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Publication de
l'l. R. E. M. de Strasbourg
LE LIVRE
du PROBLEME
fascicule 1
pédagogie de l'exercice
et du problème
CEDIC 1973
LYON - PARIS
12, rue du Moulin de la Pointe - 75013 Paris
SOMMAIRE
© CEDIC 1972
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SOMMAIRE
pédagogie
de l'exercice
et du problème
SOMMAIRE
SOMMAIRE
SOMMAIRE
Introduction 7
Bibliographie 97
SOMMAIRE
SOMMAIRE
INTRODUCTION
l'occasion d'une explication difficile cru d'une question imprévue d'un élève,
le maître, soit amené à exploiter inopinément un énoncé qu'il ne pensait pas
soumettre au départ. C'est le moment de rappeler que le professeur doit savoir
beaucoup de choses pour pouvoir en enseigner très peu. Il doit se sentir
complètement libéré des difficultés mathématiques pour se consacrer
entièrement aux difficultés, pédagogiques. Et en particulier la connaissance d
une théorie abstraite n'est souhaitable que si l'on ait l'appliquer dans des
situations variée.
En préparant ces recueils nous nous sommes constamment heurtés à
deux exigences contradictoires: d'une part, la plupart des énonces ne
prennent leur- valeur qu'à la faveur des commentaires pédagogique, présen-
tés en face du texte, et qui reposent souvent sur la connaissance de la
solution. Mais d'antre part, nous semblons céder trop souvent à la tentation
que nous dénonçons constamment: souffler prématurément la réponse et ne
pas laisser au professeur le temps de chercher lui-même, chaque fois que cette
recherche lui serait profitable. Car si l'on admet qu'un des buts de notre
enseignement est d'apprendre à nos élèves à résoudre des problèmes, il est
clair que le maître doit avoir une expérience vécue de l'aventure de
recherche de la solution. N'hésitons pas à affirmer que certains problèmes
ne peuvent pas être présentés valablement aux élèves par un professeur qui,
ne l'ayant jamais cherché, ne peut pas se rendre compte de ce qu'il faut
attendre de la part de celui qui cherche. Chaque fois que nous pensons que
le risque de dévoiler prématurément la réponse est trop grand, nous renvo-
yons le commentaire en appendice, sous un numéro entre double crochet,
[[ ]]. (Le simple crochet [ ] renvoie à la bibliographie). Et lorsqu'il nous a
paru souhaitable que le professeur "séchât" un mois ou deux et trouve
lui-même la solution nous avons renvoyé la réponse à des références
bibliographiques volontairement difficilement accessible. De toute façon
l'équilibre entre le désir d'épargner certains efforts inutiles à des collègues
surcharges de tâches et la nécessité de les inciter parfois à un effort
éminemment formateur est malaisé à obtenir.
Notre travail veut aussi réagir contre la routine qui s'installe si faci-
lement dans L'enseignement. Certaines idées pédagogiques intéressantes au
départ se stéréotypent rapidement, transmises de maîtres en maîtres, de
manuels en manuels et les élèves sont encouragés à apprendre par cœur la
solution de certains exercices "bien connus" pour réussir à leurs examens !
Nous ne sous-estimons pas le danger de voir nos propres innovations
donner lien, en peu de temps, à d'autres stéréotypes.
SOMMAIRE 10
CHAPITRE 1
EXERCICES D'EXPOSITION
Exemple 2
(B) 1+2 () ()
n
1
X+3
n 2
2
X +" +(n+1) () n n
n
X
1+2 () ()
2 n
1
+3
2 n
2
+" +(n+1)
2 n
n ()
Des professeurs pessimistes rétorqueront que leur classe est faible, que la
présence des coefficients (k) ne suggère pas suffisamment la formule de
Newton et qu'un tel texte exigera un temps de recherche trop long.
Voici donc une stratégie pédagogique qui ne prend pas plus de
temps que l'énoncé 4, mais qui étale l'opération sur plusieurs semaines.
On insérera l'exercice 4 bis dans une batterie d'exercices:
Dans un premier temps on demandera le calcul de
∑ ()
n
k
, ∑ (-1)()
k n
k
, et ∑ 2()
k n
k
pour k = n
Exemple 5
Il existe des fonctions continues dépourvues de dérivée en un point. Si l'on réalise
un dessin, en couleurs attrayantes avec quelques détails humoristiques représentant le
graphe de la fonction t—>| t | , et surtout de la fonction t—>t sin(1/t), avec sa
corde qui "frétille" au voisinage de l'origine et qu'on l'affiche dans la classe
pendant un mois, le phénomène se gravera certainement dans toutes les mémoires,
sans perte de temps ni effort excessif.
SOMMAIRE
CHAPITRE 2
LES PROBLEMES
Exemple 2
A Moscou, dans une classe d'élite, un jeune vainqueur d'Olympiade mit
plus de quinze jours pour réinventer la démonstration de la continuité du
produit de deux fonctions continues. Le "truc" est pourtant classique; mais
a quatorze ans, le champion l'ignorait. Et, après tout, cet artifice n'est pas
si facile à redécouvrir ! (f(x) g(x) − f(x) g(a) + f(x) g(a) − f(a) g(a)) .
Inversement un professeur qui n'aurait jamais résolu un problème lui-
même sera tenté de sous-estimer la possibilité d'en résoudre. Au lieu
d'encourager l'élève à la persévérance dans la recherche, il aurait plutôt
tendance à freiner l'initiative. Il pensera: "Ne cherchez pas ! vous n'y
arriverez jamais, c'est impossible à trouver! ".
L'entraînement à la recherche de problèmes, (l'heuristique) est donc un
des éléments les plus importants dans la formation mathématique des maî-
tres.
Dans un problème ce n'est pas le contenu mathématique, c'est l'inci-
tation à un comportement de recherche qui importe. Un problème perd de
sa valeur, dès que la réponse est connue.
SOMMAIRE 23
Exemple 3
L'intérêt du problème diophantien de Fermat (an + bn = cn) ne tient pas à sa
réponse éventuelle: à quoi nous servirait-il de savoir qu'il existe un nombre
n, qui s'écrirait avec cinquante chiffres dans le système décimal, pour lequel
l'équation de Fermat admettrait une solution non triviale ?
Mais l'énoncé est si court, si simple que son apparence facile a exercé une
réelle fascination sur des générations d'amateurs, qui ne soupçonnaient pas
la nature de la difficulté et ignoraient les travaux de Kummer sur ce sujet.
Un bon énoncé de problème doit "appâter" adroitement l'élève sous une
apparence anodine. Mais dès qu'on s'y essaie, on se sent empoigné à mesure
que la solution se dérobe. Le véritable connaisseur refuse alors de se laisser
souffler la réponse en même temps qu'il désire ardemment la trouver.
Un énoncé de problème se rédige d'une façon radicalement différente
d'un exercice d'exposition. On ne jalonnera l'énoncé d'aucune indication
susceptible de dévoiler les "astuces". Au contraire il y a un art de dissimuler
la difficulté, de provoquer le défi, de proposer des enjeux (non
nécessairement matériels), de stimuler le désir de vaincre. Ce camouflage de
la solution n'est pas motivé par le désir cruel de faire chercher inutilement,
mais au contraire de provoquer l'effet de surprise lorsque la réponse se
dévoilera: il s'agit de renforcer le contraste entre l'obscurité initiale et
l'évidente simplicité de la réponse... lorsqu'on l'aura trouvée.
Pendant la durée de la recherche, il y a un art de relancer l'intérêt et
d'encourager à persévérer, tout en se retenant de révéler la réponse.
On trouve beaucoup d'énoncés de problèmes dans les recueils consacrés
aux Olympiades [9], [10], [11], [12], [12 bis], ainsi que dans la rubrique
spéciale de l'"American Mathematical Monthly". Signalons en particulier, la
compétition William Lowell Putnam, dont les résultats sont relatés dans
cette revue américaine.
