,
Editorial
La Documentation
photographique
Rédaction
Nathalie Petitjea n
Rédactrice en chef
Rédaction. iconographie
Françoise Gélibert
Maqueltiste-infographisle
Paule Oury
Secrétaire
Conseil éditorial
Laurent Carroué
Françoise Dieterich
Bernard Phan
Yves Poncelet
Dominique Varinois
Première de couverture
Musulman devant la mosquée
Cheikh Abdu l Kadher, Bagdad,
novembre 1990
C Laurent Van Der Stockt f
Gamma f Eyedea
Maquette : F. GélibertfDF
Averti.sement
Les opinions exprimées
dans les textes orig inaux ou cités
n'engagent que leurs auteurs.
L:autorisation de reproduire textes,
graphiques et images sous Cl DF
doit ê1re demandée il
la documentation Française.
Dans les autres cas. la demande
doit être adressée dire<:temem
aux sou rces indiquées page 64 .
Il est rappelé que l'usage abusif et collectif
de la photocopie met en danger
l'équilibre konomique des circuits du livre.
CI La documentation Française
Publier aujourd' hui une histoire de l'islam, c'est répondre à
une demande forte en matière de connais sance du religieux,
La Documentation photographique et l'Institut européen en
sciences des religions (IESR) ont choisi de mener ensemble
ce travail , qui répond à leurs missions respectives_ La Do-
cumentation photographique a pour ambition de lancer des
passerelles entre recherche historique, géographique, et en-
seignement secondaire, LIESR diffuse, à trave rs la formation
initiale et continue des enseignants, la connaissance des faits
religieux_ Nous avons donc constitué un Comité scientifique,
dont les experts ont suivi toutes les étapes du projet élaboré
par l'auteur, Pascal Buresi, et la rédaction de La Documenta-
tion photographique.
Ce numéro se situe résolument dans une perspective d'histoi-
re critique. Depuis fort longtemps, l'histoire du ch ristianisme,
telle qu'elle est enseignée dans les classes, analyse plus le
processus de formation et d'évolution du fait religieux que les
débats doctrinaux ou théologiques. La démarche doit être
identique pour l'islam . ~appro c h e , répéton s-le, est ici histo-
rique, toujours soucieuse des co ntextes: contrairement à ce
qu'affirment les fondamentalismes, l'islam d'aujourd 'hu i n'est
pas celui des origines. Cette approche souligne également
la pluralité de l'islam dans l'espace; en témoigne la diversité
des sociétés musulmanes dans le monde contemporain.
S'il existe une approche spécifique de la dimension religieuse
de l'histoire, il n'y a pas d'histoire autonome de la pensée
ou de la religion, indépendante des sociétés dans lesquelles
elles se manifestent. Le religieux a joué un rôle important
dans l'histoire des sociétés musulmanes, il n'est certainement
pas le seul facteur de leurs évolutions. Autrement dit, dans un
domaine où se bousculent les affirmations aussi tranchantes
que simplistes, cet ouvrage pourrait démontrer que l'histoire
de l'islam est complexe.
Dominique BornelNathalie Petitjean
Comité scientifique animé par Dominique Borne, président de l'IESR : Mohammad Ati
Amir-Moezzi (directeur d'études, Ëcole pratique des hautes études), Yasmina Dahim
(Institut d'études de l'Islam el des sociétés du monde musulman·EHESS), Philippe
Gaudin (IESR), Bruno Levallois (tGEN, arabe), Pierre Lary (directeur d'études, EPHE),
Anne Aebeyrol (professeur), Véronique AieNel (InstiM des cultures musulmanes), Nicolle
Samadi (professeur).
Histoire de l'islam
Pascal Buresi, chargé de recherches au CNRS

L' historien des rciigions esi confro nté à un dou-
ble problème : r :lbscncc de sources ex térÎeures
sur les orig ines du mo uvement ct la profusion
de sources c ng:lgécs ct partisanes. produites
génémle mem bien apres les événements. v isant
il construi re une histoire sainte des orig i nc.~.
Ce tte profu sion est ju stifiée par les texles cux-
mêmes qui considèrent celle période comme un
moment privilég ié où l'éternité de Dicu s'est
tllilniFcstéc. par le Verbe el la Révélation. dans
le temps des hommes. Aussi Je tr.l'I:1i l historique.
qui s' appu ie généralement sur le c roisement
et la confrontatio n de sources co ntempo raines
opposées, doi l-il pl utôt fa ire appel aux "scien-
ces a uxili ai res de J' histo ire" (archéo lo gie .
anth ropologie. ethnologie, linguistiq ue) e t à la
tr:U1sdisciplinarité IXlur tenter de démêler ce qui
relève de l'histo ire ct ce qu i est reconstructio n
postérie ure.
D:ms le cas de la religio n musul mane. le
tr.lvail, commencé dès la mort du prophète Mu-
h:um nad par les musul mans eux-mê mes, da ns
l'objectif d'intégrer l'islam au sei n de l' histoire
universelle de l' hu manité, a été re pris dans une
tout autre pel1ipecti ve de puis le XIX' siècle par
des chercheurs ct savants occidentaux. Face à
ce qui est une gageure, les historiens do ivent
considére r les sources tcx t uel le.~ comme miroirs
de l'univers lIlental et des représe ntlltions des so,
ciétés dans lesq uelles elles ont été produites. bien
après la période originelle, plutôt (lue COlll lllC de.~
récits factuels de la naissancc de l'islam.
E n ou tre . l'import a nce de s évol uti o ns
historiques da ns les domai nes du dog me. de
la pratique rel igieuse. de la pensée et des sys·
tèmes politiques ct la di versité des contex tes.
des sociétés. des législat ions nationales et des
structu res sociales et famil iales inte rdi sent tout
discours érigeant certai ns tra its rel igieux en
caractères essent iel s. valables en so i. en tout
lieu et cn toute époque.
Cela étant. l'is lam possède certaines Cl.'
ractéristiques q ui. ré unies. lu i con fè rent une
identi té part ic ul iè re: rapporu im médiats à
Dieu. tra nscenda nce de la Loi et prétentio n il
l' universalité.

