogique nul! Pourtant,
convenablement modifié, placé dans son contexte, cet énoncé remplace
avantageusement un long cours magistral sur la géométrie non-euclidienne.
Exercice 4
L'énoncé qui suit est tout à fait typique. Il illustre une faute pédagogique fort
répandue.
Soit P(X) le polynôme X(1 + X)n où n est un entier supérieur à 1.
1) Développer (1 + X)n par la formule de Newton, puis développer le
produit X(1 + X)n. On obtient ainsi une deuxième expression de P(X).
2) Calculer P'(X) en utilisant chacune de ces expressions.
3) Montrer que

⎛ n ⎞ +3 ⎛ n ⎞ +L+ n+1 ⎛ n ⎞ = n+2 2n-1


(A) 1+2 ⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ( )⎜ n ⎟ ( )
⎝1⎠ ⎝2⎠ ⎝ ⎠
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Qu'est-ce qui peut bien inciter un professeur à proposer cet exercice ?


Assurément, ce n'est pas le résultat final (A), trop particulier pour mériter
d'être connu et retenu isolément. Non! L'objectif est de faire connaître une
méthode d'usage fréquent, qui permet de calculer des sommes analogues.
Bref, il s'agit d'enseigner une méthode.
Celle-ci comporte trois artifices qui se camouflent derrière cet énoncé.
a) D'abord l'idée féconde suivante: une égalité numérique peut s'obtenir en
effectuant une substitution dans une identité littérale. Ici on associe au
premier membre de (A) la fonction génératrice

(B) 1+2 () ()
n
1
X+3
n 2
2
X +" +(n+1) () n n
n
X

Mais comme l'énoncé place la seconde question juste avant la troisième,


l'élève qui aura l'expression (B) sous le nez remplacera X par 1, sans
soupçonner qu'il s'agit là d'une construction ingénieuse et qu'il aurait dît être
capable d'inventer lui-même l'identité (B) pour obtenir (A). La portée et la
généralité de la méthode passent complètement inaperçues.
b) la seconde idée présente une utilisation possible des dérivées. A partir
d'identités connues, il est possible d'en déduire d'autres par dérivation ou
intégration.
(Ainsi, de l'identité d'Euler
(x-a)(b-c) + (x-b)(c-a) + (x-c)(a-b) = 0
on peut déduire l'identité de Stewart, par intégration).
Ici l'énoncé escamote soigneusement la généralité du procédé puisqu'il
fournit immédiatement le point de départ (la formule du binôme), le
procédé (la dérivation) et presque le résultat (la formule (A) ).
e) Si l'on tentait de dériver (1 + X)n au lieu de X (1 + X)n on n'aboutirait pas
exactement au résultat demandé. 1l serait intéressant d'inciter les élèves à
faire cette tentative et à imaginer un "coup de pouce" qui rétablit la solution.
Mais dans la version proposée par l'énoncé, il ne se passe décidément
rien! La rédaction est parvenue à rendre insipide une aventure qui aurait pu
passionner le débutant inexpérimenté. S'il s'agit d'un élève travailleur qui
connaît la formule de Newton et sait dériver un polynôme l'affaire est dans
le sac en cinq minutes, et, trois minutes après tout est oublié, puisqu'il ne
s'est rien passé, qu'il n'y a rien à retenir, et aucun enseignement à en tirer.
S'il s'agit d'un élève plu: faible, qui oublie ses leçons, le profit de
l'exercice est peut-être de l'obliger à s'en souvenir. Mais on doute que ce soit
là l'objectif que visait l'auteur de l'énoncé.
SOMMAIRE 17

On pourrait évidemment se borner à demander une démonstration de


la formule (A), sans fournir d'autres indications. Mais pour l'élève inexpé-
rimenté ce serait un problème (Cf.. chapitre 2). N'est-il pas cependant
possible de composer un exercice d'exposition qui ne gâche pas irrémé-
diablement le bénéfice de l'énoncé ?
Par exemple, on peut proposer la rédaction suivante:

Exercice 4 bis Une méthode de sommation


1) Démontrer la formule (A), en décrivant une identité classique,
convenablement modifiée.
2) Calculer de la même façon

1+2 () ()
2 n
1
+3
2 n
2
+" +(n+1)
2 n
n ()
Des professeurs pessimistes rétorqueront que leur classe est faible, que la
présence des coefficients (k) ne suggère pas suffisamment la formule de
Newton et qu'un tel texte exigera un temps de recherche trop long.
Voici donc une stratégie pédagogique qui ne prend pas plus de
temps que l'énoncé 4, mais qui étale l'opération sur plusieurs semaines.
On insérera l'exercice 4 bis dans une batterie d'exercices:
Dans un premier temps on demandera le calcul de

∑ ()
n
k
, ∑ (-1)()
k n
k
, et ∑ 2()
k n
k
pour k = n

laissant le soin aux élèves d'utiliser la formule du binôme, non mentionnée,


comme fonction génératrice.
D'autre part, on demandera le calcul
p o u r k = n d e Σ k x k-1 puis de Σ k x k
ce qui introduit les deux autres artifices mentionnés. Une semaine après
cette préparation pédagogique, on soumettra la première question de l'exer-
cice 4 bis. L'effort demandé ici se bornera à faire un rapprochement avec
des exercices antérieurs. Si ceux-ci sont oubliés, ce rappel sera hautement
salutaire. Puis, un mois après, on proposera la fin de l'exercice 4 bis, pour
contrôler l'assimilation de la méthode.
Un autre défaut du style de présentation parcellaire des exercices
d'exposition est particulièrement nocif lorsque l'énoncé est long: l'élève
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s'embourbe dans des vérifications successives, sans saisir le fil directeur de


l'énoncé. On atténuera cet effet fâcheux, en annonçant d'entrée de jeu le
sujet présenté dans l'exercice et on présentera l'idée générale de la méthode
utilisée avant de passer à l'exécution des étapes intermédiaires. Le plan doit
précéder sa réalisation.
Lorsque ce préambule n'aura pas été fourni au départ, le professeur
prendra soin de faire établir le bilan des étapes parcourues en fin d'exer-
cice. Comprendre un raisonnement c'est l'appréhender globalement et non
pas saisir chacun de ses syllogismes isolément.
En conclusion, la rédaction d'un exercice d'exposition ne doit pas
s'ingénier à épargner tous les efforts à l'élève. Elle doit au contraire
chercher à les doser et à les choisir en ne laissant subsister que ceux qui
concourent à l'objectif pédagogique visé : la transmission correcte de
connaissances.
Mais inversement, certaines connaissances peuvent s'acquérir à peu de
frais d'une façon totalement passive. C'est ce qui se passe dans les exercices
de contemplation.

Exemple 5
Il existe des fonctions continues dépourvues de dérivée en un point. Si l'on réalise
un dessin, en couleurs attrayantes avec quelques détails humoristiques représentant le
graphe de la fonction t—>| t | , et surtout de la fonction t—>t sin(1/t), avec sa
corde qui "frétille" au voisinage de l'origine et qu'on l'affiche dans la classe
pendant un mois, le phénomène se gravera certainement dans toutes les mémoires,
sans perte de temps ni effort excessif.
SOMMAIRE

CHAPITRE 2

LES PROBLEMES

L'éducation mathématique développe occasionnellement la mémoire, la


minutie, le sens pratique, les facultés d'abstraction, etc. Mais le plus
important est de cultiver l'intelligence qui est l'aptitude à faire face à des
situations nouvelles et à saisir des relations. C'est la recherche de "problè-
mes" qui est donc l'activité mathématique la plus importante.
Contrairement aux exercices d'exposition, le contenu mathématique
importe peu dans un problème. L'important est de susciter un élan de
curiosité et de déclencher un comportement de recherche.
Cependant notre système d'enseignement méconnaît gravement cet
aspect. Nombreux sont les étudiants qui sortent brillamment diplômés de
nos universités sans avoir vraiment résolu un seul problème de leur vie : il ne
leur est jamais arrivé d'être obsédé par une question pendant plusieurs
semaines, d'avoir lentement pris conscience de la nature des difficultés, et
d'aboutir à la suite d'un long processus à une illumination qui dévoile la
réponse.
SOMMAIRE 20

L'initiation à la recherche des problèmes va à l'encontre de certains


préjugés "moraux". La curiosité (abusivement confondue avec l'indiscrétion)
est souvent considérée comme un "vilain petit défaut" car "il ne faut pas
chercher à comprendre". Nombreux sont ceux qui se sentent coupables
lorsqu'ils "sèchent" longtemps sur un problème; ils ont à tort l'impression de
perdre du temps, alors que l'attitude plus efficace qui consisterait à se
reporter immédiatement à une réponse toute rédigée, nous semble au
contraire condamnable.
Tout enseignement mathématique digne de ce nom doit initier l'élève à
l'aventure du problème. Pour cela, l'éducateur devra briser bien des obsta-
cles extra-scolaires qui incitent à la passivité et au conformisme.
La recherche de problèmes n'est pas une activité scolaire compatible avec
des horaires stricts, réalisée en temps limité. Il est impossible d'exiger d'un
élève qu'il résolve un problème et remette la solution par écrit, à échéance
fixée. Le succès ne petit donner lieu à une bonne note; puisque l'échec ne
saurait être sanctionné. Il s'agit donc d'une activité libre, à laquelle on se livre
par goût d'une façon désintéressée. On comparera le statut du Problème,
dans l'enseignement des mathématiques, à la lecture des oeuvres littéraires,
ne figurant pas au programme, dans l'enseignement du français.
Le maître sèmera, de temps en temps, des idées de problèmes dans
l'espoir de récolter un comportement de recherche. Mais lorsque l'inspecteur
viendra passer vingt minutes dans la classe, il n'apercevra pas ce qui germe
dans la tête des enfants, et il ne pourra juger si l'initiative du professeur est
sur le point de porter ses fruits. Ainsi, s'agit-il aussi pour le maître d'une
activité gratuite, à laquelle il n'est pas réglementairement astreint.
Cependant la résolution d'un problème est une aventure d'une telle
intensité qu'elle fait date dans la mémoire de tous ceux qui l'ont vécue.
Heureux le professeur qui la révèle à ses élèves!
On pense généralement qu'il s'agit là d'une activité réservée aux seuls
génies cri herbe. Il n'en est rien'.
De très jeunes enfants, des débiles mentaux et même (les animaux
parviennent à résoudre des problèmes [8] . La seule différence est que des
individus d'intelligence exceptionnelle résoudront des problèmes très diffi-
ciles, alors que des gens moins (loués ne viendront à bout que de questions
compatibles avec leur niveau. L'histoire ou la légende relate les Eurékas
SOMMAIRE 21

mémorables d'Archimède, Newton ou Gauss, mais on ne prend pas la


peine de conter comment des individus moins doués ont découvert des
vérités de La Palice.
Cependant les comportements de recherche sont analogues, bien que
plus maladroits.
Exemple 1
Dans une classe de quatrième, réputée faible en mathématiques, les élèves
n'avaient encore résolu que des exercices d'exposition, jalonnés d'indi-
cations qui conduisaient à la solution.
C'est alors que le professeur, s 'inspirant d'une idée d'André Myx,
dessina la figure suivante au tableau, où les segments fléchés sont parallèles à
l'un des côtés du triangle eu traits pleins. Il suggérait ainsi à la classe de
déceler une particularité de cette figure. La "question" était proclamée
facultative, ne donnant lieu à aucune note: aucun délai n'était fixé.

Il n'en fallu pas plus pour susciter le désir de se mettre au travail...


C'est l'effort librement consenti qui est toujours le plus joyeux, donc
le plus profitable.
La semaine suivante, le professeur fut harcelé de questions à la fin du
cours, sur ce qui était vraiment demandé. La seule indication fournie fut
l'incitation à dessiner soigneusement de nombreuses figures pour observer le
phénomène. Ce ne fut que la semaine suivante que quelques groupes
émirent l'opinion qu'il semblait plausible que la ligne, convenablement
prolongée devait se refermer... Le professeur résista à la tentation de souffler
la réponse et de dicter un corrigé. Enfin, la semaine suivante quelques élèves
parvinrent à démontrer la conjecture.
SOMMAIRE 22

Certains souriront peut-être, en pensant qu'il a fallu trois semaines à


ces élèves faibles pour venir à bout d'une question triviale. Mais pour les
lycéens concernés, il s'agit - n'en doutons pas - d'une étape qui fera date
dans leur formation mathématique. Ce sera le premier problème qu'ils
auront résolu sans aide. Quiconque a déjà résolu un problème, en
résoudra ultérieurement d'autres, qui ne seront pas nécessairement aussi
faciles. Un palier décisif dans l'éducation mathématique sera ainsi franchi.
Cet épisode comporte un autre enseignement pédagogique: la recher-
che d'un problème peut être fort longue et le maître doit résister à la
tentation de "dicter un corrigé" trop tôt. De nombreuses observations
révèlent que des professeurs, sceptiques sur l'aptitude de leurs élèves à
surmonter des difficultés, ont eu la surprise d'être démentis par les faits,
mais dans des délais beaucoup plus longs qu'ils croyaient raisonnables
d'octroyer au départ.
Nous sommes très mauvais juges pour estimer la difficulté d'une
question pour nos élèves. Le mathématicien adulte sous-estime certaines
difficultés, même pour les débutants doués.

Exemple 2
A Moscou, dans une classe d'élite, un jeune vainqueur d'Olympiade mit
plus de quinze jours pour réinventer la démonstration de la continuité du
produit de deux fonctions continues. Le "truc" est pourtant classique; mais
a quatorze ans, le champion l'ignorait. Et, après tout, cet artifice n'est pas
si facile à redécouvrir ! (f(x) g(x) − f(x) g(a) + f(x) g(a) − f(a) g(a)) .
Inversement un professeur qui n'aurait jamais résolu un problème lui-
même sera tenté de sous-estimer la possibilité d'en résoudre. Au lieu
d'encourager l'élève à la persévérance dans la recherche, il aurait plutôt
tendance à freiner l'initiative. Il pensera: "Ne cherchez pas ! vous n'y
arriverez jamais, c'est impossible à trouver! ".
L'entraînement à la recherche de problèmes, (l'heuristique) est donc un
des éléments les plus importants dans la formation mathématique des maî-
tres.
Dans un problème ce n'est pas le contenu mathématique, c'est l'inci-
tation à un comportement de recherche qui importe. Un problème perd de
sa valeur, dès que la réponse est connue.
SOMMAIRE 23

Exemple 3
L'intérêt du problème diophantien de Fermat (an + bn = cn) ne tient pas à sa
réponse éventuelle: à quoi nous servirait-il de savoir qu'il existe un nombre
n, qui s'écrirait avec cinquante chiffres dans le système décimal, pour lequel
l'équation de Fermat admettrait une solution non triviale ?
Mais l'énoncé est si court, si simple que son apparence facile a exercé une
réelle fascination sur des générations d'amateurs, qui ne soupçonnaient pas
la nature de la difficulté et ignoraient les travaux de Kummer sur ce sujet.
Un bon énoncé de problème doit "appâter" adroitement l'élève sous une
apparence anodine. Mais dès qu'on s'y essaie, on se sent empoigné à mesure
que la solution se dérobe. Le véritable connaisseur refuse alors de se laisser
souffler la réponse en même temps qu'il désire ardemment la trouver.
Un énoncé de problème se rédige d'une façon radicalement différente
d'un exercice d'exposition. On ne jalonnera l'énoncé d'aucune indication
susceptible de dévoiler les "astuces". Au contraire il y a un art de dissimuler
la difficulté, de provoquer le défi, de proposer des enjeux (non
nécessairement matériels), de stimuler le désir de vaincre. Ce camouflage de
la solution n'est pas motivé par le désir cruel de faire chercher inutilement,
mais au contraire de provoquer l'effet de surprise lorsque la réponse se
dévoilera: il s'agit de renforcer le contraste entre l'obscurité initiale et
l'évidente simplicité de la réponse... lorsqu'on l'aura trouvée.
Pendant la durée de la recherche, il y a un art de relancer l'intérêt et
d'encourager à persévérer, tout en se retenant de révéler la réponse.
On trouve beaucoup d'énoncés de problèmes dans les recueils consacrés
aux Olympiades [9], [10], [11], [12], [12 bis], ainsi que dans la rubrique
spéciale de l'"American Mathematical Monthly". Signalons en particulier, la
compétition William Lowell Putnam, dont les résultats sont relatés dans
cette revue américaine.
Pour développer l'art de poser des problèmes, le pédagogue pourra
s'inspirer de l'oeuvre de Samuel Loyd (1841 - 1911) [13], [14]. Ce génial
compositeur de puzzles a alimenté les magazines américains de devinettes,
charades, rébus, etc. d'une rare subtilité. C'est un des maîtres de la
composition du problème d'échecs; il a aussi composé, des problèmes de
bridge. Mais il est surtout inégalable dans sa façon d'envelopper sa
marchandise, de présenter quelques questions mathématiques apparemment
sans intérêt sous une forme provocatrice qui incite à vouloir la résoudre.
Examinons d'abord, à titre d'exemple, le puzzle suivant:
SOMMAIRE 24

Exemple 4
Trouver l'ensemble des points A du globe terrestre tels qu'en partant de A, en se
déplaçant d'abord de mille kilomètres vers le sud, puis de mille kilomètres vers l'est
et enfin de mille kilomètres vers le nord, on se retrouve au point A.

Voilà bien un énoncé diabolique! N'importe qui trouvera facilement


un point A répondant à la question et pensera d'abord que c'est le seul... Il
trouvera la question sans intérêt. Avant ainsi perdu nue première fois son
pari, il finira par trouver un autre ensemble (moins évident) de points A.
Mais las ! il ne sera pas encore au bout de ses peines.
Un premier genre de problèmes a pour prototype l'Oeuf de Christophe
Colomb: la découverte de sa solution ne semble dépendre que d'un heureux
hasard! Cependant, lorsqu'on se donne la peine d'analyser la démarche d'un
esprit qui parvient à le résoudre, il est rare que l'on ne trouve pas une voie
naturelle qui mène à la réponse.
On appelle heuristique l'étude de ces cheminements de pensée.