Pour développer l'art de poser des problèmes, le pédagogue pourra
s'inspirer de l'oeuvre de Samuel Loyd (1841 - 1911) [13], [14]. Ce génial
compositeur de puzzles a alimenté les magazines américains de devinettes,
charades, rébus, etc. d'une rare subtilité. C'est un des maîtres de la
composition du problème d'échecs; il a aussi composé, des problèmes de
bridge. Mais il est surtout inégalable dans sa façon d'envelopper sa
marchandise, de présenter quelques questions mathématiques apparemment
sans intérêt sous une forme provocatrice qui incite à vouloir la résoudre.
Examinons d'abord, à titre d'exemple, le puzzle suivant:
SOMMAIRE 24
Exemple 4
Trouver l'ensemble des points A du globe terrestre tels qu'en partant de A, en se
déplaçant d'abord de mille kilomètres vers le sud, puis de mille kilomètres vers l'est
et enfin de mille kilomètres vers le nord, on se retrouve au point A.
Exemple 5
Analyser les associations d'idées qui peuvent conduire à multiplier sin x + cos x par
2
2
pour aboutir à l'identité
sin x + cos x = 2 sin (x + π4 )
2
Si, au premier abord, la multiplication par est un " Deus ex
2
machina" inexplicable, on conviendra qu'au terme d'une telle analyse, il est
bien naturel de rapprocher sin x + cos x de l'expression
cos a sin x + sin a cos x dans le cas où cos a = sin a . On y est d'ailleurs
conduit plus naturellement, à la suite de l'étude expérimentale d'un
"mouvement vibratoire" a cos x + b sin x .
Celui qui prend la peine d'examiner les voies qui l'ont conduit à
résoudre un problème, fait des progrès rapides car il est rare qu'un ensei-
gnement de portée générale ne puisse être tiré de chacune de ces aventures
de recherche particulières [15] . D'autres problèmes exigent moins de
"génie". Leur difficulté provient d'une accumulation de petites difficultés.
SOMMAIRE 25
Problème 6
Pour quels entiers n>3 existe-t-il deux nombres réels a et b (0 <a <b) et un
ensemble E de n points du plan euclidien tel que la distance de tout couple
de points distincts de E soit égale à a ou à b ? [9] Vol.2, problème 108 a.
On constate en première analyse, que la solution résulte d'un examen
détaillé de divers cas de figures. Pour n = 4 , on obtient six valeurs de b
correspondant à a = 1. Chacun des cas particuliers n'est pas difficile.
Néanmoins, il s'agit bien d'un problème, dans la mesure où le chercheur doit
imaginer un plan d'attaque et mener à bien un long programme.
(Évidemment ce plan ne doit pas être fourni par l'énoncé).
Résoudre un problème, c'est souvent le réduire à une suite de nombreuses
vérifications. Il s'agit d'insérer, entre les données et la réponse, une chaîne de
questions faciles. Mais la difficulté consiste à imaginer l'itinéraire de pensée qui
conduit à la conclusion.
Il convient d'entraîner les débutants à intercaler une ou deux étapes
intermédiaires dans une démonstration. Un professeur d'enseignement
secondaire doit être apte à trouver les quatre ou cinq chaînons qui inter-
viennent dans un problème: les mathématiciens professionnel, échafaudent
couramment des raisonnements qui nécessitent la découverte d'une cin-
quantaine d'intermédiaires. Pour y parvenir, ils s'imprègnent progres-
sivement, pendant des mois, de la compréhension du problème; et peu à
peu, ils prennent conscience des difficultés partielles qu'ils auront succes-
sivement à surmonter.
"Toutes les fois qu'une difficulté se présente, nous devons être capables de
reconnaître aussitôt, s'il est possible d'examiner préalablement certaines
choses, quelles elles sont et dans quel ordre il faut les exami-
ner" (R. Descartes - Règles pour la direction de l'esprit - Règle VI).
Dans les raisonnements les plus quotidiens, on a souvent à atteindre un
but, où l'on ne connaît que la situation initiale et le résultat escompté: on
ne dispose généralement pas d'un professeur complaisant qui vient mâcher
la besogne, cri nous soufflant l'ordre (les opérations à effectuer. N'importe
quel mécanicien qui recherche la panne d'un moteur, ou n'importe quelle
couturière, avant de donner le coup de ciseau irréparable, doivent appren-
dre à aborder une difficulté et à réfléchir au "timing" avant d'entreprendre
une série de tâches. Il s'agit donc d'un entraînement qui n'est pas exclu-
sivement réservé aux seuls futurs chercheurs mathématiciens.
SOMMAIRE 26
CHAPITRE 3
Exemple 3
Au milieu d'un paquet d'équations du second degré on pourra placer des exemples
tels que:
1 000x2 − 1 001 x + 1 000 = 0
x2 − 2x + 1 − a4 = 0
Parmi une liste de divisions, on proposera à l'écolier :
1 699 983 : 17 (qui conduit au quotient 99 999).
Pour introduire ainsi un élément esthétique dans les énoncés, on pourra
puiser dans le florilège des "beaux calculs" que l'on trouve dans l'oeuvre
d'Euler, de Cauchy, ou d'Hermite. Cela nécessitera parfois un effort
d'adaptation:
Exemple 4
Pour initier le débutant au maniement des exposants, on peut utiliser les fonctions
hyperboliques. Mais comme la fonction ex n'est pas assez élémentaire pour être
présentée à ce stade, on pourra songer à poser :
1 n 1 n -n
C(n)=
2
(10 +10-n ) S(n)=
2
(10 -10 )
et reprendre tous les calculs de la trigonométrie hyperbolique (formule d'addition,
transformation de sommes en produits, etc...).
On pourrait objecter que les fonctions hyperboliques ne prennent
toute leur signification que dans le cadre des fonctions analytiques d'une
variable complexe, et que ce n'est vraiment pas à des élèves de quatrième
que l'on peut exposer artificiellement ces questions. Mais il ne s'agit
nullement d'exposer une théorie. On se propose ici d'entraîner l'élève au
calcul formel, et pour cela on désire exploiter une mine d'exemples élégants.
SOMMAIRE 33
Exemple 5
Pour apprendre à simplifier les fractions, on pourra proposer une vingtaine
d'exemples numériques commençant par
4 20 300
; ; ; etc.
6 30 600
en passant par:
101 3 003 20 402
; ; ; etc.
201 5 005 30 603
jusqu'à
594 823 321
416 118 303
L'on notera que cette dernière fraction poserait un véritable problème
si la progression des exemples qui la précède n'avait constitué une prépa-
ration méthodique.
Exemple 6 [20]
Factoriser les sommes suivantes:
35 km +9 km − 0,5km 7F + 3F − 5F
5 douzaines + 3 ⋅ 12 − 48 am2 + bm2 − 2m2
a2 − ab + 2a ax − ay + a
ax2 + bx − x2 xy2 + x2y − x4y4
a (ζ +η ) − b (ζ +η ) 2x + 4y − 6z
x (1 + ) − (1 + ) y
x
2
x
2
a x+1 -b x+1-(x+1) a
am + n.bm + an.bm + n
En préparant une telle batterie on prendra des précautions pour que
l'élève qui vient de faire les premiers calculs ne renonce à continuer, en
pensant que "c'est toujours la même chose". Pour mettre un peu de variété
dans une suite d'exercices de routine, on pourra songer aux artifices
suivants:
Répétition d'un thème, plusieurs fois au cours d'un seul exercice.
SOMMAIRE 34
Exemple 7 [20]
Après avoir fait factoriser:
(a +c)2 - (b +c)2 (x+ y)2 - (x − y)2 etc.
on pourra continuer par:
(13x2 − 5y2)2 − (12x2 + 4y2)2 (a2 + b2 − c2)2 − 4a2b2
(a2 + b2 − 8)2 − (2ab − 8)2 4(ab + cd)2 − (a2 + b2 − c2 − d2)2
...etc…
trie à 4 éléments est trop simple pour frapper l'imagination et être faci-
lement comprise. Le fait, par exemple, que toute partie à 2 éléments y est
une "droite" prépare des confusions ultérieures. Des exercices convenables
doivent entraîner l'élève aux divers types de raisonnements classiques.
(raisonnement par l'absurde, par récurrence, etc...). Enfin, on peut imaginer
des exercices de rédaction destinés à former le style écrit des élèves. On
objectera que n'importe quel devoir écrit devrait donner lieu à une
rédaction soignée. Mais la mise en forme présente parfois des difficultés
spéciales auxquelles il faut s'exercer à faire face.