La lame de 'Muhammad' a èlè préférée é celle de ' Mahomet'. d"onglne IaIIl'l6 al médiévale. dans la meSUle ou il n"ya
plU 116u. BU COOlfSlfe m6m6. de dlSl"'f}lJ8r la prénom le plus ,epandV Uv mon<Ja fflIJsvman, en IOUle epoqve et en lour
lIeU. dB ce/vl dv ptOphèla de ris/am
Le sysleme de If8nSCllploon des noms d 'ong,no a,aOO. petsano ou IV'Que. eSI un sysleme phonéllQue s,mpMIé. sauf pour
/es noms de personnes el les noms de beux connus, pout lasQools 18 g,ap/lle C()'7)'I"lUn6 a élé adopl8e
ft OP 805Il HISTOIRE Of: L1SlAM
Cai ssance d'une nouvelle religion
L e dénominateur com mun aux musulmans
du mo nde réside d:ms un certai n nombre de
pratiques similaires, et aussi. quelle que soit
l'origine géographique. ethnique ou sociale
des fidè les. au-delà de certaines divergences.
dans le sent iment de p:miciper il une même
histoire qui a débuté au début du VII< siècle
da ns la pénimuleArabique. Expriméeen arabe.
aux membres d'une tribu arabe . la relig ion
rnuhammadi cn nc a progress ivement é largi
son message il l'en semble de l'humanité. À
la différence du judaïsme des origines. mais
comme le christi;misme. l'islam s'cst posé en
religion universali ste . Prêché dans un environ-
ne ment où les liens de solidarité tribale ct Ics
clivagcs daniqucsétaicm déterminants. l·islam
se pose d'emblée comme transcendance: il
concerne les hommes et les femmes de toute
origine. riches et pauvres. 1ibres et esclaves. La
personne c hargée par le Prophète de prononcer
rappel à la prière. le premier muezzin. fut. si-
gnificativement. un esclave noir affranchi. du
nom de Bilâl. Cet universill isme de l'islam n'a
d'égal que l"immédiateté de la relaTion entre
les musulmans et Dieu. 'IU moins pour la plus
grande panic d' entre eux. et celle immédiateté
elle-même s' accompilgne (.fun sentiment ab-
solu de la transcendance divinc, bien plus l'on
que da ns le christian isme.
Les sources
Le prophète de I·islam. Muhammad (v. 570-632).
est un personnage historique dont l'existence
est attestée par les textes mu sulmans, certes,
mais aussi chrétiens. byzantins CT arméniens.
Pour autant. on connaît mOlI les détail s de SOI
vie. Les sources non musulmanes les plus an-
ciennes sur Mu hammad sont des récits grecs ou
syriaq ues. datant de la conquêTe arabe eTdonc
postérieures à sa mon . Elles ne donnent que
des indications succinctes. présentant souvent
Muhammad comme un chef de guelTe. pOirfoi s
com me le roi des Arabes, beOlUCOUp plus ra-
rement comme un guide religieux. LOI vie du
prophète de l'islam ne nous est donc connue
que par les textes de la Tradition musulmane,
or ces textes ne datent pour la plupart que d u
troisième siècle de l' islam (IX' siècle ap. J.-c.)
et se présentent beaucoup plu s comme des
hagiographies que comme des biograph ies
hi storiques. Pour te nter de cerner la réalité du
personnage hiSTorique, il est indispensable de
connaître le contexte qui l'a vu naître.
Les conditions sociales,
anthropologiques, culturelles
du berceau de l'islam
L"islam est rupture. par le rôle qu 'i l 01 joué et
par l'i nnexion qu'il a donnée à de nombreuses
soc iétés. L'islam est aussi continu ité . synthèse
ou aboutissement. par rappon aux populations
et aux sociétés de la pén insule Arabique du
début du VW siècle.
En effet , les condit ions sociales, écono-
miques. c ulturelles et anthropologiques som
essentiel les pour comprendre la naissance de la
troi sième grande re ligion monuthéisTe. Muham-
mad naît vers 570 dans une sociéTé tribale. OIrabc.
polythéiste ou anim iste. très largemem ouverte
à des in nuences eXTérieu res. byzantines et per-
sanes. voire indiennes el africaines. chrét ien-
nes. juives et manichéennes. Cette sociéTé est
travaillée spirituellement par le monothéi sme
et par l"idée de réforme religieuse . incarnés pOlr
les hallij-s - ces prédicateurs. pieux et OIscètes.
prônant le monothéisme "abrahamique" ou
valorisant un des dieux du pamhéon .Imbe (al ·
R(l/IllUjll.1e plus souvent). L'l péninsule Arabique
est alors éclatée en de nombreux groupes tri-
baux sans unité linguistique - même si l' arabe,
so us des dialectes diftërcnts. eST dom inam. il
côté d'autres langues comme le sudarabique.
Elle est aussi profon dément marquée par la
pastoral ité nomade des chameliers qui. dans un
vaste espace désertique. mellent en comact les
îlots de sédentarité des oOl sis. autour desquels
éclosent des bourgades aux: fonctio ns multiples
(commerc iales, agricoles. religieuses).
Sans celte complé me ntarité entre noma-
disme et sédentarité. qui permet aux sociétés de
se re produire. voire de développer de manière
récurrente. dans un environne ment climatique
ct pédologique rigoureux. un excédent démo-
graphique il l'orig ine des g rands mouve ments
migratoires hors de la pén insu le Arabique . la
naissance de [' islmn serait une énigme. Comme
e lle se rait une én igme san s la silUaiion de
carrefour de la région. à la croisée des mondes
méditerranéen, asiatique, indien CTafricain.
Vers 1'OIn 610 de J' ère ehrétienne. ];, c ité
caravanière. commerciale eT religieuse de La
Meeque. OIU eœur de lOI péni nsule Arabique.
est dominée par lOI Tribu d e Quraysh. di visée
en deux clans. Le premier. les Banû Omcyya.
est le plus puissam : mai s c'est au second. les
Banû Hâshirn , qu'appartient Muhammad. un
marchand de quamnte ans, qui affirme avoir
reçu un message du Dieu unique. désigné en
 ft OP 8058 HISTOIRE DE L'ISlAM
arabe par le term e AlIàh, L'intcrprélatio n pos-
térieure dira que ce message .. été délivré par
Jibrîl. J'archange Gabriel . On pourrait .~ ·arrêlcr
Iii: être musul man, c'est essentiellement croire
il la vérité de cette déc l:lration. Après ce premier
message . Muhammad reçoit ré2ulièrcmcm la
parole de Dieu qui "descend" .~ ur lui pendant
une douzaine d ' années. Le Coran est ccnséêlrc
la consig nation par écrit de l'intégralité des
messages transmi s par Dieu au Prophète. Ç ' CSI-
à-dire. dans son essence, te Verbe di vin.
La révélation muhammadienne
La Tradit ion musulmane a arrêté les grandes
é lapes d e la vie du Prophète. Muhammad
prêche une dou zaine d 'années (610-622) à
La Mecque auprès de .~ e s proches - en pani-
culier sa pre mière fe mme Khadîja, une riche
veuve, commerça nte, de quinze ans son aînée,
ct son cousin , 'Ali, qui allait devenir son gendre
e n épousant salille F~tima. En butte à l' oppo-
s ition croi ssante de l' aristocrm ie qur:L)'shite
po lythéiste de La Mecque. ct :Llors qu 'en 619
me urent son épo use el son onc le Abû Tâlib,
chef du clan des Banû Hâshim. qui lui assurait
une prot ection re lati ve. Muhammad déc ide
d'é migrer. En 622, :LVee ses pre miers rldèles,
il quitte La Mecque pour l'o:Lsis voisine de
Yathrib, à deux ceni S ki lomètres au nord: c'est
l'Hégire (hijm ), d ont la date fut choisie, une
•••••••••••••••••••••
"Muhammad inspiré par l'archange
Gabriel", m,niarure rurque,
XV," siécle. M usée d'arr turque
el islamique. ISlanbul
vingt'Line d ' années plus tard. comme origine
du nou veau calendrier musulman. Commence
alors :'! Yathrib, q ui prit plus I:Ird le nom de
Médi ne ("Vi lle du prophète", M (/(1Îl/a/ al-l/abÎ) ,
une période au cours de 1:Lque lle Muhammad
dut non seulement gérer les relations entre d es
tribus arabes rivales mais rJ.lliées :'! son message,
entre des tribus polythéi stes ou j ui ves, entre
émigrés (1I1111uÎjirlÎlI ) de La Mecque ct panisans
(am âr) médinois, mais aussi entre Médine et
La Mecque . Alors chef politique et relig ieux ,
il parvie nt, à l'issue de plusieurs bmai lles, à
renverser les Qurayshites de La Mecque : dan s
le sanctuaire de cette ville. il impose le culle du
Dieu unique, re nversant les idoles qui fai saie nt
auparavant l'objet d ' un pèlerinage annuel et
conservant la Ka'ba, dont l'origine abrahami-
que était déj:'! revendiquée p:Lr cenains Arabes
avant la préd ication muhammadienne. Pe u de
temps après. en 632. Muhammad meun et le
cycle de la prophétie s' éteint avee lui.
Les textes fondateurs
Après une première période de transmission
orale du texte de la Révélation et la dispari tion
(naturelle ou lors de combats) des témoins de la
mi ssion prophétique de Muh:unmad, décision
est prise de fix er par écrit la révélati on mu-
hammadie nne, peut-être aussi pour lui donner
le sta tut des livres sacrés juifs et chrétiens. Il
est possible quecenains fra gmems en aient é té
inscrits sur des omopl ates de chameaux , des
papyri, ou des tablettes du vivant du Prophè te ,
mais c'est au cours du premier siècle de l'islam
(VII" s iècle al'. J .-c.) que le texte coranique est
compi lé de manière de plus en plus précise .au
fur et à mesure que s' élabore la langue arabe:
d'abord la structure consonantique, pu is les
signes permett:mt de di stinguer les difl'érenles
consonnes (po ints au-dessus ou au -desso us
du sig ne consonantique), enfin la vocalisati o n
(placemcnt des voyelles). Ce processus, q ui
contribue à la lixmion et à la formal isation d e
la lang ue arabe, s'achève au X<siècle al', l -C.
ct explique l'existence, jusqu ' à cette date, de
différentes versio ns conc urre ntes du Coran,
appuyant les revendications de groupes opposés
aux pouvoirs e n place.
Pa rallèlement. on assiste à un processus
d'acc umulation de témoignages (le pl us sou-
vent o raux) sur J' époque, les fa its et les dits du
prophète (ha dith ). Ces témoig nages parfois
contradictoires devinrent si nombreux que d es
savants se spécialisèrent doms leur recension. En
outre, face à l'apparition de citatio ns inventées,
ces spécialistes mi re nt ;LU point une technique
visant à assurer ]' aut hemicité de ccs "traditions"
par une crit ique, externe, de la chaîne de trans-
 ,. Of' 8058 HISTOIRE DE L1Sl.AM
•••••••••••••••••••••
Le gouverneur de Syrte Mu"bw>ya
rencontre le géneral Amr ibn
al- ·As (mort en 664). cop'e d·une
m,mature du /X" s. 'lrée de Hamla· j
haydan rLa chasse a ... hon·. récit
poétique de la \Ile de ·AII). réalisée
par Muhammad Rali" Bazil (1808).
Brmsh Library
mission (i.mâd) et. interne, du propos rapporté
(lIIl/ltI) . Aux ouvrages compilant ces "traditions"
ct fondant la .I"1II1I1lI. la "Tr:ldition du Prophète",
s'ajoute une réll exion pour expliquer les contm-
di ctio ns du texte coranique (sur l'interd it de
l'alcool p:lr exe mple, ou sur le tr:lileme nt ~
Cistoire politique et religieuse du "domaine
de l'islam "
Les lie ns e ntre islam et arabité sont .mciens
et complexes . LI nature d ivi ne d u message
con 1ère il la langue arabe. qui le véhicu le. et au
peup le, qui ra reçu . un caractère excepti onnel.
Au début d u VI1<siècle, le sent iment d·app:lrte-
nance il un même groupe culturel. linguistique
et ethnique. n'est pas encore bi en affirmé sur
l'ensemble de la pén insule Arabique. À la mort
du Prophète. ses habit:lnts se réclament d·une
même ethnie ct utilisent la même !:ll1gue en
cours d· unification. Beaucoup sont musulmans
et lïdcntilication à l:t nou velle religion achève
réserver aux non -musul mans). La résolution
de ces contradictions se fit selon un principe
chronologique, suggéré dans un verset même
du Coran (Il , 1(6) : la révélation la plus récente
abrogerait!:1 plus .mcie nne - c'estla théorie de
l' :lbroge:lnt et de l'abrogé. Pour établir alors la
chronolog ie des versets du Coran. il fallait e n
dmer l:l "d e.~ce nte" et donc établir en détailles
étapes de la vie du prophète de l'islam. d'où
le développement d·un genre "littéraire'·. la
biographie du Prophè te, la sim( a/-nobÎ. La
pl us ancienne conservée. q ui s'apparenle plus
à une hag iographie qu'à une biographie, est
celle d"Jbn Hish[ull (mort en 834). Tous ces
ouvrages - le Coran . les recueils de lI(Ufi/II, dont
six sont considérés comme canoniques par les
sunnites. CI les biographies du Prophète - n·ont
été établis dé finiti vement qu'e ntre les VIII' ct
X< sièdesde l'ère chrétienne. Ils sont donc bien
postérieurs à la mon de Muhammad .
À cette époque auss i. de grandes exégèses
(raf~·Îr) établissent la lecture canonique du tex te
coran ique (vocalisation. étymologie. se ns des
mots. structure des versets). L· historien contem-
porain Mo hammed Arko un désigne cet ensem-
ble de tex tes fondateurs par I"appcll:llioll de
Corpus Officiel Clos. fruit d'un long travail de
sélect io n. de tri. d'oubli s et de recompositions.
D' une structure ou verte il des lectures et ~ des
interprétations multiples, o n est ainsi p:tssé il un
ensemble de textes de référence. dont l' interpré-
Iilt ion est limitée et étmitement encadrée par un
corps de spécialistes. les 'II/O lll â ·{ou lémas. les
"sav.mts'· qui en détien nent ainsi le monopole.
Au terme de ce processus. se développe r idée
de l'inimÎtabilité du Coran (i"jû::.). en re lation
:tvec la nature divine du message tranS mis.
la fédémtion des diverses tribus et des diflcrents
peuples de la Péninsule. En cc scns. on peut af-
firm er que l'islam a contribué il créer la I:ll1gue
et le peuple arabes. autant qu'il en est le produit.
Si l'o n peut considérer la religion musulmane.
au VII' siècle, comme une religion arabe dans
la mesure où les musulmans 110n arabes sont
encore une infime minorité, très rapidement .
en que lques décennies. cette identilicationn'est
plus valide en rai son de l'intégration ou de la
conversion il l'islam de populations non arabes
très importantes.
• OI'!I058 HISTOIRE DE L'ISLAM
Les étapes de l'expansion
religieuse
Conquête militaire et assujettissement politique
nïmplique ru pas nécessaire ment conversion à
l'islam el arabisation des populations. Cc sonl
des phénomènes. liés ccnes. mais s' accomplis-
sant à des ry thmes très dilTérents. avec pl us ou
moins d'i ntensité. En un siècle enviro n. les d i-
rigeams musulmans imposclltlcur 50uvcrai nClé
s urun immense empire s'étendant des Pyrénées
:lUX confins de la Chine. Les clld Tes. généraux
ct gouvern eu rs. condu isant les oj>émtions CI
:ldm În istra n! l'Empire. son! tous ara bes ct mu-
s ulnwlls: les troupes intègre nt les populutions
loc:lles ( Persans. Berbères. Turcs) au fur CI il
mesure de la progression. La (,;onquête s' ac-
compilgnc d ' ulle colonisation paT les Arabes,
q ui bénéfi cient d ' un excédent démogra phique
ext rêmemen t favorable ct s' implantent dans
des vil les-garni sons qu 'i ls fo ndent. Parfois
au ssi les é lites provi nciales s'installent da ns
des villes déjà ex istan tes comme Damas. Les
popu lations locales conserve nt très majori-
ta ire ment leur religion an térieure: j udai"sme,
christianisme (copte, nestorien. monophysi te,
cha1cédonien, wisigothique, etc.), mazdé is me
(ou zoroastrisme).
Les all iances matrimoniales avec les fe m-
mes desétites locales, l'attmct ion s u~ itée parla
richesse des conquémnts, les incitations Iisç:Lles.
la fasci natio n exercée par la nouvelle religion
et l' intégr.ltion prog ressive des non-Arabes :mx
cercles dirigeants de 1"adm ini stfation ct aux
grands courants commerciaux que favori sent la
mi se en place de l'Empire et quelques mesures
pol itiques. en particulier pour l'usage de J'arabe.
incitent les populat ions locales à sc converti r
et à adopter la langue arabe en nombre sans
cesse plus grand. Arabisat ion et conversion ne
sont pas régulières, mai s se font par à-coups.
e n fonctio n du contexte, parfois au terme de
c rises iden ti taires. de confronta tio ns o u de
raid issements du pouvoir. Certai nes popula-
tions se conve rtissent sans changer de langue
(Persans, Turcs, Berbères), d'aut res s' arabise nt
Sans cha nger de re ligion (chrétie ns ct juifs
d' Orient ou d'Andalousie), participant to us à
1'émergence de ce qu'on appel le communément
la civilisatio n islamique. Dès le IX' siècle, la
Bible est traduite et commentée en ambc par des
clercs andalous, mais les chercheurs s'accor-
de nt à penser qu' il faul. par exemple. altendrc le
X I' siècle pour que la majo rité de la population
égyptienne soit musu lmane . Rap pelons qu'en
1857, avant la domination britannique et après
c inq siècles de dominat ion mus ulmane dans le
sous-continent indien, seule ment 20 % de la
poPU1:.t iOll totale était mus ulma ne.
La définition religieuse
du territoire
La défi ni tio n de la "com mu na uté" ( UIII"U/)
délimi te les contours territoriaux de I1slam,
du lIû' a/,jsltilll (Iilléralement la "maison·· ou
"do maine de l'islam"). À l'intérieur. tou t indi-
vidu est soumis à la Loi. q u'i l soi t mus ulman
ou "protégé" (lIIIjlllll/ ;). ou qu'il vie nne de
l'extérieur en bénéficiant de l'amûII, le sauf-
cond uit qui garant it la sécurité de sa personne
et de ses biens.
Partant de l'idée que 1:, période originelle
doi t I!tre le modè le de toute conduite, de tout
règle ment nonml tif et dc loute législation. les
aute urs mus ulma ns ont te nté de théoriser, a
posteriori , les décisions e mpiriques prises par
les souve rains mus ulmans au moment de la
conquête. Et ce en vertu du principe que Dieu.
par l'intermédiaire de son Envoyé. Muhammad,
li donné aux ho mmes, de manière défin itive, le
cadre de 1:, Loi di vine. destiné à régir toutes les
activités humaines.
Les modalités militaires de la première
ex pansion. au V]]< siècle, conduise nt ainsi les
savants des siècles postérieurs à définir les
territoires non musulmans comme lIûr ai-lU/rh,
"domai ne de la guerre". L·arrêt des conquêtes
nécessite l' é l:lboration d'autres catégories
juridiques: ains i apparurenl le dûr a/-mil,
("domaine de la trêve·') ct le lIûr (Il- 'a/ul ('"do-
maine de l"all iance") q ui légitimaient l" arrêt
te mporaire dc l' ex pansion. Le stat ut de la terre
était déterm iné par le statut des personnes et
par le type de prélèvement . Sur les habitants
du "domaine de l'islam" pesaient les impôt s
canon iques: za ktÎt (au mône légale) pour les
musulmuns,jiZYlI (capitation) pour les dhill/Illi
('"tributaires" ou "protégés") ainsi qu' un impôt
foncier, le kllllrlÎj. sur les terres hors de la pé-
ninsule Arabique: à l' extérieur de cc monde,
le prélèvement s'opérait par tribut. pour ceux
qu i avaient signé une treve ou une alliance avec
le pouvoir mus ulman, ou par le butin, dans le
"domaine de la guerre". Les reculs terri toriaux
- pénins ule Ibérique, Sicile. te mporairement
Maghreb - obligèrent aussi les juri stes à se
prononcer sur la situation, nouvelle, de po-
pu lat ions musulmanes vivant sous l'autori té
d 'u n souverain " infidèle··. Généralement. les
juristes conseillèrent aux musulmans le dé part,
mais celle position n'était pas partagée par tous.
La colonisation aux XIX' -XX' siècles, pui s
l"émigrat io n musulm:me dans les pays indus-
trialisés ou en voie d'industriali sation et, enfin,
la mond ialisation récente . ont rendu caduc cc
cadre j uridique d 'anal yse du statut des ,erres
ct des person nes.
• OP 0058 HISTOIRE DE L'ISLAM
Au-delà de la tolérance
ou de l'intolérance,
la personnalité du droit
Le pragmatisme des premiers conqu érants. qui
ont le plus souven t laissé aux non·rnusuhmms
la liberté de culte dans les territoires conquis.
el la biographie du Prophète, tcl lc qu'c lic a été
établie par la Tr;lIJition musulmane comme mo-
dèle de référence ct de lég itimation de pnttiqucs
parfois bien postérieures. o nl posé les grands
cadres des re lations des pouvoirs rnusuhmms
à l'égard des com munautés non mus ulmanes.
Les princ ipes de ces relations. qui, de man ière
anac hro nique, peuvent choquer l'universalisme
républicai n issu des Lumières. n'ont pas cu
que des inconvé nie nts: ils ont perm is à des
popul at ions non musulmanes de sc maintenir
ct de se perpétue r j usqu'à nos jours dans un
environnement islam iq ue. Le principe en est
la personnalité du dro it da ns le cadre de la Loi
islamique. À condition de respecter la rel igion
dominante ct de verse r collectivement les im-
pôts me ntionnés -le prélèvement devant en ê tre
organisé par les dirigeants de ces communautés,
le plus souvent par la hiéran:hie ecclésiast ique
q ui les reversait au pouvoir mus ulman - . les
communautés religie uses é taient a utonomes du
point de vue juridiq ue: to ut lit ige cntre me m-
bres de la communauté était réglé pHr le j uge
de la communauté (rabbin, é vêque o u tout autre
autorité). En cas de litige entre un mus ul man et
un no n-musulman, c 'cst le j uge mus ulman qui
devait tranc he r, ce qui assurait la s upériorité
symbolique du droit mus ulman. symbolique
parce qu'on a de nomb re ux témo ignages
prou va nt que les mu s ulmans n'étaient pas
systématiqueme nt favori sés. En Méditerranée
orientale, ces principes, qui ont servi de cadres
juridiques pour la gestion des comptoi rs italie ns,
puis des Échelles du Levant, ont permis aussi
l'intégration des com mu nautés j uives chassées
de C:ls!illeet d'Aragon par les RoisCathol iques
11 la fin du XV' s ièc le. et ont pris, dan s l'Empire
ottoman, la forme institutionnelle des mille/. ou
"communautés".
progressive définition du dogme, des pratiques
et du droit musulman
Les religions ont une histoire: elles ~e consti-
tuent progressivement et elles ne cessent d'évo-
luer. Leur dogme. leurs rites et les. pratiques
qui leur sont liées ne sont pas partagés par
tous leurs tidèlesde manière identique. L' islam
n'échappe pas à celle règle: la prière, pour ne
L'islam et la transmission
des savoirs
Si ce cadre juridique n' a pas empêché de to ut
te mps et en tout lieu des persécutions;1 l'encon-
tre des non-musul mans et des abus de pouvoir.
il a le plus souvent pennis la cohabitation de
comm unautés rel igieuses el de populations
a ux tradit ions et a ux cultures dill"érentes. Des
échanges fmctue ux ont permis. dès le Vl1J< siè-
cle. occasionnellement à des fi ns polémiques, la
tmnsmission des textes de 1" Antiquité grecque
et romaine, des ouvrJ.ges grecs de géogmphie,
d 'astronomie, de mathématiques ou de philo-
sophie, grâce 11 leur traduction e n arJ.be. parfois
par lïntermédiaire du syriaq ue (langue écri te
de l' ara méen), et la ferti lisat ion de la nouvelle
religion par le savoir ant ique. Les c hré tiens
o rie ntau x. he llé nisés c uhure llemen\ et arabisés
lingui stiquement. jouère nt un rôle important
da ns ce transfert de savoir. Des débats théolo-
giques parfois vi rule nts .mto ur du primat de la
raison ou de la révélation. opposèrent ainsi. très
tôt (IX' s ièc le), au sein de l'is lam, les partisans
du rJ.tionalisme a ristotélicien. du néo-platonisme
ou du linéralisme (courant refusant la recherc he
d' un sens caché dans le texte de la Révélation) et
firent su rgir des interrogat ions qui contribuè rent
fortement à l'élabor.nion de la doxlI islamique.
Le cadre impérial. la diffusion de la hmgue
arabe parmi les élites. la créat ion d'institutions
communes, en particulier judiciaires. mai s aussi
politiques, éducatives et/ou religieuses, dans
toutes les régions, le déplacement des savants
le long des routes carava nières de l"Empi re,
la q uête du savoir religieux et/ou scientifique,
fa vo risèrent la mise en contact de trad itions reli-
gieuses. li ttéraires et culturelles très différentes.
Ce con tact permit des recompos itions philoso-
phiques et des réélaborat ions doc trinales qui
contribuèrent de ma nière décis ive à façon ner
non seule ment cc que les chercheurs e uropéens
ont appelé la ··civil isation de l' is lam classique",
mais aussi les différents courants mys tiques.
ésotériques ou rat ionalistes de l'is lam. qu ïls
soie nt sunni tes. chi ites o u kharijites.
prendre qu'un exemple, et non des moi ndres,
n'est pas réalisée de la même manière par tous
les musulmans. c hiites ou sun nites. Au sein
même d u sunnis me, les mâlé kites (Maghreb
et Afrique noire) se di stinguent sur ce plan des
autres écoles juridiques (ha nbillite, c haf1ite et
 • OP 8058 HISTOIRE DE l"ISI.AM
h:méfilc). Qu\!l ~ sont les rites princ ipaux de
l'islam'! La Tr:.ldition mu ~ u111l a ne a fixé à cinq
les obligat ions individue lles pour le musulman.
Celles·çi sont :tppelécs " piliers de la foi",
Les "piliers" de l'islam
Le prem ier pil ier est la pro fession de foi (slla·
fUÎt/a): 'Tallcstc qu'il n'y a d'autre dieu que
Dieu et j" attcstc que Muhammad est l'e nvoyé
de Dieu". Prononcée à haute voix CI cn toute
sincérité. devant deux musulmans adultes agis-
sant comme témo ins. ellc fonde officiellement
une conversio n à lïslam. ElIc est rappelée
intégmlcmcnt c inq foi s par jour au musulman
dans l'appe l à la prière. Elle doi t aussi être
prononcée. avant de mourir. par le musulman
qui tend son doigt en !>igne de reco nnaissance
de ["unicité divine.
Le deuxiè me pilier est 1;1prière (salii l), mai!>
il inclut le prem ier puisque la ,f//(/hâda est pro-
noncée dUr'J nl la prière , Le terme ,m liil, d 'ori -
gi ne arJmécnne ("pros tem:u ion", "salul"), est
passé en arabe pour désigner 1:1 prière ritucl le :
il est mentio nné plu!>icurs dizainesde foi s dans
le Coran , Cette prière est le signe le pl us évident
de l'adhé!>iun à l'i slam, Le nombre de prières
quotidiennes obligatoire!> (ônq) n'est pas men-
tionné dans le Coran qui n'en c ite explicitement
que troi!>, En fai t, le chiffre cinq provient de la
Tradition (luulÎrh) , Avant d 'cffectue r la prière,
le fidèle doit se trouve r en état de pureté léga-
le afin que la prière soit efficace, On perd sa
•••••••••••••••••••••
Musulman en prlére dans le déS8f/.
Mah. j8IlVlef 2007
pureté par le sommeil , les relat ions sex uelles,
les besoins nature ls, le contact avec des i!tres
impurs, On retro uve sa pureté par des :Iblulions
ou, s' il n'y a pas d'cau, ~Ir l' utilismion de sable
da.ns le désert. Les :lbllllion ~ mineures !>e ront
au bassin d'ablution (visage, bouche, narines,
ore illes, mains/avant-bras, pieds), cependant
que cenaines situations requièrent des ablutions
majeures: l'état d 'impureté , engendré par les
relati ons sexuelles ou, pour une femme, p:lr les
menstruations ou l'accouchement, exige que
lout le corps soit l:lvé au l/{/mmtÎm , Une foi s
purifié, le fidèle peut prier.
Une prière a un stmut spéôal : la prière du
vendredi midi, qui doit être accomplie collec-
tivement da ns la Gr:lIlde mosquée (jtÎlII;'). Elle
eSI obligatoi re pour tous les musulmans de sexe
masculin (Comn, LX II , 9). Celle prière spéciale
est présidée par l' ;miim. un musulman de bonne
rép utatio n, qui se place devant les fidèle s, en
f:lce du mihrâb , la niche qu i indique la qiblll,
c'est-ll-di re la di rection de La Mecque, Les fi-
dèles sont e n mng derrière lui. ils font les gestes
ri tue ls après lui et répètent ses paroles, L' imtÎm
n'est pas un prêtre: son nom re nvoie à sa place.
devant «(llI/iim). par Tappon aux autres fidèles.
Il est ce lui qui guide. Le second personnage d é
de la prière du vendrcdi. parfois d ifférenl de
lïmiill/, e!>t le klwlÎb qui. du haut de la chaire
à prêcher (le millbar). prononce la kllllllm, un
sermo n dont la pre mière panie possède une
dimension politique ou sociale et la seconde
une dime nsioo religie use - le plus souvent un
commentaire d'une sourate du Coran.
Le troisième pilier est l'aumône légale
(:.akû/). Celle aumône est fondée sur l'idée
(commune aux musulmans et aux juifs) que les
biens de ce monde sont impurs. Il est cependant
penni s de les acquérir et d'en jo uir à condit ion
de les puri lier - le mOi de :.akâl. d 'origine ara-
méenne, signifie purificmion - en les restituant
partiellement à Allâh. Historique ment, la zaMI
est le pre mier impôt payé par les musu lmans.
Elle est recommandée dans le Cor.m. même si
elle n'cst pas déclarée fonnel lement obligatoi re
(Coran, III. 92). Ainsi les pauvres ne SOnt pas
tenus de payer la l.aUu. Aucune autorité légale
ou :ldministrative n'est là pour contrô ler le
do n de la :.atii/: on s'en remet à l' honnêteté
de chacun. Le prophète Muhammad l'appl iqua
comme un impôt de solidarité, aussi les re venus
de cet " impôt" sont-ils destinés aux pauvres et
aux nécessiteux. à l'enlretien des institut ions
pieuses ou aux voyageurs.
Le quatrième pilier est le jeûne du ramadan
(nmllltlûlI). Cest, pour les musulmans, une des
plus grandes rnanifcsll1t ions collecti ves de leur
appanenance à l"islam. La pratique du jeûne
est rég lementée par le Coran ( Il , 184- 187),
 P .
•••••••••••••••••••••
Musulmans aSlaliques lors du hfllJ.
pèlermage à La Mecque. Arable
saoudlle. 30 jan"o'l8f 2004
jelltle) qui a lieu le pre mier jour du moi s suiv:ml.
"n ui t du Destin" (/(I.I"{(I/ al-qadr), entre le vingt-
juives et manic hée nnes, sont indéniables pour
OP 8058 HISTOIRE De L'ISLIW
1
complété par la Tradition. Tout musulman
doit jeûner du leve.r au coucher du solei l. du
premier au dernier jour du mois de rall/adân et
s' abstenir d'aliment s, de boissons, de relations
sex uelles. Ce jeûne est précédé av:mt I" aube
d'un petit-déjeu ner et s'achève sur le repas de
rupture du jeûne, lifta /". Le jeûne se termi ne
le jour du '0.1"" al-ji'I" (fête de la ru pture du
Pourq uoi le moi s de /"(/II/a (/âll '! C'est lors de la
sixième et le ving-septième jour du mois, que
le Coran serait "descendu" poUf la première
foi s sur le prophète (Coran, 1t. 185 ), Celte nuit.
il laq uelle la sourate XCV II est consacrée, est
décrite comme "meilleure que mi lle mois", En
outre, au cours de ce mois se situent plusieurs
anniversaires importants pour l' islam: mort
de Khadîja. premi ère femme de Muhammad.
victoire de Badr sur les Mecquoi s (624), prise
de La Mecque, mort de 'Ali, gendre et cousin
du prophète et quatrième calife de l'islam ..
Le ra madan est ob lig:lloi re pour tout
mu sulman, sain de corps et d'esprit. ayant
atteint Lige de la puberté, En sont di spensés
les enfants, les personnes :1gées, les malades,
les femme s enceintes, les fe mmes ayant leurs
règ les, les voyageurs. Les jours o ù le jeûne
n' :t pas été respecté do ivent être remplacés le
plus tôt possible et dan s tous les cas avant le
ram:td:m suivant. Les influences, c hrétiennes,
expliquer ce mois de jeûne, mais ce qu'il faut
retenir avant tout, c 'est que cel ui-ci s' inscrit
tout à fait dans la tradition des Arabes préisla-
mique.~ : il y avait en effet chez les bédouins des
mois S:lcrés où toutes les guerres tribales étaient
prohibées et Oll avaient lieu de grandes foire s et
des pèlerin:lges p:lïens aux grands sanctuaires
comme la Ka'ba.
Le cinquiè me et dernier pi lier est le pè leri-
nage il La Mecque. Il est obligatoire pour tout
musul man libre qui en a la possibilité physique
et les moyens ma lériel.~ (Coran, Il . 196-199). Il
doit être effectué une foi s (au moins) d:ms 1:\
vic: entre le 8 ct le 13 dlllî 1-ltijj(l . Il reprend
les rites, établis par l:t Trad it ion (I/(/di,h et ~'Î/'(/),
tel s que Muhammad est cemé les avoir fix és
lorsqu' il effectu:t le "pèlerinage de J'Ad ieu".
e n 63 1. Pourquoi L:l Mecque ? II s' agit certes
de la vi lle natale du prophète de J'islam. m:ti s
c'est suno ut le lieu orig ine l de la Révélation et
l' endroit où .~e trouve ht Ka 'b:l. conservée dans
la mosquée du s;tnctuaire .
Selon la tradit ion musulmane, J'empl:tcc-
ment de la Ka'ba aurait été créé avant toUie
autre panie de la terre: sur cet emplacement.
Abraha m aumit construit la " mai son de Dieu"
(Ba)', A/MIl), autre nom de la Ka'ba, avec des
pierres que son fi ls Ismf,'îl lui aUr:lit apponées.
Pour achever l'édifice, Abraham aurait cu be-
soin d'une pierre d'angle qu' lsmù 'îl ne parve-
nait pas à trouver. Celte pierre, connue sous le
nom de Pierre Noire, lui <lumit été "pportée p:tr
l'ange Gabriel. Bl anche il l'origine, elle aurait
été noircie par le péché des hommes. Celte
pierre, aujourd'hui cassée et cerclée dans un
anneau d' :trgent, doit être touchée et embrassée
p:lr les pèleri ns, Dès l'époque préislamique, La
Mecque était un grand centre de pèlerinage et
de nombreusesd ivÎn ités y étaient vénérées, Mu-
hammad reprit cette prat ique en l'isla misant.
La mise en place du droit
musulman: des compromis
régionaux
Les musulmans considèrent aujourd'hui que le
droit musulman Viqh) et les avis jurispruden-
tiel s (j(1II\,{/, 1U/II'tÎZil) doivent être élaborés en
s'appuyant principalemenl sur le Coran et sur];l
Tr:ldition du Prophète (et sur celle des ill/tÎm -s ,
pour ce qui concerne les chiites), telle qu'e lle
a été établie dans les six collections sunnites
de {/(/dÎrlt (ct quatre compilations chii tes). Or.
d'un strict poi nt de vue chronolog ique, il y
eut des juges musulmans dans tout J'Empire.
longtemps avant que ce.~ recueils aient été écrits
et avant que le texle du Coran ait été défini tive-
ment fixé , Il y eut donc élaborat io n simultanée
tant de la juri sprudence que des textes censés
l' asseoi r, Pour rendre lajustice en fonction de
normes islam iques non encore établies, les
juges (qâdi) fi rent appel à tous les out ils dont
 • OP 8058 H ISTOIRE DE L'lS!.AM
ils disposaient: versions parfois un peu di ffé-
rentes de la révélation mu hammadienne. droit
coutum ier (·llr/). usages locaux ((Îdât). droit
romai n autour de la Méditerranée. trad itions
sassanides en Perse. et souvenirs des mesures
pri ses par les premiers successeurs du Prophète.
Les savants musulmans ont déve loppé leur cor-
pus juridique en tentant. (1 posteriori. de faire
coïncider la pratique cmpiriq ue des premiers
souverains avec ceux des actes du Prophète
qui permettaient de légiti mer leurs décisions.
et cn écartant ceux qui ne leur conve naient
pas. Cod ificat ion ct pratiques allèrent de pai r.
s' influen<;ant Ill utuel leillent. cc qui expl ique les
d iversités rég ionales du droit musulman dépen-