Exemple 5
Analyser les associations d'idées qui peuvent conduire à multiplier sin x + cos x par
2
2
pour aboutir à l'identité
sin x + cos x = 2 sin (x + π4 )

2
Si, au premier abord, la multiplication par est un " Deus ex
2
machina" inexplicable, on conviendra qu'au terme d'une telle analyse, il est
bien naturel de rapprocher sin x + cos x de l'expression
cos a sin x + sin a cos x dans le cas où cos a = sin a . On y est d'ailleurs
conduit plus naturellement, à la suite de l'étude expérimentale d'un
"mouvement vibratoire" a cos x + b sin x .
Celui qui prend la peine d'examiner les voies qui l'ont conduit à
résoudre un problème, fait des progrès rapides car il est rare qu'un ensei-
gnement de portée générale ne puisse être tiré de chacune de ces aventures
de recherche particulières [15] . D'autres problèmes exigent moins de
"génie". Leur difficulté provient d'une accumulation de petites difficultés.
SOMMAIRE 25

Problème 6
Pour quels entiers n>3 existe-t-il deux nombres réels a et b (0 <a <b) et un
ensemble E de n points du plan euclidien tel que la distance de tout couple
de points distincts de E soit égale à a ou à b ? [9] Vol.2, problème 108 a.
On constate en première analyse, que la solution résulte d'un examen
détaillé de divers cas de figures. Pour n = 4 , on obtient six valeurs de b
correspondant à a = 1. Chacun des cas particuliers n'est pas difficile.
Néanmoins, il s'agit bien d'un problème, dans la mesure où le chercheur doit
imaginer un plan d'attaque et mener à bien un long programme.
(Évidemment ce plan ne doit pas être fourni par l'énoncé).
Résoudre un problème, c'est souvent le réduire à une suite de nombreuses
vérifications. Il s'agit d'insérer, entre les données et la réponse, une chaîne de
questions faciles. Mais la difficulté consiste à imaginer l'itinéraire de pensée qui
conduit à la conclusion.
Il convient d'entraîner les débutants à intercaler une ou deux étapes
intermédiaires dans une démonstration. Un professeur d'enseignement
secondaire doit être apte à trouver les quatre ou cinq chaînons qui inter-
viennent dans un problème: les mathématiciens professionnel, échafaudent
couramment des raisonnements qui nécessitent la découverte d'une cin-
quantaine d'intermédiaires. Pour y parvenir, ils s'imprègnent progres-
sivement, pendant des mois, de la compréhension du problème; et peu à
peu, ils prennent conscience des difficultés partielles qu'ils auront succes-
sivement à surmonter.
"Toutes les fois qu'une difficulté se présente, nous devons être capables de
reconnaître aussitôt, s'il est possible d'examiner préalablement certaines
choses, quelles elles sont et dans quel ordre il faut les exami-
ner" (R. Descartes - Règles pour la direction de l'esprit - Règle VI).
Dans les raisonnements les plus quotidiens, on a souvent à atteindre un
but, où l'on ne connaît que la situation initiale et le résultat escompté: on
ne dispose généralement pas d'un professeur complaisant qui vient mâcher
la besogne, cri nous soufflant l'ordre (les opérations à effectuer. N'importe
quel mécanicien qui recherche la panne d'un moteur, ou n'importe quelle
couturière, avant de donner le coup de ciseau irréparable, doivent appren-
dre à aborder une difficulté et à réfléchir au "timing" avant d'entreprendre
une série de tâches. Il s'agit donc d'un entraînement qui n'est pas exclu-
sivement réservé aux seuls futurs chercheurs mathématiciens.
SOMMAIRE 26

Une technique pédagogique qui conduit l'élève à planifier préala-


blement la recherche d'un long problème consiste à biffer systémati-
quement quelques questions intermédiaires dans un long énoncé
d'exercice d'exposition.
On peut aussi indiquer clairement, en début d'énoncé, l'objectif visé;
puis énumérer en vrac une liste d'indications qui pourraient s'avérer utiles
pour atteindre ce but. On demande alors à l'élève d'organiser ces indi-
cations dans l'ordre qui mène à la solution.
Exemple 7
On trouve dans [16], pages 95 et 97, la marche à suivre pour démontrer les
trois tautologies classiques:
(1) P ou ←P (théorème du tiers exclus)
(2) P ⇒ ←←P (premier théorème de la double négation)
(3) ←←P ⇒ P (deuxième théorème de la double négation)
en partant des quatre axiomes de Hilbert - Ackermann et des critères de
déduction dûment formulés.
D'après [16], il faut cinq, sept et quatorze chaînons de raisonnement
pour démontrer respectivement les trois tautologies.
Chacun de ces chaînons est immédiat, mais la découverte de l'enchaî-
nement qui conduit à la démonstration de (3) devrait prendre plusieurs
semaines d'effort à un chercheur ignorant la question.
Ce problème pourrait inciter le professeur à une réflexion heuristique: il
demandera, par exemple, de reconstituer la démonstration de (1) et il
observera scrupuleusement le comportement de recherche des élèves qui
aboutissent en fin de compte à la réponse.
On peut évidemment proposer ce problème, dans le style d'un exercice
d'exposition, en découpant l'énoncé en 14 intermédiaires: c'est sans intérêt.
Une autre technique consistera à présenter ces 14 intermédiaires dans un
ordre arbitraire, demandant aux élèves d'organiser la démonstration en
reconstituant l'enchaînement.
Enfin, on peut se borner à ne fournir que 4 ou 5 des intermédiaires. La
méthode de recherche consistera alors à constituer systématiquement, par
analyse et synthèse, (Cf [17] p. 108) des chaînes de déductions partielles. On
essaiera ensuite de les placer bout à bout. Et pour finir, lorsqu'on aura
trouvé une démonstration, on tentera de trouver des raccourcis aux longs
trajets préalablement obtenus.
SOMMAIRE 27

Ce problème rentre dans la vaste catégorie des problèmes de reconsti-


tutions, chers aux archéologues, aux amateurs de romans policiers et aux
joueurs de bridge (lorsqu'ils essaient de deviner la composition des mains
adverses). E n algèbre et en géométrie, ils interviennent constamment
lorsqu'on doit opérer des constructions, lorsque l'énoncé ne décrit qu'une
portion de la figure ou de la formule. Il convient d'abord de retrouver des
éléments manquants. (Cf. exemple 2, ci-dessus).
Pour éveiller la curiosité, le professeur dispose d'un large éventail de
techniques pédagogiques: il pourra proposer des problèmes ouverts, basés
sur des conjectures dont on ne sait pas à priori s'il faut les démontrer, ou
les réfuter en construisant un contre-exemple; il pourra modifier un énoncé
de façon à le transformer en problème ouvert [19].
On présentera aussi des énoncés non formulés, tels que l'exemple 1, ou
encore l'énigmatique:
Exemple 8
24 = 42
qui peut susciter diverses recherches selon les questions que l'on voudra
bien se poser à son propos.
Pour clore ce chapitre citons deux sortes de problèmes dont il ne faut
pas abuser: les casse-tête, dont la solution s'obtient après de longs tâton-
nements sans qu'une méthode rationnelle ne soit susceptible d'abréger les
essais, et les devinettes où cet élément rationnel est totalement absent.
SOMMAIRE
SOMMAIRE

CHAPITRE 3

LES EXERCICES DIDACTIQUES

La pédagogie traditionnelle insistait surtout sur l'acquisition des méca-


nismes de base. La pédagogie nouvelle s'attache d'abord à la compréhension
des notions étudiées; mais elle ne néglige pas l'apprentissage de l'auto-
matisme dans l'emploi des notions comprises. Les exercices didactiques
doivent être spécialement composés pour s'y entraîner. En anglais une telle
question se nomme drill.
Les manuels contiennent, en fin de chapitre, de longues listes d'exem-
ples numériques qui sont des applications immédiates du cours. Leur intérêt
ne tient ni au contenu scientifique, ni à la difficulté. Au contraire, ces
exercices doivent être exécutés instantanément, sans tâtonnement, ni hési-
tations. Pour les réussir (oralement, mentalement, par écrit ou au tableau) il
suffit de connaître le cours et d'être soigneux. On peut donc exiger que
tout élève les réussisse avec aisance, sécurité, rapidité. Ces énoncés s'adap-
tent particulièrement à la vie scolaire, et aux restrictions d'horaires: leur
durée d'exécution est facilement prévisible, et ils s'accommodent aisément
d'une différence de niveau entre les élèves d'une classe. Enfin, ils inter-
viennent tout naturellement dans les examens: le correcteur n'a pas de
SOMMAIRE 30

difficultés ni de scrupules à les noter. Il est très difficile d'apprécier si un


candidat a acquis un niveau de culture compatible avec certains grades,
mais il est aisé de vérifier objectivement qu'il sait effectuer les quatre
opérations, résoudre une équation du second degré, calculer une dérivée ou
rédiger un raisonnement par récurrence. Nombreux sont les professeurs ou
les manuels qui semblent ne connaître que cette catégorie d'exercices. Ils
conçoivent leur enseignement comme une préparation exclusive à un
examen dont le programme comporte une liste exhaustive de questions-
types auxquelles il suffirait d'entraîner les élèves. Même s'ils enseignent
dans une classe où l'année scolaire n'est pas sanctionnée par des épreuves,
on entrevoit cette conception pédagogique dans leur façon d'enseigner.
En réaction à cette vue étroite, d'autres pédagogues condamnent les
énoncés didactiques qui se résolvent en appliquant mécaniquement une
règle, en se livrant à une liste de vérifications fastidieuses, sans jamais faire
appel à l'intelligence.
Ces deux points de vue sont excessifs. Le professeur dispose d'une
palette étendue de techniques pédagogiques dont il doit se servir avec
éclectisme. L'enseignement doit comporter une part de "dressage", limité
dans ses objectifs, mais néanmoins indispensable. Pour y parvenir il faut
user d'exercices spécialement composés dans ce but; il rie faut pas en
abuser. Un énoncé didactique est en général facile et -banal pour l'élève.
Mais le pédagogue doit faire preuve de beaucoup d'ingéniosité pour y doser
les répétitions (qui ne doivent pas être trop fastidieuses) et les progressions
(ce qui demande une bonne compréhension des processus d'apprentissage
des élèves). Généralement, les exercices didactiques se présentent sous
forme de batteries, où chaque question isolée n'offre guère d'intérêt, mais
où l'agencement est primordial.
Exemple 1
Tout livre de calcul, destiné à l'école élémentaire, contient des listes de
divisions à effectuer. Il peut sembler que les auteurs y choisissent au hasard
des dividendes et des diviseurs. Un examen approfondi des meilleurs
ouvrages révèle au contraire un choix délicat, -dont l'élève n'est pas
conscient. On commence par ne faire intervenir que les tables de multipli-
cations "faciles" (1, 2 ou 5) puis on introduit progressivement d'autres
chiffres. Ce n'est que tardivement qu'apparaissent des zéros intercalés au
quotient, puis des divisions telles que 20 929: 299 qui cumulent de grosses
difficultés (pour un écolier de dix ans! ).
SOMMAIRE 31

De telles subtilités aident considérablement l'enfant dans son appren-


tissage. De même la confection d'un abécédaire peut sembler facile à bâcler.
Cependant, dans l'Antiquité, les enfants apprenaient à lire dans des livres
d'adultes, philosophiques et abstraits, et il leur fallait quatre ou cinq ans
pour lire couramment. Aujourd'hui, grâce à un matériel scolaire adapté au
langage enfantin, on parvient à un meilleur résultat en quelques mois. La
pédagogie des mathématiques semble très en retard sur d'autres disciplines,
dans sa réflexion sur les exercices d'entraînement. L'enseignement public
des mathématiques ne date guère que d'un siècle et demi, la notion
d'exercice n'apparaît que vers 1820. Quel contraste avec l'éducation
musicale! Il est remarquable que les plus grands musiciens (Jean -Sébastien
Bach, Chopin, Schumann) n'aient pas dédaigné de s'associer à l'effort
didactique. Et des pédagogues prestigieux ont mis au point des "Gradus ad
Parnassum" de plus en plus efficaces dans l'enseignement des virtuoses en
herbe.
Y a-t-il un grand mathématicien, dont les oeuvres complètes se rehaus-
sent d'un "Petit livre du clavecin de Magdalena Bach", de deux recueils
d'Études, ou d'un "Album pour la jeunesse"? Il n'y a guère que ce vieil
original de Lewis Carroll qui ait consacré des efforts à ce travail pédago-
gique ingrat: sa batterie d'exercices didactiques, consacrée à l'Algèbre de la
Logique est justement célèbre [19], mais elle constitue une tentative isolée.
Des psychologues et des docimologistes affirment que plusieurs années
de tâtonnements leur sont nécessaires pour mettre au point une batterie de
tests. Cela devrait s'appliquer également à la rédaction des exercices didac-
tiques.
Un premier type porte sur des exemples d'illustration, qui suivent sans
délai l'énoncé d'une définition, d'un théorème ou d'une règle. Ils facilitent
l'analyse des mots et des idées de cet énoncé. On y mêlera des questions de
mise en garde contre des interprétations erronées.
Exemple 2
Dès que l'on aura défini "le degré d'un polynôme" on demandera de trouver le de-
gré de :
3x2 + 1 3x3−5x − x3 − 2x2 − 2x3 − 1
2x − x + x − 1
3 5 ax2 + 5x + 1
Ce dernier exemple attire l'attention sur l'éventualité a = 0 . On pourra
glisser x2 + x1 parmi des exemples pour s'assurer que les élèves ont compris
SOMMAIRE 32

que la définition ne s'applique qu'à des polynômes!


Un second type est constitué par des batteries d'exercices d'entraî-
nement, destinés à acquérir l'aisance, la rapidité et la sécurité dans l'exé-
cution d'une tâche. Il s'agit de provoquer la répétition d'un comportement
jusqu'à ce que l'automatisme soit atteint. Mais comme ce rabâchage risque
de lasser, on prendra soin d'introduire à l'improviste un peu de fantaisie
soit dans l'énoncé, soit dans la réponse.

Exemple 3
Au milieu d'un paquet d'équations du second degré on pourra placer des exemples
tels que:
1 000x2 − 1 001 x + 1 000 = 0
x2 − 2x + 1 − a4 = 0
Parmi une liste de divisions, on proposera à l'écolier :
1 699 983 : 17 (qui conduit au quotient 99 999).
Pour introduire ainsi un élément esthétique dans les énoncés, on pourra
puiser dans le florilège des "beaux calculs" que l'on trouve dans l'oeuvre
d'Euler, de Cauchy, ou d'Hermite. Cela nécessitera parfois un effort
d'adaptation:

Exemple 4
Pour initier le débutant au maniement des exposants, on peut utiliser les fonctions
hyperboliques. Mais comme la fonction ex n'est pas assez élémentaire pour être
présentée à ce stade, on pourra songer à poser :
1 n 1 n -n
C(n)=
2
(10 +10-n ) S(n)=
2
(10 -10 )
et reprendre tous les calculs de la trigonométrie hyperbolique (formule d'addition,
transformation de sommes en produits, etc...).
On pourrait objecter que les fonctions hyperboliques ne prennent
toute leur signification que dans le cadre des fonctions analytiques d'une
variable complexe, et que ce n'est vraiment pas à des élèves de quatrième
que l'on peut exposer artificiellement ces questions. Mais il ne s'agit
nullement d'exposer une théorie. On se propose ici d'entraîner l'élève au
calcul formel, et pour cela on désire exploiter une mine d'exemples élégants.
SOMMAIRE 33

En troisième lieu, on peut faire acquérir un savoir-faire à l'aide d'une


batterie progressive d'exercices. On commence par les exemples les plus
simples, et on injecte de nouvelles difficultés à dose homéopathique.

Exemple 5
Pour apprendre à simplifier les fractions, on pourra proposer une vingtaine
d'exemples numériques commençant par
4 20 300
; ; ; etc.
6 30 600
en passant par:
101 3 003 20 402
; ; ; etc.
201 5 005 30 603
jusqu'à
594 823 321
416 118 303
L'on notera que cette dernière fraction poserait un véritable problème
si la progression des exemples qui la précède n'avait constitué une prépa-
ration méthodique.