Exemple 9
Demandez à un boy-scout habile à faire les noeuds classiques de décrire l'un d'eux
dans une conversation téléphonique. Essayez donc d'expliquer ce qu'est un noeud
coulant sans faire référence à un dessin ou à une ficelle !
Pour exposer un raisonnement, on dispose de divers langages : le
symbolisme logique, les organigrammes [21], les figures dessinées, et le
langage mathématique ordinaire. On pourra proposer des exercices de
traduction entraînant les élèves, par exemple, à rédiger une démonstration
qui est présentée sous forme d'organigramme.
La réalisation de dessins permettant de représenter des figures
géométriques doit donner lieu à diverses batteries d "exercices,
particulièrement lorsque les élèves abordent la géométrie dans l'espace pour
la première fois.
L'entraînement didactique est le domaine de prédilection (et à peu prés
le seul) de l'enseignement programmé. (Cf à titre d'exemple: Utilisation de
la Table de Trigonométrie. Édité par l'l.R.E.M. de Grenoble).
Cet aperçu montre clairement que la recherche pédagogique des divers
moyens d'entraînement aux activités mathématiques, n'en est encore qu'à
ses premiers balbutiements.
SOMMAIRE
SOMMAIRE
CHAPITRE 4
Quels sont les énoncés susceptibles d'exercer les élèves à cette disci-
pline ? Il est indispensable de choisir des tâches assez longues, dont toutes
les difficultés théoriques puissent être préalablement élucidées.
Voici un exemple, tiré du livre de H. Steinhaus [23]
Exemple 1 A L D
ABCD: carré de côté
unité. Il est divisé en
sept rectangles de mê- E H P M
me aire.
Question:
Quelles sont les dimen-
sions de chacun de ces
sept rectangles !
Méthode:
On pose EB = x O N K
(x . 1
2
et 71 <x< 67 )
G I J
On cherche l'expres-
sion des dimensions en
fonction de x. B F C
a) On trouve de proche en proche :
BF = 1 = 1 FC = 1 - BF = 7x-1
7EB 7x 7x
1 = x x(7x-2)
FG = GH = x - FG =
7FC 7x-1 7x-1
1 = 7x-1 (7x-1)(7x-3)
GI = IJ = FC - GI =
7GH 7x(7x-2) 7x(7x-2)
x(7x-2)
JK = 1 =
7IJ (7x-1)(7x-3)
(7x-1)(7x-3) - x(7x-3) - x(7x-2)
KD = 1 - GF - JK =
(7x-1)(7x-3)
AE = 1 - x AL = 1 = 1
7AE 7(1-x)
LD = 1 - AL = 6-7x KD = 1 = 1-x
7(1-x) 7LD 6 - 7x
SOMMAIRE 41
Exemple 2
Calculer la dérivée dixième de la fonction x 6 exp(- 1 ).
x²
La dérivée n-ième de cette fonction est de la forme
1 P (x) . exp(- 1 )
n
x 3n x²
où Pn(x) est un polynôme de degré n − 1 .
Exemple 3
Il avait demandé à ses élèves de dresser la table de Pythagore d'un groupe à
20 éléments. Remplir les 400 cases de ce tableau est considéré comme une
tâche fastidieuse, indigne de l'ère de la machine à laver et de l'aspirateur.
Elle fut accomplie de mauvaise grâce, et par conséquent le résultat était
entaché de nombreuses erreurs grossières.
Au lieu d'exiger immédiatement plus de soin, le professeur entreprit de
faire utiliser le tableau pour résoudre une profusion de questions intéres-
santes : recherche de sous-groupes, résolution d'équations, etc. Et ce petit
jeu continua pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que les élèves, excédés de
voir les contradictions s'accumuler, décidèrent de reprendre le premier calcul
à la base.
SOMMAIRE 43
Exercice 4
Nous présenterons plus tard un plan de dessin graphique demandant de
tracer sur une même figure les soixante droites de Pascal d'un "hexa-
gramme mystique". (Rappelons que c'est ainsi que l'illustre savant appelle
un hexagone inscrit dans une conique, dans son célèbre Traité des sections
coniques. II s'agit d'une épreuve qui demande environ 1h 30 pour être
exécutée).
Exemple 5
Calculer le produit du nombre 1 + 2 + 3 + 5 par tous ses conjugués
(c'est-à-dire par les nombres 1 ± 2 ± 3 ± 5 ).
La durée d'exécution dépend considérablement de la façon de mener
les calculs. Si l'on se borne à effectuer successivement des multiplications
par les 8 facteurs il faut compter environ 2 heures. Mais si l'on utilise
L'identité (a + b) (a - b) = a2 - b2 , et que l'on tienne compte des
"symétries" du calcul, on obtient la réponse (qui est - 71) en 20 minutes
environ.
Exercice 6
Après avoir tracé, en utilisant la dérivée, la représentation graphique de la
fonction
x 6 sin x - sin 2x + sin 3x
2 3
on pourra avoir la curiosité d'examiner le graphe de
N
x 6 ∑ (-1)n+1 sin nx
n=1 n
pour des valeurs plus grandes de N.
Par exemple, en utilisant des tables numériques, on pourrait faire le calcul
point par point pour N = 6.
Un étudiant qui aura appris à programmer pourra avoir la curiosité de
contempler la courbe pour des valeurs plus grandes de N. Signalons que
c'est en traçant la courbe correspondant à N = 80, à l'aide d'un instrument
qu'ils avaient imaginé, que Michelson et Stratton découvrirent en 1898 le
"phénomène de Gibbs" que révèlent ces courbes [24]. Mais il est clair que
les tâches techniques les plus instructives seront celles qui surgiront sponta-
nément de la curiosité des élèves, au cours d'une activité de recherche.
Lorsqu'une question, que l'on ne pourra élucider par voie déductive,
restera en suspens, on pourra inviter la classe à effectuer une vérification
expérimentale grâce à un travail soigné.
SOMMAIRE 44
CHAPITRE 5
Exemple 1
L'écolier ne sait pas ce qu'est l'aire d'un polygone conformément à la théorie
de Lebesgue. Pourtant on lui apprend à justifier les formules conduisant à
l'aire des rectangles, parallélogrammes, triangles, trapèzes, etc., à l'aide de
découpages bien connus. Certes, ce n'est pas très rigoureux, puisque la
notion d'aire est alors appréhendée d'une façon syncrétique, sans que les
propriétés d'invariance par déplacement et d'additivité soient comprises
explicitement. Pourtant, c'est ainsi que nous avons tous appris ces questions,
et sur ce point on ne constate pas d'échec pédagogique patent.
Voici quelques exemples de la façon de "montrer" (plutôt que de
"démontrer') certains théorèmes mathématiques.
Exemples 2
a) Le théorème de Pythagore.
n (n + 1)
b) 1+2+3+…+n=
2
SOMMAIRE 49
1 5
2 4
3 3
4 2
5 1
B
C
D
Exemple 4
Supposons admise la formule S(R) = 4 π R2 qui fournit l'aire d'une sphère de
rayon R. Voici comment on peut en "déduire" l'expression du volume
V(R) = 4 π R3 grâce à un "raisonnement de physicien".
3
Pour calculer la dérivée de R 6 V(R) , estimons l'accroissement de
volume . V , qui résulte du dépôt d'une mince pellicule de peinture,
d'épaisseur . R, sur la surface d'une boule de rayon R. En "assimilant" cette
pellicule à un cylindre de base 4π R2 et d'épaisseur . R , on "admettra"
que . V est "sensiblement" égal à 4 π R 2 . R . La dérivée R 6 S(R)
étant connue, on en déduit correctement le résultat, par recherche de la
primitive.
Il est clair que l'assimilation d'une sphère à un plan est abusive... et
que le même argument fournirait des résultats notoirement faux dans
d'autres circonstances. Une démonstration correcte devrait mettre en
évidence les raisons particulières qui permettent à un raisonnement
incorrect de fournir néanmoins ici la bonne réponse.
Cependant, les mathématiciens utilisent fréquemment de tels raison-
nements pour eux-mêmes, non pas pour démontrer des théorèmes, mais
pour deviner des conjectures plausibles.