dant cn part ie des traditio ns juridiq ues locales.
La conquête musul mane n·impliq ue donc
pas lïmposi ti on dans un vaste terri toire de
normes préexistantcs: au contrai re. ce sont
les régions et leurs tradi tions juridiques qui
perm irent l· é laborat ion. dans sa diversi té. du
droit musu lman. Au terme de ce processus (vers
le lX<-X' siècle). les règles de fonctiDnncment
du droit musul man étaient établies. sans que
ce la ait débouché sur une application uniforme
des mêmes déc isions partout ct de tout tcmps.
En effet. le d ro it musulman sc caracté ri se
par une grande souplesse: il laisse une place
conséquente à lïnterprétation personnelle et
au jugemcnt de profess ionnels (1IIIIfti.fllqaluη,
qâdî) chargés de défendre la supériorité sym-
bol ique de lïslam bien plus que d"appl iquer
strictement la Loi ou d·assurer la direction de
la société.
L'influence des nouveaux peu~
pies: l'exemple de la madrasa
Chaque peuple. chaque territoire de r Empire a
apporté sa pierre il l"édi fiee de la religion mu-
sulmane.qui ses institutions. qui son ésotérisme.
C eli gion et pouvo ir en islam
La non-différenciation du politique et du re-
lig ieux en islam est-elle. ou n'est-elle pas. un
problème ou un frein il la moderni té? Celte
question est marquée du sceau d 'un certain
occidento-centrismc. Ne serait-ce pas la d if-
férenc iation du politique ct du rel igieux dans
1· histoire de quelques pays d'E urope qui ferait
fi gure d'exception. :tl"échelle de J" Histoire de
l'humanité et de la planète. plutôt que la non-
différe nciation propre à l"islam ?
qui son culte des sai nts, qui son rigorisme. qui
sa force militaire, qui ses traditions admi nis-
tratives, littéraires ou poétiques. Persans. Turcs.
Berbères. Mongols. Noirs africains ou Indiens
ont contribué à fa<;onner les diverses facene s de
l'i slam. tout en étant marqués par lui. Rendre à
chacun ce qui lui est dû serait trop long. Nous
nous contenterons d'un e:œmple.
Lorsq ue les croisés interviennent en P:t-
lest ine et s'emparent de Jérmalem en 1099, le
Proche-Orient est domi né par des dynasties tur-
ques sunnites. les Seldjou kides, qui gouvernent
de petites principautés rivales. sous ]":lutorité
théorique du cal ife abbasside de Bagdad. cepen-
dant que l'Égypte et Le Caire sont dirigés par
des imrÎm-s chiites ismaé lien;; (ou septim,lins),
les Fütimides (969- 117 1). Contre l'influence du
chiisme. puis contre les croisés, une institut ion.
promise il un bel avenir. al1:tit !?Ire promue par
les é lites turques: la madmSl/. Militaires et
cavaliers. non arabes et récemment convenis,
les dirigeants turcs étaient en manque de légi -
timité pour d iriger la s<x·iété. Ils compensèrent
cene s ituation en fina n<;ant la fo ndation de
nombreuses m(/({m.l"(/-s. édifices dest inés à un
maître. salarié, ct une vingtaine d'élèves, logés
et nourris. L'enseignement prodigué tournait
autour des sciences religieuses et. dans un pre-
mier temps. d'une des quatre écoles reconnues
de droit musul man, le hané li sme. Celte forme
d·évergétisme eut un ra pide et éclatant succès
ct se répandit dans tou t le monde musulman:
la physionomie des villes en fut bouleversée
puisqu'il n'était pas rare de trouver plusieurs
centaines de IIIlldra.m-s dans les grandes cités.
Ces éco les . q ui forma ient les futures é li tes
sunnites du régime et contrebalançaient l"in-
flucnce des prédicateurs ch iites. cont ribuèrent
au ··réarme ment moral et re l igieu~ ·· du Proche-
Orient et au développement de 1· idée de jiluÎd
face au.>; croisés.
Les doctrines du califat
et de l'imâmat
Après la mort sans héritier mâle.:I Méd ine. en
632. de leur prophète, chef de leur "commu-
nauté'·. les mus ulmans commencent à sc diviser
sur les mod:tlités de la transmission du pouvoi r.
Pendant une trentainc d·années troublées, au
cours desquelles se succèdent quatre ca li fe s
(klwlifa. littéralement ··successe ur·') - Abû
Bakr (632-634). ·Umar (634-644). ·Uthmân
(644-656) ct 'Alî (656-66 1) - dont trois meurcnt
MI , OP 8056 HISTOIRE DE L1SlAM
a~sass inés, diverses solUlions sont envisagées
po ur la désignat ion du chef de la communauté
(1IIIII/W) - conseil électif. désignation Clllte
mOrlem, testilment. La gestion empirique des
problèmes qui se posent va contribuer il la
formali sat ion postérieure des structures et ins-
titut ions politiques, religieuses et dogmatiques
de l'islam : gestion de l' héritage prophétique,
révoltes des tribus arabes, première expansion
militaire hors de la péninsule Arabique, admi-
nistrat io n de l'Empire naissant.
À panir de 66 1, c'est le système dynastique
qui s 'im pose pour la direction de la communau-
té dans le cadre du cal ifat umayyade de Damas
(66 1-750). Des contre- modèles se constituent
simu ltanément, en opposition il cette dynastie
et il la suivante, celle des Abbassides de Bag-
dad (750- [258). Ces oppositions ne sont pas
seu lement polit iques: e lles recoupent aussi des
o rientations et des approches différentes de la
nouvelle religion, com me celle des kharijites,
d'anciens pani san s de 'A li (le cousi n ct gendre
de Muhammad). qui se séparent de lui en 657,
ct affirment que le chef de la communauté
doi t être le meilleur des musul mans, "fût-il un
esclave noir"·.
La victoire des Umayyades et. il travers
elle, celle des Qurayshites qui affi rment que
l'appartenance il la seule trib u du Prophète est
nécessaire. e t suffisante, don nent naissance
progressivement :lU su nnisme, dont la dénomi-
nation <lpparaîl au X<siècle (en référence il la
tradit ion. S I/IIIU/), cependant que les partisans
de 'Ali ct de ses descendants, qui contestent leur
éviction du pouvoir, fo ndcntla Shi'a ("parti'" ou
" faction" [de 'Ali !) , le chii slTle, ct entre nt. pour
plusieurs siècles, dans l'opposition. politique
et religieuse. :LU nouveau pouvoir califal. Les
chiites. '"légitimistes de l'islam" (H. Laoust),
estiment que la di recti on de la COlTlmunauté
doit revenir il un membredc la fa mille étroite du
Prophète, le plus souvent un de ses descendants
par 'Alî et F:Îtima. La théorie de l'i mâmat. qui
sc constru it face il celle du califat sunnite, n'est
pas seulement une conception de l'autorité poli-
tique et rel igieuse - app:Lnenance de l' imâm il la
descendance biologique du Prophète -, elle fait
partie de lil théologie chi ite el comporte des im-
plicatio ns ésotériques. La théologie chiite mar-
que ai nsi sa différence avec [a théologie su nnite
par [' importance qu 'elle accorde ;1la structure
duelle des choses. dans le texte cOr<lnique par
exemple: la Lettre. le sens apparent (z.hâhir),
recèlerait . pour ceux qui savent le déchiffrer, un
sens caché (bâ tin). latent. Celui-ci permettrait
d'accéder il l"/mtÎm divin , manifestati on de
l'essence di vine. inaccessible il l'entende ment.
et représentant la partie cilchée du gu ide de
la cOlllmunauté musulmane. l'imtÎm terrestre.
chargé de montrer la Voie aux pieux musulmans.
Le chii sme a de nombreuses ramifications :
Zayd ites. Ismaéliens (ou Septirnains), Duodé-
cimains (ou Imâmites). Nusayris (ou Alaouites)
syriens, Alevis ct Bektashis turcs. etc.
De manière géném1c. lechiisrne. fortement
marq ué par I"assassinat de 'A lî (661 ) et par [e
martyre de son fil s cadet. al-Hus:Lyn. à Kerbala
(681 ), s'appuie sur un l'on sentiment de dépos-
session ct d'inj ustice . sur la vénér.u ion portée
aux descendants du Prophète, sur une grande
sensibilité à la sainteté. sur des tendances mys-
tiques ct sur la possibilité toujours ouverte de
[' ij/ilujli. l' établi ssement de nonnes juridiques
nouvel[es à part ird 'un Corpus Officiel Clos de
textes fondateurs.
Les fondements politico-
religieux des Empires et
des royaumes de l'islam
La tension permanente entre le légitime de la
.l"lwrî'a (Loi divine) et le nécessaire «(IMûm)
ou e ntre le respect de la Tradition, incarnée
dans la SIIIIIIlI du Prophète. et les contraintes
de l' histoire, <1 profondément marqué tous les
systèmes politiques et soc iaux du monde mu-
sulman. Celle tension a permi s ['adaptation el
la recomposi tion penn:mente de la Tradition ,
dans le cadre de réformes . qui. dan .~ leurs
d ifférences, revendiquaient IOUles la fidélité
au modèle muham rnadien. Après une période
où il n' y eut qu'un seu l "successeur'" (calife) il
la tête de la "commu nauté" de l'islam - califat
umayyade de Damas (66 1-750) el abbasside
Je Bagdad (750-1258) -, et malgré quelques
:LUtonomies précoces au sein de cet empire
immense. de nouveaux prétendants, représen-
tant des courant s politico-relig ieux o pposés
aux dynasties régnantes. réussirent à fédérer,
ct il rendre indépendants, de vastes territoires:
imâmat mtimide (chi ite septirnainlismaélien) de
Kai ro uan (909-969). puis du Caire (969-11 7 [),
cal ifat umayy:lde de Cordoue (929- [03 1), ca-
[ifat almohade de Marrakech el Séville ( 11 30-
1269). ca lifat hafs ide de Tun is ( [ 228-1574).
sult anat mamelouk du CoLire ( 1250-1517),
Empires olloman de la Médi terranée oricntale
(15 16-1 924). safavide de Perse ( 1502- [732) et
moghol d' Inde ( 1526-1857). Tous ces pouvoirs.
dans leur diversité extrême, soit procédaient
d'une réforme religieuse ou d'une révolte visant
il la restaumlion des nornles islamiques, censées
avoir été bafouées par leurs prédécesseurs, soit
légitimèrent (/ po.\·teriori leur pouvoir par leur
respect ct leur défense de la religion et par
l'i mitation du modè le muhammadien.
Même si les règles de gouverne ment des
hommes ne différaient g uère de celles qui
" OP sosa HISTOIRE DE L'ISLAM
prévalaient dans d'autres contrées non musul-
manes, en Islam, elles étaient intégrées dans un
cildre de pensée et un référentiel "islamiques",
par une réélaboration constante du corpus des
all('roriw/e~' et surtout par une herméneutique
dynamique: relectures des textes fondilteurs et
réinterprétations doctrinales ne se sont jamais
interrompues dans le monde musulman, le sa-
voir el la rénexion prenant en compte la masse
croissante d'événements considérés comme
relevant du religieux, parce qu ' ils s'étaient
produits dans la vaste aire de domination rele-
vant de souverai ns musulmans, qui eux-mêmes
lég itimaient toutes leurs décisions en invoquant
une Tnldition ''i slamiq ue'' que, cc fai~'m l. il s
contribuaielll à enriChir.
Les Empires de l'époque
moderne
La période de la grande expan~ i on occidentale
(découverte et coloni sation des Amériques,
conquête des océans, etc,) correspond, dans
l'histoire de l'i slam, à celle de trois grands
empires: olloman (sunnite), safavide (Chiite
duodécimain) et moghol. Ces trois empires,
dont l' un est à Cheval sur l'Europe et l'Asie,
mettent e n place, dans le cadre de la Loi de
l'i slam, un appareil d'État é laboré avec des
structures adm ini stratives bureaucratiques et
des circonscript ions territoriales emboîtées
et hiérarChi sées, Le droit musulman y subit
de nombreuses réformes: apparition d'une
institu tion clérical e dans l' e mpire safavid e
O slam à l'heure des colonisations
et des décolonisations
L'expansion des pouvo irs musul mans, au
Moyen Âge et il l'époque moderne, n'a cntmÎné
presque nulle part de conversions massives for-
cées, Pourtant. l'aire de civil isation musulmane
correspond pratiq ue ment aujourd'hui aux limi-
tes atteintes par ces pouvoirs. La souverai neté
des princes "musulmans" eut du mal il dépasser
les limites approximati ves du territoire dessi né
par les pre mières conquêtes, il r exception des
extensions négro-africaines et indonésiennes: il
l' inverse, les di\'crses tentatives d'i mplantation
d'un pouvoirélranger, spéc ifiquement non mu-
sulman , sur ce territoire, ont été presque toutes
vouées à l'échec, soit que des musulmans aient
réussi à reprendre le pou voir (disparition des
États latins croi sés aux XJJ<·X IW siècles, ou
- créé par les membres d ' une confrérie soulie
d'Azerbaïdjan q ui imposent progressivement
en Iran un Chii sme modéré comme religion
d'État -, action de grands souverains réforma-
teurs moghol s comme Akbar (règne de 1556 à
1605) ou Aurangzeb (règne de 1658 à 1707),
profondément marqués par l'hindouisme, le
soufisme et la littérature mystique persane, ct
développement, dans l' Empire ottoman, du
qlll1lÎII ou "règle ment administratif', une sorte
de droit profane d' origine sultanienne préc isant
l'application de la Loi et prenant en compte
la II/as/a/Ill (l'i ntérêt de la communauté). Au
XIX" siècle, pour répondre aux différents défis
que leurs sociétés doi ven t atrronter, qu e l que~
souverains éclairés. s' inspi rant de ce qui se pas-
sait dans les États- nations émergeant en Europe
occidentale, accélèrent les réformes pour répon-
dre aux ex igences de la modernité: adoption de
codes civils et de codes du commerce, réforme
de l'état civi l ct du droit de la famille.
Lo rsqu' en 1857 disparaît l'Empire des
Gmnds Moghols d' Inde, seul ri val du califat
ottoman, l'I nde, le Tu rkestan. le khUnat de Ka-
zan ct la Malaisie acceptent la kllll/ba ottomane.
c'est-à-dire de pro noncer le nom du cali fe dans
le sermon du vendredi, cc qui équivaut il une
reconnaissance. Cette situation dure jusq u'au
début du XX <siècle. Le l « décembre 1922,la
Grande assemblée nationule de Turquie enlève
au sultan-calife tout po uvoir temporel ct. le
3 mars 1924, elle abolit l'institution du califat.
qui sous des formes variées, existait depuis la
mort de Muhammad (632),
décolonisation du XX" siècle, disparition de
l'URSS ct indépcndance dcs républiques d' Asie
centrale), soit quc les nou veau x souverains
"étrangers" et leur cour aient fini par se convertir
(Turcs, Mongols), La seule excep1Îon est la
création, dans un contexte historique tout à fait
particulier. d' un État juif en Palestine e n 1948.
Le Liban constitue une demi-exception d:ms la
mesure où il s'agit d'un État mu lticonfessionnel
où la suprémat ie politique des chrétiens, fondée
initiale ment sur un avantage numérique, est
d'ores et déjà profondément contestée par la
remise en cause des équil ibres démographiques
sur lesquels s'llppuyait la prem ière "constitu-
tion" du pays, établie en 1943 .
 et DP805II HISTOIRE DE L1SlAM
La nahda : entre adaptation
et rejet du modèle occidental
Qu' elle se manifeste par l' apparition de cou-
rants mystiques ou de confréries marabout i-
ques, à travers des cultes locaux de sa ints ou
dans des dyn:.sties parvenues au pouvoir à la
su ite d'un mouvement de contestation morale
et religieuse, la pensée polit ique e t rel igieuse
dans le monde musulman aété marquée, depuis
l' origine , p:lr la remi se en question chronique
dc scs fo ndemcnts ct dc scs productions, Il n'en
va pas autrement aujourd'hui. et les formes
:lctucllcs dc la contestmion s' inscri vcnt dans la
continu ité des grands mouve mcnts de réforme
des XV III< et XIX" siècles, Po ur c:lractériser
la IIl111dll, littéraleme nt le "révei l" de la pensée
"i slamiquc" au XIX" sièclc (dont ln traduction
habituelle, "renai ssance", suppose une mo rt
antérieure, loin d' être évidente), apparaît en
France l'expressio n de "réform isme musulman"
en tant "qu 'effort d'adaptat ion de la vie et de
la pensée musulmanes :IUX réalités des temps
modernes" (A li Merad), Le retour a ux sources,
Coran et S//I1//(/ , et les préoccupmions prosély-
tes bénéficient de 1:\ diffusion de l'imprimerie,
En 1865, la première éd iti o n du Co r:m est
imprimée au Caire, Le.~ universités de dll'\\,{/
("prédication") qui se déve lo ppent ,\ Iors dispo-
sent ainsi de moyens accrus,
C'est le choc des premières entreprises
colon iales occ identales en Afrique du Nord et
e n Asie, qui susci te 1:\ réaction des intellectuels
•••••••••••••••••••••
-Le prés'dent de la République
française, Ém'Ie Loubet, v's,'e la
mosquée de S,d' Bou Mecllen,
Tlemcen, Algérie -, une du Pel ,!
Joumal, 3 mal 1903, lithograph,e
en couleurs
musulmans, Le mouvcment de la /Ia/u/a tente
d'expliquer le "retard" des pays d'I slam face
;1l'Europe, Une foi s de plus la néccssitéd' une
réforme religieuse, morale, socialc ct polit ique
s 'impose, mai s les voies pour y parvenir di -
vergent. Plusieu rs te ndances se dégagcnt. qui
apparaissent simultané ment en Inde ct e n Asie
centrale Oll la coloni sation a été plus précoce
qu'au Moyen-Orient : la ,m /afiyya -I c~ sa/a!
étant l e~ pieux anc2tres - et l'j,ruîh (" ]'a lll é~
li oration"), c 'est-il-di re le fait de raire une
bonne œuvre, d'amé liorer l' esprit d'autrui, Les
théoriciens de ces mouveme nts sont d 'abord
Ja mil l al-Dîn al-Afghfinî ( 1839- 1897), puis
Muhammad 'Abd uh ( 1849-1905 ), un ouléma
classique, qui tente en vai n de réformer l'uni-
versité islamique d' al-Azh,îr, en s' inspirant des
idées d 'al-Afghâni,
Pe nseur politiq ue né en Iran, proche du
chiisme en rai son des o rig ines alidcs (c'est-
à-d ire descendant de 'Alî) de sa ramille , al-
Afghânî eut une imponante act ivité politique
au cours de se s no mbre ux voy ages (Inde,
Afghani stan, Égypte, Ru ssie, Istanbul. Lon-
dres), Li! revue qu'il fonda en 1899 ;1 Pari s
eut une influence considérable dans le monde
musulman : il y condamnait la théologie de la
prédestination, l'ingérence eu ropéenne, le des-
pot isme et y défendait l'action, l'instruction et
la mise e n place de régimes parlementaires, À
sa suite , de nombreux pcnseurset réfo rmateurs
ou vrent de nouvelles voies d 'engagement, dont
l' éventai l englobe un courant libéral d'hommes
politiques nationalistes arabes pour lesquel s
l'i slam est une composante du nat iona lisme,
et un courant beaucoup plus conservateur. Des
org:mes de presse sont fondés pour défendre les
idées réformatrice.~, comme la revue a/- Mw uÎr
("Le Phare" ), fondée par Rashîd Ridâ' (mort
en 1935) et largeme nt diffusée e n Syrie et en
Égypte ,
À panir de l' entre-deux-guerres, un nouveau
terme apparaît: le tajdîd, c'est-à-dire le " renou-
veau", qui débouche sur la créat io n d'associa-
tions : des clubs :lpparaissent qui a\lirent unc
jeunesse moderne, f:lvorable ;1 la lU\le contrc
l'Europc coloni:lle, par crainte de la conversion
et de la mutation des esprits, L'org:mi s,ltion des
Frères musulmans, fondée en 1928, par Hassan
al-Banni! en Égypte , constituc le prototype de
ces partis "islamistes", Après avoir comme ncé
par prl!cher dans les cafés, Hassan al-Banni!, un
instituteur ayant reçu une formation religieuse
et :lpp,lrtenant à un ordre soufi. décide de for-
mer une confrérie à but moral et éducati f. Celle
assoc iatio n, car'lctérisée par une hi érarch ie
très forte et l'obéissance inconditionne lle au
guide suprl!me, croît très vite en Égypte et en
Syrie, Le mouvement veut accéder au pouvoir
et Of' 6058 HISTOIRE DE L1SLAM
par l'éducation du peuple. Prônant un antico-
loniali sme virulent et. en même temps, une
opposition résolue au nationalisme au nom du
panislamisme. I·organ isat ion. très anticom-
muniste, fut souvent instrument:llisée p:lr les
régimes arabes. Après l'assassi nat de H:lssan
<ll-Bannâ en 1949. on assiste il une radicalisa-
tion des Frères musulmans sous rinfluence de
MawdûdÎ - un théologien fondamentali ste pa-
kistanai s (1903-1979) - et de Sayyid Qutb - un
penseur égy pti en . chef du mouvement des
Frères musulmans en 1954, condamné ü mort
pour son opposition à Nasser et exécuté en 1963.
Tous les mouvements, qui sonl par ailleurs
<lnticoloniali stes . développent l"idée que le
despotisme est en p;lnie responsable du retard
des sociétés musulmanes. Cen;lins ont trè .~
violemment contesté les cadres traditionnel s
des sociétés musulmanes, comme l'obéissance
au père, et de nombreux marxistes ilrabes de
l'époque ont sou vent été des fil s d'oulémas.
Résistances
Bien souvent, l"expansion occidentale, depuis
[es Grandes Découvertes JUSqU';lUX colonisa-
tions des XIX" et XX" siècles, a suscité l"émer-
gence de mouvements de résisliUlce religieuse.
Dans l'ouest de l'Afrique noire. c'est ilU moment
où l' influence européenne se fait selllir à Ir:lvers
la traite des esclaves que la religion mu sulmane
sort du cercl e restreint des cadres dirigeants
pour se diffuser dans les milieux popu laires.
L'islam fournit à tous les mécontent s et aux
victimes de la traite, les v:lleurs. les concepts
et les références idéologiques de la première
"révo lte maraboutique··. qui commence dès 1:1
fin du XV IIe siècle. Les Berbères de Mauritanie
sont à l'origine de cette révolte qui défend un
islam puritain et rigide. Le marabout. pieux et
instruit. qui dirige [e mouvement proclame le
jihâd, "gucrrc légale" défensive, contre la tyran-
nie dcs gouvernants, au nom de préoccupat ions
soci<llcs et pol itiques.
Cette pre mière révolte a échoué, pourtant
clic inspire, au cours des siècles sui v:mts, de
nombreux mouve ments qui consacrent progres-
sivement la victoire des musulmans. En somme,
l'islam devient l'expression de '·1' intelligentsia
d' opposition". capable d' entraîner derrière elle.
quand le contexte s'y prête. les m:lsses. populai -
res. Cellc tradition "révolutionn:lire" recouvre
en Afrique le mouvement du mahd is me : un
chef (~ hari s matiqu c, répondant à l'appel des
masses. prcnd la tête d'une lutte sociale déses-
pérée. cherchant à déboucher sur l'avènement
d ' un temps nouveau où l' égalité de tous les
Illusulmans serait assurée et où l'aristocratie
établie serait renversée par la violence.
Les e;L~ de révoltes ouvertes contre [es pui s-
sances colonialcs au nom du ji11lÎ11 sont assez
fréquents, mais il cst difficilc de mesurer l<l part
de l'islam dans ces mouvcments. La résistance sc
présente en elTet sous la fonne d'unecombinaison
complexe de courants religieux ct ethniques, mê-
lés àdes facteurs socio-économiques et politiques.
Au Maghreb, les grandes confrérics ont joué un
rôle important dans la résistance il l' envahis-
seur, comllle en témoigncnt. dès 1830. l'action
d ' Abdelkader ('Abd al,Qâdir) en Algérie ou. au
XX, siècle, cellc dc la SWIIÎ.\·iyra en Tripolitaine
face ;IUX Italicns. Jusqu'à la fin du XX' siècle,
on a pu assistcr il ces guerres d"indépendance
menées au nom dc la rel igion musulmane dans
les ditl"érents empires coloni<lux. Le combat des
lIIujâhidil/ afghans contre les Soviétiques, il partir
de 1979, sc rattache il cettc dynamique.
De l'exil intérieur
à la participation
Pour répondre :lU défi colonial. l' islam n' otTrait
pas quc le concept du ':;ihâd défensif'. JI permet
une altcmiltive, l'exil (hijra ), sur le modèle de
l'hégire muhammadien, soit physique. dans les
montagnes pour reconstituer les forces dujih/ill.
soit intéricur, c'cst-il-dirc la dissimulation ( Ia -
q(IJo). Cest cette dernière allitude qui prévaut
en f;tit dans l' ensemole du monde colonisé. avec
des phases de rébellion ouverte. Il se traduit par
J'essor des confrérics soufics. après les répres-
sions antimusulmanes il l' époque de la Première
Guerre mondialc. Les m arabouL~ se tournent vers
le prosélytisme paciliquc : la con frérie devient
une fonnc de contre-pou voir. le sllllykh agisSililt
comme un écran protecteur pour les fidèles et
comme un interlocuteur valable pour le colo-
nis<ttcur. L'admini strat ion fmnçaisc donna ainsi
aux chefs des principilllx ordres s<mfis Clij/illi.rm.
Mllrîdiyy(l et Q/idir(lya ) de largcs concessions
foncière s et financières. L'ut ilisation par les
colonisateurs des musulmans alphabétisés pour
l"administration localc il contribué ù la consoli-
dation et il la diffusion dc l"islam.
Ainsi. la religion musulmane ne fut pas seu-
lement un facteu r de résistance face aux coloni-
sations e uropéennes. Souvent. au contraire, les
chefs religieux (émirs. marabouts ou maîtres de
confrérie) o nt const itué un outi l efficace de pé-
nétration du nouveau pouvoir colon ial. Celte al -
liance entre les .fI/{/ykhs Ct les nouveaux maîtres
c011lribuil en retour il dénaturer Ic pouvoir des
chefs musulmans. La chefferie devint un rouage
adminislr.ltif. une courroie de tr.lllsmission entre
r admini strateur et 1"1Idministré indigène, au bas
de l'échelle sociale. Ce rôlc jou é p<lr des chefs
locaux et des marabouts perdure aujourd'hui
dans les États moderncs africains.
 ft!
Oi slam aujourd'hui
•••••••••••••••••••••
Des musulmans prient dans
le sam d'expositl(J(] du sitft pétro-
ch,mlque de Yanbu.
Arable saovdlle. 2003
OP 8058 HISTOIRE DE L1SlAM
Dans le cadre bipolaire de la guerre froide, les
États musulmans (quant à la populi/ti on) se
sont rangés derrière rune ou l'autre des deux
superpu issances, ou sont entrés dans le mou-
ve ment des non-alig nés. Quant aux groupes
d'opposition politiques. ils ont sou vent adopté
les outil s théoriques du social isme révoluti on-
naire dans leur combat contre l'autoritarisme
de s no uveau x régi mes post-co lon iau x. Ce
fai sant. ils s' in sc rivaie nt d;m s des cadres
d' analyse conçus dans les anciennes pui ssances
coloniales. où les é lites avaient été form ées. De
leur côté. les États-U ni s soutenaie nt tous les
régimes et to us les groupes de combattants qui
acceptaient de s' engager contre le communisme
et le socialisme: par exemple. d,ms le cas du
mo nde mu sulman, l' Arabie saoudite ou les
IIIlIj âhù/i" afghans.
Les puissances pétrolières et
l'islam: entre conservatisme
et révolution
Pourvus de moyens financiers exceptionnels.
les autorités de l'Arabi e sao udite se sont lan-
cées dans un vaste programme éducatif. en
diffusant leur version. littérale et rigoriste. de
l' is lam. Cc soutien est passé pilr la construction
de mosquées. de l/uulm.Wl -s ou d'un iversités
islamiques, Dans les pays mu sulmans ayant
fa it le c hoix du sociali sme et d'u ne fo rme
de laïcité (Syrie. Iraq). l'oppos ition la plus
violente provint des milieu x re ligieux - c ' est
le cas des Frères musulmans. en Syrie. entre
1979 et 1982 - . cependant que les oppositions
soc ialistes étaient écrasées dans tous les pays
ar<lbes et mus ulmans. avec la bénédiction des
Ét<lts-U ni s.
LI. révolution islamique iranienne de l' ;lIIlÎlII
Kho meinyen 1979 contre le rég ime du shâh.
al lié des t:tats-U nis. bouleverse profondément
la silU<ltion. Propul sé. pilr la révolution qu'i l
avai t préparée. ;, la tête d' un État pétrolier re-
lati vement puissant. Khomeiny a été perçu (et il
r a probablement été). comme une menace pour
la dircction spirituelle que les Saoudiens préten-
daient exerce r sur l'islam mondial. au titre de
leur statut de ""Gardiens des deux sanctuaires""
(La Mecque e t Médine). COlllmencc alors entre
ces deux ÉtalS une concurrence. dont la / mlf(l
il r encontre de l' écri vai n britannique Saiman
Rushdie n'est qu'u n épisode. Chacun prétend
promouvoir la conception qu ' il ade l' islam : un
islam puritain. rigori ste. lilléral et conservateur.
ce que les politologues o nt appelé un ""islam
de droite", pour l' Arabie saoudite. face à un
islam conlestatai re et révolutionnaire. visant à
la pri se du pouvoi r d' État par la mobil isation
populaire et l'actio n mili tante. pour l' Ira n.
Que ls que soient les moyens utilisés - création
de partis politiques. de lieux d ·e n ~eigne me nl.
financcment de groupes armés. pressions di plo-
mmiques. etc. - . celle concurre nce a favori sé
l'islamisalion de mouvements le plu s sou vent
natio nali stes (Afg hanislan. Liban. Palesline).
mais parfois aussi de mo uvemenls d' opposition
filvorables à Llne démocratisatio n des régimes
autoritaires en place (Frères musulmans. part is
islami stes turcs. algériens. etc.). La révolution
islamique iranie nne et les prat iques saoudien-
nes de ré fo rmes des mœu rs (envoi dïllllÎlII-S
dans les mosquées du monde entier. cré.,tion
d'un ivers ités islamiques et de maisons d'édi-
tion ) sc sont inn uencées réciproqueme nt et
onl abouti à l'apparition d'un discours, d'une
terminologie et d'idéologies ""i slamistes"". aux
objectifs et aux moyens d'aClion parfois très
diffé rents: conquête du pouvoir par les é lee-
lions. révo ltes armées. ré formes de la société
par le bas. etc.
Le nouveau contexte de la fin
du XX· siècle
Force est de c onstater que, devant )' effondre-
ment d' un des deux pôles de la guerre froid e
et le développement de I"unil.,térali smc dcs
Élats-U nis. la posture de ""l'i slam de droi te""
est deve nue dé licate: en raison des liens qu ' ils
entretie nnenl avec les État s- Uni s. l'Arabie
eE OP 8051! HISTOIRE DE L'ISLAM
saoudite ou le Paki stan se sont trouvés en porte-
à-faux par rapport à une iS1:Ullité revendiquée.
Leur al liance avec les États-Uni s les décrédibi-
li se après que ceux-ci. dès 1990. ont :lbandonné
leur souti en tlnancier, militai re et tcchniquc
aux j ihfldisles :lfghans. 11 leur est diflic ile de
justifier la présence de militaires américains sur
Ic sol sacré dc 1:1 prophétie muh.ullmadienne,
ainsi que dans de nombreux pays musulmans
(Somalie, Iraq, Turquic, Paki st:ln), alors qu' ils
financent presque tous les partis islam istes du
mondc, dc l'[ndonésie à I"Al gérie, pour la pro-
mot ion de ['islam comme mode d'organi sation
de la société face il ];1 "dépravation des mœurS
occidentales", En fin, la dernière "gucrre du
Golfc" il paradoxalcment co nduit. d:ms le cadre
d' une c atastrophe humanitaire et d'une guerrc
civile très meurtrière, au renforcement politique
de l'i slam chiite, dont le princip:ll représentant
étatique est l' Iran, aux dépens du sunnisme que
prétend diriger l'Arabie saoudite, c' est-ii-di re
qu' elle :1 fa vori sé n slam révolutionnaire aux
dépens de "n slam de droite",
Le discrédit jeté pendant des décenn ies de
guerre froide sur tou s les mouvements d·op-
position sociali sants ct l:lïcisants. la répression,
p:lrfo is féroce, de ces mou veme nts, do nt les
cadres o nt été enfermés, exi l é,~ ou cxéc utés, la
multiplication des institutions de prédication et
d' enseig nement islamiques. la détérioration de
la situat io n au Proche-Orient. l' amenui sement
prévu des ressources énergétiques pétrolières
dont une grande partie se trouve dans des p'lyS
musulll1:1ns et donc la compétition croissante
pour le contrôle de ces régions par les grandes
puissances, conduiront vraise mblableme nt à
une vitillité accrue de l'i slam politique dans
les proc haines années , Ce serait une erreur
d'imputer celle évolution à un obscuranti sme
particu lier de la reli gion musulmane, ou il une
essence militariste de cellc-c i, Le conflit e n
Ulster entre c:ltholiques et protestants irlandais,
les actions politiques, mili taires ou terro ristes,
qui partout dans le monde se pare nt de ju sti-
fi cations religieuses (qu'e llcs relèvent de la
rel igion sikh, de l'hindoui sme, du judaïsme ou
du chri stiani sme) prouvent assez que l'islam
n'a pas de spécificité en ce domaine.
L'islam dans la mondialisation
La mo ndiali sat ion actuelle se traduit. en ce
q ui concerne l'i slam, par la di spersi on de
populations mu sulmanes dans des rég io ns
nou ve lles, par t'ouve rture aux techn iques de
co mmunication modernes ct aux modes de
consommation de masse, et par t' essor d'un
··islam de marché" : cela a des conséquences
sur le plan religieux, Le cadre juridique tradi-
tionnel d'appréhension des territoires, comme
··domaine de l'islam" e t ··domaine de la guerre,
de la trêve ou du pacte", a totalement éclaté et
a été entièrement repensé: doré navant. c 'est
au sci n de chaque société, de chaque région
que celte disti nction est faite. Lil réaction des
sociétés non musulmanes face à l'apparition de
lieux de culte il. leurs yeux inhabituels, comme
les mosquées, la confrontation avec des prati-
ques différentes, la situation sociale et politique
des minori tés musulmanes di sposant d'une
information immédiate sur tout cc q ui se passe
dans le monde - ce qui permet des processus
d·ide ntification nelteme nt plus diversifiés que
par le passé -, la mise il disposition de chacun
d'outils d'information d'une qualité vari:lble
mais d'un accès infiniment facilité, sont autant
d' é lé ment s qui perme tte nt de comprendre
r évolution historique du fait religi eux musul-
man au début du XX I<siècle, dans le cildre
d'une individuation des pratiques, des identités
ct des croyances reli gieuses,
Les conséquences, dans le domaine des scien-
ces humaines, de l'e ffondrement du bloc sovié-
tique se font encore sentir, Le discrédit jeté sur
l'hi stoire sociale et sur t'analyse des rapports
sociaux, la valorisation de l'histoire des idées et
des représentations et le retour en force de l'his-
toire pol itique Ct événementielle, ont conduit
ce rtains hi storiens li. survalo rise r les fait s
culturels et le fait re ligieux dans l' expliciltion
des événe ments. Par la brèche ainsi ouvene se
sont cngouffrés, il la suite de Samuel Hunting-
ton, les théoriciens du "choc des c ivilisatio ns",
De nombreux aute urs expliquent la situatio n
économique et sociale, les cri ses politiques ou
les relations extérieures des sociétés et des États
du monde, en parti culier musul mans, par la
culture et la rel igion, Celle approche entraine un
appalJvri ,~scm c nt important de la pensée et de
I·histoi re du rait religie ux, considéré :lvant tout
comme une causalité, e n général la seule : un
appauvrisse ment do nt l'islam, peut-ètre un peu
plus que les autres religio ns, pâtit aujourd'hui,
PI . DP8056 HISTOIRf DE L1SI.AM
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Fondements et ~ DI ",ou", du p ' l. rlna g . d. l'Adleu".t biographie byzantine
débats Schismes
Un . . . . 1 de s ynth'' ' ' YII'·XIII' ."cl.l.ché ma)