Exemple 6 [20]
Factoriser les sommes suivantes:
35 km +9 km − 0,5km 7F + 3F − 5F
5 douzaines + 3 ⋅ 12 − 48 am2 + bm2 − 2m2
a2 − ab + 2a ax − ay + a
ax2 + bx − x2 xy2 + x2y − x4y4
a (ζ +η ) − b (ζ +η ) 2x + 4y − 6z
x (1 + ) − (1 + ) y
x
2
x
2
a x+1 -b x+1-(x+1) a
am + n.bm + an.bm + n
En préparant une telle batterie on prendra des précautions pour que
l'élève qui vient de faire les premiers calculs ne renonce à continuer, en
pensant que "c'est toujours la même chose". Pour mettre un peu de variété
dans une suite d'exercices de routine, on pourra songer aux artifices
suivants:
Répétition d'un thème, plusieurs fois au cours d'un seul exercice.
SOMMAIRE 34

Exemple 7 [20]
Après avoir fait factoriser:
(a +c)2 - (b +c)2 (x+ y)2 - (x − y)2 etc.
on pourra continuer par:
(13x2 − 5y2)2 − (12x2 + 4y2)2 (a2 + b2 − c2)2 − 4a2b2
(a2 + b2 − 8)2 − (2ab − 8)2 4(ab + cd)2 − (a2 + b2 − c2 − d2)2
...etc…

Transformation d'un exercice de vérification en un exercice de reconstitution


Exemple 8
Au lieu de demander de vérifier qu'une relation définie entre deux ensem-
bles grâce à un schéma sagittal représente une application (respectivement
injection, surjection, bijection, etc.), on peut fournir un schéma sagittal où
l'on demande d'ajouter ou de retrancher une ou plusieurs flèches de façon
à obtenir une application (respectivement injection, etc...).
Ces techniques permettent de rompre avec la routine des longues
vérifications d'axiomes, que l'on inflige si souvent de nos jours.
De plus, pour maintenir un état de vigilance, il est bon de glisser de
temps en temps un exemple où une propriété que l'on demande de vérifier
n'est pas réalisée.
Le champ d'utilisation des exercices didactiques ne se réduit pas à la
fixation des connaissances, ou à l'acquisition d'un automatisme dans le
maniement d'un algorithme.
Par exemple, on peut songer à développer l'aptitude à raisonner: cela
requiert des exercices appropriés sur l'usage du langage, l'emploi des défini-
tions, et l'énoncé de propositions. On peut de même exercer à utiliser la
logique, à enchaîner des arguments et à arracher la conviction d'un inter-
locuteur. L'élève qui parvient, pour la première fois de sa vie, à échafauder
un raisonnement revit le "miracle grec", avec cinq mille ans de retard. Pour
faire revivre ce miracle, le professeur doit disposer de petites questions,
mettant en jeu des structures suffisamment simples pour qu'un jeune
enfant puisse les maîtriser, et assez complexes pour conduire à des résultats
non triviaux et surprenants. Par exemple, dans ce domaine, la géométrie
affine à 9 éléments qui s'obtient à partir de Z3 X Z3' (où Z3 est le corps à
trois éléments) constitue un matériel de choix. Mais, par contre, la géomé-
SOMMAIRE 35

trie à 4 éléments est trop simple pour frapper l'imagination et être faci-
lement comprise. Le fait, par exemple, que toute partie à 2 éléments y est
une "droite" prépare des confusions ultérieures. Des exercices convenables
doivent entraîner l'élève aux divers types de raisonnements classiques.
(raisonnement par l'absurde, par récurrence, etc...). Enfin, on peut imaginer
des exercices de rédaction destinés à former le style écrit des élèves. On
objectera que n'importe quel devoir écrit devrait donner lieu à une
rédaction soignée. Mais la mise en forme présente parfois des difficultés
spéciales auxquelles il faut s'exercer à faire face.
Exemple 9
Demandez à un boy-scout habile à faire les noeuds classiques de décrire l'un d'eux
dans une conversation téléphonique. Essayez donc d'expliquer ce qu'est un noeud
coulant sans faire référence à un dessin ou à une ficelle !
Pour exposer un raisonnement, on dispose de divers langages : le
symbolisme logique, les organigrammes [21], les figures dessinées, et le
langage mathématique ordinaire. On pourra proposer des exercices de
traduction entraînant les élèves, par exemple, à rédiger une démonstration
qui est présentée sous forme d'organigramme.
La réalisation de dessins permettant de représenter des figures
géométriques doit donner lieu à diverses batteries d "exercices,
particulièrement lorsque les élèves abordent la géométrie dans l'espace pour
la première fois.
L'entraînement didactique est le domaine de prédilection (et à peu prés
le seul) de l'enseignement programmé. (Cf à titre d'exemple: Utilisation de
la Table de Trigonométrie. Édité par l'l.R.E.M. de Grenoble).
Cet aperçu montre clairement que la recherche pédagogique des divers
moyens d'entraînement aux activités mathématiques, n'en est encore qu'à
ses premiers balbutiements.
SOMMAIRE
SOMMAIRE

CHAPITRE 4

EXÉCUTION DES TACHES TECHNIQUES

Le calcul de routine a mauvaise réputation! Aux démonstrations


basées sur des vérifications ennuyeuses et obscures, on préfère l'argument
simple et direct qui met en lumière la structure de la situation étudiée.
Conformément à la formule de Lejeune-Dirichlet, la science tend à "substi-
tuer les idées au calcul".
Mais certains progrès scientifiques ne prennent leur pleine valeur que
s'ils s'achèvent sur une réalisation précise, minutieuse, soignée:
Ainsi, le 20 juillet 1969, l'homme prend pied sur la Lune, à trois
mètres du but assigné, à quelques secondes de l'instant choisi.
Cette performance s'appuie certes, sur la connaissance de nombreux
principes scientifiques acquis au cours des siècles. Mais elle ne saurait se
comparer aux vagues projets velléitaires qui s'expriment - faute de mieux -
dans les anticipations de Jules Verne. Pour passer des rêvasseries à la réalité,
il a fallu dresser un plan minutieux, prévoir le déroulement de l'exploit et
envisager les accidents possibles dans les moindres détails. Les réalisateurs
devaient s'imprégner d'une volonté de réussir, de ne rien négliger ... chacun
à son poste.
SOMMAIRE 38

De même, la pédagogie des tâches techniques cherche à obtenir, en


premier lieu, une prise de position morale : il s'agit d'adopter une attitude
de respect et d'exigence vis-à-vis du travail bien fait. Inversement, on
n'éprouvera aucune indulgence pour le dilettantisme verbeux. Pas de fai-
blesses pour les "petites erreurs-pas-très-graves", les fautes d'inattention ou
de transcription; aucune circonstance atténuante pour la banale faute de
virgule qui ne fournit qu'un résultat mille fois trop grand!
Donc, à côté des problèmes nobles dont la solution fait appel à
l'intelligence, il convient d'entraîner nos élèves à exécuter des tâches techni-
ques avec suffisamment de soin et de minutie pour qu'ils puissent assumer
la responsabilité de leur réponse.
L'exécution d'un tel travail doit être précédée d'une préparation morale
qui n'est pas sans rappeler la concentration de l'athlète aux Jeux Olym-
piques. L'élève doit prendre la résolution de trouver le résultat demandé, et
il doit craindre, s'il échouait, d'éprouver l'espèce de honte que ressentent les
incapables, les bons-à-rien.
Car la difficulté tient essentiellement à l'absence de difficultés: l'exer-
cice demandé est facile en lui-même; par conséquent on aurait tendance à
se laisser aller à le bâcler. On doit s'assigner comme objectif la réalisation
correcte d'un travail minutieux, qui ne demande que du soin et de la
patience... Et on doit parvenir à le mener à bien, sans se tromper.
Supposons donc, qu'à la suite de toutes les motivations souhaitables,
on décide d'entreprendre un calcul long et minutieux. Auparavant, on s'est
livré à une étude théorique suffisante, qui dispense de tout effort
d'invention en cours d'exécution.
Après s'être mis en condition morale pour réussir, il faut s'organiser
matériellement, dans un endroit calme, à l'abri des distractions ! On se
munira d'une quantité de papier suffisante, car un tel calcul ne s'exécute
pas sur un confetti. On préparera les documents numériques et les instru-
ments de calcul sur une table préalablement rangée. Tout ce cérémonial
témoigne que l'on est bien décidé à effectuer un calcul sans faute.
On préparera alors un tableau de calcul, un cadre où chaque nombre
sera écrit dans un emplacement prévu, à raison d'un chiffre par carreau. Les
additions seront disposées en colonnes verticales et non pas en zig-zag (pour
éviter une faute stupide, mais courante).
Si le travail devait s'étendre sur plusieurs pages, on l'effectuera en
quinconce pour éviter les fautes de report. Autrement dit, on utilisera les
SOMMAIRE 39

pages dans l'ordre 1, 3, 2, 5, 4, 7, 6, etc... ce qui permet de recopier


facilement un résultat, tout en gardant la page précédente sous les yeux.
Tout ce calcul doit s'effectuer directement au propre. On n'inscrira un
chiffre à sa place, qu'après avoir la certitude qu'il est correct. Tout au plus,
disposera-t-on d'une ardoise auxiliaire sur laquelle on répétera les opéra-
tions, plutôt que de couvrir un papier douteux de calculs en spirale !
Chaque fois que ce sera possible on ménagera des vérifications. En parti-
culier, on effectuera auparavant une estimation de l'ordre de grandeur de
l'inconnue. Ici le nombre 7r sera remplacé par 3 et l'on arrondira systé-
matiquement les résultats. On pourra utiliser systématiquement la règle à
calcul.
L'exécution du calcul proprement dit ne s'effectue pas nécessairement
dans l'ordre du tableau de calcul. Par exemple, s'il est nécessaire de chercher
la valeur du sinus et de la tangente d'un angle a, on n'ouvrira la table de
fonctions trigonométriques qu'une seule fois, même si sin α et tg α inter-
viennent à des étapes éloignées du calcul.
Tout ce qui vient d'être dit s'applique avec des modifications évidentes
à l'exécution d'autres tâches techniques: le calcul algébrique, la program-
mation, la statistique, la cartographie, la construction de modèles, et les
techniques de dessin.
L'usage des instruments de dessin les plus divers - parmi lesquels il faut
ranger sans fétichisme, mais sans exclusivité, la règle et le compas - est
fondamental dans la formation mathématique des élèves.
Nous partageons sans restriction les critiques qui ont été adressées à la
géométrie descriptive ([22], p. 980-981) prétendue science ne présentant
que très peu d'intérêt pratique. Mais il est indispensable de remplacer cet
exercice désuet par d'autres travaux qui entraînent au maniement des
instruments de dessin: la perspective, la représentation graphique des
fonctions, la construction d'abaques ou la confection d'organigrammes
divers.
L'exécution de tâches techniques demande beaucoup de temps: c'est
pourquoi, il n'est pas possible d'en abuser. Cependant, on organisera dans
chaque classe, au minimum une ou deux séances sérieuses dans l'année, qui
suffiront à donner de l'intérêt à l'opération sans lasser. Dans certaines classes
plus spécialisées, il conviendra de réserver un temps plus long à
l'entraînement: car, par exemple, ce n'est qu'au prix de certaines répé-
titions que l'on apprendra à programmer.
SOMMAIRE 40

Quels sont les énoncés susceptibles d'exercer les élèves à cette disci-
pline ? Il est indispensable de choisir des tâches assez longues, dont toutes
les difficultés théoriques puissent être préalablement élucidées.
Voici un exemple, tiré du livre de H. Steinhaus [23]
Exemple 1 A L D
ABCD: carré de côté
unité. Il est divisé en
sept rectangles de mê- E H P M
me aire.
Question:
Quelles sont les dimen-
sions de chacun de ces
sept rectangles !
Méthode:
On pose EB = x O N K
(x . 1
2
et 71 <x< 67 )
G I J
On cherche l'expres-
sion des dimensions en
fonction de x. B F C
a) On trouve de proche en proche :
BF = 1 = 1 FC = 1 - BF = 7x-1
7EB 7x 7x
1 = x x(7x-2)
FG = GH = x - FG =
7FC 7x-1 7x-1
1 = 7x-1 (7x-1)(7x-3)
GI = IJ = FC - GI =
7GH 7x(7x-2) 7x(7x-2)
x(7x-2)
JK = 1 =
7IJ (7x-1)(7x-3)
(7x-1)(7x-3) - x(7x-3) - x(7x-2)
KD = 1 - GF - JK =
(7x-1)(7x-3)

AE = 1 - x AL = 1 = 1
7AE 7(1-x)

LD = 1 - AL = 6-7x KD = 1 = 1-x
7(1-x) 7LD 6 - 7x
SOMMAIRE 41

b) Les deux expressions trouvées de KD doivent être compatibles, d'où


x3 − 3 x2 + 32 x − 15 = 0
2 49
ou
(x - 1 )(x 2 - x + 15 ) = 0
2 2.49
Seule racine convenable:
x = 1 (7 + 19 )
14
c) EB = 1 (7 + 19 ) BF = 1 (7 - 19 )
14 15
FC = 1 (8 + 19 ) FG = 1 (8 - 19 )
15 21
GH = 5 (1 + 19 ) GI = 1 ( 19 - 1)
42 15
IJ = 3 JK = 5
5 21
KD = 1 (8 + 19 ) AE = 1 (7 - 19 )
21 14
AL = 1 (7 + 19 ) LD = 1 (8 - 19 )
15 15
MN = 5 ( 19 - 1) NO = 1 (1 + 19 )
42 15

Exemple 2
Calculer la dérivée dixième de la fonction x 6 exp(- 1 ).

La dérivée n-ième de cette fonction est de la forme
1 P (x) . exp(- 1 )
n
x 3n x²
où Pn(x) est un polynôme de degré n − 1 .

On commence, évidemment, par établir soigneusement la formule de


récurrence qui détermine Pn(x) et l'on trouve:
P1(x) = 2
P2(x) = 4 − 6 x
SOMMAIRE 42

P3(x) = 8 - 36x + 24x2


P4(x) = 16 - 144x + 300x2 - 120x3
P5(x) = 32 - 480x + 2 040x2 - 2 640 x3 + 720x4
P6(x) = 64 - 1 440x + 10 320x2 - 27 720x3 + 25 200x4 - 5 040x5
P7(x) = 128 - 4 032x + 43 680x2 - 199 920x3 + 383 040x4 - 262 080x5
+40 320x6
P8(x) = 256 - 10 752x + 163 968x2 - 1 142 400x3 +3 764 880x4 - 5 503 680x5
+ 2 963 520x6 - 362 880x7
P9(x) = 512 - 27 648x + 564 480x2 - 5 564 160x3 +28092960x4
− 71 245 440x5 + 82 978 560x6 - 36 288 000x7 + 3 638 800x8
P10(x) = 1 024 − 69 120x + 1 820 160 x2 − 24 111 360x3 + 173 033 280x4
−676 257 120x5 + 1 377 129 600x6 − 1 317 254 400x7 +479 001 600x8
− 39 916 800x9
L'exécution d'un tel travail se heurte à un écueil pédagogique: il est
probable que des élèves ne voudront pas se concentrer sur une tâche aussi
ingrate, gratuite, inutile. Ils ne le feront certainement pas, si on commence
par dire qu'il ne s'agit que d'un "petit calcul de routine, facile, sans intérêt".
Voici comment un professeur de classe expérimentale surmonta
récemment ce genre de difficulté:

Exemple 3
Il avait demandé à ses élèves de dresser la table de Pythagore d'un groupe à
20 éléments. Remplir les 400 cases de ce tableau est considéré comme une
tâche fastidieuse, indigne de l'ère de la machine à laver et de l'aspirateur.
Elle fut accomplie de mauvaise grâce, et par conséquent le résultat était
entaché de nombreuses erreurs grossières.
Au lieu d'exiger immédiatement plus de soin, le professeur entreprit de
faire utiliser le tableau pour résoudre une profusion de questions intéres-
santes : recherche de sous-groupes, résolution d'équations, etc. Et ce petit
jeu continua pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que les élèves, excédés de
voir les contradictions s'accumuler, décidèrent de reprendre le premier calcul
à la base.
SOMMAIRE 43

Exercice 4
Nous présenterons plus tard un plan de dessin graphique demandant de
tracer sur une même figure les soixante droites de Pascal d'un "hexa-
gramme mystique". (Rappelons que c'est ainsi que l'illustre savant appelle
un hexagone inscrit dans une conique, dans son célèbre Traité des sections
coniques. II s'agit d'une épreuve qui demande environ 1h 30 pour être
exécutée).
Exemple 5
Calculer le produit du nombre 1 + 2 + 3 + 5 par tous ses conjugués
(c'est-à-dire par les nombres 1 ± 2 ± 3 ± 5 ).
La durée d'exécution dépend considérablement de la façon de mener
les calculs. Si l'on se borne à effectuer successivement des multiplications
par les 8 facteurs il faut compter environ 2 heures. Mais si l'on utilise
L'identité (a + b) (a - b) = a2 - b2 , et que l'on tienne compte des
"symétries" du calcul, on obtient la réponse (qui est - 71) en 20 minutes
environ.
Exercice 6
Après avoir tracé, en utilisant la dérivée, la représentation graphique de la
fonction
x 6 sin x - sin 2x + sin 3x
2 3
on pourra avoir la curiosité d'examiner le graphe de
N
x 6 ∑ (-1)n+1 sin nx
n=1 n
pour des valeurs plus grandes de N.
Par exemple, en utilisant des tables numériques, on pourrait faire le calcul
point par point pour N = 6.
Un étudiant qui aura appris à programmer pourra avoir la curiosité de
contempler la courbe pour des valeurs plus grandes de N. Signalons que
c'est en traçant la courbe correspondant à N = 80, à l'aide d'un instrument
qu'ils avaient imaginé, que Michelson et Stratton découvrirent en 1898 le
"phénomène de Gibbs" que révèlent ces courbes [24]. Mais il est clair que
les tâches techniques les plus instructives seront celles qui surgiront sponta-
nément de la curiosité des élèves, au cours d'une activité de recherche.
Lorsqu'une question, que l'on ne pourra élucider par voie déductive,
restera en suspens, on pourra inviter la classe à effectuer une vérification
expérimentale grâce à un travail soigné.
SOMMAIRE 44

Une page de brouillon d'Urbain Le verrier.


C'est clair, soigneux, efficace. C'est ainsi, écrivait Arago, que l'on découvre
une planète au bout de sa plume.
SOMMAIRE

CHAPITRE 5

LES MANIPULATIONS [25]

1. La mathématique, comme science d'observation et d'expérimentation


Dans l'historique de n'importe quelle découverte mathématique la phase
finale de mise en forme déductive est la partie émergée de l'iceberg. On
méconnaît souvent le long processus de maturation où le bricolage est
l'activité essentielle. Les énoncés des théorèmes se présentent généralement
sous forme de conjectures, devinées avant d'être démontrées, plausibles
avant d'être certaines [1], [2], [3], [17].
Il n'y a aucune raison de ne présenter à nos élèves qu'une des facettes
de l'activité mathématique en jetant le discrédit sur l'une des phases les
plus fécondes.
Mais la phase expérimentale est foncièrement différente de la phase de
mise en forme logique. L'important est de ne pas les confondre: lorsqu'on
manipule, on fait de la physique expérimentale [26], [27]; lorsqu'on
démontre, on pratique la mathématique déductive.
On rencontre, dans les manipulations mathématiques, à peu près les
mêmes variantes que dans les autres sciences expérimentales, telles que
SOMMAIRE 46

Claude Bernard les décrit dans "L'introduction à la médecine expéri-


mentale": L'observation, l'expérience "pour voir", la contre-épreuve,
l'expérience cruciale, etc. Ces opérations ont pour objet de suggérer des
conjectures, ou des méthodes de démonstration.
2. Les trois niveaux de connaissances
Pour mieux comprendre les objectifs pédagogiques que visent les manipu-
lations, il convient de distinguer les diverses sources d'information qui
alimentent les connaissances de nos élèves.

a) Dans le schéma ci-dessus on distingue, au centre: le noyau déductif.