Exemple 5
Voici comment Archimède "démontre" les lois du levier.
1) Il admet - (ce n'est pas tant un fait expérimental qu'une sorte d'expé-
rience mentale) - que si l'on suspend des poids égaux aux extrémités d'une
barre rigide, l'équilibre s'obtient en plaçant le point d'appui au milieu.
SOMMAIRE 51
Il remplace les 5 poids (resp. 3 poids) par des poids de 1 unité confor-
mément à l'axiome 2, en prenant soin - Archimède était ingénieux! -
d'obtenir huit points d'accrochage équidistants.
Il trouve alors, conformément à l'axiome 2 (lu à l'envers) et à l'axiome
1, la position du point d'appui O. Et, par un calcul facile, il établit que
5OA = 3OB.
Nous prétendons que cette démonstration géniale, élaborée au troisième
siècle avant notre ère, mérite d'être exposée à l'école élémentaire. Et elle
ne nécessite nullement que les élèves aient maîtrisé au préalable les notions
de force, de vecteurs, de plan affine, de théorie mathématique, d'impli-
cation.
SOMMAIRE 52
Les connaissances informelles que chaque bambin petit acquérir sur les
poids, la barre rigide et le raisonnement logique, suffisent amplement pour
apprécier la beauté du raisonnement.
Remarquons qu'il n'est pas facile, si l'on ne connaît pas déjà le
théorème d'Archimède, de deviner à priori la position du point d'appui qui
assure l'équilibre, dans la figure 1. Ainsi le raisonnement est ici très
convaincant. Cet exemple fournit une excellente motivation à l'utilisation
de démonstrations dans la Science.
On appelle vulgarisation la pédagogie qui s'adresse à des non-spécialistes
désirant avoir un avant-goût de certains domaines scientifiques, en tolérant
quelques arguments incorrects, mais suggestifs, ou encore quelques omissions
simplificatrices. Cette insertion de connaissances expérimentalo-déductives
est très souhaitable, car il faut bien que chacun acquière quelques lumières,
en dehors de ses spécialités. Par exemple, c'est essentiellement ainsi que
l'on devrait enseigner les mathématiques dans les classes littéraires sans
s'astreindre à une rigueur technique qui lasse inutilement l'auditoire.
Cette pédagogie est parfaitement légitime, dans la mesure où elle ne
trompe pas son monde, et ne se fait pas passer pour de la science.
La vulgarisation est un art extrêmement difficile: elle suppose que
l'auteur soit un spécialiste connaissant scientifiquement le sujet, au point de
savoir extraire les quelques informations vraiment essentielles, au prix de
"licences poétiques" sur des aspects techniques marginaux. Il doit posséder
une grande familiarité avec les connaissances de l'auditoire auquel il s'adres-
se. Très peu d'écrivains scientifiques parviennent vraiment à vulgariser sans
trop abaisser.
3. Divers objectifs pédagogiques visés par les manipulations
a) Les manipulations peuvent servir à approvisionner l'élève en connais-
sances informelles ou expérimentalo-déductives qui ne donneront pas lieu à
une étude déductive ultérieure. Il est impossible de tout enseigner sous
forme déductive. Ne peut-on pas profiter de l'âge sensible, où les enfants
aiment bricoler, manier les instruments de dessin, découper, recoller,
observer, pour leur présenter quelques connaissances très utiles, mais qui ne
feront pas l'objet d'exposés théoriques ?
Par exemple, nous suggérons que l'étude des coniques soit à peu près
éliminée des programmes de terminales et réduite à quelques conséquences
simples des équations cartésiennes et des représentations paramétriques.
SOMMAIRE 53
5. Pédagogie du gadget
Le marché du jouet est inondé de jouets éducatifs. L'école anglaise de
pédagogie des mathématiques s'est fortement spécialisée dans l'utilisation
pédagogique des gadgets.
Un dispositif est efficace, s'il incite l'élève à réfléchir, à se poser des
questions, à résoudre des problèmes. Or, un objet mathématique ne possède
pas ce pouvoir de persuasion, en lui-même. Tout le monde a pu observer
des enfants jouant avec des jouets coûteux et sophistiqués, sans en tirer le
moindre profit intellectuel, simplement parce que l'activité n'était guidée
par aucune pédagogie.
SOMMAIRE 57
CHAPITRE 6
B - Par contre tout élève doit être entraîné à utiliser l'outil mathématique,
face à une situation pratique inattendue. L'enseignement doit donc porter
sur le mode de pensée de la mathématique appliquée, et non sur un recueil
de formules.
SOMMAIRE 63
Exemple 1
Les jeunes écoliers de Miss Edith Biggs se passionnent pour un documen-
taire qu'ils ont vu à la télévision. Et ils se posent une grave question
"Quelle est la pression qu'un éléphant exerce sur le sol ? ".
Le directeur du Zoo auquel ils écrivent pour obtenir quelques rensei-
gnements leur fournit, par retour du courrier, le poids du pachyderme ainsi
que quatre dessins représentant les empreintes de chacune des pattes.
Malheureusement, le livre de géométrie ne comporte pas de formules pour
calculer l'aire d'une patte d'éléphant! Devant cette grave lacune, il faut
inventer un procédé pour l'évaluation approchée de la surface d'un domaine
limité par un contour irrégulier.
C'est cette attitude active qu'il s'agit de stimuler. On l'obtient mieux à
partir de questions jaillies de la curiosité enfantine que de résultats exigés
par le programme.
C - La mathématique appliquée est un entraînement systématique au
transfert ([38], Marcel Dumont). C'est une des opérations mentales les plus
fructueuses de la pensée mathématique. Elle revient à identifier les mêmes
structures dans des contextes différents et à raisonner successivement dans
ces divers champs sémantiques.
Le transfert le plus banal est le passage systématique de la géométrie à
l'algèbre où l'on raisonne tour à tour sur des figures et des équations: c'est
la géométrie analytique de Descartes. Archimède incitait déjà son ami
Erathostène à traduire systématiquement certains problèmes géométriques
dans le langage de la mécanique, et c'est ce transfert qui lui permit
d'effectuer la quadrature de la parabole: il avait perçu une analogie entre le
calcul de cette aire et la détermination du centre de gravité du triangle, ce
qui est évident aujourd'hui, avec nos notations modernes, puisque
∫ t dt = ∫ t × t dt
2
Exemple 2
Considérons, sur un ensemble à trois éléments {a, b, c} , la relation dont le schéma
sagittal est:
Ce n'est pas une relation d'ordre (pourquoi ? ), mais sa restriction à chacun des
sous-ensembles à deux éléments est une relation d'ordre.
Cette remarque "abstraite" tout à fait banale se retrouve dans divers contextes
pratiques.
(1. a) Dans le jeu enfantin "Pierre, Ciseaux, Papier", elle s'exprime par :
la pierre repasse les ciseaux;
les ciseaux coupent le papier;
le papier enveloppe la pierre.
(1. b) Mais le défaut de transitivité se manifeste dans des situations électorales, lors
d'un suffrage à la majorité absolue où il s'agit de départager trois candidats ou
trois options. Ce paradoxe de Condorcet est illustré par l'exercice suivant emprunté au
"Nouvel Observateur" du 10 avril 1972 (Cf. [37], Christian Corne et Georges
Glaeser).
PROBLÈME DU RÉFÉRENDUM
On demande aux Français par voie de celui d'assemblée.
référendum: 6 préfèrent le parlementaire, accepte-
"Voulez-vous un régime présidentiel, un raient celui d'assemblée mais refusent
régime parlementaire ou un régime le présidentiel.
d'assemblée ? 5 préfèrent celui d'assemblée, accepte
Or, parmi les 20 millions d'électeurs : raient le présidentiel mais refusent le
9 préfèrent le présidentiel, accepte- parlementaire.
raient le parlementaire mais refusent A. - Que va-t-il se passer ?