La canonisatiOn du Coran
Double p age d'un Cora n du XII ' , "ci. (photographi.)

Différentes Interprétations du Coran

De l' ••ég'.e mé taphy.lqu. au XIV" a .... l' •• ég'a. cont.mporaln.

Islam et conquêtes
L' •• pan.lon del'I.lam de 634.730 (cart. '

Islamisation et arabisation
Groupe. lingul. tique •• t alphabet. In"uencé. par l'at'abe (carte '

r l'ner. du désert à la mosquée

Prière . ur le Mont Hlra, d écembre 2001 (photographle l

Vivre et travailler à l'heure de l'Islam

Évolution : Scène d. rue dom in ée par un mu.zzln, v.,.. 1570 (miniature)
des doctrjnes, : Pèlerinages et lieux saints
évolution ,
1 Mai aon d'un pèl.rin è La M.cqu., L. Caire, 1988 (photographi.'

des pratiques ,
1 SouflS et saints de l'Islam
-rran •• lora du moulad de Ta n U, Égypt., 2002 (photographi.)

SCiences religieuses. SCiences profanes

Le monde vu par al.ld';. i, géogra pm. mu. ulman, XU' .ikl. (carte)

Monothéismes autour de la Méditerranée au XII' siècle

Monnaie .... '_a >ide (1097) et ~ ~~ VIII de CaatiIIe (1184)

L Islam et politique
Dol contrat d ' Imimat • la ~ .ouv.raineté divine d é mocratique"

r Le Statut de la femme en Islam

Sa lon d e coiffure. Kaboul, 2002 Iphotographl.'

La question de l'Image
Muhammad reconnu par le main. Bahira, XIV" a. Imin lature)

Islam et économie de marChé

~ L'i. lam de marché" .n.eigné, Indonéai., 2002 (bande deaainée)
Islams dans le monde Islam radKal
contemporain De . Fr..... mu . ulman •• n 1935. Ou . . .ma B.n Laden.n 1996

[Islam et la France au Maghreb

Abdelkade r e n 1832, Lyaute y a n 1921 , Bourguiba a n 1960

Islams d·Europe
~ du vendredi. la "ma"","" da Montreuil, 2002 (pbolognophOel

ISiams en Afnque subsahallenne

École coranlqu., Soudan, 1993 (photographie '

L.:Indonesle. premier pays musulman du monde

La diffu. lon de l'I.lam en Malal.l. et e n Indoné.'e (cart. '

[Islam dans le monde

Une géographl. d. la dlve,.lt é mua ulmane (cartea '

Lea document. prlncipau. d . ce do •• ler .ont égal.me nt

reproduita . n h a n a parent : voir p. 64
 péninsule Arabique
à l'aube de l'islam
L A péninsu le Arabi -
que est un carrefour. La
panic méridio nale de la Péni nsule.
'TAmbie heureuse" des auteurs ro-
mains. a longtemps profité de celle
situation. Au commerce des aromates
et des parfums s'ujoUluil le transi t
des produits précieux de l'1 nde c l
de r Afrique orientale vendus dans
la zone médilerranécnnc. La société
d'Arabie du Sud. tribale el sédentaire.
tirait de gr.tnds profi ls de ce trafic.
Gr.kc à cela. des royaumes puissants.
tcl le roy.mllle de Saba, ou celui de
Himyar. ont pu se développer cl pro-
céder à d' i mponanls aménagements
hydraul iques. comme la digue de
Mârib. Lïnlluence du monothéisme
g r'lnd i!. e l de no mbre uses Iribu s
sont judaïsées ou chrislianiS\.."'cs. Le
chrisli:misrnc de ces dernières est cn
fait le plus souvenl un j udéo-c hris-
tianisrnc. Dès la tin du l ~ siècle, les
rois de Himyar se convertissent au
judaïsme.
En raison de son caractère stmté-
giquo;:, ];1 Péninsule dcvicnI le tcrrai n
d'affro ntemen t entre souverain s
éthiopiens et bYi'..anti ns, alliés mltour
de la défense du c hristian isme, et
sassanides, défenseurs des juifs. À la
frontière mésopotamienne, entre em-
pires byzantin el sassanide, des tribus
arabes conslituem des Ét:lts tampons.
Les Gha.~sânides, vass:lUx des Byzan-
tins, sont des chrétiens monophysites.
et comme tels, ils entretiennent des
relations ambiguës avec le pouvoi r
constantinopolit ain qu i :ldhère à la
condamnation d u monophysisme par
le conci le de Ch:llcédoine (451). Les
Lakhmidcs, au service des Sassanides.
sont des chrétiens nestoriens.
À la fin du VI' siècle, en rai son
des nombreux con nits. r Arabie du
Sud entre en récession. Peu avant 600,
une armée persane venue par mer se
rend ainsi maÎlresse du Yémen . Le
contrô le du commerce sud-arabique
passe alors aux main s des tri bus
arabes du centre de la Pén insule. La
rupture de la digue de Mflrib, vers
570. est le révé lateur, s i ce n'est
part ie llement la cause, de la c ri se
qui affecte Yé men et Hadramawl.
Un déplacement du centre de gravité
s' opère au profit d u Hijflz, où les
cemrescaravan iers. lelle La Mecque,
bénéfici ent des revenus du commerce,
intra et extrapéninsulaire. Quo ique
le nomadiSIllC des pasteurs arabes
domine dans cettc région, les oasis,
Yathrib par exemple, accueillent des
tribus sédentaires, do nt certa ines
judaïsées ou christianisées, qu i pra-
tiquent l'agriculture.
Au débu t du VIl< siècle. La Mec-
que , e nrichie par le commerce ca-
ravanier. accueille to us les ans une
grande foire, dans le cadre de trêves
q ui interd isent les razzias tribales et
l'attaque des caravanes et des trou-
peaux. Les tribus arabes pro fitent
de cette occ:lsion pour accompl ir un
pèlerinuge (ct des circ umalllbulatiom;,
dont le princ ipe allait ê tre repri s
par l'isl:lm). d:ms le sanctuaire de
La Mecq ue qu i contient les idoles
et les représentat ions plus ou mo ins
stylisées des di vinités du panthéon
arabe. Certaines des statues de pierre
évoq uant ees d ivinités sont conser-
vées, ain si que la rep rése ntation
figurée de dieux ou déesses. te lle
Shams. la déesse Soleil . La religion
des Arabes :l va nt l'islam inclu ai t
aussi des cultes rendus à des éléments
naturels: :lrbres, pierres ou rochers,
sources ou grottes.
La Tradition musulmane insiste
sur le polythé isme de lajlihiliyytl (les
" temps de l'i gnorance" qui précèdent
l'islam) pour valori ser le caractère
miraculeux du message mo nothéiste
de Muhammad. Pourtant, judaïsme
ct chri stianisme so nt largement ré-
La péninSUle Arabique
au VUO siècle
Projetable en transparent
pandus dans la Péninsule au début
du V11< siècle. En o utre, au sei n du
panthéon arabe, certaines d ivinités
com lll e ncen t li ê tre di stin g uées,
l:ll llllllt.: la d ét.:sse Allât ("déessc").
Les lie ns e ntre r is lam e t le
judaïsme so nt anciens ct profonds.
L'ex il. cn 622, de Muhammad ct
de ses fid èles à Yathrib (qui dev ient
Médine, M adÎlw( af' I/abÎ, " la ville du
prophète") met e n contact les Mec-
quois. fidè les au prophète de l'islam,
no n seulement avec des "partisans"
(A ll sâr. arabes de Médi ne ralliés :m
message muhammadien). mai s aussi
avec les importantes tribus sédentai-
res juives qui réside nt dans l' oasis.
Cette re ncontre conduit Muhammad li
promu lguer cc qu' on 11 coutume d 'lIp-
peler la ··Constitution de Médine". Il
est très difficile d'af/inner l'absolue
authentici té de ce texte. mais les spé-
c ialistes en soul ig nent l' originalité
par rapport au reste de la biographie
du Prophète - la Sira d ' Ibn Hishiim
(début IX' siècle) - dont il est ex-
1T'.lit : il semblerait inclure les juifs
de YathriblMédine dans la première
communauté des croyants (11I11I11a).
Le style, l' expression, les répéti tions
du tex te, parfois ses contrad ictions
apparentes, conduisenl William Mont-
gomery Watt, qui a particu lièreme nt
étudié ce doc ument, à le faire remon-
ter à une date anc ienne, peut-être à
l'époque médinoise. Quoi q u'il en
soit. ce texle a été réut ilisé au cours
de l'histoire par de nombreux j uristes
musulmans pour établi r les règ les
de cohabitat ion e ntre les pouvoirs
musulmans issus des conquêtes et les
minorités religieuses no n musulma-
nes sounlises li ces pouvoirs.
 •Sé",,,i• •• Ctésiphon
• Persépolis
AIIYS8NE
e représentant une scène d'offrande à la déesse Soleil,
"""-"' provenant de Tan'im, Yémen, vers le 1" siècle ap. J .-C.
AlbAtre. 20.6 x 10.5 cm. musée national de sanaa, Yémen
TradUCIioo du texle :
Œuvre de Lahay'alhat,le Sabéen. pour Shams, déesse de Abibahatll,
l'épouse de Tubba'; ils ont dessiné POO' La déesse (leurs butins) .
aIrllormémenl à ce qu'ils avaient juré. interdit et voué. Que (Shams) lui
(Abibahalh) aceorde prospérité. Tubba'ibn Sub/'l.
~"'"
œ __
~ .- -........
des N_tMnI
---
Peuple.
_ _ dM fIyunIinI
""""'"
.. _ d M Sau.anic\e$
,,-
---....
TelTltoirn
""'"'
""""
1-_Dn>
...iI5 et devoirs des juifs selon la ~Constilution de Médine"
Ibn Ishâq' dit: Le Messager de Dieu" - Que Dieu le bénisse et le
protège! - rédigea un écrit ayant trait aux Émigrants et aux AnsAI'.
écrit par lequel il établissait un traité et une alliance avec les juifs.
les confirmait dans leur religion et leurs possessions, leur donnant
certains droits et les obligeant à certains devoirs:
Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Compatissant,
Ceci est un écrit de Muhammad le Prophete, concernant les
croyants, les musulmans qurayshites', ceux de Yathrib, ceux qui les
suivent, qui leur sont attachés et qui guerroient avec eux,
1 - /ls forment une communauté unique [umma] distincte des autres
peuples. f. .. }
9 - Si quelqu 'un parmi les juifs nous suit, il a droit à la même aide,
au même appui, il condition que les croyants ne soient pas lésés
par lui et qu'il n'aide pas d'autres gens contre eux. f. .. }
12 - Lesjuifs supportenlles frais de la guerre en même lemps que
les croyants aussi longtemps qu'ils demeurent en guerre.
13 - Les Juifs de Banù 'Awf (orment une communauté [umma]
semblable â celle des croyants. Oue les Juifs aient leur religion et
que les croyants aient la leur [cela s'applique) aussi bien il leurs
clients qu'à eux-mêmes, il l'exception de celui qui aurait mal agi ou
qui se serait conduit en traitre ; il n 'attire le mal que sur lui-même
et sur sa famille. [ ... }
16 - C 'est aux juifs de supporter leurs dépenses et aux musulmans
de payer les leurs. Entre eux, il y a de l'entraide contre quiconque
entre en guerre avec le peuple de ce document. Entre eux existe
une amitié sincere et une façon d'agir loyale et non la trahison. Un
homme n'est pas coupable de trahison il cause [d'un acte} de son
confédéré. /1 y a de l'aide pour la personne lésée.
Sirs d'Ibn Hishâm, lroduction William Monlgomery Watt Mahomel, Paris : Payol,
Bibliothèque historique. 1989, lraduction en français: F. OouNeil, S.·M. Guillemin .
, La première "biographie" du prophèle. celle d 'Ibn IsMq (mort en 767), nous a élé
lrartSmise dans la YerMln qu'en donne son dscipIe Ibn HisMm (mort en 834) .
• "Muhammad, le prophèle de rislam-.
• "Panisans-, Médinois ralliés au message muhammadien.
• DésignAnt ici ' - fidèle!! d9 Mut>arnmAd ayan, émigré avec tu •• M9d.....
 hammad
1L es t difficile de
connaître de manière
ce rta ine les délail s de la vic de
M uham m ad. d 'a bord parce que
les sources les plus .mcienncs sont
arabes ct musulmanes. donc unilaté-
rales. e nsuite parce qu'cl les sont très
postérieures à la mon présumée de
Muh:unmad (632) et datent des V I IJ<-
IX' siècles. La première " biogmphic"
du Prophète. celle d ' Ibn IshiÎq (mort
c n 767), nous a été l r.an smÎsc par son
disciple Ibn Hishâm (mon en 834) :
c'est la Sim. Un des passages Ics
plus intenses de cet ouvmge est sans
con tes te ce qu ' on a coutume de
désigner sous le nom de "Di scours
du pèleri nage de l'Adieu", En 63 1.
l' année précédant sa mon. Muham-
mad réa lise ce qu ' i1 pressent ê tre
son dernier pèlcrin:lge à La Mecque.
Depu is un <ln,lit vÎ] ]c ct ses dirigeants
qur.lyshites o nt renié le polythéisme
et se sont rendus au Prop hète. Mu-
hammad, sentant la mo n ven ir, aumit
alors prono ncé un discours- bilan .
Dans ce discours, vrai semblable,
ment reconstitué li !xJ.waiuri par Ibn
Hishfim, c'est l'homme Muhammad
qui s'exprime et résume les gmndes
lignes de SOI mission devOlnt ceux qui
one cm en lui. [1 laisse aux êtres hu-
mOlins un li vre, le Cor.m, Loi divine
qui préservera de l' erreur ceux qui
s'y soumettront. OUlre la "parole de
Dieu", les fidèles doivent suivre les
consig nes du Prophè te qui a trans-
mis le message divin ("Écoutez mes
paroles"), On 01 là une explicmion
rétrospective des fondements du droit
musulman, tels qu'ils sont en train
d 'être formali sés ct conceptuali sés
au mOllle ne Oll la Sim d ' Ibn Hishfim
est rédigée: le Cor.m complété p..1r les
hadith (les "dits" du Prophète),
Quelques gmnds principes sont
énoncés: interdiction du prêt à inté-
rêt (ribâ') et de la venge:mce tribale,
respect de la vie et de la propriété
d ' au tru i. exigence de juslÎce pour
chacun , droits, devoirs, proteclÎon et
statut de la femme. La religion propo- noblesse et de la soi-disant maladie de
sée tmnscende les clivages tribaux. Un son mari. Bahîr.l est un "faux abbé",
des mir.lcles attribués à Muhammad un chréticn hérét ique, et fina lelllent
par l'h istoriographie trad itio nnelle le message de Muhammad ne semit
musulmane est j usteme nt d'a voi r qu'une hérésie judéo-chrétienne.
réussi. gr.ice à Dieu,l'unific:!tion des Le texte de llléophane n 'cn possè-
tribus ar:!bes, don t les ri valités étaient de 1':15 moins un gr.lIld intérêt. D'abord.
légendaires. Le texte met e n scène il surpre nd par la connaissance qu ' il
l'exemplarité de MuhmTImad. puisque révèle, de la part de son auteur, un
pour chaque consigne qu'il donne. clerc byzantin, des structu res tribales
il commence par sa propre fa mille ct de la géographie de la péninsule
(sommes ducs à son oncle, meurtre Arabique, Les fondateurs éponymes
de son cousin). des principales tribu s arabes sont
L'ensemble du di ~ours, comme mentionnés (Mudar, ·Arab. Quraysh,
de no mbre ux passages du Coran, TamÎm, Asad). ainsi que le nom dc
s'i nscrit dans une perspectivc escha- l'oasis où Muhalllmad sc réfugie lors
tologique: Di eu est comptable de de l'hégire. Yathrib. Mai s ce texte
toutes les actions humai nes, L:) encore, donne des informa tions plus sur la
Muhammad s'appl ique à lui-même ce conception très négative de la femme
qu'il an nonce aux autres. En effet. le dans l'Égl ise byzantine au IX' siècle
texte le met en scène alors qu ' il se pré- que sur le statut des femmes arabes il
pare au Jugement de Dieu : "Ô mon la même époque.
Dieu. entends ce témoignage !"
Les musulmans considérent Mu-
hammad comme le "Sceau des Pro-
phètes", Commencée avec Abmham.
la lignée inclut Jésus et s'achève avec
Muhammad. représenté au centre des
prophètes sur cette miniature mongole
du XIV' siècle (sur la "questio n de ~....M~u,,!ammad assis au milieu des prophètes.
l'image", voir pp, 48-49), miniature mongole. début XIV" siècle
Le second texle (début du IX' siè,
cle) est J'une des premières sources
non musulmanes sur la vie de Mu -
hammad, Par sa précision. il révèle
qu'avant même la rédaction de la Sim
d' Ibn Hish:Îm.les détails de la vîe de
Muhammad soni conn us. y compri s
dans le mo nde byzantin. Dansee texte
du moine Théophane, o n reco nnaît
ainsi facilement l:! \'ersion musulmane
dc la vie du Prophète : mort des pa-
rents, ôlctivités commerciales. m:lriage
avec Khadija, contacts avec le moine
Bahira, archange Gabrie l, périodes
mecquoise et rnédinoise, succession
d'Abû Bakr, Tous ces éléments sont
présentés de manière très négative:
Muhamm:ld abuse, par pur intérêt
fi nanc ie r. de la confiance de son
épouse, celle-ci a honte du manque de
 "Ô hommes, écoutez mes paroles! Car je ne sais si une autre année encore
il me sera donné de me retrouver avec vous en ce lieu . Soyez humains et justes
entre vous. La vie et les biens de chacun doivent être sacrés pour les autres,
comme ce mois et ce jour sont sacrés pour tous. Vous paraîtrez devant votre
Seigneur, et il vous demandera compte de vos actions.
"Discours du pèleri- Que tout dépositaire restitue fidèlement le dépôt qui lui a été confié. Dé-
nage de l'Adieu" : sormais plus d'usure: le débiteur ne rendra que le capital reçu . L.:intérêt des
un récit du IXo siècle sommes prêtées est supprimé, à commencer par l'intérêt de toutes les sommes
dues à mon oncle 'Abbâs, fils de 'Abd al-Mullâlib. Il est interdit de poursuivre
la vengeance des meurtres commis dans le paganisme, à commencer par le
S,ra d'Ibn Hi shâm , dans Caussin de Perce-
val, Essai sur l'histoire des Arabes, lome 3,
meurtre de mon cousin Rabi'a, fils de Hârith, fils de 'Abd al-Muttâlib. (... ]
Paris : Ub raire Firmin Didot Frères, 1848, Ô hommes, vous avez des droits sur vos femmes, et vos femmes ont des
réédilion Graz, 1967, droits sur vous! Leur devoir est de ne point souiller votre couche par un com-
merce adultère. Si elles y manquent, Dieu vous permet de ne plus cohabiter
avec elles et de les battre, mais non jusqu'au point de mettre leur vie en danger.
Si elles se conduisent bien , vous devez les nourrir et les vêtir convenablement .
Traitez-les avec bonté et affection. Souvenez-vous qu'elles sont dans votre mai-
son comme des captives qui ne possèdent rien en propre. Elles vous ont livré
leur personne sous la foi de Dieu; c'est un dépôt que Dieu vous a confié.
Écoutez mes paroles, et fixez-les dans vos esprits. Je vous laisse une loi qui,
si vous y restez fermement attachés, vous préservera à jama is de l'erreur ; une
loi claire et positive, un livre dicté par le ciel.
Ô hommes, écoutez mes paroles, et fixez-les dans vos esprits! Sachez que
tous les musulmans sont frères. Nul ne doit s'approprier ce qui appartient à son
frère, à moins que celui-ci ne le lui concède de son plein gré. Gardez-vous de
H
l'injustice ; elle entraînerait votre perte éternelle.
Il termina en s'écriant: "Ô mon Dieu! Ai-je rempli ma mission ?HMille voix
s'élevèrent pour lui répondre: "Oui, tu l'as remplie H • Il aj outa: "Ô mon Dieu,
entends ce témoignage !"