C'est l'ensemble des connaissances démontrées, parfois présentées sous
forme axiomatique: on n'y affirme rien qui n'ait été démontré à partir de
SOMMAIRE 47

quelques axiomes, explicitement admis au départ. Le recours à toute autre


connaissance y est rigoureusement banni: c'est la règle du jeu. Nous
affirmons souvent, le plus sérieusement du monde, qu'à un certain stade
nos élèves connaissent le théorème de Thalès mais ne savent pas encore ce
que sont les droites perpendiculaires. En fait, nous exprimons ainsi que la
géométrie affine est déjà intégrée dans le noyau déductif, alors que
l'orthogonalité n'est encore acquise qu'au stade expérimental-déductif. Il est
indispensable d'expliquer cette étrange règle du jeu à nos élèves, si l'on ne
veut pas risquer de nombreux malentendus.
b) A la périphérie apparaît la zone, très floue, des connaissances infor-
melles : elle comprend tout ce que l'élève apprend sans en demander la
permission à son professeur de mathématique! Il sait que les planètes
décrivent des ellipses, mais est encore incapable de définir les mots
"planètes" et "ellipses", et bien entendu il est loin de savoir déduire les lois
de Képler à partir du principe de l'attraction universelle. Il a appris à
l'école élémentaire la formule V = 4 π R3 fournissant le volume de la
3
sphère, bien avant de connaître la théorie des intégrales multiples. Son
professeur de géographie lui a présenté divers systèmes de cartographie,
mais il n'étudiera probablement jamais la géométrie des variétés rieman-
niennes, etc.
Nos élèves doivent être vivement encouragés à recueillir des connais-
sances informelles. On développera ainsi une des qualités, scientifiques
primordiales: la curiosité. Par contre, il convient de mettre l'élève en garde
contre l'utilisation des informations extra-déductives, au cours d'une
démonstration qui relève du noyau déductif. Une technique pédagogique
efficace pour différencier ces deux sources de connaissances, est d'utiliser, à
côté du "cahier de mathématiques démontrées", l'album où l'on consigne
les curiosités, les articles découpés dans les journaux, les photos intéres-
santes, les renseignements glanés à diverses sources.
c) En outre, le schéma comporte une zone intermédiaire expérimentale-
déductive, où la règle du jeu autorise l'usage de quelques démonstrations
partielles, combiné à des résultats d'observation.
C'est en particulier le statut actuel de l'enseignement de la physique
élémentaire. On s'y soucie fort peu de distinguer les diverses sources de
connaissances. Il est fort instructif d'analyser les sens très divers que revêt
l'expression "On admettra que ..." dans n'importe quel manuel de phy-
sique.
SOMMAIRE 48

Mais on rencontre aussi des situations analogues au cours du pré-


enseignement des mathématiques (enseignement maternel et élémentaire).

Exemple 1
L'écolier ne sait pas ce qu'est l'aire d'un polygone conformément à la théorie
de Lebesgue. Pourtant on lui apprend à justifier les formules conduisant à
l'aire des rectangles, parallélogrammes, triangles, trapèzes, etc., à l'aide de
découpages bien connus. Certes, ce n'est pas très rigoureux, puisque la
notion d'aire est alors appréhendée d'une façon syncrétique, sans que les
propriétés d'invariance par déplacement et d'additivité soient comprises
explicitement. Pourtant, c'est ainsi que nous avons tous appris ces questions,
et sur ce point on ne constate pas d'échec pédagogique patent.
Voici quelques exemples de la façon de "montrer" (plutôt que de
"démontrer') certains théorèmes mathématiques.

Exemples 2
a) Le théorème de Pythagore.

n (n + 1)
b) 1+2+3+…+n=
2
SOMMAIRE 49

1 5

2 4

3 3

4 2

5 1

c) La somme des n premiers nombres impairs est égale à n2.

Ce serait d'ailleurs des démonstrations rigoureuses, si l'on prouvait que


les réarrangements de papiers découpés se font sans recouvrements partiels, et
sans ménager des interstices.
Contre-exemple 3
Le paradoxe classique suivant illustre les dangers d'une manipulation non
confirmée par un raisonnement: [28].
Les deux figures ci-dessous sont censées représenter des réassemblages de
figures découpées: elles "démontrent" que:
8 X 8= 5 X 13 (sic).
En fait, le parallélogramme ABCD, dont l'aire est égale à un carreau unité,
se confond à l'oeil nu, pour peu que le dessin ne soit pas trop soigneu-
sement réalisé, avec un parallélogramme aplati.
SOMMAIRE 50

B
C

D
Exemple 4
Supposons admise la formule S(R) = 4 π R2 qui fournit l'aire d'une sphère de
rayon R. Voici comment on peut en "déduire" l'expression du volume
V(R) = 4 π R3 grâce à un "raisonnement de physicien".
3
Pour calculer la dérivée de R 6 V(R) , estimons l'accroissement de
volume . V , qui résulte du dépôt d'une mince pellicule de peinture,
d'épaisseur . R, sur la surface d'une boule de rayon R. En "assimilant" cette
pellicule à un cylindre de base 4π R2 et d'épaisseur . R , on "admettra"
que . V est "sensiblement" égal à 4 π R 2 . R . La dérivée R 6 S(R)
étant connue, on en déduit correctement le résultat, par recherche de la
primitive.
Il est clair que l'assimilation d'une sphère à un plan est abusive... et
que le même argument fournirait des résultats notoirement faux dans
d'autres circonstances. Une démonstration correcte devrait mettre en
évidence les raisons particulières qui permettent à un raisonnement
incorrect de fournir néanmoins ici la bonne réponse.
Cependant, les mathématiciens utilisent fréquemment de tels raison-
nements pour eux-mêmes, non pas pour démontrer des théorèmes, mais
pour deviner des conjectures plausibles.
Exemple 5
Voici comment Archimède "démontre" les lois du levier.
1) Il admet - (ce n'est pas tant un fait expérimental qu'une sorte d'expé-
rience mentale) - que si l'on suspend des poids égaux aux extrémités d'une
barre rigide, l'équilibre s'obtient en plaçant le point d'appui au milieu.
SOMMAIRE 51

2) II admet que l'on ne trouble pas l'équilibre d'un levier, en substituant à


un poids de n unités fixé en un point A, n poids d'une unité suspendus en
n points équidistants, répartis symétriquement autour de A. (Eventuel-
lement sur le prolongement de la barre).
A partir de là, il fait une démonstration que nous exposons ci-dessous
dans un cas particulier numérique:

Il remplace les 5 poids (resp. 3 poids) par des poids de 1 unité confor-
mément à l'axiome 2, en prenant soin - Archimède était ingénieux! -
d'obtenir huit points d'accrochage équidistants.
Il trouve alors, conformément à l'axiome 2 (lu à l'envers) et à l'axiome
1, la position du point d'appui O. Et, par un calcul facile, il établit que
5OA = 3OB.
Nous prétendons que cette démonstration géniale, élaborée au troisième
siècle avant notre ère, mérite d'être exposée à l'école élémentaire. Et elle
ne nécessite nullement que les élèves aient maîtrisé au préalable les notions
de force, de vecteurs, de plan affine, de théorie mathématique, d'impli-
cation.
SOMMAIRE 52

Les connaissances informelles que chaque bambin petit acquérir sur les
poids, la barre rigide et le raisonnement logique, suffisent amplement pour
apprécier la beauté du raisonnement.
Remarquons qu'il n'est pas facile, si l'on ne connaît pas déjà le
théorème d'Archimède, de deviner à priori la position du point d'appui qui
assure l'équilibre, dans la figure 1. Ainsi le raisonnement est ici très
convaincant. Cet exemple fournit une excellente motivation à l'utilisation
de démonstrations dans la Science.
On appelle vulgarisation la pédagogie qui s'adresse à des non-spécialistes
désirant avoir un avant-goût de certains domaines scientifiques, en tolérant
quelques arguments incorrects, mais suggestifs, ou encore quelques omissions
simplificatrices. Cette insertion de connaissances expérimentalo-déductives
est très souhaitable, car il faut bien que chacun acquière quelques lumières,
en dehors de ses spécialités. Par exemple, c'est essentiellement ainsi que
l'on devrait enseigner les mathématiques dans les classes littéraires sans
s'astreindre à une rigueur technique qui lasse inutilement l'auditoire.
Cette pédagogie est parfaitement légitime, dans la mesure où elle ne
trompe pas son monde, et ne se fait pas passer pour de la science.
La vulgarisation est un art extrêmement difficile: elle suppose que
l'auteur soit un spécialiste connaissant scientifiquement le sujet, au point de
savoir extraire les quelques informations vraiment essentielles, au prix de
"licences poétiques" sur des aspects techniques marginaux. Il doit posséder
une grande familiarité avec les connaissances de l'auditoire auquel il s'adres-
se. Très peu d'écrivains scientifiques parviennent vraiment à vulgariser sans
trop abaisser.
3. Divers objectifs pédagogiques visés par les manipulations
a) Les manipulations peuvent servir à approvisionner l'élève en connais-
sances informelles ou expérimentalo-déductives qui ne donneront pas lieu à
une étude déductive ultérieure. Il est impossible de tout enseigner sous
forme déductive. Ne peut-on pas profiter de l'âge sensible, où les enfants
aiment bricoler, manier les instruments de dessin, découper, recoller,
observer, pour leur présenter quelques connaissances très utiles, mais qui ne
feront pas l'objet d'exposés théoriques ?
Par exemple, nous suggérons que l'étude des coniques soit à peu près
éliminée des programmes de terminales et réduite à quelques conséquences
simples des équations cartésiennes et des représentations paramétriques.
SOMMAIRE 53

Mais, à l'école élémentaire, en sixième et cinquième, il est possible de faire


expérimenter sur le tracé des ellipses et des hyperboles obtenues par divers
procédés mécaniques (méthode des jardiniers, méthode de la bande de
papier de Philippe de La Hire; on obtiendra également des sections planes
de cônes de révolution à l'aide de lampes électriques éclairant un mur
d'une salle obscure).

Tracé d'une branche d'hyperbole: les ficelles F1 MN et F2MN passent par


l'anneau muni du crayon traceur M.
F 2 M - F1M = (F2M + MN) - (F1M + MN)= constante
N est un noeud sur la ficelle.
Nous suggérons que l'étude des conchoïdes (en particulier les limaçons
de Pascal), cissoïdes, cycloïdes, développantes de cercles, etc. ne figurent
dans aucun programme, mais que les jeunes enfants les aient néanmoins
tracées ou observées à l'occasion ... N'est-ce pas le rôle de la presse enfan-
tine que de suggérer de telles activités à leurs lecteurs ?
C'est à l'occasion de ces tracés mécaniques que l'écolier observera pour
la première fois le surprenant phénomène des asymptotes, sans attendre
l'étude théorique de la fonction homographique.
b) Mais les manipulations constituent une préparation importante à tout
exposé axiomatique. Des manipulations effectuées dans un domaine qui
fera l'objet d'une étude déductive quelques années plus tard, loin de
"déflorer le sujet" aiguisent au contraire la curiosité et incitent à l'étude.
SOMMAIRE 54

Elles meublent l'esprit de tout un stock d'interprétations sémantiques, qui


rendront moins aride la sèche énumération d'un langage formel.
Si l'on présente, par exemple, les axiomes d'incidence de la géométrie
affine à des élèves de quatrième, qui n'évoqueront à cette occasion que
l'expérience banale du tracé des droites à la règle, il paraîtra saugrenu de
leur demander de démontrer que le plan contient au moins quatre points.
Mais si quelques années plus tôt ils se sont habitués à manipuler des cartes
géographiques ferroviaires, où par "deux gares passe une ligne directe et
une seule", ou des schémas analogues, ils aborderont l'étude de la géomé-
trie avec une sémantique polyconcrète: plusieurs réalisations simultanées du
système d'axiomes viendront naturellement à l'esprit et la question posée
paraîtra plus naturelle. Toutes les fois que l'on aura énoncé à la classe des
axiomes ou règles du jeu nouveaux, on laissera quelque temps aux élèves
pour qu'ils s'exercent à faire fonctionner manuellement les nouveaux
concepts sur des exemples simples.
c) Certaines manipulations présentent des situations qui invitent l'élève à se
poser des questions (Cf. Chapitre 2, exemple 1). Une erreur pédagogique
répandue consiste à perdre beaucoup de temps pour faire réaliser un
dispositif que l'on range immédiatement après dans un placard sans en
exploiter toutes les possibilités.
A quoi bon faire construire laborieusement un cube en carton, si on ne
l'observe pas. Rares sont ceux qui ont vraiment observé un cube, Pourtant,
en le contemplant successivement du point de vue de la théorie des
ensembles, des graphes, des groupes, de la géométrie euclidienne, de la
perspective, de la mesure des volumes, de la topologie, etc. etc. on pourrait
remplir des volumes sur tout ce que suggère ce polyèdre méconnu. Et, à
partir du cube, on peut obtenir par découpage maintes autres figures
intéressantes.
La simple observation passive ne suffit pas. Il y faut l'observation
provoquée et l'expérimentation.
d) Enfin, les manipulations jouent un rôle primordial dans la résolution des
problèmes. Lorsqu'un énoncé est rédigé sous la forme extrêmement concise
préconisée au chapitre 2, le chercheur ne peut espérer deviner les étapes
intermédiaires de la solution qu'en se familiarisant expérimentalement avec
les implications de l'énoncé. L'observation de figures ou de schémas tracés
soigneusement en utilisant des instruments divers (y compris l'ordinateur),
ainsi que l'exécution de quelques calculs "sauvages" sur des cas particuliers,
permettent de deviner les pièces manquantes de l'édifice.
SOMMAIRE 55

C'est cette activité que les chercheurs professionnels nomment


bricolage.
4. Statut pédagogique du matériel de manipulation
Rien n'interdit, si l'on en a les moyens, de proposer aux élèves l'emploi
d'instruments complexes, tels que des chronomètres, mini-ordinateurs,
appareils photographiques ou récepteurs de télévision. On considérera un tel
appareil comme une boîte noire, pour employer le langage des physiciens.
Il présente extérieurement des boutons de commande; on ne s'oblige pas à
le démonter pour analyser son fonctionnement interne. L'appareil est défini
par sa fonction. Nul n'exige que l'on ait préalablement expliqué son
fonctionnement et les modalités technologiques de sa fabrication, (Cepen-
dant, il sera parfois utile d'esquisser, sous forme de vulgarisation, les
principes de l'instrument).
Exemple 6
Il existe toute une gamme de traceurs de parallèles. Le plus primitif est le
guide-âne: on décalque à travers un papier transparent des parallèles tracées
sur une feuille préalablement réglée. Dans ce cas on ne précise pas
comment cette réglure a été obtenue et l'on admet qu'elle est correcte, par
construction. D'autres instruments utilisent des rouleaux cylindriques
rugueux. En les faisant rouler sans déraper on peut tracer des parallèles. Le
système articulé suivant est basé sur la définition des parallélogrammes
conforme aux programmes actuels, en quatrième. Ici il est possible de
justifier le fonctionnement de l'appareil.
SOMMAIRE 56

Mais des dispositifs basés sur des parallélogrammes articulés (côtés


opposés isométriques) sont des traceurs de parallèles dont le fonction-
nement ne peut être justifié en quatrième, dans le cadre des programmes
actuels. On peut cependant les utiliser, en admettant qu'ils remplissent
correctement leur fonction.
De même divers traceurs de parallèles s'inspirent du pantographe.
Enfin, on n'oubliera pas l'équerre glissant le long d'une règle, ou le té
guidé par le bord de la planche à dessin.

5. Pédagogie du gadget
Le marché du jouet est inondé de jouets éducatifs. L'école anglaise de
pédagogie des mathématiques s'est fortement spécialisée dans l'utilisation
pédagogique des gadgets.
Un dispositif est efficace, s'il incite l'élève à réfléchir, à se poser des
questions, à résoudre des problèmes. Or, un objet mathématique ne possède
pas ce pouvoir de persuasion, en lui-même. Tout le monde a pu observer
des enfants jouant avec des jouets coûteux et sophistiqués, sans en tirer le
moindre profit intellectuel, simplement parce que l'activité n'était guidée
par aucune pédagogie.
SOMMAIRE 57

Ainsi le jeu d'échecs est un stimulant de choix pour l'éducation


mathématique. Il fournit une réserve inépuisable de situations ensemblistes
variées; une littérature comportant des centaines de milliers d'ouvrages lui
est consacrée. Notamment, le problème d'échecs a suscité, depuis l'appari-
tion vers l'an 1300 du recueil intitulé Bonus Socius, une profusion
d'études, de réflexions sur l'art de composer ou de résoudre des problèmes.
Le professeur de mathématiques peut en tirer de multiples enseignements
[30], [31], [32], [33]. Mais une planche quadrillée 8 X 8, et 32 figurines
d'ivoire et d'ébène ne permettront jamais - pas plus qu'une perle à un coq -
de réfléchir. La caricature ci-dessus [29] représente - c'est indubitable - deux
gamins qui jouent avec un jeu d'échecs. Mais cette façon non orthodoxe de
s'initier au "jeu à l'aveugle" n'est pas très éducative.
Autrement dit, ce qui intéresse le pédagogue, ce n'est pas le gadget en
lui-même ! C'est la façon de s'en servir.
Exemple 7
Quiconque a manipulé un compas a cri maintes occasions de tracer des
rosaces à six branches. Mais rares sont les élèves qui savent, avant de
l'apprendre explicitement, que le côté de l'hexagone régulier est isomé-
trique au rayon du cercle circonscrit. Ainsi, les heures passées à jouer avec
un compas se soldent par un échec, car l'écolier n'est pas incité à tirer une
conclusion d'une expérience maintes fois répétée.
Le professeur qui dirige une séance de manipulation ne se contentera
pas de s'assurer que les opérations manuelles sont correctement exécutées.
Il manoeuvrera en sorte que l'attention soit attirée vers tout ce qui mérite
réflexion. Il est souhaitable (lue ce soit l'élève lui-même qui tire des
conclusions. Mais il ne faut pas s'exposer à ce que l'essentiel passe tota-
lement inaperçu.
Si le matériel lui-même ne crée pas la réflexion de l'élève, sa concep-
tion peut aider considérablement à l'orientation de la pensée.
Exemple 8
Lorsque Dienes entreprit de faire pénétrer les rudiments du langage
ensembliste dans l'enseignement élémentaire, il imagina un matériel dont les
éléments auraient peu d'attributs (en fait quatre: forme, couleur, épaisseur,
grandeur) susceptibles de. prendre des valeurs différentes. Dans la pratique,
les objets que nous manipulons tous les jours peuvent recevoir des milliers
d'attributs. Mais les blocs logiques de Dienes sont sans odeur, sans saveur;
SOMMAIRE 58

ils ne diffèrent pas par leur température ou leur composition chimique.