SOMMAIRE 65
Un peu plus tard, un homme politique Plus tard encore, un autre homme poli-
influent parvient à faire poser dans un tique de poids, fait organiser un troisiè
nouveau référendum la question sui- me référendum sur le thème:
vante: "Le peuple français préfère-t-il le régi-
"Le peuple français est-il d'accord pour me parlementaire au régime d'assem-
substituer le régime d'assemblée au régi- blée ? "
me présidentiel actuellement en vi- C. - Quelle sera la réponse à cette nou-
gueux ? " velle question ?
B. - Quelle sera la réponse à la ques- On suppose qu'il n'y a pas d'absten
tion ? tions.
(1. c) Dans un certain jeu de dés, on lance des cubes parfaitement équilibrés dont
les faces portent chacune un nombre entier: le même nombre peut figurer sur deux
faces d'un même cube, mais - pour éviter les ex-acquo - deux dés différents ne
portent pas un même nombre. Le gagnant est celui qui tire le nombre le plus élevé
lors d'un seul jet.
On dira que le dé A est "meilleur" que le dé B si la probabilité de gagner avec
A contre B est supérieure à 1/2.
On demande d'imaginer trois dés non-transitifs A, B, C, c'est-à-dire tels que A
soit "meilleur" que B, B "meilleur" que C mais C "meilleur" que A.
(1. d) Des situations analogues interviennent dans les tournois et dans les systèmes
de notations scolaires, et seront évoquées au chapitre 7.
x
I
l
B
Il s'agit de minimiser la quantité
a² + x² + b² + (1-x)²
v V
Il est élégant de renoncer à calculer le nombre x qui annule la dérivée, mais
au contraire, d'interpréter l'annulation de cette dérivée pour aboutir à la loi
de la réfraction de Descartes.
Exemple 6
Certains problèmes tirent leur intérêt de leur importance historique [6].
Au Ilème siècle avant J.C., Erathostène mesura le rayon de la Terre! Il
obtint un résultat de 16 % trop grand, mais c'était une performance à
l'époque où seuls quelques savants soupçonnaient la rotondité de
la terre! La méthode d'Erathostène n'offre aucun intérêt si elle est présentée
SOMMAIRE 69
Exemple 7
La méthode de Bessel utilisée pour mesurer la distance focale des
lentilles revient à intercaler le verre entre une source lumineuse et un écran
et à chercher les deux positions qui produisent une image nette. On est alors
conduit à la discussion intéressante d'une équation du second degré.
Les physiciens n'apprécient guère cette méthode qui exige un matériel
très encombrant, sans présenter en contrepartie de réels avantages de
précision sur d'autres procédés dont l'intérêt mathématique est moindre.
Par exemple, l'opticien utilise des focomètres perfectionnés qui fournissent
la distance focale par simple lecture, sans astreindre l'usager à se soucier
d'une équation du second degré.
Il faut donc demander aux physiciens de nous signaler les questions
qu'ils ne désirent pas enseigner, pour ne pas s'éloigner de leurs soucis
expérimentaux, mais qui pourraient intéresser le professeur de mathé-
matiques et ses élèves [40].
En contrepartie, le mathématicien sensibilisera ses élèves à des diffi-
cultés qui apparaissent dans la réalité, mais non sur le papier. Par exemple,
le géomètre a vite dit: "Abaissons la perpendiculaire de la source lumineuse
sur le miroir plan". Mais que fera l'expérimentateur pour abaisser cette
perpendiculaire avec une approximation suffisante ?
De même, la mesure de la hauteur de la Pyramide (exemple 6) est
immédiate "sur le papier". Mais on appréciera mieux son ingéniosité
lorsqu'on essaiera de l'appliquer sur le terrain, sans pouvoir pénétrer à
l'intérieur de la pierre pour y tirer des traits et les mesurer.
SOMMAIRE 70
3. La mathématisation
L'élaboration de modèles mathématiques destinés à rendre compte d'une
situation pratique est beaucoup plus importante pour la formation intel-
lectuelle de nos élèves.
L'analyse de la réalité, le choix des concepts importants, la construc-
tion du modèle abstrait et du dictionnaire qui permet de traduire ces
concepts en symboles est hautement instructive.
"En réduisant un problème d'application à sa forme mathématique -
écrit G. Polya - on s'expose à deux types d'erreurs opposées: on peut pécher par
transgression ou par omission. Comme la réalité est très complexe, on sera
obligé de négliger l'accessoire, de simplifier, d'idéaliser. Si l'on néglige trop
de facteurs, le problème devient irréaliste, sans contact avec les faits. Si l'on
tient compte de trop de détails inessentiels on aboutit à un problème
impraticable dont la solution exigera de trop grands investissements en
énergie humaine ou en matériel.
Réussir à donner d'un problème une formulation qui n'est ni simpliste, ni
inextricable peut être un exploit qui met tout en jeu: l'expérience,
la science, le talent, l'art du mathématicien appliqué, et aussi de la chance"
[41].
Malheureusement, on constate que la mathématisation est une activité
systématiquement négligée, dans les pays où l'enseignement repose entiè-
rement sur des programmes rigides.
Il est, en effet, très difficile de trouver des situations pratiques inté-
ressantes à mathématiser, qui conduisent à un problème mathématique
ayant le même intérêt.
Le programme incite à se ramener coûte que coûte à certains types de
problèmes répertoriés.
Exemple 8
La plupart des problèmes de programmation linéaire posés par la gestion de
l'Économie se ramène à l'étude d'un système de plusieurs dizaines d'inéga-
lités linéaires, dépendant de plusieurs dizaines de paramètres. On peut
aisément convaincre des élèves que la résolution d'un tel problème est
inextricable à la main, mais peut aisément se maîtriser lorsqu'on dispose
d'un ordinateur.
Mais il est pédagogiquement nocif de violenter les faits pour ramener un
tel problème à un système de quelques inégalités linéaires à deux
SOMMAIRE 71
inconnues. Celui-ci pourra certes être étudié jusqu'au bout par les élèves;
mais à force de négliger beaucoup de facteurs on aboutit à des problèmes
irréalistes dénoncés par Polya.
Évitons donc de faire la théorie de l'aéroplane, en négligeant, pour
simplifier (sic), la résistance de l'air!
La même faute pédagogique a systématiquement faussé l'enseignement
de la mécanique pendant plus d'un siècle.
On sait que la plupart des problèmes naturels de mécanique - ceux qui
d'après René Thom représentent une situation générique - conduisent à
un système d'équations de Lagrange qui ne possèdent pas suffisamment
d'intégrales premières. Autrement dit, si l'on demande à un candidat de
mettre le problème en équation, il est impossible de lui demander d'en faire
l'étude mathématique, en l'absence de moyens de calcul puissants.
Pour "pouvoir" néanmoins fournir aux candidats aux certificats de
mécanique rationnelle leur ration de problèmes d'examen, on se rabat sur
un cas très particulier, qui ne se rencontre presque pas dans la pratique.
C'est cette famille de problèmes comportant un seul paramètre principal
qui a alimenté, sous des variantes de plus en plus saugrenues, les besoins
pédagogiques de la mécanique rationnelle. C'est là l'origine de la sclérose
bien connue de cet enseignement.
Exemple 9
Une des rares exceptions à ce qui vient d'être dit est constituée, au niveau
universitaire, par l'étude des cordes vibrantes. Mais sa mise en équation, et la
théorie de l'équation obtenue, sont rarement accessibles aux mêmes étu-
diants. Rares sont ceux qui choisissent simultanément une option "Méca-
nique des milieux continus" et une option "Analyse supérieure" dans leurs
études.
Ainsi, si l'on veut utilement initier des élèves à la mathématisation, il
faudra se résigner à dissocier cette activité du problème mathématique
obtenu. Il ne faudra pas hésiter à proposer des situations complexes qui
conduisent à des problèmes triviaux. "Il est souvent plus difficile de
formuler le bon problème que de le résoudre", écrit H. 0. Pollak.
Exemple 10
Alan Tammadge décrit une passionnante expérience pédagogique, vécue
dans une classe d'enfants de 11 à 12 ans, dans son article "How math does
SOMMAIRE 72
it cost to keep a dog ? " ("A combien cela revient-il d'élever un chien ? "
[42]).
On ne peut s'empêcher de songer que rares sont les adultes capables
d'évaluer ce que leur coûte leur auto!