(Je] crois qu 'il est nécessaire de dire quelques mots sur l'orig ine de cet
homme. Il était sorti d'u ne très noble tribu d'Ismaël, fils d'Abraham. On dit en
effet que c'est Nizar, descendant d'Ismaël, qui est le père de tout ce peuple ; il
avaÎt engendré deux fils, Moundaros' et Arabias 2 • Moundaros engendra Koura-
SOS3, Isos4, Themimès 5 et Asados 6, ainsi que d'autres dont le nom reste inconnu.
Ils habitaient tous le désert madianite1 où ils allaient paissant en vivant sous la
Une biographie
tente ... Or ce Mouamèd s déjà mentionné, qui était sans ressources et orphe-
byzantine de
lin , s'avisa de se rendre auprès d'une femme riche, qui était sa parente, et se
Muhammad, IXo siècle nommait Chadiga9 , en qualité de salarié chargé de conduire les chameaux et
de trafiquer en Égypte et en Palestine. Peu de temps après , il s'insinua sans
plus de façons dans les bonnes grâces de cette femme qui était veuve, et il
Thoopha ne de Nicée, dans Migne, Patro-
logie latine, tome 108 , colon nes 684 -685
la prit pour épouse. Ainsi entra-t-il en possession de ses chameaux et de sa
fortune. Au cours d'un voyage en Palestine, il entra en contact avec des juifs et
, Muda r
des chrétiens: il glana auprès d'eux quelques bribes de l'Écriture puis fut saisi
, 'Arab du mal épileptique. Quand sa femme l'apprit, elle regretta vivement, elle qui
• Quraysh était noble, de s'être unie à cet homme qui était non seulement pauvre, mais
• 'As (1)
" TamÎm
en outre épileptique. Alors lui s'efforce de la calmer en lui disant: ~Je reçois la
• ,w"
vision d'un ange appelé Gabriel et, comme je ne puis soutenir sa vue, je m'af-
' Désigner l'Arabie comme -déserl ma- faiblis et je tombe". Et comme il y avait près d'elle un certain moine qui avait été
dianile- permel d'ident!;er les Arabes aux
Madianites, ennemis du peuple d'Israêl
exilé pour hérésie et habitait là, elle lui rapporta tout cela et lu i nomma l'ange. Et
va incus par Gédéon (Isaïe, XI, 3), Ainsi, lui , voulant la convaincre, lui dit: "II dit la vérité ; en effet c'est cet ange-là qui est
d 'em~ . 1&s Arabes sonl rejetés dans envoyé auprès de tous les prophètes". Alors, elle qui avait entendu la première
Je camp des ennemis du monolheisme
mosaique dont Je christianisme est issu .
les paroles de ce faux abbé, elle le crut et elle proclama auprès de toutes les
• Muhammad femmes de sa tribu que cet homme était un prophète, de sorte que la nouvelle
• Khadija passa des femmes aux hommes et en premier lieu à Aboubachar' o, qu'il laissa
" Ab(; Bakr (632-634)
" Yalhrib
pour son successeur. Afors son hérésie submergea la région d'Aithribos l1 , en
dernier recours par le moyen des armes. Il y présida d'abord en restant caché
pendant dix ans, puis également pendant dix ans de guerre, enfin ouvertement
pendant neuf ans.
 hismes
,
A l' origine de tous
les schismes, se tro uve
la questio n de la succession à la fo is
matérie lle, polit ique ct prophétiq ue
de Muhammad. À la mort du Pro-
phète. sa tille, F5tima, sc voit refuser
la succession m.tléricllc de son père
p:lr Abû Bakr. prem ier klwlifa ("suc-
cesseur") du Prophète e n 632-634.
Le mari de F:lt ima . 'Ali. gendre ct
cousin de Muhammad. ne parvient
enfi n à l'imlÎmtll ou califat qu'après
l' assass inat de son prédécesseur.
·Ut hmân . cn 656. Pour l'hi storien
tun isien H icham Djaï t. cet assass i-
naI re présente la victoire de l"islam
prophétique sur les logiques tri bales
antéisl:nniques. En c ITet. ·U thmân.
quoiqu ' un des premiers fidèles de
Muhammad . n'appartenait pas à
son clan. le s S .m û Hâshirn. mai s
au clan rival des BanG Umayya, qui
lult:l l on~tem ps contre le message
du prophète de l'i slam. Lors de son
ca li fat (644·656), 'Uthm;in favorisa
les membres de sa fami ll e nouvel-
le ment converti s au x d épe ns des
anc ie ns conven is, rétablissant ainsi
les so lidari tés tribales anté islamiques.
Après l'assassinat de 'Uthm;in, son
cousin Mu'âwiya. :llors ~ouverne ur
de Damas, exigea de 'Alî la punition
des coupables. Devant le refus de ce
dernier, il se pona de vant lui avec
son armée pour obte nir le "prix du
sang", en 657, La re ncontre eut lieu
à Siffi n et déboucha, un :In plus tard.
au terme d ' un arbitrage humain, sur
ladestitut ion de 'Ali et la nom ination
de Mu 'âwiya comme calife, Cen ai ns
pa rtisans de 'Ali l'abandonnèrent
po ur ù eve nir se s plu s far{) u cl ll:~
o ppo sa nts, lui re prochant d ' avo ir
:lccepté le principe de cet arbitrage
humai n. alors qu'i l était lui-même le
vicaire de Dieu, Cc nouveau courant,
radical. le k hariji .~ rne, affirmait que la
di rect ion de l' islam devait reve nir au
meilleur musulman, "fùt-il un esclave
noir", C'est un kharij itc qui assassina
finalement 'A li en 661. Cc courant
Un essai de synthèse,
VU- ·XIIIOsiècle
eut un grand succès parmi les tribus
berbères d' Afrique du Nord aux VIII<·
ProJetable en tranaparent
IX' siècles ct survit aujourd'hui .~ous
une forme qu iéti s te, I ' i bâdi.~ me, dans
le sultanat d'Oman. à Djerba (Tun i-
sie), dans le Mzab algérien ct dans le
Djebe l Nafousa (Libye).
Face à l'avènement de Mu'âwiya WllTllnt pri ncipal au niveau du sep·
au cal ifat se déve loppa la ~'hi'{/I 'Ali, tiè me imlilll, sont à l'origine de la
le "pani" de 'Ali, reve ndiquant pour prise de pouvoir mtimide à Kairouan
ses fi ls la légitim ité de la direction en 909, pu is, en 969, :IUC:lire, où il s
des croyants, Po ur la ,fhi'{/. la lu- règnent jusqu' en 1171. La célèbre
mière prophétique, par 1:. méd iatio n secte des Assassins est issue de ce
de Fâtima, a été tmnsmise à 'Ali. et courant. Aujourd'hui. c'est l' Aga
de cel ui-ci à ses fil s. :al- H:.tsan CI :11- Khan qui d irige cette petite commll -
Husayn, pu is à leurs descendants bio- n'IUté re ligieuse .
logiques, À la co nception, qui se Illit Les Imâmi tes ou Ouodécimains
progressivement en place autour des considèrent que le do uzième imûm a
dynasties umayyade puis abbasside, disparu et qu' il reviendra à la fin des
d'une succession pro fane, sécu lière, temps pour combattre les forces de
à la mission prophétique muh:un ma- l' Antéchrist. Cet illltÎlII, illuminé par
d ienne, le sunnisme (l'llppe llatio n la lumière di vine , continue de guider
n 'apparaît q u 'au X' s iècl e), les les autorités spirituelles d.ms la voie
chi'ites opposèrent une théologie de droite. Cela explique d'une pan que
l"immanence: Dieu continue d'ins- celles-ci aient 1.1 possibi lité toujours
pirer les imtim -s success ifs. Cell e renouvelécd'interpré ter [a Loi divine,
concept ion s ' insp ire de doc trines qu'cI [es puissent innover en matière
ésotériques d'inspirlllion ind ienne juridique ct qu'une structure cléricale
ou persane, comme la transmigmtion se soit déve loppée :lulour d' elles ct
des âmes, la métempsychose, la réin- de s o u lé ma s e n Iran o ù domine
carnation. C'est donc moi ns :IUtour l'imâmisllle.
de la succession que de la légitimité De ces ra mifications se détachent
des souverains que les doc trines po. de nou\'eaux courants, comme la rel i-
litico-re ligieuses se développent et gion druze. 0' autres développent des
sc d iversifient. croyances orig inales: les A[ao uites
Refusant le califat umayyade (66 1- di vinisent 'A[i. qui serail la septième
750), puis abbasside (750-1258). les et dem ièredes réincarnations di vines,
panisans de 'Ali revendiquent la direc- après Seth, Sem, Joseph, Élisée, Assaf
tion de la communauté des croyants, et Si mon le Magicien . Cette croyance
y compris par les amies, La révolte s'inspi re de diffé rentes d octrines
de Zayd, en 740, crée un courant qui an té rieures à l'islam (mazdéisme
théorise la prise de pou voir par ];1 imnien, néo-platonisme, manichéisme.
fo rce: un descendant du Prophète christianisme), mais elle se structu re
par 'Alî et Fâtima est légiti me s' il en courant religie ux seuleme nt au
parvient 11 s'emparer du pouvoir 'lVec IX' siècle et perdure :lujourd'hui en
r aide de Dieu. Celle révolte, même Syrie ct en Turquie où elle constitue
si elle échou'I, inspiTli la révolut ion une branche des A[evis. L'autre bran-
abbasside contre les Umayyades. che, [" plus imponante, descend de
Plir la suite. différents courant s Turkmènes d 'Anatolie ralliés depuis
chiites apparai ssent: les Ismaé[iens des siècles au chiisme.
ou Septimain s, qui sc sép:lrent du
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 canonisation du Coran
L A premi è re trans-
mi ss io n du me ssa ge
corani que fu i orale. même s' il est
possible que certains vc~ct s aient été
conservés sur les supports existant
à l'époque. comme le papyrus. Les
feuill ets manuscrits présentés en bas
de ta page ci-contre sont parmi les
plus anciens fragment s coraniques
conservés. provenant en réal ité de co-
rans di lTércllls. Ils sont représentatifs
des premières phases de Imllsrni ssioll
manu sc rite . Les signes se rvant à
différencier les Icltrcs sont rares ct
l'orthographe n'est pas encore bien
établie : notamme nt o n ne trouve
pas de différence entre le passé qcÎ{a
C il a dit") c t l'impératif quI (" dis").
En re vanche. les lins de versets sont
scrupuleusement indiquées. mais ces
di visions ne correspondem à aucun
des systèmes connus. Le manuscrit.
inséré dans un volume d 'assez gr.lIlde
taille (in qua rio), sc caractérise par
l'absence de décor. Lc textc est copié
e n reprenant le principe de la saiplio
cO/llinua de l'A ntiquité , adapté à
l' écritu re arabe: il n' y a pas d ' e spa ~
cement entre les mots ct les coupures
de mots en fin de lignes so nt rré-
quentes, alors qu' clics sont devenues
impossibles une rois les normes de
l'écriture arabe bicn établies.
La di sparition des té mo ins de
la mission prophéti que muham ma-
dienne, le besoin de fixer le texte
coran ique e n un corpus de référence,
de préc iser les règ les de récitatio n
el de réduire au maximum les diffé-
rentes interprétat ions possibles, ainsi
que la volonté de dé marcation par
rapport aux livres saints des chrétiens
et des ju ifs, ont condu it à une préc i-
sion croissante dcs graphèmes et de
l'écriture , En o utre, les différentes
version s qui coexistaient , dont l'une,
favora ble il 'A li, circulait à Damas
au X" siècle, furent progrcssivement
é liminées au profi t de la vulgate,
'IIIribuée il 'Ulhrnân (Iroi sièmc suc-
cesseu r "bien guidé", de 644 à 656),
Double page d'un Coran du
Xllo s. : signes diacritiques,
vocalisations, découpage
Ainsi. au bout des troi s siècles qu'a
duré le processus de canon isation,
Bust (Afghanistan), 11 11-1 112
Papier. 125 t.. 20,2 cm x 1S,l cm
BNF, Manuscrils orienlaux, Arabe 6041 , 1. 26 "'·27
for me et structure du Coran sont Prolelabte en transparent
définitivement établies, Dorénavant
ne varient plus que les types d' encres
utili sés, les indi cations margi nales,
les en lumi nures décorali ves, la taille
du papier. la qualité du support (pa- jour), ou en hizb (l /6Ü": pour une
pier, parchemin ou vélin)etla reliu re lecture intégrale sur r année, à raison
(cuir, boi s, métal. dorures, or, pierres d'un "d) tous les vendredi s). Tous
précieuses), L'introduction du papier ces découpages :juz·, hizb, sourmes
dans le monde musulman, vers le mi- (114), versets (6 236 pour 1:1 vulgale)
lieu du VII!< .~iècle apparemment. au ct bien d 'autres ont permi s l'essor
contact avec le monde chinois. lors d · une véritable interprétation numé-
de la victoire musulmane de Talas ro logique du Coran .
(751), a ]>crm is. à part ir du X" siècle. Jusqu ·au développement de l"im-
un saut qu.ltltit.uif dans la ditl'usion et prime rie, le mét ier de copiste-call i-
la reproduction du Coran. Le COlU et graphe fut particulièrement valorisé
le tem ps de fabrication du papier. très dans le monde musulman, comme il
faible par r:lppon il ceux du parche- l'a été da ns les sCl'iplol';a mon:lsti-
min, ct la facilité de récri ture sur ce ques de l'Europe chrét ienne médié-
support, donna au monde musulman. vale, ct continue de l' être aujourd' hu i.
quatre siècles avant [" Occident lati n. Les sourates tirées du lexte comnique
un o util except ionnel de d ilTusion sont ut ilisées comme motifs dan s
du savoir, et en particu lier du texte to us les arl s d its "i slam ique s" :
coranique. peinture. sculpture. arch itecture, t<l-
Une fois é laboré, le modè le de pisserie. poésie, etc . Sur celle stèle
reproduction du Coran n'" pas été fun éraire est reproduite la soumte
profo ndémcnt modifié pendant près dite de la Lumière, selon laque lle :
de mille ans. L'exemplaire présenté "Dieu est la lumière des cieux et de
en haut de la page ci-contre, réali sé la terre:'
au début du XII' siècle e n Afghani s-
tan , n'est pas foncièrement différe nt
Soùrale de la Lumière (Coran, XXIV. 35) sur
de n"imporfe que l au tre réil lisé en I - -= une stèle lunéraire, Kashan, Iran, Xllle·XIV" s.
Arabie. au Maghreh ou en Indoné-
sie au XV1 II <siècle. par exempl e .
Il comporte les sig nes diacriti<lues
consonantiques (poim simple, double
ou triple), servant à différencier les
consonnes de même signe -.,. 00.'.
.:. thà ', ~ tâ' . ..r sin, ";' shîn,
pilr exemple - , vocaliques (a. u, i)
et orthoépiques (redoublement de la
consonne, par exemple). Les étoiles
jaunes et bleues marquent la fin des
versets. Dans 1<1 l1l:lrgc peuvent aussi
apparaître des didascalies (proster-
n<ltion ou inclin:lison du buste). ou
bicn le découpage du Cor.1Il en j u;; '
(1130<: permettant b lect ure intégrale
en un Illoi s ;1 rai son d'u n juz· p:lr
__
P. rr~j tes plus anc'e
;;, . voca~satjons el orthographe
"rques'
fm du VU- SièC,lens feuillels cora
~~____
'" ... ·
ne sonl pa s eococe établies,