Vraiment, tout incite l'enfant à n'apercevoir dans ces blocs logiques que les
quatre attributs cités. C'est pourquoi ce matériel remplit parfaitement son
rôle pédagogique. Il est spécialement apte à exercer l'enfant aux opérations
booléennes.
Exemple 9
Un des gadgets les plus prestigieux qui nous vient d'Outre-Atlantique est le
célèbre "Think a dot" [34], [34, a], [34, b], [34, c]. Il s'agit de la "boite
noire" suivante :

Elle comprend trois orifices d'entrée, à gauche, au milieu, à droite que


nous désignons par G, M, D, par lesquels on peut introduire une bille.
Celle-ci traverse l'appareil, et ressort par l'un ou l'autre des deux orifices de
sortie (g et d). Enfin, huit voyants, qui constituent un tableau, sont
susceptibles de prendre deux couleurs: bleu ou jaune. Chaque fois qu'une
bille traverse l'appareil, on constate des changements dans la couleur de
certains voyants.
Il est concevable de considérer l'appareil comme une "machine à sous"
qui fonctionnerait "au' hasard". Et de fait, certains enfants peuvent jouer
longtemps avec l'instrument en faisant des paris: "Si je mets la bille dans
l'orifice M, par exemple, je parie que tels voyants changeront de couleur".
(Ainsi il pense à un point particulier du tableau, dont il prédit le chan-
gement de couleur: en Anglais "He thinks a dot" ce qui explique le nom
du jouet).
SOMMAIRE 59

Cependant, ce n'est pas un jouet aléatoire, mais au contraire un jouet


déterministe. L'appareil comporte un dispositif de "remise à zéro". Si l'on
recommence plusieurs fois de suite une même série de manipulations, à
partir d'une même position initiale, on aboutit toujours à la même dispo-
sition finale.
C'est alors que surgit le problème. Trouver la loi qui régit les chan-
gements. Il est possible à un enfant de dix ans, qui a été mis sur la piste,
de déchiffrer d'une façon plus ou moins systématique le comportement de
l'appareil. En fait, ce décodage s'effectue progressivement et le chercheur
est encouragé à persévérer, car le secret du fonctionnement de l'appareil se
dévoile peu à peu. On n'a pas le sentiment pénible de piétiner sans
s'approcher de la solution.
A ce titre, ce jeu est un merveilleux stimulateur de recherche, pour
celui qui s'est posé le problème.
Mais les possibilités pédagogiques offertes par cet appareil ne sont pas
encore épuisées, et d'intéressantes questions liées à son fonctionnement
débouchent sur la théorie des groupes abéliens finis [34].
L'organisation de la vie scolaire devrait être aménagée de façon à élargir
l'activité de manipulation, au détriment de certains exposés théoriques.
Pour que les manipulations soient vraiment fructueuses, il convient de les
entreprendre, soit avec des classes à faible effectif, soit en permettant au
maître de se faire seconder par des moniteurs (cette dernière disposition est
couramment adoptée dans les travaux pratiques des Sciences d'observation,
dans les activités de loisirs des mouvements de jeunes, et enfin dans
l'enseignement des mathématiques de nombreux pays).
SOMMAIRE
SOMMAIRE

CHAPITRE 6

APPLICATIONS DES MATHÉMATIQUES

Des théories mathématiques -abstraites par définition- trouvent leur


emploi dans la résolution des difficultés pratiques. Laissant aux philosophes
des Sciences et aux métaphysiciens le soin d'analyser cet étrange paradoxe,
nous nous bornons ici à tirer des conséquences pédagogiques de ce fait
d'expérience.
Rappelons que l'application des mathématiques à un phénomène pra-
tique comporte généralement trois phases [35], [36], [17]:
1) La phase de mathématisation [37]
On substitue des symboles aux choses. Autrement dit, on construit un
modèle mathématique abstrait, assorti d'un dictionnaire qui permet de
formuler la réalité en termes mathématiques. Le modèle ne vaut que par sa
structure, par les relations qui existent entre ces éléments. On fait abs-
traction de la nature des éléments du modèle.
SOMMAIRE 62

2) On traite ensuite le problème de mathématique ainsi obtenu. Au cours


de la recherche on joue sur trois possibilités heuristiques opposées. Parfois
l'on s'efforce de se détacher le plus possible du contexte réel pour ne
retenir que la structure sous-jacente. C'est ainsi que l'on traite un problème
par l'algèbre, en évitant d'évoquer la signification de l'inconnue pour n'en
retenir que les propriétés opératoires. En d'autres occasions on exploite au
contraire le contexte sémantique initial, en utilisant les analogies que
suggère la réalité. Plus généralement, on utilise d'autres contextes séman-
tiques pour y puiser des idées: ce mode de pensée s'appelle transfert.
3) On confronte expérimentalement les résultats théoriques obtenus, avec
le point de départ pratique.

1. Motivations pédagogiques des mathématiques appliquées


A - Les programmes d'enseignement, en France, n'ont souvent retenu des
mathématiques appliquées qu'une listé de résultats. La motivation implici-
tement invoquée est la formation professionnelle des élèves: on enseignait
ce qui pouvait servir plus tard.

Certes, des questions de cours comme la mesure de la distance de la


Terre à la Lune, la pratique des levées de terrains, les problèmes de
stéréotomie, le calcul des intérêts composés et des annuités, les problèmes
élémentaires de balistique, le calcul des alliages, la régulation du trafic
ferroviaire, etc., sont des sujets qui présentent un intérêt culturel. Mais
rares sont les élèves qui auront fréquemment besoin d'utiliser ces résultats
dans leur métier. Lorsqu'il en sera ainsi, il sera d'ailleurs prudent que la
profession organise un recyclage à l'embauche pour rafraîchir la mémoire
sur telle ou telle formule importante.

Finalement, on ne trouve guère que le calcul des intérêts simples et des


impôts sur le revenu qui puissent servir à une masse non négligeable
d'élèves. C'est là une piètre motivation de l'enseignement des applications.

B - Par contre tout élève doit être entraîné à utiliser l'outil mathématique,
face à une situation pratique inattendue. L'enseignement doit donc porter
sur le mode de pensée de la mathématique appliquée, et non sur un recueil
de formules.
SOMMAIRE 63

Exemple 1
Les jeunes écoliers de Miss Edith Biggs se passionnent pour un documen-
taire qu'ils ont vu à la télévision. Et ils se posent une grave question
"Quelle est la pression qu'un éléphant exerce sur le sol ? ".
Le directeur du Zoo auquel ils écrivent pour obtenir quelques rensei-
gnements leur fournit, par retour du courrier, le poids du pachyderme ainsi
que quatre dessins représentant les empreintes de chacune des pattes.
Malheureusement, le livre de géométrie ne comporte pas de formules pour
calculer l'aire d'une patte d'éléphant! Devant cette grave lacune, il faut
inventer un procédé pour l'évaluation approchée de la surface d'un domaine
limité par un contour irrégulier.
C'est cette attitude active qu'il s'agit de stimuler. On l'obtient mieux à
partir de questions jaillies de la curiosité enfantine que de résultats exigés
par le programme.
C - La mathématique appliquée est un entraînement systématique au
transfert ([38], Marcel Dumont). C'est une des opérations mentales les plus
fructueuses de la pensée mathématique. Elle revient à identifier les mêmes
structures dans des contextes différents et à raisonner successivement dans
ces divers champs sémantiques.
Le transfert le plus banal est le passage systématique de la géométrie à
l'algèbre où l'on raisonne tour à tour sur des figures et des équations: c'est
la géométrie analytique de Descartes. Archimède incitait déjà son ami
Erathostène à traduire systématiquement certains problèmes géométriques
dans le langage de la mécanique, et c'est ce transfert qui lui permit
d'effectuer la quadrature de la parabole: il avait perçu une analogie entre le
calcul de cette aire et la détermination du centre de gravité du triangle, ce
qui est évident aujourd'hui, avec nos notations modernes, puisque
∫ t dt = ∫ t × t dt
2

La programmation linéaire s'efforce de transférer les problèmes de gestions


optimales d'une entreprise en termes de géométrie des polyèdres convexes
dans un espace à n dimensions.
En réinterprétant un même problème, d'un langage à un autre, il
semble que l'on n'obtienne après tout qu'un problème équivalent et que la
difficulté n'ait été que déplacée. Mais au point de vue de la psychologie de
l'invention le gain peut être appréciable. Une analogie inapparente dans un
contexte algébrique peut germer à l'esprit en présence d'une figure géomé-
trique.
SOMMAIRE 64

Exemple 2
Considérons, sur un ensemble à trois éléments {a, b, c} , la relation dont le schéma
sagittal est:

Ce n'est pas une relation d'ordre (pourquoi ? ), mais sa restriction à chacun des
sous-ensembles à deux éléments est une relation d'ordre.
Cette remarque "abstraite" tout à fait banale se retrouve dans divers contextes
pratiques.
(1. a) Dans le jeu enfantin "Pierre, Ciseaux, Papier", elle s'exprime par :
la pierre repasse les ciseaux;
les ciseaux coupent le papier;
le papier enveloppe la pierre.
(1. b) Mais le défaut de transitivité se manifeste dans des situations électorales, lors
d'un suffrage à la majorité absolue où il s'agit de départager trois candidats ou
trois options. Ce paradoxe de Condorcet est illustré par l'exercice suivant emprunté au
"Nouvel Observateur" du 10 avril 1972 (Cf. [37], Christian Corne et Georges
Glaeser).

PROBLÈME DU RÉFÉRENDUM
On demande aux Français par voie de celui d'assemblée.
référendum: 6 préfèrent le parlementaire, accepte-
"Voulez-vous un régime présidentiel, un raient celui d'assemblée mais refusent
régime parlementaire ou un régime le présidentiel.
d'assemblée ? 5 préfèrent celui d'assemblée, accepte
Or, parmi les 20 millions d'électeurs : raient le présidentiel mais refusent le
9 préfèrent le présidentiel, accepte- parlementaire.
raient le parlementaire mais refusent A. - Que va-t-il se passer ?
SOMMAIRE 65

Un peu plus tard, un homme politique Plus tard encore, un autre homme poli-
influent parvient à faire poser dans un tique de poids, fait organiser un troisiè
nouveau référendum la question sui- me référendum sur le thème:
vante: "Le peuple français préfère-t-il le régi-
"Le peuple français est-il d'accord pour me parlementaire au régime d'assem-
substituer le régime d'assemblée au régi- blée ? "
me présidentiel actuellement en vi- C. - Quelle sera la réponse à cette nou-
gueux ? " velle question ?
B. - Quelle sera la réponse à la ques- On suppose qu'il n'y a pas d'absten
tion ? tions.

(1. c) Dans un certain jeu de dés, on lance des cubes parfaitement équilibrés dont
les faces portent chacune un nombre entier: le même nombre peut figurer sur deux
faces d'un même cube, mais - pour éviter les ex-acquo - deux dés différents ne
portent pas un même nombre. Le gagnant est celui qui tire le nombre le plus élevé
lors d'un seul jet.
On dira que le dé A est "meilleur" que le dé B si la probabilité de gagner avec
A contre B est supérieure à 1/2.
On demande d'imaginer trois dés non-transitifs A, B, C, c'est-à-dire tels que A
soit "meilleur" que B, B "meilleur" que C mais C "meilleur" que A.
(1. d) Des situations analogues interviennent dans les tournois et dans les systèmes
de notations scolaires, et seront évoquées au chapitre 7.

Les applications des mathématiques peuvent être empruntées à la vie


courante, à des techniques professionnelles, aux centres d'intérêts favoris des
élèves (par exemple des jeux), aux autres sciences (physiques, natu-
relles, humaines) ou même à d'autres branches des mathématiques.
Par exemple on utilise les nombres complexes pour résoudre des
problèmes de géométrie, le calcul des probabilités dans des questions
d'analyse, l'analyse en théorie des nombres.
Enfin, il arrive qu'un transfert dans un contexte pratique puisse per-
mettre de résoudre un problème de mathématique pure [39].

D - Les questions pratiques jouent un rôle de stimulant vis-à-vis des élèves


qui n'ont pas de goût spécial pour la mathématique en elle-même, et qui
seront curieux d'apprendre comment cette science se rattache à d'autres
centres d'intérêts. En d'autres termes, les applications constituent une
propagande en faveur des mathématiques
SOMMAIRE 66

Les techniciens de la publicité savent que certaines de leurs campagnes


vont parfois à l'encontre des buts visés. Il convient donc de veiller à
l'efficacité publicitaire de nos exercices.
Il s'agit de convaincre qu'une théorie enseignée se rattache vraiment à
des préoccupations pratiques. Bannissons donc les énoncés artificiels fausse-
ment concrets qui aggravent l'impression d'opposition irréductible que l'on
se plaît parfois à déceler entre la Mathématique et la Vie.
Exemple 3
Rejetons sans rémission les problèmes de robinets présentés sous forme
traditionnelle. Nul n'utilise un chronomètre lorsqu'il fait couler son
bain! Les élèves le savent bien et trouvent ridicule que l'on feigne d'y
croire. Il s'est développé une phobie sociale contre ce genre de problèmes
et l'on se livre à une contre-publicité en persistant à proposer ces énoncés.
Cependant, des variantes de ce problème se présentent effectivement
dans de nouveaux cas pratiques. La programmation des machines à laver
oblige couramment le constructeur à se poser des problèmes de remplissage.
De même, l'industrie du pétrole est sensible à la moindre perte de temps
des navires qui font le plein dans un port, car le stationnement à quai est
soumis à de lourdes taxes.
Et une chaîne de montage est assimilable à un flot qui s'écoule entre
des ouvriers qui jouent (hélas! ) le rôle de "robinets".
2. La mise en équation
Examinons maintenant des questions où il s'agit d'appliquer les mathé-
matiques à une science préalablement mathématisée. Il s'agit de traduire les
données dans le langage du modèle (c'est la mise en équation), puis de
résoudre le problème ainsi formulé.
Citons, pour mémoire, la tradition des "problèmes du second degré", à
contexte géométrique: tels ces énoncés où il s'agissait de trouver un point
M sur un demi-cercle, en sorte que le rapport des aires de certains poly-
gones soit égal à un nombre réel m donné.
Il est clair que ces questions ne concernent pas une situation pratique
digne d'intérêt. Leur unique motivation était de produire un énoncé de
baccalauréat conforme aux programmes officiels, avec l'inévitable tableau
de discussion de l'équation du second degré. Les manuels contenaient
naguère un chapitre spécial sur la liturgie à observer pour résoudre ces
questions artificielles.
SOMMAIRE 67

Plus intéressant, plus proche de réelles préoccupations pratiques est


fourni par les exercices de physique. Mais la référence au concret y est
encore trop souvent factice.
En fait, l'élève est en possession d'un aide-mémoire contenant une
petite liste de formules, parmi lesquelles le choix n'est pas très difficile.
Il appliquera la loi d'Ohm, en substituant à la résistance (resp. inten-
sité) le nombre d'ohms (resp. ampères) qui figure quelque part dans
l'énoncé et ne cherchera pas à comprendre davantage. On peut parfai-
tement résoudre un exercice de physique concernant un appareil que l'on
n'a jamais vu, tout en ignorant s'il peut tenir dans une boîte d'allumettes,
ou avoir la taille d'un immeuble de plusieurs étages! Il suffit d'appliquer la
bonne formule. On notera le contraste avec la situation décrite dans
l'exemple 1.
Pour contrecarrer cette tendance à appliquer des formules toutes faites,
mal comprises, on pourra s'inspirer des tendances suivantes:
a) Ne pas s'en tenir à de simples applications numériques, mais au
contraire faire étudier des situations plus complexes, qui obligent à
combiner plusieurs formules du cours.
b) Mettre les dispositifs étudiés à la portée des élèves, grâce à des
manipulations de documents descriptifs.
c) Apprendre aux élèves à collecter eux-mêmes les données.
Exemple 4
Tout candidat au certificat d'études apprend par coeur la formule qui
fournit l'aire d'un triangle. Mais sait-il ce que sont les hauteurs ? Saura-t-il,
armé d'instruments convenables, mesurer la hauteur d'un champ triangulaire
sur le terrain ?
On peut proposer à de jeunes enfants de calculer l'aire d'une feuille
carrée qui a servi à confectionner une cocotte en papier. On fournit des
instruments de mesure ou de dessin, mais on s'interdit de déplier la
cocotte. Tout au plus est-il permis de fabriquer une cocotte auxiliaire, plus
petite, uniquement pour se rendre compte du nombre d'épaisseurs de
papier qui interviennent dans chacune des régions polygonales qu'il sera
nécessaire d'envisager.
On choisira les énoncés en raison de leur intérêt propre, et non à cause
du programme du baccalauréat [40].
En voici quelques exemples :
SOMMAIRE 68

Exemple 5 Le principe de Fermat


Un mobile part d'un point A pour aller en B, en mettant le moins de temps
possible. Il se déplace dans deux milieux (représentés par deux demi-plans limités
par la même droite) où la vitesse est respectivement v et V. On demande de
préciser sa trajectoire.
A

x
I
l

B
Il s'agit de minimiser la quantité
a² + x² + b² + (1-x)²
v V
Il est élégant de renoncer à calculer le nombre x qui annule la dérivée, mais
au contraire, d'interpréter l'annulation de cette dérivée pour aboutir à la loi
de la réfraction de Descartes.

Exemple 6
Certains problèmes tirent leur intérêt de leur importance historique [6].
Au Ilème siècle avant J.C., Erathostène mesura le rayon de la Terre! Il
obtint un résultat de 16 % trop grand, mais c'était une performance à
l'époque où seuls quelques savants soupçonnaient la rotondité de
la terre! La méthode d'Erathostène n'offre aucun intérêt si elle est présentée
SOMMAIRE 69

comme un banal problème de géométrie, en dehors de ce contexte d'ini-


tiation historique [6]. Mais l'exploit est merveilleux, et devrait enthou-
siasmer des enfants de onze ans.
De même, la légende prétend que Thalès (au Vlème siècle avant J.C.)
mesura la hauteur des Pyramides en comparant leurs ombres à celle d'un
bâton auxiliaire vertical de longueur donnée. Ici encore, c'est la mise en
place du dispositif qui est ingénieuse, et non la solution facile qui en
résulte.
La compilation de tels énoncés n'est pas facile, car elle exige une
étroite collaboration entre les professeurs de mathématiques et de phy-
sique, dont les motivations pédagogiques sont assez différentes.