Il n'a pas été facile aux écoliers de dégager les bons concepts, de
comprendre qu'il fallait distinguer diverses sortes de dépenses, selon qu'elles
sont fixes (prix d'achat du chien), périodiques (nourriture), irrégulièrement
renouvelables ou même aléatoires (frais de vétérinaire, si l'on n'est pas
couvert par une assurance). Il fallait décider comment l'âge du chien
intervenait dans le prix de la nourriture. Et le résultat a été finalement
présenté sous forme d'organigramme permettant de faire le calcul pour
n'importe quel chien dès que l'on aura collecté quelques données numé-
riques.
Il est possible d'utiliser cet organigramme pour inciter les écoliers à
faire des multiplications à virgule; mais l'intérêt de cet exercice de calcul est
sans commune mesure avec tout ce qu'apporte la phase de mathéma-
tisation.
On trouvera d'autres situations susceptibles d'exercer à la mathé-
matisation à des niveaux divers dans [43], [44] et [37] (,J.C. Herz,
S. Turnau, G. Glaeser, M. Glaymann, etc.)
La mathématisation se ramène souvent à la découverte d'un codage qui
permet de décrire les divers états d'une situation pratique à l'aide de
symboles mathématiques appropriés.
On en trouvera des exemples dans [37] (Cf. les articles de P. Jullien et
de J.C. Herz) et dans [46].
La découverte de la structure mathématique qui rend compte d'une
situation pratique pose parfois de grosses difficultés.
L'histoire de la mécanique [45] nous enseigne que la notion de vecteur
s'est dégagée avec beaucoup de retard sur les progrès de la statique. L'idée
de représenter des forces par des flèches, soumises à des opérations
géométriques simples, n'était pas définitivement acquise 2000 ans après
Archimède. Le document ci-joint en porte témoignage.
SOMMAIRE 73
SOMMAIRE 74
4. Pédagogie du faux-concret
A côté de problèmes "sérieux" rédigés de façon à respecter l'authenticité
de la situation pratique, on peut au contraire exploiter l'immense pouvoir
pédagogique de l'humour. Si une situation est artificielle, il est souhaitable
que l'énoncé soit nettement loufoque: les élèves ne l'oublieront pas.
Exemple 11
Le problème du nénuphar, de l'escargot qui monte à l'assaut d'un mât de
Cocagne, de la mouche qui oscille jusqu'au trépas entre deux cyclistes, etc.,
etc. sont instructifs du point de vue mathématique. Il est bon qu'ils se
transmettent dans les cours de récréation et à l'occasion des veillées des
colonies de vacances [28].
De même la lecture de certains romans fictifs peut constituer, parfois,
un exercice mathématique par lui-même.
Combien d'entre nous ont-ils appris ce qu'étaient les fuseaux horaires
dans "Le Tour du monde en quatre-vingt jours" et se sont initiés à la
méthode de triangulation (bien avant de connaître les fonctions trigo-
nométriques) dans "Les aventures de trois Russes et de trois -Anglais en
Afrique australe" (Jules Verne) ?
Voici encore un texte dont le commentaire a servi d'examen partiel de
mécanique pour des élèves de seconde année à l'Université. (Il n'y a pas
lieu d'analyser ici pourquoi cette épreuve a été complètement ratée! ).
Exemple 12
Le texte suivant de Jules Verne' (extrait de "Autour de la lune")
comporte une erreur évidente (à la lumière de l'actualité spatiale ! ).
Laquelle ? Pourquoi ? (On demande une justification mécanique, et
non pas "métaphysique"; on pourra être amené à assimiler l'obus à un
point).
A 78114 lieues
..........
En effet, la trajectoire du projectile se traçait entre la Terre et la Lune. A mesure
qu'il s'éloignait de la Terre, l'attraction terrestre diminuait en raison inverse du cané
des distances, mais aussi l'attraction lunaire augmentait dans la même proportion. Il
devait donc arriver un point où, ces deux attractions se neutralisant, le boulet ne
pèserait plus. Si les masses de la Lune et de la Terre eussent été égales, ce point se fût
rencontré à une égale distance des deux astres. Mais en tenant compte de la différence
des masses, il était facile de calculer que ce point serait situé aux quarante-sept
cinquante-deuxièmes du voyage, soit, en chiffres, à soixante-dix-huit mille cent qua-
torze lieues de la Terre
SOMMAIRE 75
Exemple 13
Pour planifier la production d'une marchandise dont la fabrication exige un
grand nombre d'opérations soumises à des contraintes de durée et de
priorité, on utilise la méthode PERT (Program Évaluation and Review
Technic). Elle repose sur des notions ensemblistes simples et peut être
comprise par des jeunes élèves. Mais comme elle n'est pas certaine de les
passionner par le planning de la fabrication des fers à repasser, Françoise
Dubail a préféré leur soumettre l'énoncé suivant qui s'adresse aux fana-
tiques d'Astérix le Gaulois [37].
Pour fabriquer de la potion magique, il faut:
un chaudron, une serpe d'or, de l'eau de source et les ingrédients suivants:
2 améthystes (a), 6 betteraves (b), 4 coeurs d'abeilles ouvrières (c), 7 dattes
d'Égypte (d), 9 épines d'acacia (e), 15 fraises des bois (f), 3 gueules de vipères (g),
1 branche de houx coupée par la serpe d'or (h). Remplir le chaudron d'eau, puis
faire macérer les ingrédients en respectant les règles qui suivent:
1) Il faut que a ait macéré au moins trois jours avant de mettre à macérer d, f, e.
2) g doit macérer au moins quatre jours;
f doit macérer au moins sept jours;
h doit macérer au moins trois jours.
3) Avant de mettre à macérer g il faut que b ait macéré au moins six jours et que d
ait macéré au moins quatre jours.
4) Avant de mettre à macérer h, il faut que c et e aient macéré au moins deux
jours.
Exemple 14
Il est possible de préparer l'initiation à la géométrie déductive plusieurs
années à l'avance.
A de jeunes écoliers habitués à se servir de cartes de géographie. mais pas
encore familiarisés avec le langage ensembliste, on peut présenter des
schémas de réseaux routiers, (dont voici un exemple):
Exemple 15
Tel est le cas des problèmes du premier degré comportant la phrase :
"J'ai trois fois l'âge que vous aviez quand j'avais l'âge que vous avez".
Sam Loyd [14] formule un exercice analogue:
"Mary is twice as old as Ann was when Mary was hall as old as Ann will be when
Ann is three times old as Mary was when Mary was three times as old as Ann.
The combined ages of Mary and Ann are forty-four years. How old is Mary ? ".
Nos collègues anglicistes pourraient-ils aider nos élèves à décrypter cet
"exercice de charabia"?
SOMMAIRE
SOMMAIRE
CHAPITRE 7
LES TESTS
1. L'autocontrôle
II convient donc d'exercer l'élève à contrôler lui-même ses connaissances et
à prendre conscience du degré d'assimilation. On y parvient grâce à des
exercices analogues aux suivants:
a) Vérification d'un savoir faire
L'élève fabrique lui-même des exemples numériques sur lesquels il essaie la
méthode étudiée. De préférence, il s'organisera de façon à pouvoir facile-
ment vérifier lui-même la réponse. Par exemple, il composera des équations
ayant des racines qu'il se donnera à l'avance, avant de s'exercer à les
résoudre par la méthode qu'il désire tester.
b) Contrôler la compréhension d'une démonstration en reprenant le raison-
nement sur un cas particulier. (Par exemple, on refera sur la parabole la
démonstration d'un théorème relatif aux coniques).
c) Apprendre à vérifier la justesse d'un résultat
Le maître évitera de répondre lorsque l'élève lui demandera s'il a "trouvé
juste". Il l'encouragera, au contraire, à s'en convaincre lui-même, grâce à des
vérifications ou à des recoupements divers. L'élève contrôlera sponta-
nément si les formules qu'il obtient sont homogènes, si le résultat est en
accord avec le bon sens dans des cas particuliers, ou des cas limites, si
l'ordre de grandeur de la réponse est plausible.
d) L'élève doit apprendre à se noter lui-même. Plus précisément, il doit être en
mesure de porter un jugement sur l'importance des erreurs qu'il pourrait
avoir commises. Les grosses erreurs de jugement sur son propre travail
révèlent généralement une incompréhension profonde.