Encr8 :::~~:~~~~:~~-I ~~.::::=~::~~!~~:

w, po""..," . 29. 1 x24,5em. BNF. Manuscrits 0 nentaul(,
. Arabe 328, 1. Il V"- 12
 fférentes interprétations
du Coran

po urrail prcs- épiphanique humaine. Ai nsi le mysti- d'histoire de la pensée islamique, ces
que d ire qu' il y a autant que explique non seulement les règles derniers rompent avec une traditio n
dïnlcrpréulIions du texte coranique orthographiques en les rapportant au séculaire d'analyse et d'exégèse e n
que de leclcurs: les tentat ives ré- sens, et aux dits du Prophète, mais isolant et valorisant certains versels
pétées au cours de l'hislaire pour aussi les règ les de g raphie du tex te aux dépen s des a utres, trahissan t
réduire le sens du lex.le coran ique (la coranique, La se nsibili té aux nom- ainsi le sens même de la Révélation,
fe rmeture des portes de /ïj/ihlid. de bres, li l' ordre des lettres. li la forme telle que celle-ci a é té interprétée
l'interprétat ion. aux X<·XI< siècles de récriture, o nt donné lieu. parmi pendant des siècles,
par exemple) n'onl jamais e mpêché les exégètes. li d' infi nies variations Quant li Nasr Hamid Abû Zayd,
les esprits libres de travailler. d'ana- numérologiques. symboliques, mys- professeur de théologie musulmane
lyser el de me ttre en re lation les tiques ou ésotériques dont ce passage li l' Un iversi té du Caire. il dénonce
différents passages de " la parole de ne donne qu ' une image parcellaire. notamme nt da ns ses liv res une
Dieu", d 'cn ou vrir le sens. Les deux tex tes s uiva nt s dé- lecture du Coran qui réduit le texte
Le premier ex trait présenté est noncen!. chac un li sa mani ère, les li une série d'i nterdits ou de pres-
dû à un mysti que du X IV" siècle, tentatives de ferme tu re du sens d u criptions. Jugé comme "apostai" par
AI-Qâshânî. qui. dans son ouvrage texte coranique et l'appauvrissement des tribunaux égyptiens li la fin des
Commellfaires ésoté riques du Co- de la tradition hennéneutique dans années 1990, il a été contraint de
rllII (Ttl 'lI'ifûr al-QII 'n;n). s' :lHache le monde musulman. Le manuscrit divoreer (ne pouvant plus être marié
à mettre en év idence. sourate après ci -dessous atteste visue llement le à une musulmane), a été déchu de
sourate. la dimension métaphysique tr:lVai l de commentaire, puis de com- S:l citoye nneté égyptienne et a dû
du texte de la Révélation. Comme mentaire du commentaire, pro pre s'ex iler aux P:lys- Bas où il enseigne
le rappe lle Pierre Lary. le Coran , li J'hennéneulique islamique. Celte actue ll ement. Ses ouvrages n'en
comme parole même de Dieu, mode lradit ion. bien ancrée dans les mi- continuelll pas moins d'avoir une
de présence par excellence du divin lieux savants traditionnels. subit les large diffusion dans les pays arabes,
dan s ce mo nde, e st la ré fé rence assauts des partisans d'une lecture où les moti fs de sa condamnation fonl
premiè re e t <lbso lue de l' univers littérale du Cor.m. Comme le mon- toujours débat.
per.~o n ne l de chaq ue croy:ml. Le tre Mohammed Arkoun, professeur
commentaire prése nté porte sur les
premiers mots de la première sourate
Exégèse du Coran à la fin du XV- siècle
du Coran, et même plus particulière-
ment sur les de ux pre mières [etlres
de l'invocation initiale de tOUies [es
sourates. Le prem ier mot du Coran,
bi-sm ("Au nOIll") s'écrit B-S-M en
arabe (les voye lles étant notées par
des indications sur ces trois signes
consonantiques), cc qui correspond
li l'agglutination de la particule bi-
("'au", deuxième lettre de I"alphabet
<lf<lbe) avec iSI/1 ("'nom" ), représenté
p<lr les trois lettres lIlif-S- M. Or cette
agglutination provoque l'élision de la
lettre (liif. première lettre de J'alpha-
bet, représentée e n arabe par un trait
droit vertical. De manière assez évi-
dente, le alif. doigt tendu du croy<lnt
:IU seuil de la mort, symbolise J'Un,
Dieu. Selon AI-Qâshâni, l'élision du
(llif dans la sourate de l'ouverture
pourrai t donc signifier l' occultation
du mo nde divin au profit de la fomlc Aj·BaydAwi (Chôrb, mort WlI"$ 1286), Anwlr al-!anzi/(Les Lum/f)res de la R.wé/ationj , 2" volume [corrwnen·
taire du CooInl. Asie centrale. 1497-1498 (1)
Papier. 273 ... 26 x 18 cm. BNF. Manuscrits orientaux. Arabe 6403. " 144v"'145

Métaphysique
de la sourate de
l'ouverture, XIV" siècle
'Abd al· RauAQ al-Qâshàni (mort
en 1329). Commen raires ésotériques dl!
Comn (Ta 'wil'r al.()u'ran)
Extrait de Pielle Lory, L es Commentai·
res é5<Jt6riques du Co ran d'aptes 'Abd
ar·Raubq aHJbsMni, Paris : Les Deux
Oceans, 1980.
' Dans ralphabet arabe, le M ' est la
SIJ~ le aM, leQuel conespond à
lettre Qui
,'Essence divine selon AI-QâsMnJ.
Mohammed Arkoun :
sur l'exégèse
contemporaine, 1998
Mohammed Arkoun, ABC de l'Islam,
Paris : Êditions Grancher. 2007,
' Historien et exégète mon en 923.
Nasr Hamid Abü Zayd:
Qu'est·ce que
le Coran? 2004
Cité pal Rachid Benzine. Les nou·
veaux penseurs de /'isla m, Pa ris :
Albin Mic hel, 2004.
, Le mouveme nt salalis le. appal u
è la lin du XIX· siècle, entend "taire
revenil l'islam à sa larme originelle",
contie les intluenœs nocives de
l'OcI;ident
Ce verset contient dix"huitleHres prononcées et dix-neuf écrites. Si les mots
sont isolés, les lettres considérées séparément sont au nombre de vingt-deux [ ... J,
Les trois a/if occultés, dont l'adjonction aux autres lettres lors du fractionne-
ment complet, donne la somme de vingt-deux lettres, renvoient au monde divin
de la Réalité selon les trois niveaux de l'Essence, des Attributs et des Actes. En
effet, ceux-ci sont trois mondes considérés analytiquement, mais un seul pour
la compréhension métaphysique. Les trois lettres écrites désignent la manifes-
tation de ces trois mondes dans la forme épiphanique suprême humaine, et
l'occultation du monde divin. Le Prophète à qui l'on demandait où étail passé
le a/if suivant le bâ' de la basma/a, répondit : "Satan l'a dérobé", el ordonna de
prolonger (graphiquement) le bâ ', pour compenser la disparition du aHf '. 11indi-
quait symboliquement par là que l'Ipséité divine était occultée dans la forme de
la miséricorde créatrice et se manifestait dans la forme humaine de telle façon
que seuls les hommes de Dieu en aient conscience. Voilà pourquoi le a/if est
omis dans la graphie.
~)I~)I~ i rf----------------~' ~'"
M 1 H aH·.!. MW rt aR-J. ri U .J
3 2
lM
sens de lectule ,
a.le
Bi·SM; LLâ h aL·RahMAN aL·RaHïM
'2 3
"Au nom de Dieu , le Tout miséricorde, le Miséricordieux"
(/es chiffres renvoient il la place da, , longsIalif non représentés graphiquement)
L:exégèse classique ignorait, bien sûr, la linguistique moderne du texte et
la théorie de la lecture; TabarP pouvait naïvement introduire chacun de ses
commentaires par la formule yaqû/u Allâh, Dieu a dit : ". ; ce qui postule implici-
tement l'adéquation parfaite de l'exégèse à l'intention de signification et, bien
entendu, au contenu sémantique des mots dans chaque verset. t:exêgèse
contemporaine n'est évidemment pas délivrée de cette nai'veté ; au contraire,
l'alphabétisation des masses populaires, la diffusion du livre, les possibilités de
publier dans les journaux et les revues ont mis l'acte exégétique â la portée de
tous, si bien que l'on assiste à une dégradation des contraintes de savoir que
s'imposaient les exégètes classiques. [ ...] On a là un autre exemple du désor-
dre sémantique et des confusions dangereuses qui se répandent à propos
et à partir du Coran dans le contexte actuel [ ...J. Ce type d'exégèse conduit à
l'oubli de la fonction première de la Révélation : dévoiler des significations sans
réduire le mystère, le caractère ineffable de ce qui est dévoilé ; montrer sans
démontrer ni mettre hors circuit les moyens de la connaissance ; bref, instituer
un rapport de l'homme à Dieu qui n'est pas de l'ordre de la question/réponse,
mais qui consiste en l'accueil d' un infini pouvoir de signifier les choses, la vérité
de l'être. Les exégètes classiques compensaient par l'authenticité de leur expé-
rience religieuse ce qu'ils perdaient dans l'inadéquation de leur exégèse ; les
militants contemporains s'éloignent à la fois du divin et des conditions d'accueil
de la Parole qui le révèle .
Je traite le Coran comme un texte en langue arabe que le musulman ,
mais aussi le chrétien ou l'athée, devrait étudier parce que la culture arabe
est réunie en lui et parce qu'il est encore capable d'influencer d'autres textes
dans la culture [ ... J. Je vénère le Coran plus que le font tous les salafistes' . Les
salafistes le cantonnent au rôle de prescription {halât} ou d'interdit {haram}, et
cela bien qu'il s'agisse d'un texte qui a été productif pour les atts. [...J Com-
ment s'est transformée cette diversité de significations et d'indications, cette
présence à lous les niveaux? J'aime écouter la récitation du Coran . Que de
choses restent cachées à cause de la restriction à la prescription el à l'interdit!
En réalité, personne ne goûte le Coran. Nous lisons le Coran et nous avons
peur, ou bien nous rêvons de paradis. Nous transformons le Coran en un texte
qui procure des encouragements et qui intimide, en un bâton et en une carotte.
Je veux libérer le Coran de cette prison, afin qu'il soit à nouveau productif pour
l'essence de la culture et des arts, qui sont ét(anglés dans notre société.
 lam et conquêtes
- LES grandes conquê-
tes des dé bllt ~ de l'i .. -
lam ne furent pas aussi rapides que
ce lles d' Alexandre le Grand. Elles
s' étendent sur près d'un siècle, de
634 li 730. En Asie. cl les couvrent le
même Csp<lce que les conquêtes per-
ses aché rnén idcs ct ccllcs d'Alexan-
dre. Ililli s s' y ajoutent ]'Afrique
du Nord e t la pé ni llSul e Ibé rique.
réce mment rmta c h ée~ li rEmpire
rom:lin d ' Orient pilT les conquê tes
de Justinien (VI<siècle). La princi-
pale conséquence de cette conquête
réside dans 1:. lr.m ~ fu nll ati\J1I ,ruile
zone frontière - l'Arménie. 1:1JaZÎra.
la va llée de l'Euphrate. la ste ppe
entre rl raq ct la Syrie. ainsi que la
péninsule Arabique - , en centre d' un
vaste Empire.
Celle expansion ne débUlc pas du
vivant de Muhammad. ni même lors
du règne de son premier successeur.
Abû Bakr (632-634). Elle ne semble
avoir été ni programmée ni mê me
prévue. Comparé aux puissances by-
zant ine ct sassanide. le peuple arabc
n ' avait pas une gr.mde réputation
militaire. Par ai lleurs. si les é pi sodes
mil itaires ne sont pas inexistant s
dans la vie de Muhammad, il s sont
fin alement assez mineurs.
Comment donc ex pl iquer et com-
pre ndre celte conquête, dont il faut
e ncore rappeler qu 'elle n'implique
ni arabisation ni islamisatio n systé-
matiques des popu lalLons locales?
Une des explicatio ns rréquemment
avancées, probable ment pas la pl us
imporl:IIlIC, rés ide dans l'e nth o u-
siasme des néophytes, D' un poi nt
de vue religie ux, la ju stificatio n
des conquêtes se trouve dans le s
sourates qui reco mmand e nt aux
musulmans d 'crrectuer le jihâd, la
"guerre légale", Cc j ihfM est pour la
commu nau té mu sulmane (11I11I11a)
un acte obligatoire. mai s c'est une
obligat ion collective (jard klfâya ), Il
sunit donc qu'une arnlée re présen-
tan t 1'//111111(1 elYectuc cc devoi r pour
que tous les autres musulmans en
soicnl déchargés,
Un fac teur plus im portant réside
d:ms le dynami sme démog raphique
des régions steppiques et désertiques.
qui , dans un co ntexte d' équ ili bre
précaire des ressources par rap po rt à
la po pu lation, fourni ssent de manière
réc urrent e un cxcédc nt dé mog T<l -
phiquc , Les tribus arabes qui, bien
avant l'islam, avaient co mmencé à
s'établir le long de.. grandes rou tes
commerc iales, trouve nt donc une
justification re li gieuse il la souve -
m illt::lé politique qu'dles prélende llt
dorénavant exercer. Ëvitant les reliers
et les obstacles naturels. e lles suivent
les rou tes côt ières ct tes plaines pour
s'emparer des territoires immédiate-
men! utiles,
Face il cette wrt ie du désert , les
gmnds empires. byzantin et sassanide.
qui n'ont rien vu venir, sont li bout de
force après dcs décennies de guerre,
En outre. les minorités religie uses
(chrétiens monophysi1es de Syrie ct
d'Égypte. juifs de ['Empire romllin,
chrétiens nestoriens). soumi s aux
persécutions religieuses de Byzance,
accue ill ent parfois r:l\'o rab le ment
les conquérants. comme le rapporte
al-BalâdhurÎ, dans son fli,f loire de.\'
cOI/qI/êtes II/1I.w lll/lUle,f (IX' sièc le) à
propos de Hims(Homs. Syrie), En ef-
fet. le pou voir musulman n'intervient
pas da ns les conlroverses re ligieuses
et aecorde Je même statut à to us les
non-musulmans, quelles que soien!
leurs croyances.
Pourtant. il y eut aussi des résis-
tances ct des combats 'Ichamés. Quel-
ques grandes victoires jalonnent la
progrcss i o ndes ann~s musulmanes:
Yarmouk en 636. où les musulmans
anéantissent l' armée de l' empereur
byzantin Héracli us. al-Qiklisiyya qui
ou vre aux musulmans les portes de
la capitale sassanide, Ctésiphon . ou
bie n encore Talas. aux fromi ères de
laChine, Les musulm.msconqu ièrent
les capitales des gmndes provinces.
L'expansion de l'islam
de 634 à 730
PfOJ~a bte en Irans parenl
mais /l'y restent pas, Les nouveaux
pouvoirs s'installent dans des cam -
pements militaires qui se tran sfo r-
ment peu li peu en villes. les alllsâr
ou villes-camps, Chaquc province
conquise e n a au mo ins une: en Iraq.
KGfa et Basra (Bassorll), en Syrie,
Jâ biya, cn Égypte. Fuslfil (Le Caire).
en Ifriqi ya, Kairouan,
Les causes et les conséquences
de l'arrêt de cette première expan-
sion .IU milieu du VIII" siècle sont
aussi importantes que celles de ses
débuts, Les causes sont de diverse
natu re : climatiques. écologiques et
anthropolog iqucs - sortie des zones
du nomadi sme tribal endogame et
entrée dans des systèmes différents - ,
soc iales aussi avec la résistance de
nations plus homogènes comme les
Fr.mes, les Byzantins. les Tures elles
Nubiens. voire sédentarisation des
conquérants amœs, Celte pause dans
les conquêtcs a pour conséquence
la d ispari tion des revenus du butin,
Désormai s l' Empire doit trou ve r
ailleurs les revenus qui lui sont né-
cessaires : cela contribue grandement
.IU développement de l' ag riculture,
du comme rce. de l' artisanat et il
l'urban isation.
Le phénomène le plus élOnnant
rut la marque durable imposée par
celle conquête. non quant à un État
un iqu e mu s ul man qui dura peu.
s i jamais il exi sta. mai s quant à
l'islami sation d~ ces régions qu i, à
part la péni nsule Ibérique, sont IOU-
jours majoritairement musulmanes
aujourd ·hui. et qu'lllt à la diffusion
de la langue "rabc sur lOut l'ancien
d oma in e c hamito-sémitique, de
l'Ir:lq :1U Maghreb.
 OCCi d
PoIII4H'II ~ Magyars

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Tllhudll ~
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Canh&ge
(695) .
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(7 12)

• Kaboul

(N3) KIl..!.." Multln.

"""',, (7 12)

PERSE
SIND

•
Ollybul
(711 )
• Territoire originel de l'Islam

Expansio n de l 'empire mu su l ma n
sous le califat de 'Umar (634-544)

sous les califats de 'UthmAn et 'Ali (644-66 t )

NUBIE
sous la dynastie des Umayyades (66t -750)

• Zone neutre entre l'Empi re romain d'Orient

et l'Empire musulman (688-965) •
DoogoO •

Ams.1r ou villes-camps
.""'"
fondées pendanl la conquête
Empire romain d'Orient (empi re byzantin)
Villes fondées dans la
Royaume wisigoth de Todm ir • seconde moIUê du VI II" siècle
Royaume des l ombards • Villes conqu ises (date de leur conquête)

Royaume des Francs il. Ueux de batailles (date de la bata ille)

I-...;u
~n, ..récit de la fin du IX· siècle: plutôt les musulmans que les Grecs ou._. plutôt les Grecs que les musulmans
Quand Héraclius ' massa ses troupes contre les musulmans et
que les musulmans apprirent qu 'el/es avançaient pour le ren ·
contrer au Yarmouk, les musulmans reversèrent aux habitants
de Hims2 le kharâj3 qu'ifs avaient reçu d'eux, en disant : "Nous
sommes Irop occupés pour vous secourir et vous protéger :
a
Veillez votre propre securité w• Mais la population de Hims
répliqua." M Nous préférons de beaucoup votre domination et
votre justice à rétat d'oppression et de tyrannie dans lequel
nous vivions. Certes rarmée d'Héraclius, avec l'aide de voire
'Ami/"'. nous la repousserons de la ville". Les juifs se levèrent
et dirent: "Nous jurons sur la Torah qu'aucun gouverneur
d'Héraclius n'entrera dans la ville de Hims a moins que nous
ne soyons d'abord vaincus et épuisés r , Sur ces mots. ils
fermèrent les portes de la ville et y montèrent la garde. Les
habitants des autres villes, chrétiens et juifs, qui avaient capitulé
entre les mains des musulmans, agirent de la même manière,
disant ." MSi Héraclius et ses secta/eurs l'emportaient sur les
musulmans, nous retournerions à notre ancienne condition ..
AJ-Balàdhuri. Ki/Ab futûh a l-buk:l.in r Hisloite des conqOOles musulmanes"). traduclion de I"arabe P.K. Hi«i et F. Murgotten. sous kllltre The origins ofthfllslamic
Slale, rééd. Beyrouth , 1963, 1f3duc1ion de ranglllis : Thierry Bianqllis.
autrement, nous garderons notre situation présente aussi
longtemps que domineront les musulmans ". Quand avec l'aide
d'Allâh, les infidèles furent défaits et les musulmans victorieux.
ils ouvrirent les portes de leurs villes. sortirent avec les chan-
teurs et les musiciens qui commencèrent à jouer et payèrent
le kharâj . {. ..}
Le fait est que lorsqu'on prit possession de Damas, un grand
nombre de ses habitants, dans leur fuite vers Héraclius qui se
trouvait alors à Antioche, laissèrent derrière eux un nombre im·
portant de maisons vides qui furent plus tard occupées par les
musulmans. Quand ils virent que le siège était mené rudement
contre eux, les habitants de Tripoli se réunirent dans l'une des
trois forteresses et écrivirent au roi des Grecs en lui demandant
soit le secours des renforts, soit des navires sur lesquels ils
pussent s'échapper et s'enfuir vers lui. En conséquence, le roi
leur envoya de nombreux bateaux sur lesquels ils montèrent
durant la nuit et prirent la fuite.

, Empereur byzantin qlli a régné de 610 à 641

' Ancienne Émèse. Homs actuellement ISyrie)
' ImpOt loncier
• Gouvemeur. chel militaire
 lamisation et arabisation
L ES processus dïs-
lamisati on CI d ' arabi·
sation ne so nt ni s imultanés ni
systématiquement liés. Pourtant . il s
ne sont pas indépendants no n plus
l'un de l' autre. En effet. la langue
arabe bénéfic ie d'une supé ri orité
symbolique conférée par le statut du
lexie coranique en islam : parole de
Dieu (kalâm Allâh ou qallli Allâh) ou
Verbe di vin . Cc qui démarque profon-
dément le Livre de l' islam de ceux
du j udaïsme cl du christiani sme. où
seuls quelques citations ou fragm ents
sont auribués à Dieu (Tables de la
Loi. paroles du Christ. etc). Lo rs de
la révélation llluharnmadicllne. Dieu
se serait expri mé en arabe au peuple
arabe. Les logiques de diffusion de
la langue ne sont pas les mêmes que
pour la rel igion. L'arabe parvient il
s' imposer comme langue vernacu-
laire dans tout le domaine lingu is-
lique que les spéciali stes appellenl
chamito-sémitique (arabe, hébreu,
copte, araméen, couchitique, berbère,
etc.), sans to utefo is déboucher sur la
disparition des langues préexi stantes.
Cet espace correspo nd géog ra phi -
quement au pourtour méridional et
oriental de la Méditerranée et inclut
l'Iraq et la pén insule Arabique,
Hors de cet espace. r ara be ne
parvie nt pas il s' imposer aussi plei-
nement. Son inn uence n'est pourtant
pas négligeable. Sur le plan lexical,
l'arabe irrigue les autres langues dans
le do maine reli g ieux évidemment.
mais aussi souve nt dans le do maine
cOllllllercial : c'est le cas pour les lan-
gues turques ou malayo-indonésien-
nes. Le swahi li (l ittéralement "langue
du sahel ou du rivage"), qui domine
sur le littoral oriental de ]' Afrique
centrale. est un cas linguistique in-
téressant : cette langue "utilitaire",
créée autour des marins commerçants
ambes du littoral, pennet l'un ification
de régions li nguistiquement éclatées
- langues nigéro-con!lolaises ct ban-
to ues. Elle répond à un besoi n social
Groupes linguistiques
et alphabets influencés
par l'arabe
et accompagne l'ouverture du littoral
afri cain au commerce do miné par
Projelable en tran spa rent
les marins arabes; clle acco mpagne
aussi l'islamisation progressive de
ces régions, Les îles de Zanzibar et
des Comores sont aujourd' hui tota-
Ic ment islamisées.
Sur le plan graph iq ue, l'arabe pagné d' une traduction, prése ntée
n'a pas une influence llloins grande, comme une "explication/anal yse".
Parce qu'ils servent à transcrire la À l'époque médiévale, l'arabe a
" parole divine", les caractères arabes fo nctionné comme langue impériale.
bénéficient d'un certai n presti ge et Ce la permettait aux indi vidu s par-
fon t l'objet. dès Ic MoycnÂge, d'un hlllt également une autre langue ou
soin particulier à travers la calligra- exclusivement l'arabe (savants, com-
phie et l'épigraph ie décorat ive no- merçants, pè lerins ou fonctionnaires),
tamment. Certaines langues adoptent d 'exercer leur métie r, de travailler.
donc l'alphabet arabe e n l'adaptant: d'échanger ou de sc retrou ver dans
c'est le cas du persan, du turc, du tout le "do maine de l'i slam", Au
malais. Parfois cette adoption se fait XI\/< siècle, Ibn Battûta, par exemple,
par l'intermédiaire de l'alphabet per- pouvait louer la foi des habitants
san (lui-même inspiré de l'alphabet des îles Maldives, où il fais:lit office
arabe), pour l'ourdou ou le malais. de qâ(IÎ (ou cadi, juge d'u n tribunal
Aujourd'hui, certaines lan!l ues ont islamique) en arabe, en constatant les
renoncé il l'alphabet arabe. C'est ditTérences de pratiques, dans le cas
le cas des langues turques, dans le présent, vestimentaires.
cadre de l'occidental isation voulue
par Atatürk au début du xx" siècle
d ans l'E mpire ottoman o u de la
centralisat io n soviétique pour l'A sie
centrale. C'est également le cas des
langues malaisie nnes.
S i l'arabe a cu une g rande in-
flu ence lexicale ou g raphique sur
d'autres langues, il ne les a nu lle
part towle ment supplantées. Des
langues indo-europée nnes, ou ralo-
altaïq ues, malayo- indonésiennes, se
maintiennent dans des zones pourtant
islami sées. La cohabitation entre 1:1
religion musulmane ct des systèmes
linguistiques non arabes engendre
quelques problèmes particuliers. En
effe t, pour être absolument fid èle au
message coranique, les musulmans
du monde enlier sont censés conn:IÎ-
tre le Coran en arabe, Cela ex plique
que dans toutes les parties du monde
non arabo phones, on assiste il un
apprentÎssa!le phonétique du Coran .
Pour que le fi dèle comprenne ce qu 'i l
réc ite, le texte pho nétique est accom-
 .................... ~" ...
Pacifique