Exemple 7
La méthode de Bessel utilisée pour mesurer la distance focale des
lentilles revient à intercaler le verre entre une source lumineuse et un écran
et à chercher les deux positions qui produisent une image nette. On est alors
conduit à la discussion intéressante d'une équation du second degré.
Les physiciens n'apprécient guère cette méthode qui exige un matériel
très encombrant, sans présenter en contrepartie de réels avantages de
précision sur d'autres procédés dont l'intérêt mathématique est moindre.
Par exemple, l'opticien utilise des focomètres perfectionnés qui fournissent
la distance focale par simple lecture, sans astreindre l'usager à se soucier
d'une équation du second degré.
Il faut donc demander aux physiciens de nous signaler les questions
qu'ils ne désirent pas enseigner, pour ne pas s'éloigner de leurs soucis
expérimentaux, mais qui pourraient intéresser le professeur de mathé-
matiques et ses élèves [40].
En contrepartie, le mathématicien sensibilisera ses élèves à des diffi-
cultés qui apparaissent dans la réalité, mais non sur le papier. Par exemple,
le géomètre a vite dit: "Abaissons la perpendiculaire de la source lumineuse
sur le miroir plan". Mais que fera l'expérimentateur pour abaisser cette
perpendiculaire avec une approximation suffisante ?
De même, la mesure de la hauteur de la Pyramide (exemple 6) est
immédiate "sur le papier". Mais on appréciera mieux son ingéniosité
lorsqu'on essaiera de l'appliquer sur le terrain, sans pouvoir pénétrer à
l'intérieur de la pierre pour y tirer des traits et les mesurer.
SOMMAIRE 70

3. La mathématisation
L'élaboration de modèles mathématiques destinés à rendre compte d'une
situation pratique est beaucoup plus importante pour la formation intel-
lectuelle de nos élèves.
L'analyse de la réalité, le choix des concepts importants, la construc-
tion du modèle abstrait et du dictionnaire qui permet de traduire ces
concepts en symboles est hautement instructive.
"En réduisant un problème d'application à sa forme mathématique -
écrit G. Polya - on s'expose à deux types d'erreurs opposées: on peut pécher par
transgression ou par omission. Comme la réalité est très complexe, on sera
obligé de négliger l'accessoire, de simplifier, d'idéaliser. Si l'on néglige trop
de facteurs, le problème devient irréaliste, sans contact avec les faits. Si l'on
tient compte de trop de détails inessentiels on aboutit à un problème
impraticable dont la solution exigera de trop grands investissements en
énergie humaine ou en matériel.
Réussir à donner d'un problème une formulation qui n'est ni simpliste, ni
inextricable peut être un exploit qui met tout en jeu: l'expérience,
la science, le talent, l'art du mathématicien appliqué, et aussi de la chance"
[41].
Malheureusement, on constate que la mathématisation est une activité
systématiquement négligée, dans les pays où l'enseignement repose entiè-
rement sur des programmes rigides.
Il est, en effet, très difficile de trouver des situations pratiques inté-
ressantes à mathématiser, qui conduisent à un problème mathématique
ayant le même intérêt.
Le programme incite à se ramener coûte que coûte à certains types de
problèmes répertoriés.
Exemple 8
La plupart des problèmes de programmation linéaire posés par la gestion de
l'Économie se ramène à l'étude d'un système de plusieurs dizaines d'inéga-
lités linéaires, dépendant de plusieurs dizaines de paramètres. On peut
aisément convaincre des élèves que la résolution d'un tel problème est
inextricable à la main, mais peut aisément se maîtriser lorsqu'on dispose
d'un ordinateur.
Mais il est pédagogiquement nocif de violenter les faits pour ramener un
tel problème à un système de quelques inégalités linéaires à deux
SOMMAIRE 71

inconnues. Celui-ci pourra certes être étudié jusqu'au bout par les élèves;
mais à force de négliger beaucoup de facteurs on aboutit à des problèmes
irréalistes dénoncés par Polya.
Évitons donc de faire la théorie de l'aéroplane, en négligeant, pour
simplifier (sic), la résistance de l'air!
La même faute pédagogique a systématiquement faussé l'enseignement
de la mécanique pendant plus d'un siècle.
On sait que la plupart des problèmes naturels de mécanique - ceux qui
d'après René Thom représentent une situation générique - conduisent à
un système d'équations de Lagrange qui ne possèdent pas suffisamment
d'intégrales premières. Autrement dit, si l'on demande à un candidat de
mettre le problème en équation, il est impossible de lui demander d'en faire
l'étude mathématique, en l'absence de moyens de calcul puissants.
Pour "pouvoir" néanmoins fournir aux candidats aux certificats de
mécanique rationnelle leur ration de problèmes d'examen, on se rabat sur
un cas très particulier, qui ne se rencontre presque pas dans la pratique.
C'est cette famille de problèmes comportant un seul paramètre principal
qui a alimenté, sous des variantes de plus en plus saugrenues, les besoins
pédagogiques de la mécanique rationnelle. C'est là l'origine de la sclérose
bien connue de cet enseignement.
Exemple 9
Une des rares exceptions à ce qui vient d'être dit est constituée, au niveau
universitaire, par l'étude des cordes vibrantes. Mais sa mise en équation, et la
théorie de l'équation obtenue, sont rarement accessibles aux mêmes étu-
diants. Rares sont ceux qui choisissent simultanément une option "Méca-
nique des milieux continus" et une option "Analyse supérieure" dans leurs
études.
Ainsi, si l'on veut utilement initier des élèves à la mathématisation, il
faudra se résigner à dissocier cette activité du problème mathématique
obtenu. Il ne faudra pas hésiter à proposer des situations complexes qui
conduisent à des problèmes triviaux. "Il est souvent plus difficile de
formuler le bon problème que de le résoudre", écrit H. 0. Pollak.
Exemple 10
Alan Tammadge décrit une passionnante expérience pédagogique, vécue
dans une classe d'enfants de 11 à 12 ans, dans son article "How math does
SOMMAIRE 72

it cost to keep a dog ? " ("A combien cela revient-il d'élever un chien ? "
[42]).
On ne peut s'empêcher de songer que rares sont les adultes capables
d'évaluer ce que leur coûte leur auto!
Il n'a pas été facile aux écoliers de dégager les bons concepts, de
comprendre qu'il fallait distinguer diverses sortes de dépenses, selon qu'elles
sont fixes (prix d'achat du chien), périodiques (nourriture), irrégulièrement
renouvelables ou même aléatoires (frais de vétérinaire, si l'on n'est pas
couvert par une assurance). Il fallait décider comment l'âge du chien
intervenait dans le prix de la nourriture. Et le résultat a été finalement
présenté sous forme d'organigramme permettant de faire le calcul pour
n'importe quel chien dès que l'on aura collecté quelques données numé-
riques.
Il est possible d'utiliser cet organigramme pour inciter les écoliers à
faire des multiplications à virgule; mais l'intérêt de cet exercice de calcul est
sans commune mesure avec tout ce qu'apporte la phase de mathéma-
tisation.
On trouvera d'autres situations susceptibles d'exercer à la mathé-
matisation à des niveaux divers dans [43], [44] et [37] (,J.C. Herz,
S. Turnau, G. Glaeser, M. Glaymann, etc.)
La mathématisation se ramène souvent à la découverte d'un codage qui
permet de décrire les divers états d'une situation pratique à l'aide de
symboles mathématiques appropriés.
On en trouvera des exemples dans [37] (Cf. les articles de P. Jullien et
de J.C. Herz) et dans [46].
La découverte de la structure mathématique qui rend compte d'une
situation pratique pose parfois de grosses difficultés.
L'histoire de la mécanique [45] nous enseigne que la notion de vecteur
s'est dégagée avec beaucoup de retard sur les progrès de la statique. L'idée
de représenter des forces par des flèches, soumises à des opérations
géométriques simples, n'était pas définitivement acquise 2000 ans après
Archimède. Le document ci-joint en porte témoignage.
SOMMAIRE 73
SOMMAIRE 74

4. Pédagogie du faux-concret
A côté de problèmes "sérieux" rédigés de façon à respecter l'authenticité
de la situation pratique, on peut au contraire exploiter l'immense pouvoir
pédagogique de l'humour. Si une situation est artificielle, il est souhaitable
que l'énoncé soit nettement loufoque: les élèves ne l'oublieront pas.
Exemple 11
Le problème du nénuphar, de l'escargot qui monte à l'assaut d'un mât de
Cocagne, de la mouche qui oscille jusqu'au trépas entre deux cyclistes, etc.,
etc. sont instructifs du point de vue mathématique. Il est bon qu'ils se
transmettent dans les cours de récréation et à l'occasion des veillées des
colonies de vacances [28].
De même la lecture de certains romans fictifs peut constituer, parfois,
un exercice mathématique par lui-même.
Combien d'entre nous ont-ils appris ce qu'étaient les fuseaux horaires
dans "Le Tour du monde en quatre-vingt jours" et se sont initiés à la
méthode de triangulation (bien avant de connaître les fonctions trigo-
nométriques) dans "Les aventures de trois Russes et de trois -Anglais en
Afrique australe" (Jules Verne) ?
Voici encore un texte dont le commentaire a servi d'examen partiel de
mécanique pour des élèves de seconde année à l'Université. (Il n'y a pas
lieu d'analyser ici pourquoi cette épreuve a été complètement ratée! ).
Exemple 12
Le texte suivant de Jules Verne' (extrait de "Autour de la lune")
comporte une erreur évidente (à la lumière de l'actualité spatiale ! ).
Laquelle ? Pourquoi ? (On demande une justification mécanique, et
non pas "métaphysique"; on pourra être amené à assimiler l'obus à un
point).
A 78114 lieues
..........
En effet, la trajectoire du projectile se traçait entre la Terre et la Lune. A mesure
qu'il s'éloignait de la Terre, l'attraction terrestre diminuait en raison inverse du cané
des distances, mais aussi l'attraction lunaire augmentait dans la même proportion. Il
devait donc arriver un point où, ces deux attractions se neutralisant, le boulet ne
pèserait plus. Si les masses de la Lune et de la Terre eussent été égales, ce point se fût
rencontré à une égale distance des deux astres. Mais en tenant compte de la différence
des masses, il était facile de calculer que ce point serait situé aux quarante-sept
cinquante-deuxièmes du voyage, soit, en chiffres, à soixante-dix-huit mille cent qua-
torze lieues de la Terre
SOMMAIRE 75

A ce point, un corps n'ayant aucun principe de vitesse ou de déplacement en lui,


y demeurerait éternellement immobile, étant également attiré par les deux astres, et
rien ne le sollicitant plutôt vers l'un que vers l'autre.
Or, le projectile, si la force d'impulsion avait été exactement calculée, le projectile
devait atteindre ce point avec une vitesse nulle, ayant perdu tout indice de pesanteur,
comme tous les objets qu'il portait en lui.
Qu'arriverait-il alors ? Trois hypothèses se présentaient.
Ou le projectile aurait encore conservé une certaine vitesse, et, dépassant le point
d'égale attraction, il tomberait sur la Lune en vertu de l'excès de l'attraction lunaire
sur l'attraction terrestre.
Ou la vitesse lui manquant pour atteindre le point d'égale attraction, il retom-
berait sur la Terre en vertu de l'excès de l'attraction terrestre sur l'attraction lunaire.
Ou enfin, animé d'une vitesse suffisante pour atteindre le point neutre, mais
insuffisante pour le dépasser, il resterait éternellement suspendu à cette place, comme
le prétendu tombeau de Mahomet, entre le zénith et le nadir.
Telle était la situation et Barbacane en expliqua clairement les conséquences à ses
compagnons de voyage. Cela les intéressait au plus haut degré. Or comment
reconnaîtraient-ils que le projectile avait atteint ce point neutre situé à soixante-
dix-huit mille cent quatorze lieues de la Terre ?
Précisément lorsque ni eux ni les objets enfermés dans le projectile ne seraient
plus aucunement soumis aux lois de la pesanteur.
Jusqu'ici, les voyageurs, tout en constatant que cette action diminuait de plus en
plus, n'avaient pas encore reconnu son absence totale, Mais ce jour-là, vers onze heures
du matin. Nicholl ayant laissé échapper un verre de sa main, le verre, au lieu de
tomber, resta suspendu dans l'air.
"Ah! s'écria Michel Ardan, voilà donc un peu de physique amusante! ".
Et aussitôt, divers objets, des armes, des bouteilles, abandonnés à eux-mêmes, se
tinrent comme par miracle. Diane, elle aussi, placée par Michel dans l'espace, repro-
duisit, mais sans aucun truc, la suspension merveilleuse opérée par les Caston et les
Robert-Houdin. La chienne, d'ailleurs, ne semblait pas s'apercevoir qu'elle flottait dans l'air.
Eux-mêmes, surpris, stupéfaits, en dépit de leurs raisonnements scientifiques, ils
sentaient, ces trois aventureux compagnons emportés dans le domaine du merveilleux,
ils sentaient que la pesanteur manquait à leur corps. Leurs bras, qu'ils étendaient, ne
cherchaient plus à s'abaisser. Leur tête vacillait sur leurs épaules. Leurs pieds ne
tenaient plus au fond du projectile. Ils étaient comme des gens ivres auxquels la
stabilité fait défaut. Le fantastique a créé des hommes privés de leurs reflets, d'autres
privés de leur ombre! Mais ici la réalité, par la neutralité des forces attractives.
…………
L'habillage est une technique pédagogique très répandue qui utilise
intentionnellement le faux-concret. Elle consiste en la présentation d'un
texte mathématique dans un contexte fantaisiste.
SOMMAIRE 76

Deux motifs peuvent être invoqués pour justifier cette pratique:


a) Parfois l'on désire rendre attrayant un énoncé trop aride: on trouve dans
les oeuvres d'Archimède un difficile problème d'arithmétique présenté sous
forme allégorique (Le Problème des Boeufs) et Omar Khayyam rédigeait ses
énoncés en vers!
Il est douteux que nos jeunes élèves soient sensibles à ces artifices.
Leurs références littéraires sont différentes.

Exemple 13
Pour planifier la production d'une marchandise dont la fabrication exige un
grand nombre d'opérations soumises à des contraintes de durée et de
priorité, on utilise la méthode PERT (Program Évaluation and Review
Technic). Elle repose sur des notions ensemblistes simples et peut être
comprise par des jeunes élèves. Mais comme elle n'est pas certaine de les
passionner par le planning de la fabrication des fers à repasser, Françoise
Dubail a préféré leur soumettre l'énoncé suivant qui s'adresse aux fana-
tiques d'Astérix le Gaulois [37].
Pour fabriquer de la potion magique, il faut:
un chaudron, une serpe d'or, de l'eau de source et les ingrédients suivants:
2 améthystes (a), 6 betteraves (b), 4 coeurs d'abeilles ouvrières (c), 7 dattes
d'Égypte (d), 9 épines d'acacia (e), 15 fraises des bois (f), 3 gueules de vipères (g),
1 branche de houx coupée par la serpe d'or (h). Remplir le chaudron d'eau, puis
faire macérer les ingrédients en respectant les règles qui suivent:
1) Il faut que a ait macéré au moins trois jours avant de mettre à macérer d, f, e.
2) g doit macérer au moins quatre jours;
f doit macérer au moins sept jours;
h doit macérer au moins trois jours.
3) Avant de mettre à macérer g il faut que b ait macéré au moins six jours et que d
ait macéré au moins quatre jours.
4) Avant de mettre à macérer h, il faut que c et e aient macéré au moins deux
jours.