Cet exercice comporte aussi des aspects moraux qu'il ne faut pas
négliger: développement de la probité scientifique, connaissance de soi sans
complaisance orgueilleuse, ni manque de confiance exagéré. Si l'élève a
raté un devoir, il est conduit en se notant lui-même à ne pas rejeter la faute
sur son professeur dont le rôle n'est pas de rendre des oracles, ni de
distribuer blâmes ou récompenses.
2. Le feed-back immédiat
A la question stupide "Avez-vous tous compris ? " le professeur doit substi-
tuer des séries de questions susceptibles de révéler immédiatement les
malentendus et d'influer sur la poursuite de son enseignement.
Mais ces questions de contrôle doivent pouvoir s'interpréter pédago-
giquement sans ambiguïté:
SOMMAIRE 83
Exemples 1
a) Pour tester la compréhension de la notion de nombre premier on
demandera de souligner les nombres premiers dans une courte liste. Mais il
ne faut pas que la réussite ou l'échec soit dû à des circonstances étrangères à
l'essentiel. Par exemple, un élève pourra penser que 133 (qui est égal à
7 ⋅ 19) est premier, soit parce qu'il n'aura pas essaye de diviser par 7, soit
parce qu'il se sera trompe dans la division. Dans le second cas, c'est la
faiblesse en calcul qui est en cause et non la compréhension de la notion.
b) De même, si un élève parvient à calculer correctement une dérivée, on
ne peut en conclure qu'il a compris ce qu'est une dérivée.
c) Une batterie de tests destines à vérifier l'acquisition du langage ensem-
bliste proposait de rayer des relations fausses dans une longue liste. C'est
ainsi que :
{1 ; 8} . {1 ; 2 ; 5} et {1 ; 8}. {1 ; 2 ; 5}
furent barres à juste titre par presque tous les candidats.
Mais une analyse fine du comportement des élèves faibles prouva qu'ils
avaient surtout été impressionnes par la présence du nombre 8 aux premiers
membres; d'ailleurs ils avaient échoué à propos de:
{1 ; 5} . {1 ; 2 ; 5} et {1 ; 5}. {1 ; 2 ; 5}
où seul l'emploi correct de . et . était en cause.
(Cf "Tests sur l'acquisition des connaissances en fin de cinquième", Tra-
vaux de l'I.R.E.M. de Strasbourg (à paraître)).
Ces remarques conduisent à se demander ce que l'on exprime lorsqu'on
prétend qu'un élève a compris.
Le professeur Bloom, de Chicago [48], et son école s'efforcent de
classifier des objectifs pédagogiques, en distinguant des niveaux de connais-
sance et de compréhension.
Voici, à titre d'exemple, une version simplifiée de l'échelle de Bloom,
utilisée par le Service des Examens de l'Université de Princeton: (Bien
entendu, les mots utilises dans la liste ci-dessous sont expliques et illustres
par de nombreux exemples comparatifs dans les publications [48], [49],
[50]).
0 : L'aptitude à se rappeler la connaissance des faits.
1 : L'aptitude à accomplir des manipulations mathématiques.
2 : L'aptitude à résoudre des problèmes ordinaires.
3 : L'aptitude à montrer la compréhension des idées et des concepts mathé-
matiques.
SOMMAIRE 84
" Les examinateurs, écrit Henri Piéron, sont appelés à une véritable
souveraineté, dont ils sont trop souvent tentés d'abuser, même s'il le font
avec bonne foi".
L'échec à un examen est beaucoup trop dramatisé: il est ressenti
parfois comme une honte ou une injustice par le candidat malheureux.
Pourtant, cet aspect traumatisant est complètement étranger à la fonction
assumée par les examens. Des efforts doivent être déployés pour rendre ces
formalités de contrôle plus humaines.
Chaque fois qu'un interrogateur siégera dans un jury, il fera un effort
de mémoire pour se reporter quelques années en arrière, au temps où il
était assis en face, au banc des interrogés. Les choses iraient mieux, si les
adultes n'oubliaient pas si vite!
Admettant, sous réserve d'inventaire, la légitimité de ce contrôle social,
nous nous proposons d'examiner la rédaction des textes d'épreuves du
point de vue technique et pédagogique.
4. Préparation d'une épreuve: principes généraux
Un énoncé de contrôle se juge en fonction de sa finalité. L'auteur doit
d'abord s'interroger sur les connaissances ou aptitudes qu'il désire détecter.
La forme de l'épreuve, le choix, la formulation et l'agencement des
questions, les techniques de corrections et de jugements doivent être
subordonnés à cette finalité.
Au lieu de développer en termes généraux la théorie de ces différents
facteurs, nous préférons les examiner sur quelques exemples.
Exemple 3
Voici un questionnaire, composé par N. Roby. Il l'utilisait lors des pre-
mières séances de travaux pratiques de mathématiques générales.
QUESTIONNAIRE
Vrai Faux
1. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il suffit qu'il soit
divisible par 3.
2. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il faut qu'il soit divisible
par 3.
SOMMAIRE 86
Vrai Faux
3. Pour qu'un entier soit divisible par 6; il faut qu'il soit divisible par 3
et par 2.
4. Pour qu'un entier soit divisible par 6, il suffit qu'il soit
divisible par 9 et par 4.
5. Pour qu'un entier ne soit pas divisible par 6, il faut qu'il ne
soit divisible ni par 3 ni par 2.
6. Pour qu'un entier ne soit pas divisible par 6, il suffit qu'il ne soit
divisible ni par 3 ni par 2.
7. Pour que la projection orthogonale d'un angle droit sur un
plan ne soit pas un angle droit, il faut que l'un de ses côtés au
moins ne soit pas parallèle au plan.
8. Pour que la projection orthogonale d'un angle droit sur un
plan ne soit pas un angle droit, il suffit que l'un de ses côtés au
moins ne soit pas parallèle au plan.
9. Pour que deux cercles dans un même plan se déduisent l'un de
l'autre par une homothétie, il suffit qu'ils aient même rayon.
10. Pour que deux droites de l'espace soient sans point commun, il
faut qu'elles ne soient pas dans un même plan.
11. Pour que deux droites de l'espace soient sans point commun, 1
suffit qu'elles ne soient pas dans un même plan.
12. Soit dans le plan l'ellipse E de foyers F et F', de grand axe 2a.
Pour qu'un point M du plan appartienne à E, il suffit que
MF= 2 a et MF '= 4 a
3 3
13. Pour qu'un point M de l'espace appartienne à E, il suffit que
MF= 2 a et MF '= 4 a
3 3
14. Soient dans un plan C et C' deux cercles de rayon R, dont les
centres O et O' sont à la distance 56R. Pour qu'un point M
du plan appartienne à C et C', il faut et il suffit que
MO =MO'=R.
15. Pour qu'un entier a soit divisible par un entier b, il faut que le
reste de la division de a par b soit plus petit que 3.
SOMMAIRE 87
6. Notations
Lorsqu'on veut comparer la valeur de quelques individus, on commence par
déterminer les critères (qualités et défauts) qui serviront à porter le juge-
ment. On cherche alors à coder ces qualités et défauts, on attribue un
symbole mathématique (appartenant au code) à chaque concurrent. Cette
mathématisation des aptitudes (Cf. chapitre 6) est satisfaisante si la simple
lecture du symbole donne une image fidèle du candidat.
De nombreux travaux ont été consacrés à la docimologie, qui est l'art
d'interpréter des tests [53], [54]. Quelques institutions spécialisées cher-
chent à évaluer les aptitudes et les connaissances des élèves selon des
critères scientifiques [49]. Mais généralement, en France, la confection des
énoncés d'épreuves est fondée naïvement sur les principes de la "pifo-
métrie". On affecte les copies de notes, calculées au "milliquart de point
près", entre 0 et 20, sans se soucier de savoir ce qu'on mesure, ni
pourquoi, ni comment.
Dans l'armée, le codage se fait par grades, et la règle est simple: c'est le
plus âgé dans le grade le plus élevé qui a toujours raison.