- 'I

"""_n Dœan
AI/antique Indien

Alphabets

Cham~o-sêmitiques
= Aire du swahili.
emprunt du vocabulaire
11 11 11 1 Alphabet arabe jusqu'aux années 192Q

a ,'arabe (domaine 1111 11 Aire du malais. alphabet dérivé de l'alphabet arabe

Umile des langues nigéro-congolaises el bantoues religieux ou commercial) Aire du persan, alphabet dérivé de l'alphabet arabe
Ouralo-altaiques ,,,",,-....: Emprunt de l'alphabet arabe ou arabo·persan
_ Indo-elJropéennes

I-"':"~':r'misalion des i1es Maldives selon Ibn Battûta, XIV'" siècle

Dans ces iles, les habitants sont tous musulmans. gens de foi et de piété. {. ..} Les habitants de ces Îles ont une belle
conduite. pratiquent le culte, ont une foi authentique et des intentions pures. ils se nourrissent licitement, aussi leurs
prieres sont-elles exaucées. Lorsque l'un d'entre eux rencontre un autre. illui dit : MAII~h est mon Seigneur, Muhammad
est mon Prophéte et moi je suis un pauvre ignorant r Ces gens sont de constitution fragile. Ils ne connaissent ni les
combats ni la guerre, et leurs armes sont /a prière. [. . .J Les habitants des Maldives sont propres et s 'abstiennent de
toute impureté. La plupart se lavent deux fois par jour pour être nets, parce qu 'il fait tres chaud dans le pays et qu'oo
transpire énormément. On fait beaucoup usage d'huiles parfumées comme l'essence de bois de santal et autres,
et on se frotte de musc importé de Maqdishâ.[... } Les femmes de ces Îles ne se couvrent pas la tête, non plus que
leur souveraine. Elles se coiffent en rejetant les cheveux d 'un seul côté. Elles ne se vêtent que d'un pagne qui lES
couvre du nombril aux pieds, le reste du corps étant à nu. C 'est ainsi qU'elles circulent dans les marchés et ailleurs.
Lorsque je fus nommé cadi dans ces iles, je fis tout ce que je pus pour faire cesser cette coutume et ordonnai aux
femmes de se vêtir mais en vain! Si aucune femme plaideur n 'entrait au prétoire sans être vêtue, ailleurs je ne pus
obtenir satisfaction! Certaines femmes portent, outre le pagne, une chemise à manches courtes et larges. J 'avais
des concubines qui étaient vêtues comme les femmes de Dihli et se couvraient la Mte, mais elles considéraient cela
comme un accoutrement plutôt qu'une parure parce qu'elles n'y étaient pas habituées. [. . .f
Une des curiosités de ces iles, c'est que le souverain est une femme du nom de Khadidja. fille du sultan Jalâl al-Din
'Umar, fils du sultan Sal~h al-Din Sâlih al·Banjâli. [ . ..] Le prédicateur dédie sa khutba ' à la sultane, le vendredi et
autres jours, en ces termes: "Mon Dieu, secours la servante que Tu as prêfêrée sciemment aux hommes et dont Tu
as fait l'ins trumen t de Ta miséricorde envers tous les musulmans, la sultane Khadidja, fille du sultan Jalâl al-Din, fils
du sultan Sa/Ah a/-Din " .I

Ibn Ballûla. '"les iles Maldives' . Voyageurs arabes. traduction Paule Crnllles-Oomlnlql,lEl, Pari. Gallimard, Pléiade , 1995.

' Se rmon prononcé lors de la prière de la mi-iournée le vendredi.

 ier, du désert à la mosquée
L A prière. deuxième
"pilier" de l"islam. doit
être :lccomplic c inq foi s par jour.
Cert:lines priè res peuvent être re-
groupées. cc qui permet d'accomplir
ce rile en lrois foi s. Après les rites de
purificat ion. réalisés avec l' ca u du
bassin J'ablution pour les ablutions
mineures. avec le sable da ns le désert.
en cas de voyage - c 'cslla lustration
pu lvé ra lc ( t(/ )'Olllllllllll ) prévue p3T
le droit mu sulman - . le fidèl e doit
s'orienter vers la qiMa. la direction
de La Mecque. el se placer dans un
espace sacré marquant une séparation
avec le monde: cel espace peUl certes
être celui de la mosquée. mais aussi
celui du lapis de prière (.mjjâda) ou.
plus .~ i rnp1cm en l. une ligne tracée sur
le sol. On constate ici que. malgré la
sacralité du Monl H im - c'est 1:'1 que
Muh,tmrmtd est censé avoir reçu le
message de Dieu pour la première
fois - , les fidèle s ut ili sent un tapis
de prière, qui se carauérise par
" l'orientation" de son dessin: dans
le cas présent , c'est la mosquée de
La Mecque qui est représentée ,
Le rôle attribué au tapis dans la
délimi tation de l'espace sacré de la
prière n'est pas anodi n, Le tapis fait
part ie intég ra nte des civi lis:ltions
pastorales: en soi e o u en laine,
fac ilement tran sportabl e, c 'est un
élément esse ntiel de la tente des
nom:ldes, Par les échanges dont il
fait l'objet, par l'attention qui lui est
portée, p:lr les spéc iali sations régio-
nales de sa production artisanale, le
tapis participe à l'économie pastorale
et, finalement, trou ve sa place dans
les pratiques rit uelles, Ind ividuel. il
suffit à la prière loin des mosquées et
permet d'efTectuer cet acte pratique-
ment n'i rn porteoù : espace ouvert ou
fermé, publi c ou privé, sur le lieu de
Irav<li!. en ville ou en pleine nature,
De grand format, il recouvre le sol de
IOUles les mosquées du monde ,
À :mcun moment. sous peine de
null ité de 1<1 prière, l'espace sacré ne
peut être traversé p:lr une personne
impure (c 'est-à-dire une personne
qui a perdu sa pureté par le somme il.
les rel:ltions sexuell es, les besoins
naturels par exemple), Tous les mou-
ve ments sont minutieusement rég lés,
La prière compre nd une déclaration
d'i ntention, sui vie par une séquence
(répétée deux à q uatre foi s suiva nt
1<1 prière), comportant la réc itation
de for mul es e t cie ge~ l es rituel.~
- <lgenouillc ment, déplacement des
mains à hauteur des épaules, incl ina-
tio n du buste, comme on le voit ici,
Tou s les mu sulm:l ns ne font
pas les mêmes gestes : les ch iites
aj outent quelques éléments à l'appel
du muezzin et quelques gestes à la
priè re, de même q ue les sunnites
relevant de J'école j uridique mâlékite,
dom inante au Maghreb ct enAfrique
subsa harie n ne, Ces di verge nces
rendent compte de l'historic ité des
rites religieu x, On a l'éq ui valent
dans la reli g ion chrétie nne avec
l'imposition du rite romain, lors de
la réforme dite "grégorienne" aux
X Ic_X Ill" siècles, aux dépens des rites
antérieurs régionaux, comme le rite
w is igoth ique. conse rvé pourtant à
travers les siècles par les chrétiens
arabisés d'al-Andalus,
Une foi s par se mai ne, 1:1 prière
doit avoir lieu da ns une Grande
mosquée (jâmi'), c'est-à-d ire une
mosquée pourvue d' un mil1/)ar (la
c haire à prêche r ), La fo rme des
mosquées actuelles est aussi l'abou-
ti sse mc nt d'un long processus de
définition des normes architecturales,
Il existe quelques grands types de
mosq uées, parmi lesquels le type
"arabe", pourvu d 'une grande cour
fermée ento urée d'une colonnade, et
d' une salle de prière hypostyle (sur
colon nades) do nt un des grands côtés
abrite le mihrâb, niche creusée dans
le mur indiq uant la qihla, la direction
de La Mecque, Ce modèle est censé
êt re fidè le au plan de la maison du
prophète de l'i s la m à Médine tel
Prière sur le Mont Mira,
décembre 2001
Des pèterins prient su r le Monl Hira,
près de La Mecque, pendant le Hbjj.
Jabat al,Nur, Hijâz.
Projelilbte en transpa rent
qu'il a été reconstruit par les sources
postérieures: une maison couverte
de branches de palmier reposant sur
dcs troncs ct dotée d'une cour, Les
types -'indo-persan" et "turc'- diffè-
rent du précédent, de même que les
mosq uées pagodes d'A sie du Sud-
Est. lcs mosquées en terre d 'A frique
subsaharienne ou les édifices -'com-
muns" d'E urope occident:rle (caves,
hang:rrs, etc,),
La présence de mi n:rret s, qui
semble aujourd'hui :rller de soi. fit
l'objet de controverses, Les chiites
septimain s/ismaélien s du califat m-
timide (909-1 17 1), contre l:l pratique
des Umayy:rdes de Syrie (66 1-750).
refusère nt ainsi, dans un premier
temps. son uS:lge au Maghreb sous
pré texte qu'à l'époque du Prop hète
rappel était lancé d u toit d'une
mai son vo is in e , À l'inverse , les
Umayyades de Cordo ue (929-1031),
s'i nscrivant dans 1:1 contin uité des
Umayyades de Syrie ct s 'opposant
aux fatimides c hiites de Kairouan,
v:rlorisèrent les minarets, réutilisant
d-ail leurs les c lochers des ég lises
pé nin s u la ire s o u s ' en in sp irant.
Modè le, c0l1lre -modè le ou dé ter-
minati o n réc iproque renvo ient au
caractère idéolog ique de l'architec,
tu rc, La diffusion aujourd'hui dans
le monde d'un type partic ulier de
mosquée en marbre àqumre minarets
d'angle refl ète le pouvoir fi nancier dc
l'Arabie silOudite qui subventionne
ce type architectural aux dépens des
types locaux,
 Une · reconstitution~ de la maison du prophète, gravure d'après PIah schématique d'une mosquée de type arabe
1-"';;;" Leacroft , The Buildings of Early Islam, XIX' s.
~""

fô\ FOlllaÎne
\;;;1 au • • bh'lIom

,,""

,
 'vre et travailler à l'heure de l'islam
Scène de rue dominée par la
figure du muezzin, vers 1570

L l SLAM a réorgani- nécessité les oblige il tm vail1cr hors

sé le te mps des hommes. de la maison. en pouticul ier dans le
Miniatura ilustrant le Hart Awrang rLes Sepl
ttdoos1 de Jarni. style de Shiraz. Iran
Elliott 149 loIio Il r, Bodleian Ubrary, Oxloro,
Un çalc ndrier lunaire. inspiré des secteur ag rico le. Angleterre
calendriers antérie urs. a été adopté. Le tmvail exécuté en accord avec Projetable en transparenl
Les moi s lunaires . plus courts que la Loi di vine (s/I/Id 'a) est une form e
tes Illois solaires. c réent to us les ans de jiluÎtI. in séparable d'une signifi-
un décalage de plusie urs j ours par cation spi rituelle el re li gie use. Pour
rapport au ry thme des sui sons. La cehl. dans hl perspective musulmane avec deux devantures de boutiques:
décision. prise une d izaine d 'années traditio nnelle. le Irav:lil doit respec- des personne... sont en train de négocier.
après la mon de Muhammad. de fi xer 1er un certain nombre de règles. les de peser des marchandises. d'a ut res
les dé buts d u calendrier musulman à ' /IqlÎlJ. qui lient l'holllme il Dieu et au mangent. ou prépare nt il mangerautour
l'hégi re (622). complète la réfomlc mo nde : accomplissement des prières d'u n chaudron. on distingue des porte-
du ca le ndrier musulman . L' is lam quotidiennes, valorisation des riches- raix. des musiciens. etc.
il égaleme nt introduit une nouvelle ses de la nature o u vente ho nnête Dans les dernières décennies. mo-
te mporalité quotidie nne: chaque d ' une marchandise dans le souk. Le dernisation etll1éc:misalion ont mis ft
j o urnée eSI scandée par les cinq sens des respons:lbi lités pour remplir mal la dimension éthique du travail.
appels à la prière lancés du haut du les termes d'un contrat . pour accom- en particulier dan s les zones urbai-
minaret. plir un travai l aussi bien que possible. nes. e n raiso n de l'affaiblissement
L'interruption des ac tiv ités à pour satisfai re la personne il qui le des structures trad itio nnelles de la
cette occasion don ne au tmvail une Irdvail est destiné. reste très présent société. Le travaîlleur est doré navant
dimension rel igie use ct le mé lange chez les musulmans traditionnels, Le coupé de sa famille et de la matrice
des de ux te mps transparaît d ans souk. dans les cités tmdit ionne lles, sociale . A ussi ne reste-toi !. parmi la
l'o rganisatio n mème de ];, c ité tm- est lieu de sociabilité, de rencont re et p lupart des tra vai lle urs dérac inés.
dit ionnel1e : de no mbreu x oratoires. de p:lnage de v:Lleun; communes. Sur qu'une profunde no stalgie de l'o r-
parrois des mosq uées plus im por- la miniature ci-contre est représentée. gani s'ltion qui caractéri sai t le monde
tantes. sont dispersés dans les souks. sous un minaret. la ruelle d' un souk traditionnel du tra va il.
les bazars o u les centres d·arti sanil!.
Les corps de mé ti ers. hérités des
anciennes corpor.lIions. fo nctionne nt
sur It! modèlc dcs conrréries ct ces l Calendrier et fêtes

organ isations qui perdurent p••rfo is ,,-

cncore d ans une ce rt;tine mesure.
sont sou vent étroi teme nt liées aux
ordres sou li s qui conçoivent le tr.wail
comme le prolongement de la spiri-
tualité. O·ailleurs. les liens cntrc les
maît res de métier et leurs apprenti s.
[?
mois : Salar,
..
ou entre les différe rlls membres d'u ne
rn Î!mc activité. s ·apparentent au lien
r;r
mois : Rabr al·thAni : Rabr Il .
: . . . . . . . .UUIl· .......L
de nat ure re ligieu se qui unit . dans
les conrréries w u fies. le maître de
l' ordre à ses disc iples. En outrc, le
8'
!'-
mois : JumAda al-lhAni : JumAda Il .
: ~ ... - ... ,- ..
.",:,iy~"""
travail accompli pour subvenir aux i _ ...
bew ins de la ra mi lle étendue. c'cst-
à-dire les re m me s. les vieillards ct [so
moise Sha'bAn ,
Mn
les inva lides. est classé. dans le droit
musulman. da ns la même catégorie.
~_"";"'i i\,
obligatoire ( lI'âjib). que les devoi rs
rdigieux. Il incombe naturellement
au che f de famill e. mais les femme s
so nt aussi respon sables. quand la
1 .' 18 1- du mois all8u rAid al·fttr, 18 Mte

.............:__..-. B'
1 ai-saghlr, "'Petite Rts', qui cI6t le ramadan.

: Oha I-hija : mois "s8cn!t' du piHerinags. Le 10 du mois a Heu '~id

Hlt1 n 1.
['" Rte', ou Aid al·adhâ, 18 "FIte du sscrIfics', en SOU1IfNIir du
 lerinages et lieux sa ints
, à La Mecque, 1988
A t'origi ne. le pè-
lerin:lge à La Mecq ue
constituait une vérilable expédition.
Les caravanes couvraient de trcnte à
q uarante kilomètres par joure! il fa l-
lait plusieurs scm"i nes polir parvenir
à desti nation. aulant pour revenir. Du
Caire, il fallait près de cinq semai nes
pour arriver à La Mecque. Réservé
au Moyen Âge à une é lite migrante.
savante ou commerçante. le pèleri-
nage à La Mecque. el à Médine qui
lui cst proche. ne rassemblai t vrai-
semblablement à celle é poque que
quelques milliers de f idèlc.~ . Quoique
plus accessible aujourd'hui. il de-
meure une entreprise exceptionnelle.
Aussi la personne qui a lIccompli ce
rite bénéfi cie-t-c llc d'un presti ge
considémble à son retour : e llc est
gratifiée du titre de luijj ("pè lerin")
inscrit. dans le cas présent. au-dessus
de la porte d'e ntrée de cette maison
cairote (yâ hâjj Fam) al-SluÎm Î, "0
luijj Faraj al-Shâmî""). La façade est
ornée d'inscript io ns coraniques et de
représentations des moyens de trans-
ports utilisés ou re ncontrés lors du
pèlerinage : avion, bateau, chameau.
Gr-Jce à la voiture et la l' avion , en un
siècle, l'e ffectif g lobal du hâjj a été
multipl ié par plus de cent, passant
de q uinze mi lle à de ux mi ll ions de
pèlerins!
La façade porte ég:alement une
représentat ion fi gurée de la Ka'ba.
Selon la tradition musulmane, r em-
placemen t de la Ka ' b.. aurai t été
créé avant to ute autre p:lrtie de la
terre : sur cct emplacement, Abmham
aumit construit la "maison de Dieu"
(Ba)"1A/lâh ), autre nom de la Ka'ba,
avec des pierres que son fi Is Ismâ 'il
lui au rait apportées. Pour achever
l'édifice, Abraham aumit cu besoin
d ' une pierre d'angle q u' lsmâ'il ne
parvenait pas à tro uver. Celle pierre,
connue sous le nom de Pierre Noire,
lui aurait été apportée p:ar l'ange Ga-
briel. Blanche la l'o rigi ne , elle aumit
été noircie par le péché des hommes.
Celle pierre, aujourd'hui cassée et
cerclée dans un anne.. u d ',argent, doit
être touchée et embrassée par les
pèlerins. Dès l'époque préislamiq ue,
La Mecque était un gr:md centre de
pèleri n..ge et de nombreuses divin i-
tés y étaient vénérées. Muh .. mmad
reprit cette prati(IUC en l'isl:uni sant.
Depuis lors, La Mecque est le
centre du monde musulman, Tout au
long de sa vie, le fidèle musulman qui
prie s'oriente p.. r rapport à ce point
névralgique: cinq foi s par jour, sept
jours par semai ne , au mo ment de la
prière, il se tourne vers la qiblll, la
di rection de L:a Mecque. Lors<lu'tm
mu sul man est ente rré, son vis..ge
doit être lOurné dom s cette d irection.
En OUlre, le dogme impose qu ' une
fo is dans sa vie le fidèle musulman
se rende dans ce berceau de lïslam.
Parce qu'il concerne tous les mu-
sulmans du monde, le pèlerinage de
La Mecque est l'archétype de tous
les .. utres pèlerinages, <lui se sont
constitués soit en opposit ion soit en
complément arité,
L'importance des s:anc tu,Lires
liés au chiisme remonte il l' origine
même de l'islam . Ainsi, le mass..cre.
la Kerbala. ville du sud imquie n, en
680, des princip:mx Alides. parmi
lesquels .. l-Husayn, fils de 'A li et de
Fâtima, et donc peti t-li ls du prophète
Muhammad , ex plique le dévelop-
pement d'u n véritable martyrologe
chez les chiites - I:a bannière noire
dans la foule des pèlerins proclame:
"Nous sommes tous les di sciples des
martyrs" (kullu-lIâ lII11lib (/1-<~'/IIIIIll­
dâ '). Le corps décapité d 'al-Husayn
est enterré sur place. Un mausolée
est immédi .. teme nt bâti. le Qabr a/-
Husayn ("tombe de Husayn"). qui ne
tarde pas la :atti rer les pèlerins. Cette
vénération ne .~' e s t pas démentie au
cours des sièc les. Pour la fête de
'Achoûr:a. le 9 lIIu'/(/rrml1 (pre mier
moi s de l'année dans le calendrier
is lamique), le s:lIlctuaire de Ker-
bala voit afflu er les foules d'lmn et
Au Caire : maison d'un homme
ayant fait le pèlerinage
d ' Iraq ; e lles reproduisent des souf-
frances co l lecti vc.~ pour cornmé morer
le mart yre d ',II- Husayn et de ses
compag nons: auto ur de cette figu re
majeure du chiisme. les tombes de
personnalités secondaires constituent
un parcours commémo ratif.
La vi site des centres iraquiens
s' intègre da ns I ~ C,Ldre plus général
du pèlerinage à La Mecque. puisque
les cara vanes de pèlerins persans
pan aient de Kerbala. pui s passaient
par Najaf. avant de rejoindre les vil-
les saintes d 'A rabie. Quoique située
dans un p.. ys ambe, la popu lation de
Kerbala est en grande partie d ' origine
persane. comme en témoigncnt les
vêtement s portés par l'hom me au
turban (de dos au pre mi cr plan) :
e lle comprend également une forte
proportion de musulmans pakistanais
et indiens. Cela ex plique qu'cl le oc-
cupe une posi tion névmlgique entre
les deux pôles constitués d' un côté
par l'ambité sunnite. de r aUlre par
le chiisme persan.
Les s,mctu.. ires chiites les plus
importants symboliquement se trou-
vent en Iraq. Les pèlerinages chiitcs
n'étaient pas interdits sous Saddâm
Hussein. Cepend:ml. l' ample ur des
rasse mblements religieux qui ont eu
lieu après mai 2003 d.. ns les gmndcs
villes sainles du chiisme que sont
Najaf et Kemala fut exceptionnelle.
Au-delà de l'expression d' une piété
e nfin totale me nt li bérée de la pe-
san teur d'un régime ré pressif, e n
particulier apres 1991. ces r.lssemble-
ments manifestent l'ambition d ' une
rcprésent:Ltion politique à la mesure
du poids démogmphique du chi isme
imquien.
,-...;Pè
..;lle,rinage chiite de 'Achoûra aux tombeaux des saints al-Husayn et al-'Abbâs dans la ville sainte
r de Kerbala, Iraq , 2004
 ufis et sa ints de l'islam
U NE des étymolo-
gies du terme soufi sme
re nverrait au manteau de laine poné
par les ascètes. S'il est très vraisem-
blable q ue rapproc he mystique ap-
paraît dès les origi nes de l' islam. e lle
met pl usieurs siècles à être théorisée.
el à se structurer en confréries initia-
tiques. D'emblée le mysticisme a fa it
]"objctd' une opposition très fc nnc dc
la pan de ceux qui avaient une appro-
che littérale du texle de la Révélation
muhammadicnne. cn pôlnicu lier ceux
qui allaient former récole juridique
el théologique hanba lite. Un des
premiers. ou un des plus célèbres.
mystiques. al-Hallâj. fut la victime
de celle opposition. Il fut condamné,
comme hérétique. à être crucifié. en
922. à Bagdad. pour avoir proclamé.
dit-on, ami I-Iwqq CJe suis la Véritél
Dieu"), affirmant par là qu ' il avait
poussé l' union mystique avec Dieu ,
jusqu'à en connaitre l'essence et s'y
identifier, Progressivement presq ue
to us [es mystiques se ratt achèrent à
cette figure tuté1:1i re et 11 travers e lle
aux premiers mystiques de l' islam,
Encore aujourd'hui. à Bagdad, le
cénotaphe d ' al-Haltâj, recouvert d' un
tissu portant le nom de Dieu en arabe
(AlllÎh), fail l'objet d'une vénération ,
dans un mausolée où de pieux musul-
mans récitent des extraits d ' un Coran
posé sur un kur.\'Ï (lutrin),
Le cu lte rendu à al-Hallflj renvoie
11 un autre aspect de r islam, la mé-
, diation du saint. La notion de sainteté
n'implique pas la séparation avec le
commun des mortels, mais plutôt la
" proximité" avec Dieu . Le \l'an est
celui qui, par la prière, J'ascèse, la
connaiss:mce, la probité ou la foi,
se rapproche de Dieu, Il d ispense
sa baraka (bénédiction o u bienfait),
de son vivant. aux personnes qui le
fréq uentent, après sa Illort, ta ceux qui
viennent prier près de sa sépulture.
Au XII< siècle apparaissent pour la
prem ière fo is, da ns l'islam sunn ite,
sous l' infl uence du christian isme el
Transe soulie lors du mouled
de Tantâ, Égypte, 2002
du chiisme, des fête s en l'honneur de
la nai ssance du prop hète. Ces fêtes
Pro}eta ble en transparent
(11/(/\1'/;(/, mOl/fetl).<i' é tende nt ensui te
11 tous les .<iaints de l'islam, À l'occa-
sion de l'anniversaire de la naissance
ou de ta mort (l//alVsi m, II/ol/.uem )
d'un saint, les fidèles font une visite
pieuse (z;yéira), vo ire un véri table voies mystiques, rarÎqa) appamisscnt,
pèlerinage sur sa lombe. De nos jours qui sc rattache nt 11 un grand mystique
encore, 11 Tantâ, dans le delta du Nil. fondateu r. Développées au cou rs
la tombe d 'al-Badawî fait J'objet d'un des X llJ<-XV IIl<siècles, e lles ont
pèlerinage: deux foi s par an, près de unc audiencc régionale ou nationale
deux millions de perso nnes se réu- (comme la Sanolluiya en Li bye),
ni ssent pendant deux semai nes pour parfo is pa nislam ique (comme la
célébrer le sai nI. À celte occasion QéilliriYYlj ou la TijlÎl1iyya ), Chacune
ont lieu de nombreuses cérémon ies possède ses ri tes d'initiation, sa hié-
soufies, au cours desquelles hommes rarchie et so n slmykh (maître), Le
et fem mes prient ensemble, chantent lien est très fort entre le disciple et
ou scanden t les no ms de Dieu au son le maître de la confrérie. et à travers
des tambourins, voire dansent, pour celui -ci avec le ro ndateur, Parallèle-
accéder à l'ex tase mystique. Ces ment se développent une littérature
cérémonies évoquent les transes des et une poésie évoquant l'ivresse des
chiites Ion; des pèlerinages sur les sens el l'extase mystiq ue, en fa isant
tombes des membrc.~ de la fa mille du appel. dans le cas présent, 11 des
Prophète. Pourtant. le caractère sun - é léments synesthésiques (sollici tant
nite des fêt es de Tantfl apparaît claire- tous les sens), philosophiques (quatre
Illent dans les médai llons verts de la éléments). SOC ÎiIUX ("un roi sous son
bannière suspendue en arrière-plan : froc"), astronom iques ("cent lunes et
ceux-ci cont ie nne nt les noms des firmame nts". "cent soleils") ct éth i-
q uatre premiers successeurs du Pro- ques ("Pour t' homme de Dieu, juste
phète, dits "bien gu idés" (rashidlÎl1 ) et inj uste sont semblab les").
par les sunnites- ici, on voit lcs nOllls
de 'Uthmân (644-656), 11 droite, ct de
'A li (656,661), à gauche.
Après pl usieurs sièc les. durant
lesquels les pr.ltiques mystiques fu -
rent le fait d'individus pl us ou mo ins
isolés, on assiste ta des te ntatives de
codi fication des pratiques conduisa nt
11 l'extase, à une théorisation et 11 une
in stitutionnali sation du soufi sme ,
C'est au début du XII ' siècle q ue
le !;rand penseur a l-G haz5lî (mort
en 1111) affirme, dans sa Rel'illifi'
cmiol1 lIes ,~cietlce.~ religieuse.~ et
dans sa Réfiuarioll lJe.f philo.wllhes,
l'orthodoxie de ]' approche mystique,
considérée comme supérieure 11 la
phil osoph ie pour la connaissance
de la Vérité divine. Partout dans le
monde musulman, des confrérie.~ (ou
Poésie soufie du XIII- siècle 1-_~Cé
~ notaPhe de al-Hallâj. Bagdad, Iraq, 2002
L'homme de Dieu est enivré sans vin,
L'homme de Dieu est rassasié sans pain,
L'homme de Dieu est éperdu, bouleversé,
L'homme de Dieu ne mange ni ne dort,
L'homme de Dieu est un roi sous son froc,
L'homme de Dieu est un trésor dans les ruines,
L'homme de Dieu n'est pas fail d'air et de terre,
L'homme de Dieu n'est pas fait de feu et d'eau,
L'homme de Dieu est un océan sans limites,
L'homme de Dieu fait pleuvoir des perles, sans nuage.
L'homme de Dieu possède cent lunes et firmaments.
L'homme de Dieu possède cent soleils.
L'homme de Dieu est rendu sage par la Vérité suprême,
L'homme de Dieu n'est pas rendu savant par les livres.
L'homme de Dieu est au-delà de /'impiété et de la religion,
Pour l'homme de Dieu, juste et injuste sont semblables.
L'homme de Dieu a chevauché hors du non-être,
L'homme de Dieu est servi avec dignité.
L'homme de Dieu est caché, ô Shams al-dÎn ' 1
Va chercher l'homme de Dieu, toi, et trouve-le!