Question: Quelle est la durée de fabrication minimum de la potion


magique ?
b) Dans d'autres cas, l'habillage permet de poser des problèmes intéressants
dans un langage que les enfants comprennent d'emblée.
SOMMAIRE 77

Exemple 14
Il est possible de préparer l'initiation à la géométrie déductive plusieurs
années à l'avance.
A de jeunes écoliers habitués à se servir de cartes de géographie. mais pas
encore familiarisés avec le langage ensembliste, on peut présenter des
schémas de réseaux routiers, (dont voici un exemple):

On leur demandera de le compléter (ou de le modifier) en sorte qu'il


satisfasse à des conditions telles que:
"Par deux villes distinctes passe une route directe et une seule"
ou encore
"Deux routes distinctes passent toujours par une ville commune".
On peut obtenir des modèles finis où tous les axiomes d'incidence de la
géométrie affine (resp. projective) sont satisfaits sans que les routes aient
un aspect rectiligne.
Ce matériel permet de proposer de très nombreux raisonnements inté-
ressants qui préfigurent les démonstrations de la géométrie [47].
SOMMAIRE 78

Il y a de grands avantages à éviter, à ce niveau, les mots "droites",


"parallèles", "plan" qui sont chargés d'une 'signification profondément
ancrée dans l'esprit des élèves. On évite le conflit entre le déductif et
l'expérimental, qui constitue la principale difficulté à l'enseignement de la
démonstration mathématique.
Pourtant, l'habillage précédent n'est pas encore satisfaisant. Par
exemple, on constate sur la figure que les "routes" qui joignent les villes
{C, D, F} et {G, E, C} se croisent en dehors d'une ville. On peut remédier à
cela en remplaçant partout le mot "route" par "autoroute" et en
expliquant que certaines intersections qui figurent sur la carte ne sont pas
des croisements, puisqu'un pont ou un passage souterrain les évitent. Mais
néanmoins le tracé des autoroutes est trop matérialisé pour que les enfants
soient capables de faire abstraction de la forme. Par exemple, sur la figure,
la ville D est dessinée "entre" C et F. C'est là une notion dont la géométrie
d'incidence veut faire abstraction (jusqu'à ce que d'autres axiomes soient
introduits).
En cherchant à imaginer une habillage qui facilite ces abstractions aux
enfants on a suggéré d'évoquer un lac, comportant certains embar-
cadères {A, B, C, D, ..., G} sur les berges, ou dans les îles, et de considérer
des "croisières" desservant certains embarcadères.
Ici, l'itinéraire d'une croisière n'est plus matérialisé sur l'eau; et on peut
expliquer que le capitaine de la vedette qui dessert les embarca-
dères {C, D, F} se réserve le droit de modifier son chemin, suivant les
conditions météorologiques. En particulier, il ne se sent pas obligé de visiter
ses escales dans un ordre immuable.
On peut demander aux écoliers de dessiner un autre schéma, très
différent en apparence du dessin précédent, mais respectant néanmoins
toutes ses relations ensemblistes. En d'autres termes, on demande de
manipuler sur des isomorphismes de structures d'incidence. Tout cela peut
être accompli, à condition de ne pas utiliser (ou abuser) du langage
ensembliste. Évidemment, il faut une expérimentation prudente pour
adapter chaque exercice à l'âge des élèves auxquels on s'adresse. Mais la
géométrie finie peut être présentée d'une façon progressive du Cours Moyen
à l'Université.
Pour terminer, citons des exemples où la mathématique sert d'habillage
à des exercices de grammaire.
SOMMAIRE 79

Exemple 15
Tel est le cas des problèmes du premier degré comportant la phrase :
"J'ai trois fois l'âge que vous aviez quand j'avais l'âge que vous avez".
Sam Loyd [14] formule un exercice analogue:
"Mary is twice as old as Ann was when Mary was hall as old as Ann will be when
Ann is three times old as Mary was when Mary was three times as old as Ann.
The combined ages of Mary and Ann are forty-four years. How old is Mary ? ".
Nos collègues anglicistes pourraient-ils aider nos élèves à décrypter cet
"exercice de charabia"?
SOMMAIRE
SOMMAIRE

CHAPITRE 7

LES TESTS

Ce chapitre distingue deux catégories de questions de contrôle dont les


finalités sont différentes, et parfois opposées: les tests pédagogiques et les
épreuves à sanctions sociales.
Ces dernières, à usage extra-scolaire, attribuent des attestations de
compétence (notes, classement, diplôme, etc.) destinées à orienter les indi-
vidus dans leur vie professionnelle ultérieure. Les tests pédagogiques, au
contraire, sont des instruments du processus d'enseignement. Ils organisent
le feed-back du maître par les élèves et leurs résultats sont généralement
sans conséquence hors des murs de l'école. Ils fournissent constamment au
professeur et à l'élève des informations sur la façon dont l'enseignement est
reçu. Sous sa forme la plus naïve, ce test se réduit à la question: "Avez-
vous compris ? "
Malheureusement, les interrogés sont rarement en mesure de répondre
utilement à cette interpellation; car il faut avoir déjà atteint un stade
avancé de l'éducation mathématique pour prendre conscience de ce que
l'on ne comprend pas, et pour savoir le formuler.
SOMMAIRE 82

1. L'autocontrôle
II convient donc d'exercer l'élève à contrôler lui-même ses connaissances et
à prendre conscience du degré d'assimilation. On y parvient grâce à des
exercices analogues aux suivants:
a) Vérification d'un savoir faire
L'élève fabrique lui-même des exemples numériques sur lesquels il essaie la
méthode étudiée. De préférence, il s'organisera de façon à pouvoir facile-
ment vérifier lui-même la réponse. Par exemple, il composera des équations
ayant des racines qu'il se donnera à l'avance, avant de s'exercer à les
résoudre par la méthode qu'il désire tester.
b) Contrôler la compréhension d'une démonstration en reprenant le raison-
nement sur un cas particulier. (Par exemple, on refera sur la parabole la
démonstration d'un théorème relatif aux coniques).
c) Apprendre à vérifier la justesse d'un résultat
Le maître évitera de répondre lorsque l'élève lui demandera s'il a "trouvé
juste". Il l'encouragera, au contraire, à s'en convaincre lui-même, grâce à des
vérifications ou à des recoupements divers. L'élève contrôlera sponta-
nément si les formules qu'il obtient sont homogènes, si le résultat est en
accord avec le bon sens dans des cas particuliers, ou des cas limites, si
l'ordre de grandeur de la réponse est plausible.
d) L'élève doit apprendre à se noter lui-même. Plus précisément, il doit être en
mesure de porter un jugement sur l'importance des erreurs qu'il pourrait
avoir commises. Les grosses erreurs de jugement sur son propre travail
révèlent généralement une incompréhension profonde.
Cet exercice comporte aussi des aspects moraux qu'il ne faut pas
négliger: développement de la probité scientifique, connaissance de soi sans
complaisance orgueilleuse, ni manque de confiance exagéré. Si l'élève a
raté un devoir, il est conduit en se notant lui-même à ne pas rejeter la faute
sur son professeur dont le rôle n'est pas de rendre des oracles, ni de
distribuer blâmes ou récompenses.
2. Le feed-back immédiat
A la question stupide "Avez-vous tous compris ? " le professeur doit substi-
tuer des séries de questions susceptibles de révéler immédiatement les
malentendus et d'influer sur la poursuite de son enseignement.
Mais ces questions de contrôle doivent pouvoir s'interpréter pédago-
giquement sans ambiguïté:
SOMMAIRE 83

Exemples 1
a) Pour tester la compréhension de la notion de nombre premier on
demandera de souligner les nombres premiers dans une courte liste. Mais il
ne faut pas que la réussite ou l'échec soit dû à des circonstances étrangères à
l'essentiel. Par exemple, un élève pourra penser que 133 (qui est égal à
7 ⋅ 19) est premier, soit parce qu'il n'aura pas essaye de diviser par 7, soit
parce qu'il se sera trompe dans la division. Dans le second cas, c'est la
faiblesse en calcul qui est en cause et non la compréhension de la notion.
b) De même, si un élève parvient à calculer correctement une dérivée, on
ne peut en conclure qu'il a compris ce qu'est une dérivée.
c) Une batterie de tests destines à vérifier l'acquisition du langage ensem-
bliste proposait de rayer des relations fausses dans une longue liste. C'est
ainsi que :
{1 ; 8} . {1 ; 2 ; 5} et {1 ; 8}. {1 ; 2 ; 5}
furent barres à juste titre par presque tous les candidats.
Mais une analyse fine du comportement des élèves faibles prouva qu'ils
avaient surtout été impressionnes par la présence du nombre 8 aux premiers
membres; d'ailleurs ils avaient échoué à propos de:
{1 ; 5} . {1 ; 2 ; 5} et {1 ; 5}. {1 ; 2 ; 5}
où seul l'emploi correct de . et . était en cause.
(Cf "Tests sur l'acquisition des connaissances en fin de cinquième", Tra-
vaux de l'I.R.E.M. de Strasbourg (à paraître)).
Ces remarques conduisent à se demander ce que l'on exprime lorsqu'on
prétend qu'un élève a compris.
Le professeur Bloom, de Chicago [48], et son école s'efforcent de
classifier des objectifs pédagogiques, en distinguant des niveaux de connais-
sance et de compréhension.
Voici, à titre d'exemple, une version simplifiée de l'échelle de Bloom,
utilisée par le Service des Examens de l'Université de Princeton: (Bien
entendu, les mots utilises dans la liste ci-dessous sont expliques et illustres
par de nombreux exemples comparatifs dans les publications [48], [49],
[50]).
0 : L'aptitude à se rappeler la connaissance des faits.
1 : L'aptitude à accomplir des manipulations mathématiques.
2 : L'aptitude à résoudre des problèmes ordinaires.
3 : L'aptitude à montrer la compréhension des idées et des concepts mathé-
matiques.
SOMMAIRE 84

4 : L'aptitude a résoudre des problèmes sortant de l'ordinaire, ce qui exige de la


perspicacité ou de l'habileté.
5 : L'aptitude à appliquer aux mathématiques des procédés mentaux supérieurs.
Ces travaux méritent d'être perfectionnés notamment dans une meil-
leure adaptation de l'enseignement des mathématiques.
Exemple 2
A propos du noyau et de l'image d'une application linéaire on peut distinguer
divers niveaux d'assimilation.
Connaître par coeur la définition (c'est le niveau 0 de l'échelle précédente).
Être capable de déterminer ces sous-espaces sur des exemples numériques (niveau
de connaissance 1).
Être capable de déjouer une question-piège où l'on demande de chercher le noyau
d'une application non-linéaire (niveau 3). Mais on n'a vraiment compris ces notions
que lorsqu'on est capable de fabriquer, par exemple, un couple d'endomorphismes
(A, B) tels que A ° B = 0 et B ° A * 0 en jouant sur les positions relatives des
noyaux et des images. (C'est le niveau 5 ou 3 selon que l'élève réinvente la
méthode ou applique en les adaptant des procédés déjà rencontrés).
3. Les épreuves à sanctions sociales
Dans la société contemporaine - sous tous les régimes politiques - le profes-
seur est investi d'un pouvoir social: il, est chargé de décerner des certificats
de qualification ou des diplômes basés sur des interrogations, compositions,
examens ou concours. On notera que ce rôle se distingue de la fonction
enseignante, et que dans une certaine mesure, il la contredit [51].
Tout professeur doit méditer sur ce double aspect de sa profession: les
conclusions qu'il devrait en tirer, sans démagogie, mais sans aveuglement,
méritent d'être nuancées.
D'une part, une orientation ou sélection, opérée dans des limites
précises (à définir) est parfaitement justifiée: un diplôme de docteur en
médecine, un brevet de pilote de ligne, un certificat d'aptitude à l'ensei-
gnement des mathématiques ne sauraient se trouver dans une "pochette-
surprise". Ils devraient garantir une qualification qui inspire confiance au
public. Et, s'il s'agit de vérifier cette qualification, n'est-il pas préférable
que le contrôle soit confié à des interrogateurs compétents, plutôt qu'à des
gendarmes, des inquisiteurs ou des commissaires politiques ? Mais d'autre
part, les modalités d'attribution des diplômes revêtent parfois des aspects
répressifs discutables.
SOMMAIRE 85

" Les examinateurs, écrit Henri Piéron, sont appelés à une véritable
souveraineté, dont ils sont trop souvent tentés d'abuser, même s'il le font
avec bonne foi".
L'échec à un examen est beaucoup trop dramatisé: il est ressenti
parfois comme une honte ou une injustice par le candidat malheureux.
Pourtant, cet aspect traumatisant est complètement étranger à la fonction
assumée par les examens. Des efforts doivent être déployés pour rendre ces
formalités de contrôle plus humaines.
Chaque fois qu'un interrogateur siégera dans un jury, il fera un effort
de mémoire pour se reporter quelques années en arrière, au temps où il
était assis en face, au banc des interrogés. Les choses iraient mieux, si les
adultes n'oubliaient pas si vite!
Admettant, sous réserve d'inventaire, la légitimité de ce contrôle social,
nous nous proposons d'examiner la rédaction des textes d'épreuves du
point de vue technique et pédagogique.
4. Préparation d'une épreuve: principes généraux
Un énoncé de contrôle se juge en fonction de sa finalité. L'auteur doit
d'abord s'interroger sur les connaissances ou aptitudes qu'il désire détecter.
La forme de l'épreuve, le choix, la formulation et l'agencement des
questions, les techniques de corrections et de jugements doivent être
subordonnés à cette finalité.
Au lieu de développer en termes généraux la théorie de ces différents
facteurs, nous préférons les examiner sur quelques exemples.
Exemple 3
Voici un questionnaire, composé par N. Roby. Il l'utilisait lors des pre-
mières séances de travaux pratiques de mathématiques générales.
QUESTIONNAIRE
Vrai Faux
1. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il suffit qu'il soit
divisible par 3.
2. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il faut qu'il soit divisible
par 3.
SOMMAIRE 86

Vrai Faux

3. Pour qu'un entier soit divisible par 6; il faut qu'il soit divisible par 3
et par 2.
4. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il suffit qu'il soit
divisible par 9 et par 4.
5. Pour qu'un entier ne soit pas divisible par 6, il faut qu'il ne
soit divisible ni par 3 ni par 2.
6. Pour qu'un entier ne soit pas divisible par 6, il suffit qu'il ne soit
divisible ni par 3 ni par 2.
7. Pour que la projection orthogonale d'un angle droit sur un
plan ne soit pas un angle droit, il faut que l'un de ses côtés au
moins ne soit pas parallèle au plan.
8. Pour que la projection orthogonale d'un angle droit sur un
plan ne soit pas un angle droit, il suffit que l'un de ses côtés au
moins ne soit pas parallèle au plan.
9. Pour que deux cercles dans un même plan se déduisent l'un de
l'autre par une homothétie, il suffit qu'ils aient même rayon.
10. Pour que deux droites de l'espace soient sans point commun, il
faut qu'elles ne soient pas dans un même plan.
11. Pour que deux droites de l'espace soient sans point commun, 1
suffit qu'elles ne soient pas dans un même plan.
12. Soit dans le plan l'ellipse E de foyers F et F', de grand axe 2a.
Pour qu'un point M du plan appartienne à E, il suffit que
MF= 2 a et MF '= 4 a
3 3
13. Pour qu'un point M de l'espace appartienne à E, il suffit que
MF= 2 a et MF '= 4 a
3 3
14. Soient dans un plan C et C' deux cercles de rayon R, dont les
centres O et O' sont à la distance 56R. Pour qu'un point M
du plan appartienne à C et C', il faut et il suffit que
MO =MO'=R.
15. Pour qu'un entier a soit divisible par un entier b, il faut que le
reste de la division de a par b soit plus petit que 3.
SOMMAIRE 87

Ce texte vise des étudiants extrêmement faibles. Il sert à détecter ceux


qui ne sont pas à l'abri des cercles vicieux et qui, par conséquent, ne
pourront pas poursuivre des études de mathématiques supérieures tant
qu'ils n'auront pas été guéris de ce défaut rédhibitoire. L'objectif n'est pas
d'exclure, de réprimer, mais de convaincre celui qui échoue qu'il n'a pas les
qualités requises et qu'il se prépare un avenir tissé d'échecs s'il s'engage
dans cette voie à laquelle il n'est pas préparé.
Pour obtenir une conviction très nette, l'épreuve doit être au-dessus de
toute contestation. Elle doit porter sur des points extrêmement importants,
aux yeux de tous, ne comporter aucune question tant soit peu subtile ou
délicate: elle doit se maintenir au niveau du "minimum vital". On pourrait
donc suggérer de supprimer les questions 11, 13, 14, 15 qui appartiennent
à un niveau un peu plus élevé: si l'on n'échoue qu'à celles-là, on peut
parfaitement poursuivre des études supérieures, à condition de réfléchir à
quelques point délicats de logique, notamment ceux qui sont liés à l'emploi
de l'ensemble vide ¬ .
Grâce à la forme du questionnaire, où la réponse s'inscrit à l'aide d'une
croix dans une case (un tel test s'appelle, en anglais, un quiz) l'échec ne
peut être attribué à la partialité ou à la sévérité du correcteur, pour autant
qu'aucun doute ne subsiste sur la réponse correcte attendue.
La méthode de notation "évidente", qui consiste à attribuer un point
par réponse correcte n'est pas adaptée à cette finalité: en effet, les
questions 1 ; 2 ; 3 ; 4 forment un tout. Un candidat qui se trompe sur
l'une d'elles n'a manifestement pas compris les trois autres. La gradation
qui distinguerait ceux qui se sont trompés une ou deux fois sur ces quatre
questions introduirait un élément de chance qui n'a aucune signification en
ce qui concerne les aptitudes.
De plus, on a intérêt à ce que la liste des notes attribuées présente une
nette cassure entre les candidats moyens et les candidats très faibles. Cela
rend encore plus convaincante la démonstration qui fait l'objet du test.
Les questions, telles qu'elles sont présentées, ne sont évidemment pas
indépendantes: tout candidat aura tendance à fournir des réponses opposées
à 1 et 2 (ou à 7 et 8). On atténuera considérablement cette corrélation en
dispersant ces questions dans le questionnaire. Ce conseil est en contraste
avec ce qu'il y a lieu de faire en rédigeant une batterie d'exercices
didactiques (chapitre 3), où la proximité des questions analogues attire
l'attention sur les ressemblances et lés différences.
SOMMAIRE 88

On ne peut pas juger de la valeur de ce test, si l'on n'a pas précisé à


l'avance la durée offerte aux candidats pour y répondre. Cette durée doit
être en rapport avec la finalité de l'épreuve. Un candidat qui aurait besoin
de plusieurs minutes pour répondre correctement aux deux premières
questions n'a manifestement pas l'agilité d'esprit nécessaire pour suivre une
démonstration exposée oralement au tableau.
De même, la réponse doit être écrite à l'encre, et les ratures ne seront
pas admises, car il s'agit ici de questions où les hésitations ne sont pas de
mise.
Exemple 4
On pourrait imaginer, en prolongement au test précédent, une épreuve
destinée aux étudiants moyens, pour attirer leur attention sur quelques
points délicats de logique sur lesquels ils feraient bien de réfléchir.
Le questionnaire pourrait commencer par une partie du précédent, qui
servirait d'épreuve éliminatoire: mais ces questions triviales ne devraient pas
être notées. L'énoncé proprement dit comporterait les questions 11, 13, 14,
15 complétées par quelques "colles" plus subtiles, telles que:
"Pour qu'un point M se trouve sur une ellipse de foyers F et F' et de
grand axe 4 FF', il suffit que MF = 10 FF' et MF' = 2 FF' ".
ou encore quelques facéties logiques à la Lewis Carroll [18].
Dans ce cas il y a lieu de donner beaucoup de temps de réflexion aux
candidats: ce n'est plus ici, une épreuve de rapidité. Et il serait dommage
que l'échec soit dû uniquement à l'affolement ou l'étourderie.
Exemple 5
Pour mettre au point les questions du "General Certificate of Education"
(Ordinary Level), qui joue en Grande-Bretagne un rôle social analogue à
notre baccalauréat (considéré comme diplôme de fin d'études) l'Université
de Londres a créé un Institut spécial [49], [38] (Penfold). L'élaboration de
"Quiz à choix multiples" s'y échelonne sur des années. Des questions sont
proposées par des professeurs qui leur attribuent une place dans une
classification analogue à celle de Bloom [48]. Après un tri et un échan-
tillonnage laborieux, on teste la batterie de questions dans des classes-
cobayes qui ne sont pas du ressort de l'Université de Londres, perfec-
tionnant pendant plusieurs années la mise au point.
Les candidats sont confrontés à des questions affectées chacune de cinq
réponses plus ou moins plausibles. Plusieurs réponses peuvent être
SOMMAIRE 89

simultanément correctes, ce qui permet à priori le choix entre 25 réponses.