La tradition a fait adopter un modèle mathématique presque aussi
expéditif dans nos examens et concours: on attribue à chaque candidat une
note chiffrée unique et le classement s'effectue par notes décroissantes,
avec éventuellement des ex-aequo.
Ce modèle est en opposition flagrante avec l'expérience: il est impos-
sible de munir les candidats d'un préordre total, compatible avec leurs
qualités (un ordre total lorsqu'il n'y a pas d'ex-aequo). On sait depuis
Condorcet (Cf. [37], Christian Corne; Georges Glaeser et aussi Chapitre 6,
exemple 2) que la relation des individus suivant leur valeur n'est même pas
transitive. Enfin des candidats classés ex-aequo peuvent avoir des qualités et
des défauts variés, alors que la notation les rend indiscernables.
En fait, les jurys disposent au départ d'une profusion de notes, portant
sur des matières différentes. Au lieu de traiter ces données scientifiquement
pour améliorer la connaissance de la personnalité de ceux qu'ils ont à juger,
les jurés s'empressent de transformer ces informations en une note unique.
On effectue pour cela une moyenne pondérée, à l'aide de coefficients
choisis empiriquement. Prendre la moyenne est le procédé standard pour
perdre de l'information, et c'est en négligeant volontairement tout ce qui
fait l'originalité de chaque cas individuel que le verdict est rendu. Peut-on
mettre sur le même plan un élève régulier, sans originalité, et un élève
SOMMAIRE 93
parfois très brillant mais sujet à des défaillances ? En fait, ils ne sont pas
comparables.
Dans les examens, le modèle traditionnel attache une importance
magique à la note 10/20. Pourtant cette note n'a aucune propriété descrip-
tive particulière; ce n'est que le pseudo-milieu d'un ensemble gradué qui
n'est muni d'aucune structure affine. (Cf. Fascicule 2, Livre du Problème).
On trouverait certainement absurde et dangereux d'accorder un diplôme d'infir-
mière à une stagiaire qui, ayant à effectuer 20 piqûres intraveineuses, n'en raterait
que 7, ce qui lui vaudrait la note 13 largement au-dessus de la moyenne!
De même, le questionnaire de l'exemple 3 ne donne pas un résultat
satisfaisant si l'on fournit 8 réponses correctes sur les 15 posées.
Un modèle mathématique qui décrirait plus fidèlement les mérites
respectifs des candidats à un examen pourrait se baser sur une liste d'une
trentaine, au plus, de types caractérologiques décrits à l'avance. Il préci-
serait explicitement les niveaux de connaissances, les aptitudes et les
performances, de sorte qu'il ne soit pas trop difficile de répartir les
candidats entre ces types.
On ne chercherait pas à établir une relation d'ordre total entre ces
types, et l'on renoncerait à la notion de succès et d'échec à l'examen.
Le résultat ne serait plus un classement par valeur croissante, ni une
partition brutale en deux classes (les "reçus" et les "recalés').
Ce système faciliterait la poursuite des études et l'orientation profes-
sionnelle, alors que le baccalauréat (avec mention passable) ne fournit
aucune indication qui permette de choisir entre la marine marchande, la
dactylographie ou l'école des Arts décoratifs.
Pour établir la liste des types caractérologiques, il suffirait d'utiliser les
travaux concernant l'orientation professionnelle. Chaque type caractéro-
logique n'est pas caractérisé par une note unique mais par un assemblage de
notes que les psychotechniciens appellent un profil.
Depuis les travaux de Spearman [55], et le développement de l'Analyse
factorielle, on sait représenter ce profil par un vecteur d'un espace euclidien
à n dimensions. Chacune des coordonnées de ce vecteur représente une
aptitude et le fait que deux vecteurs soient orthogonaux se traduit par une
corrélation nulle entre les aptitudes considérées.
SOMMAIRE 94
C'est dans la voie d'une représentation plus fidèle de la personnalité de chacun que
la technique des tests pourra prendre une résonance plus humaine, moins
aliénante, moins traumatisante, moins critiquable, moins absurde!
Disons pour terminer quelques mots au sujet de la sensibilité des
systèmes de notation.
Les nuances que l'on espère exprimer en accordant la note 18 ou 16 à
un élève brillant (resp. 0 ou 3 à un élève nul) sont tout à fait illusoires et c'est
dans cette pseudo-précision que les différences de sévérité ou d'indul-
gence de chaque correcteur risquent de causer le plus d'injustices.
Pourtant, cette pratique arbitraire et néfaste est officiellement encou-
ragée. Comme supplément aux oeuvres de Courteline, citons le texte d'une
circulaire, datée du 9 juillet 1971, publiée par le Secrétariat d'État chargé de
la jeunesse, des sports et des loisirs, relative à la notation du personnel
d'inspection.
7. Thèmes de recherche
Ce qui précède montre à l'évidence qu'il reste beaucoup à faire pour
perfectionner l'art du contrôle des connaissances et des aptitudes en
mathématiques'
Un effort s'impose notamment dans les directions suivantes:
a) Mise au point de nouvelles formes de tests, adaptés à des finalités de
plus en plus diversifiées.
b) .Adaptation des textes d'examens à une correction plus souple et plus
juste.
Grosso modo, le correcteur se charge aujourd'hui simultanément de deux
tâches:
Un dépouillement mécanique de, réponses qui pourrait être avanta-
geusement confié à un ordinateur.
Une appréciation, un jugement de valeur, où seul un pédagogue
compétent peut faire oeuvre utile'
Il conviendrait donc de structurer les examens en sorte que les tâches de
routine ne viennent pas distraire le correcteur de son rôle essentiel.
Certains jurys de l'Université de Grenoble ont mis au point des sujets
d'examen, où des feuilles de réponses spéciales séparent nettement les
parties de la copie dont le correcteur doit peser chacun des mots et les
résultats qu'il suffit de vérifier'
c) Étude de l'influence de la durée des épreuves sur les résultats'
Sous-estimer le temps nécessaire pour résoudre un exercice est une
faute pédagogique constamment dénoncée, constamment renouvelée. On
aboutit à juger de l'aptitude à ne pas écrire trop de bêtises lors d'une
course de vitesse.
SOMMAIRE 96
Des tentatives ont été faites pour proposer des compositions ou des
examens sans limitation de durée' Les résultats out été très encourageants:
copies plus intelligentes, plus rince bics, sans gros lapsus'
d) Réalisation de conditions d'examen où l'appréhension, l'angoisse,
l'inhibition soient réduites [56]. l'es candidats qui perdent leurs moyens
en période d'examen ne sont pas nécessairement les moins intéressants.
On a fait des efforts pour atténuer le caractère ponctuel des épreuves,
qui ne doivent pas décider du sort d'un candidat une fois par an, sans
recours, sans appel.
En mathématiques, il est aisé de composer des sujets pour lesquels
l'usage de documents n'offre aucun inconvénient. Il offre I'avantage de
sécuriser 1e candidat coutre la terreur du fameux trou de mémoire.
e) Réflexion sur la pédagogie de l'interrogation orale. Il serait intéressant
de mêler systématiquement des psychologues au public qui assiste à
l'examen oral. A ce face-à-face ni le maître, ni l'élève ne sont suffisam-
ment préparés.
De toute façon des recherches pourraient être entreprises pour dégager
les qualités spécifiques que doivent comporter des questions d"interrogation
orale: il faut enseigner aux futurs maîtres l'art d'interroger, sans cruauté,
sans naïveté excessive, avec des finalité préalablement fixées.
f) Élimination de la contre-pédagogie du bachotage. Pour que l'examen de
fin d'année ne soit pas l'épée de Damoclès qui conditionne tout
l'enseignement, on pourrait envisager que des examens de pronostics
aient lieu an début de l'année. Une fraction non négligeable des élèves
serait assurée, sous réserve d'une assiduité et d'un travail normaux, d'être
dispensée d'examen de fin d'année. Celui-ci prendrait la forme d'un
examen de passage réservé à ceux pour lesquels le pronostic aurait été
douteux.
SOMMAIRE
BIBLIOGRAPHIE
EDITIONS C E D I C
N° d'éditeur 472.09
Dépôt légal 4e Trim.
1972 Imprimerie
VAUDREY - LYON