L'influence du hasard est assez faible.
Mais dans la pratique, les candidats éliminent d'abord quelques
réponses qu'ils jugent évidemment fausses et prennent quelques risques sur
les réponses restantes.
En général, le correcteur doit savoir qu'une copie n'est pas forcément
sincère. Un candidat qui n'est pas certain de répondre correctement préfè-
rera sans doute "faire un pari", plutôt que de remettre copie blanche. Ce
phénomène dg- prise de risque, que l'on observe régulièrement au cours des
jeux radiophoniques, explique au correcteur pourquoi il trouve d'invrai-
semblables sottises sous la plume d'élèves qu'il croyait intelligents.
Exemple 6
Voici à titre d'exemple, le témoignage d'une candidate reçue brillamment au
concours d'entrée à l'École Normale Supérieure de Sèvres, bien qu'elle ait complè-
tement raté une composition écrite: "Pendant toute la durée de l'épreuve, je savais
pertinemment que mes affirmations manquaient totalement de rigueur et que je
passais à côté de la question. Mais je ne savais vraiment pas ce qu'il fallait faire...
et il aurait été stupide de remettre une copie blanche".
Le correcteur a dû être très étonné en apprenant que l'auteur de cette
copie nulle avait fait preuve de beaucoup d'intelligence dans les autres
compositions!
Exemple 7
Lorsqu'il s'agit de sélectionner un très petit nombre de sujets extrêmement
brillants, en vue d'attribuer une bourse ou un prix, la formule des Olym-
piades [9], [10], [11], [12], nous semble préférable à celle du concours
général. L'Olympiade comporte une épreuve de sélection, suivie de quarts
de finale, demi-finales et finale. A chacune de ces épreuves on confronte les
candidats avec cinq problèmes (au sens du chapitre 2): celui qui réussit à
en résoudre deux (ou, pour les plus difficiles, à faire sérieusement avancer
la question) est assuré de passer à l'échelon suivant. Les succès ne donnent
pas directement lieu à un diplôme, niais l'accès en demi-finale est un titre
envié dont on peut efficacement faire état.
La technique de correction ne tient pas compte des copies trop faibles.
Le jury est alors confronté à très peu de copies, sur les mérites desquelles
il peut discuter sans avoir besoin d'attribuer des notes.
SOMMAIRE 90

Les Olympiades soviétiques offrent l'avantage d'atténuer considé-


rablement l'effet traumatisant de l'échec: il s'en organise plusieurs au cours
de chaque année, et un candidat qui manquerait d'inspiration pour l'une
d'entre elles, aura de multiples occasions de concourir à nouveau, sans
interrompre ses études, ni perdre une année pleine. Ainsi une bonne
performance est récompensée. Un échec reste sans conséquence.
Exemple 8 [52]
Critiquons maintenant un concours d'entrée à l'École Polytechnique [50],
où il s'agissait de sélectionner 300 candidats parmi 1600. La correction de
chaque épreuve écrite (par un correcteur unique) s'étendait sur plus d'un
mois. Il s'agissait de juger toutes les copies avec la même sérénité, sans se
laisser influencer par la lassitude, sans désavantager une copie moyenne,
corrigée après quelques copies brillantes, au profit d'une copie analogue
placée dans une série de copies nulles.
Pour se soustraire à de telles influences, le correcteur est obligé de se
cramponner à un barème rigide, soumis à des contraintes précises: il
commence par établir une liste de bonnes réponses dûment tarifées, et une
liste d'erreurs standard dûment pénalisées.
Dès que ce barème est fixé, il n'est plus possible de tenir compte d'un
élément exceptionnel.
Un tel concours favorise les candidats qui sont réguliers dans leur
travail, assez bons dans toutes les matières (payantes), qui ne se passionnent
ni pour quelque chose, ni contre quelque chose. Mais les "monstres d'intel-
ligence" ayant des qualités et des défauts qui sortent de l'ordinaire sont
parfois lésés. C'est ainsi qu'Évariste Galois a échoué au concours d'entrée à
l'École Polytechnique.
Trop nombreux sont les auteurs de sujets de concours qui n'ont pour
tout souci que de composer un bel énoncé, joyau de leurs oeuvres
complètes. Le clou en est constitué par la fameuse dernière question, celle
qu'aucun candidat n'aura le temps d'aborder et qui finalement ne sera
même pas notée.
Faute d'avoir terminé l'épreuve, aucun candidat n'aura entrevu le
thème, l'idée directrice: il se contentera d'établir des lemmes artificiels dont
il ne comprend pas la motivation: belle pédagogie, en vérité, que celle où
l'on est obligé de travailler sans savoir où l'on va.
SOMMAIRE 91

Le texte est très long, c'est pourquoi l'auteur "conduit charitablement


les candidats par la main", leur ôtant toute occasion de faire valoir leurs
qualités. On ne leur laisse que le droit d'égrener une liste de vérifications
insipides.
Énumérons, par contraste, quelques règles qu'il est bon de respecter
lorsqu'on fabrique un texte de composition d'examen ou de concours.
a) Il faut prévoir les difficultés qui arrêteront de nombreux candidats: il se
formera des "bouchons", des goulots d'étranglement. On veillera à ce
qu'aucun de ces bouchons ne se produise à la question du début, ce qui
aurait pour effet de décourager la majorité: le correcteur se retrouverait
avec une masse de copies très faibles. Plus précisément, cette première
question doit jouer le rôle d'une épreuve éliminatoire. Il ne doit subsister
aucun doute sur l'extrême faiblesse de ceux qui ne parviennent pas à
franchir cette étape.
b) Il faut prévoir des déviations pour résorber les bouchons: en d'autres
termes, on ménagera explicitement beaucoup de possibilités de poursuivre
la recherche sans avoir résolu certaines questions.
c) On évitera les questions corrélées entre elles, en sorte que tout candidat
qui réussit (resp. échoue) à la première, a de fortes chances de réussir (resp.
échouer) à la seconde. La seconde question est alors inutile: elle ne fournit
plus aucune information intéressante sur le candidat.
d) On renoncera complètement à l'unité de l'énoncé. La cohérence est une
qualité réservée aux exercices d'exposition (chapitre 1). Au contraire, pour
mettre en évidence la diversité des aptitudes du candidat, on visera à
l'éclectisme: on juxtaposera, par exemple, des contrôles de connaissances,
des tests d'aptitude au calcul ou au raisonnement logique, des questions
d'intelligence destinées à vérifier la compréhension des notions fondamen-
tales, des exercices d'imagination, etc., etc. Et tant pis si l'énoncé paraît
décousu. Sa seule finalité est de contrôler les diverses qualités du candidat.
e) Il n'y a aucun inconvénient à ce que des énoncés d'examen soient trop
courts. Si beaucoup de candidats trouvent le temps de terminer l'épreuve, il
n'y a qu'à s'en réjouir. La détestable habitude de proposer des énoncés trop
longs provient, sans doute, de la confusion entre la rédaction d'un test et
celle d'un exercice d'exposition: pour ce dernier, l'auteur est tenu d'amener
l'énoncé à sa conclusion puisqu'il y a un théorème à démontrer ou une
théorie à exposer. Mais, en rédigeant un sujet d'examen, on n'est pas tenu à
exposer un thème jusqu'à son aboutissement. Un énoncé d'examen ne sert
qu'à examiner !
SOMMAIRE 92

6. Notations
Lorsqu'on veut comparer la valeur de quelques individus, on commence par
déterminer les critères (qualités et défauts) qui serviront à porter le juge-
ment. On cherche alors à coder ces qualités et défauts, on attribue un
symbole mathématique (appartenant au code) à chaque concurrent. Cette
mathématisation des aptitudes (Cf. chapitre 6) est satisfaisante si la simple
lecture du symbole donne une image fidèle du candidat.
De nombreux travaux ont été consacrés à la docimologie, qui est l'art
d'interpréter des tests [53], [54]. Quelques institutions spécialisées cher-
chent à évaluer les aptitudes et les connaissances des élèves selon des
critères scientifiques [49]. Mais généralement, en France, la confection des
énoncés d'épreuves est fondée naïvement sur les principes de la "pifo-
métrie". On affecte les copies de notes, calculées au "milliquart de point
près", entre 0 et 20, sans se soucier de savoir ce qu'on mesure, ni
pourquoi, ni comment.
Dans l'armée, le codage se fait par grades, et la règle est simple: c'est le
plus âgé dans le grade le plus élevé qui a toujours raison.
La tradition a fait adopter un modèle mathématique presque aussi
expéditif dans nos examens et concours: on attribue à chaque candidat une
note chiffrée unique et le classement s'effectue par notes décroissantes,
avec éventuellement des ex-aequo.
Ce modèle est en opposition flagrante avec l'expérience: il est impos-
sible de munir les candidats d'un préordre total, compatible avec leurs
qualités (un ordre total lorsqu'il n'y a pas d'ex-aequo). On sait depuis
Condorcet (Cf. [37], Christian Corne; Georges Glaeser et aussi Chapitre 6,
exemple 2) que la relation des individus suivant leur valeur n'est même pas
transitive. Enfin des candidats classés ex-aequo peuvent avoir des qualités et
des défauts variés, alors que la notation les rend indiscernables.
En fait, les jurys disposent au départ d'une profusion de notes, portant
sur des matières différentes. Au lieu de traiter ces données scientifiquement
pour améliorer la connaissance de la personnalité de ceux qu'ils ont à juger,
les jurés s'empressent de transformer ces informations en une note unique.
On effectue pour cela une moyenne pondérée, à l'aide de coefficients
choisis empiriquement. Prendre la moyenne est le procédé standard pour
perdre de l'information, et c'est en négligeant volontairement tout ce qui
fait l'originalité de chaque cas individuel que le verdict est rendu. Peut-on
mettre sur le même plan un élève régulier, sans originalité, et un élève
SOMMAIRE 93

parfois très brillant mais sujet à des défaillances ? En fait, ils ne sont pas
comparables.
Dans les examens, le modèle traditionnel attache une importance
magique à la note 10/20. Pourtant cette note n'a aucune propriété descrip-
tive particulière; ce n'est que le pseudo-milieu d'un ensemble gradué qui
n'est muni d'aucune structure affine. (Cf. Fascicule 2, Livre du Problème).
On trouverait certainement absurde et dangereux d'accorder un diplôme d'infir-
mière à une stagiaire qui, ayant à effectuer 20 piqûres intraveineuses, n'en raterait
que 7, ce qui lui vaudrait la note 13 largement au-dessus de la moyenne!
De même, le questionnaire de l'exemple 3 ne donne pas un résultat
satisfaisant si l'on fournit 8 réponses correctes sur les 15 posées.
Un modèle mathématique qui décrirait plus fidèlement les mérites
respectifs des candidats à un examen pourrait se baser sur une liste d'une
trentaine, au plus, de types caractérologiques décrits à l'avance. Il préci-
serait explicitement les niveaux de connaissances, les aptitudes et les
performances, de sorte qu'il ne soit pas trop difficile de répartir les
candidats entre ces types.
On ne chercherait pas à établir une relation d'ordre total entre ces
types, et l'on renoncerait à la notion de succès et d'échec à l'examen.
Le résultat ne serait plus un classement par valeur croissante, ni une
partition brutale en deux classes (les "reçus" et les "recalés').
Ce système faciliterait la poursuite des études et l'orientation profes-
sionnelle, alors que le baccalauréat (avec mention passable) ne fournit
aucune indication qui permette de choisir entre la marine marchande, la
dactylographie ou l'école des Arts décoratifs.
Pour établir la liste des types caractérologiques, il suffirait d'utiliser les
travaux concernant l'orientation professionnelle. Chaque type caractéro-
logique n'est pas caractérisé par une note unique mais par un assemblage de
notes que les psychotechniciens appellent un profil.
Depuis les travaux de Spearman [55], et le développement de l'Analyse
factorielle, on sait représenter ce profil par un vecteur d'un espace euclidien
à n dimensions. Chacune des coordonnées de ce vecteur représente une
aptitude et le fait que deux vecteurs soient orthogonaux se traduit par une
corrélation nulle entre les aptitudes considérées.
SOMMAIRE 94

C'est dans la voie d'une représentation plus fidèle de la personnalité de chacun que
la technique des tests pourra prendre une résonance plus humaine, moins
aliénante, moins traumatisante, moins critiquable, moins absurde!
Disons pour terminer quelques mots au sujet de la sensibilité des
systèmes de notation.
Les nuances que l'on espère exprimer en accordant la note 18 ou 16 à
un élève brillant (resp. 0 ou 3 à un élève nul) sont tout à fait illusoires et c'est
dans cette pseudo-précision que les différences de sévérité ou d'indul-
gence de chaque correcteur risquent de causer le plus d'injustices.
Pourtant, cette pratique arbitraire et néfaste est officiellement encou-
ragée. Comme supplément aux oeuvres de Courteline, citons le texte d'une
circulaire, datée du 9 juillet 1971, publiée par le Secrétariat d'État chargé de
la jeunesse, des sports et des loisirs, relative à la notation du personnel
d'inspection.

"Il est demandé aux recteurs d'Académie de retenir le barème suivant:


Exceptionnel 19; très bien: de 17 à 18 3 ; bien: de 14 1 à 16 3 ; assez bien:
4 4 4
de 12 à 14; passable de 11 1 à 11 3 ; médiocre de (sic) 11 et au-dessous"'
4 4
On remarquera que l'attribution de la note 20 n'est pas prévue, la perfection
n'étant pas de ce monde. Toutefois, comme il n'est pas interdit de s'en approcher,
la circulaire du Secrétariat d'État invite les recteurs, au cas où "plusieurs inspec-
teurs obtiendraient la note 19" à procéder i un classement préférentiel des inté-
ressés, en faisant suivre la note 19 d'un numéro de préférence (19 - 1 ; 19 - 2 ;
19- 3 ; etc… )".
Par contre, la classification en 5 types: (nul, faible, moyen, satisfaisant
et excellent) décrit plus objectivement le jugement d'un correcteur (surtout si
l'on se met préalablement d'accord sur les limites que comportent ces
appréciations, en décrivant , de nombreux exemples). Cependant, dans
certains cas, la mention "moyen" n'est pas assez différenciée. Au cours
d'un examen partiel, à l'Institut de Mathématiques de Strasbourg, les six
catégories suivantes
moyens irréguliers
nuls faibles satisfaisants excellents
moyens réguliers
se sont révélés suffisamment précises, pour renseigner les étudiants sur leur
SOMMAIRE 95

niveau, et cette classification était suffisamment sensible pour que le jury


n'ait aucune hésitation dans le classement des copies dans chacune des
rubriques ci-dessus'
Par contre, s'il s'agit d'un examen de recrutement de professeurs, il n'y a
pas lieu de distinguer les nuls et les faibles, ni même les moyens. Mais les
rubriques "satisfaisants" et "excellents" doivent se subdiviser pour rendre
compte de la diversité des types caractérologiques des élèves-maitres.

7. Thèmes de recherche
Ce qui précède montre à l'évidence qu'il reste beaucoup à faire pour
perfectionner l'art du contrôle des connaissances et des aptitudes en
mathématiques'
Un effort s'impose notamment dans les directions suivantes:
a) Mise au point de nouvelles formes de tests, adaptés à des finalités de
plus en plus diversifiées.
b) .Adaptation des textes d'examens à une correction plus souple et plus
juste.
Grosso modo, le correcteur se charge aujourd'hui simultanément de deux
tâches:
Un dépouillement mécanique de, réponses qui pourrait être avanta-
geusement confié à un ordinateur.
Une appréciation, un jugement de valeur, où seul un pédagogue
compétent peut faire oeuvre utile'
Il conviendrait donc de structurer les examens en sorte que les tâches de
routine ne viennent pas distraire le correcteur de son rôle essentiel.
Certains jurys de l'Université de Grenoble ont mis au point des sujets
d'examen, où des feuilles de réponses spéciales séparent nettement les
parties de la copie dont le correcteur doit peser chacun des mots et les
résultats qu'il suffit de vérifier'
c) Étude de l'influence de la durée des épreuves sur les résultats'
Sous-estimer le temps nécessaire pour résoudre un exercice est une
faute pédagogique constamment dénoncée, constamment renouvelée. On
aboutit à juger de l'aptitude à ne pas écrire trop de bêtises lors d'une
course de vitesse.
SOMMAIRE 96

Des tentatives ont été faites pour proposer des compositions ou des
examens sans limitation de durée' Les résultats out été très encourageants:
copies plus intelligentes, plus rince bics, sans gros lapsus'
d) Réalisation de conditions d'examen où l'appréhension, l'angoisse,
l'inhibition soient réduites [56]. l'es candidats qui perdent leurs moyens
en période d'examen ne sont pas nécessairement les moins intéressants.
On a fait des efforts pour atténuer le caractère ponctuel des épreuves,
qui ne doivent pas décider du sort d'un candidat une fois par an, sans
recours, sans appel.
En mathématiques, il est aisé de composer des sujets pour lesquels
l'usage de documents n'offre aucun inconvénient. Il offre I'avantage de
sécuriser 1e candidat coutre la terreur du fameux trou de mémoire.
e) Réflexion sur la pédagogie de l'interrogation orale. Il serait intéressant
de mêler systématiquement des psychologues au public qui assiste à
l'examen oral. A ce face-à-face ni le maître, ni l'élève ne sont suffisam-
ment préparés.
De toute façon des recherches pourraient être entreprises pour dégager
les qualités spécifiques que doivent comporter des questions d"interrogation
orale: il faut enseigner aux futurs maîtres l'art d'interroger, sans cruauté,
sans naïveté excessive, avec des finalité préalablement fixées.
f) Élimination de la contre-pédagogie du bachotage. Pour que l'examen de
fin d'année ne soit pas l'épée de Damoclès qui conditionne tout
l'enseignement, on pourrait envisager que des examens de pronostics
aient lieu an début de l'année. Une fraction non négligeable des élèves
serait assurée, sous réserve d'une assiduité et d'un travail normaux, d'être
dispensée d'examen de fin d'année. Celui-ci prendrait la forme d'un
examen de passage réservé à ceux pour lesquels le pronostic aurait été
douteux.
SOMMAIRE

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SOMMAIRE

EDITIONS C E D I C
N° d'éditeur 472.09
Dépôt légal 4e Trim.
1972 Imprimerie
VAUDREY - LYON

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