Roiml, Oiwân-e Shams-e Tabrizi ("Les travau,.. de Shams-e Tab~i-). XII /' siècle.

, Ce mystique soun originaire de Tabril a initié RoimÎ qui lui rend hommage ici.
 ciences religieuses,
sciences rofanes
L Emonde Illu sul-
Ill;ln s 'inscri t dan s la
continuité géogmphiquc ct c ulturel le
des mondes persan ct byzantin. e l il
travers eux: des mondes romain et hel-
lénistique. Il est un des chaînons qui
a permis. du Moyen Âge il nos jours.
la conservation CI l'approfondi sse-
ment des savoirs ant iq ues comme
l 'astronomie. la géographie. la mé-
dec ine. la phil osophie . Cependant.
le développement de ces sciences est
réélaboré la 1:1 lumière CI au profit de
la nou ve lle religion.
AI- ldrÎsi CSI un géographe mu-
sulman. né en Andal us vers 1100
et entré au service du roi normand
Roger Il dcSicile. après de nombre ux
voyages au Maghr\!b et cn Andlil us.
Il réalisa pour cc souverain un pla -
nisphère e n arge nt rcprésent:ll1t la
totalité du monde connu à l'époque.
y compris les terres non musulmanes,
ct un ouvrage de commentaire, LI!
liI' re de Roger (al-Kirâb al-rujfifÏ),
comprenant de no mbreuses cartes.
La mappemonde réalisée p .. r al -
IdrÎsÎ pour le roi Roger Il de Sicile
est un témoignage imprcssionnant
de la géographie "m usulm:mc" du
XII" siè<:Ie. $urcettecan c s' aniculem
l'histo irc ct III géographie de l'islanll
Islam tel quc pouv:litles percevoir un
s:lvant musulman du Moyen Âge. Le
cent re du pl:misphère, occupé par L,I
Mccque ct le Hij âz, représente sym-
boliq uemcnt l'origi ne géogmphique
et chronologi<llIe du mo nde tcrrestre.
En effe t. celle représe nwti on est
confonne à la Tmdition Illusulm:me,
selon laquelle La Mecque serait le
nombril du monde. territoire co n~a­
cré par Dieu avant l'édific.. tion de 1..
ville, 1.. K.. 'ba ayant été érigée p:lr
Abraham. Cc poin! organi se concen-
triquement l' esp:lce, le temps e t
l' im..gin .. ire islallliquesde l'époque.
Les territoires de l' islam forment
Le monde vu par al. ldrisi,
géographe musulman,
XII- siècle
un prcmier ce rcle, le s te rritoires
de l'i mpiélé. un deuxiè.me. À l'tlne
Copie datant de 1553 d'après un OI'9nal
de 1154
des périphéries. séparée des zones BodleillJ'\ library. Oxford. Grande'B retagne
habitées par une montagne infran- Projeteble en tran sparent
ch issable - peUl-être l'Him .. laya - ,
qui au mit été élevée p.. r Alexand re
le Gra nd (Dltli l-qrmw)"lI. "Cel ui aux
deux cornes"), est représentée la terre d 'al- Idrisi au d0 1ll.. ine géographique,
biblique de Gog ct Môlgog, dont les c'est oublier que 1:. géographie de cet
démons doive nt se répandre sur la .. uteur est profondé ment islamique.
terre le jo ur du Jugcment dern ier. La Le philosophe Alain de Li bera note
" mer environnante", 1.. bien nommée, que cet oubli pan icipe d ' une occul-
enferme l'ensemble da ns la fin itude tation des sources musulmanes de la
dcs conn.. iss.. nces géographiques de pensée occide ntale, voire d'un rej et
["époque. dé libéré, p.. r la pensée occidentale,
Cette re présentation .. rt ic ul e de ses sources musul manes.
ainsi les données géographiques (on Ainsi, bo n no mbre de prog rès
reconnaît, e ntrc autres, la péninsule scientifiques furent réal isés à dès fin s
Ibérique. la France , les ilt::s ù,.il<ltl- religieuses. Cc q uadr;ult d 'astrolabe
niques, l'Inde, le Maghreb, le Nil), :tppanenait à Muhammad ibn Ahmad
["h istoire de l'expansion de l'Islam. al-Mizzi ( 129 1- 1349), "re.'iponsable
1:1 mythologie (muraille d 'A lexand re) du te mps" (1III1l1'llqqil ) de ta Grande
c t une d imen sio n esc hato logi que mosquée de Damas . chargé dc dé-
(dé mons de l'Apocalypse, Jugement terminer quo tidi e nnement l'heure
dernier). Réalisée par un musulman de la prière. Ce q uadr:tnt. adapté il
pour un maitre chrét ien. cette mappe- la latitude de Damas, contient des
mo nde constitue une re présentation. infomlatÎons combinant trigonomé-
musulmane. de l'unité dc sens fo r- trie et géométrie pour résoudre des
mée par J'Islam, problèmes astronomiques: un fil était
La di stinc ti on entre science s thé ~ ~on centre avec, à l'extrémité.
profanes c t sciences religi e uses une bille qu 'on fai sait glisser dans la
est rare ment cI .. ire .. u Moyen Âge direction des astres ou du soleil pour
e n IsI.. m. Ai ns i. limiter l' appo rt détermi ner l' heure exacte.
l:occullation de la pensée musulmane en Europe
~;,;.j
L'occultation des éléments araOO-musulmans de la culture européenne a préparé
1492, et elle lui a survécu. En fait, I"occullalion proprement dite esl un phenomene très
contemporain, et ce qui I"a précédée historiquement n'est pas un oubli, mais un rejet
conscient et décidé. f. .. } 11 faut bien distinguer, d'une part, ce que l'Occident chrétien a
connu et rejeté méthodiquement et, d'aulre part, ce qu'if n'a pas (ou peu) connu et n'est
toujours pas prêt à découvrir. Ce qui n'estjamais entré dans la culture occidentale latine
ou chrétienne et qui reste scolairement et socialement occulté, c'est, par exemple, la
philosophie politique, le laïcisme, le rationalisme réformateur de l'islam et de la pensée
araOO-musulmane, dont les ancetres sont, pourtant, des penseurs de l'Andalousie mé-
diévale, comme Ibn Bâjja (Avempace), Ibn Tufayl (AOOubacer) ou Ibn Rushd (Averroès).
Ce qui a été explicitement rejeté, et qui reste oublié, c'est, par exemple, /"exaltation du
mode de vie philosophique, la définition d'un type d'existence fait de travail et de ré-
flexion, que /'on dirait à bon droit intellectuel, si, d'agitations médiatiques en médl'ations
agitées, le terme n'avait fini par perdre l'essentiel de sa signification.
Alain de LiberlI. ' Fractures en Méditerranée". Maniere de loO'r. n" 54. le Monde diplomatique. julllet,aoiIt
2002.
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uadrant d'astrolabe, Syrie, 1333-1334

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 nothéismes autour de la
Méditerranée au XIIe siècle
U NE des gra ndes
ric hesses de l'I s lam
médiév:tl el moderne est liée a u
contrôle des mines d'or d'Afrique
noire. Pendant plusieurs siècles. les
souverai ns musulmans de la Méditer-
ranée conservent ainsi le monopole
de la frappe de l'or. abandonné par
l'Occident chrétien au IX< siècle.
La frappe de monnaies d' of (dinar).
réservée en principe au calife ou à
ses délégués. et d' argent (dirhem),
assuren t aux région s lTlusulmanes
le cont rô le des éc han ges. Alors
que l'or s'est réfugié en Occident
dans les églises ct les monastères. il
circule dans tous les marchés. dans
toutes les vi lles ct dans IOules les
cours pri ncières de l' Islam. l es
monnaies d'or al moravides ct almo-
hades. d'excellente qualité. irriguent
pendant plusieurs siècles les régions
européennes où e lles deviennent de
véritables canons mo nétaires sous le
nQm de mor(lberil/Qs (ou maravédis)
et de dab/as (ou doublo ns) .
La domination des monnaies d'or
musulmanes sur ["Occident est totale .
À la lin du Xl< siècle, Alphonse VI de
Casti lle-Le6n prom it. pour le salut
de son :Îme, et de celles de ses ancê-
tres, de verser tous lcs ans six mi lle
morabetino.l" pour la con structio n de
l' a bbaye de Cluny. Par les échanges
commerciaux , par le butin et par les
rac hat s de captifs, l' or du G hana
tran site à travers le monde arabo-
musulman et pénètre peu à peu les
principautés chrétiennes d'Europe.
La mo nnaie d·or frappé e par
Alphonse VIII. '·roi de Castille ct de
To lèdc" ( 115 8- 12 13), imi te parfa i-
te me nt les di nars almoravides q ui
do minaient le marché occ ide ntal à
cette époque, alors même que cette
dynastie d' orig ine berbère avait dis-
paru e n 1147: même format. même
poids, même teneur en ur, même des-
sin circulaire, mêmc organi smion des
inscriptions, à l'exception de rajout
d'u ne croi x. Les formules chrétien-
nes sont un décalque des formu les
originales musulmanes avec reprise
de la ternlinologie musulmane (imûm,
(lmÎT, elc.). La frappe de la monnaie
d'or. droit régali en par excellence
dans le monde musulman comme
dans la chré tienté l:nine . devient
un support du combat idéologique.
Celle monnaie a dû être frappée par
d es a rt isa ns musu lmans capturés
par les Castillans. La question de ]:1
monnaie est au cœur des re lmions
e ntre pouvoirs chrétien ct musulman :
clle a des implications non seulement
techniques. en ce qui concerne l'ap-
provisionnement en or et la frappe,
m ais aussi idéo logiques, car elle
proclame la légitimité du pouvoir qui
la frappe en son nom. ou encore éco-
nomiques. parce qu'elle facilite les
échanges commercÎ<mx, en période
de trêve ou de paix, et politiques en
cc qu ·clle donne des moyens d' :lction
supplémentaires.
Au Xli< siècle, autour de la Mé-
d iterranée, mal gré les confl its, la
monnaie n'a jamais cessé d·être un
o ut il indi spensable au x éc ha nges
commerci:mx. au paie ment des tri-
buts entre princ ipautés rivales ou au
rachat des capti fs en période de trêve.
Les batai lles fréquen tes. les sièges de
vi lles ou les razzias contribuent si-
multanément à ]' essor du nombre de
capt ifs et à la mi se en pl:lce d'inst:m-
ces de rachat. Le rachat et l'échange
d e captifs devien nent une véritable
activité codifiée. D'un bout à ["autre
de la Méditerranée, le prix d'u n captif
s'é"lblit :' dix pièces d·or, même si
certains peuvent atteindre des som-
rnes beaucoup plus importantes en
fonction de leur qualité. L'Andalo u
Ibn Jubayr évoq ue le sort de ses ""frè·
res ct sœurs'· musulmans qui n' ont pu
Monnaie almoravide (1097)
et monnaie frappée par
Alphonse VUI de Castille 111841
. Monnaie almoravide frappée à Almeria, or.
diamèl re = 2.7 cm
. Monnaie d·Alphonse VIII de Castille frappée à
Tolède. 0'. diamètre = 2.6 cm
Projetable en transparen t
profiter des mesures de rachat. soit
parce qu'il s étaient trop pauvres. soit
parce quïls étaient éloignés de leur
patrie. ct ont connu ["esclavage. En
Islam. la libérat io n s'appuie sur des
principes de solidarité: dans la chré-
tie nté, des institutions spéc ial isées
appa rai .~se nt à la tin d u XII< siècle
au moment où les préocc upations
morales, éthiques et religieuses se
développent à propos du sort des
coreligionnaires aux mains de leurs
en nemi s : c'est le C:lS par exemple de
l'ordre des Mercédaires ou de celui
des Trinit:li res qui apparai sse nt alors
dans la péninsu le Ibérique.
Captifs maghrebins dans le royaume de
Jérusalem. XII" siècle
L'une des horreurs qui frappent les yeux de
quiconque habite le pays des chrétiens est la
vue des prisonniers musulmans, qui trébuchent
dans les fers et qui sont employés à de durs
travaux et traités comme des escla ves, et aussi
celle des captives musulmanes qui ont aux jam-
bes des anneaux de fer. Les cœurs se brisent à
leur vue mais la pitié ne leur sert de rien.
Une belle œuvre de Dieu en faveur des pri-
sonniers occidentaux[musulmans du Maghreb
el de la péninsule Ibérique], en ces pays sy-
riens devenus francs, est celle-ci : dans ces
contrées syriennes et ailleurs, tout musulman
qui. en mourant, prescrit sur son bien un legs,
le consacre spécialement à la d élivrance des
prisonniers occidentaux, en considération de
l'éloignement ou ils sont de leur pays et qui les
prive de tout autre moyen de délivrance hors
ce qui vient de Dieu: car ils sont étrangers,
séparés de leur patrie.
Ibn JlIbayr. Voyages. présenté ellradllil pa r M. Gaudel roy-
Demombynes. DoclimenlS relalils à I"histoire des croisa·
des publiés par l'Académie des Inscriptions el Belles·
Lemes. Pa ris : 1949·1956.
 lam et politique

LE monde musulman
a connu une évol ut ion
(1I//Ilk). al -Mâwardi affirmc que la
nécessité de la fonctio n d 'imâm/ca-
Dans l' cxtrait présenté, tiré de son
Trailé de politiqlle juridique IWllr hl
pol itique importante du Moyen Âge life est fondée non e n raison, mais réforme (III berger et tle 5011 frol/pea/l
à nos jo urs: à l' unité origi nelle. my- e n révélat ion, citatio n coranique il ( 1314), Ibn Taimi yya insiste sur les
thifiée. de " empi re califal succède la l' .. ppui . Comme le mppelle Bertrand devoirs du fidèle à l'égard du pouvoir
multipl icité des pouvoirs régioll:lux. Badie il propos de lapcnsée pol itique e t sur la préémi nence d u spirituel
des principautés concurrentes. Les en islam, la ""raison n'accède il aucun sur le tempore l. Au fidèle. qui n' est
co nllits internes sont c]Llal ifiés de statut 3utono me ct ne peut être te nue, ni di ri ge:mt ni miliwire, revic nt lc
ji/l1l1 (di vision. guerre civile) - le plus comme chez saint Thon13s, pour un devoir de consei l (mlsiha ) - tâche
grand malheur qui puisse affecter les instru ment perl11ellant il l'homme dont l'auteur s' 3cquille lu i-même
mus ulman s -. les califes n ' appar- d'3ccéder au juste directement, S3ns par son ouvrage - , de prière et de
tiennent plus à la tribu de Qumysh. conll3Ître la Loi de Dieu"". respect du précepte coranique : faire
le princ ipe dyna.~ t iquc sc substit ue à L'o u vrage d' ul· M âwa rdî es t le bic n et interdire le mal. Le propos
['élection par les notables. une police to ut ent ie r cons ac ré à ré so udre est assis sur une gradation de c it3-
civile dépendante d u souverain re m- l'inév it able te ns io n o ppOS:lnt Ic tions liées entre el lcs, é manant d'u n
place la police politico-rc ligicuse des pouvoi r-puissa nce d e l' holllme e t Compagnon (Mu',îdh b. Djabal ), du
mœurs. la hiérarchisation des tribu - lc pouvoir-autorité de Die u, 13 né- Prophète (hadilh ). ct finalem ent de
naux provoq ue la sécularisatio n pro- cessi té du prem ie r ct la lég itimité Dieu (Coran).
gressive du pou voir. des impôts no n du second . Cela contribue à do nner L'auteurdu troi .~ i è me texte est un
coran iques sont introd uits cn sus de à 13 construction du poli tique une réformateur chii tc ira nien. Mohscn
" l' aumône légale" (wkû/). Le nombre signific3tion d'acte de foi . Pourtant Kadi var. Cel ui-ci conduit sa crit ique
dc rouagcs. de fonc tions dc l'État Les sr(l/I11.{ gO/II·ememellfm l.l': sont dc la \'ela.\"lIt-e faqih. le "gouver-
c t de mesures d étermi nés par les loin d' être une application rigoureuse ne ment du clerc", dont le dogme a
conti ngcnces historiqucs. ainsi que de principes qui scrnient tous issus été mis cn place après la ré vol ution
la hiérarchi sat io n dc la société. vont du Coran . L'auteur fait appel non ist3nlÎque de 1979. il l'intérieur du
croissants. Or la religio n fondée par seulement aux normes dég3gées par champ religieux. Ce dog me réserve
Muhamlllad cst fonci èrcment égali- l'herméneutillue sun nite trad ition - à un indi vidu ou à un groupe d'jnd i·
tariste. Comment donc j ustifier tous nt~ lI c. mais aussi aux fait s historiques. vidus le contrôle de la lég itimi té. L3
ces écarts e ntre. d'une part . la norme To utes les décisions du pouvoir q ui critique pro no ncée est le fait d'un
prophétiq ue de référence. fondatrice dévient p3r rapport il la vision nor- clerc "".. utorisé", issu des institutions
de la théorie politique ""orthodox.c"". mative trad itionnelle sont réintégrées re ligieuses officielles, Poun .. nl. le
ct. d'autre part. la pr:ltique d u pouvoir par al-Mâward î pour qu i le calife fo nction ne ment et la logique mêmcs
ct les réal ités sociales? régularise la sit u3tio n aux yeux de de la construc tiOn politique et insti-
Né il Basra (Bassora) ct Illort il la norme religieuse, en fonct ion de tu tion ne lle héritée de la révolution
Bngdnd. al-MfLwardî (974- 1058). j u- l' arg ument de nécc§sité. is1:Jmiq ue sont ici qu e.~ t i o nn écs.
riste proche des calife.~ abbassides. est Ibn Taimiyya. j uriste hanb31ite, M . Kadi var in sis te sur l'irré-
célèbre pour son o uvrage intitu lé Le.f né en 1263 à H:lrriin (Turquie actue l- duc tible contrad icti o n du systè me
.\' /(111/1 .\' gOlll"em l'lIIelllwu:. Dans ce li- le), a enseigné li D:\m3s. Considéré poli tique iranien, pris e ntre 1'3ffir·
vre. il tente de réaffinner l' autorité du comme un penseur indépendant. il fut rnation de son car:Lctère républ icai n
souverai n. e n rédigeant un état précis e mpriso nné à di verses reprises pour ct dé mocratiquc - ce qu i impl ique
des pré rogatives califales. sanction- son opposition aux autres écoles ju- une certaine forme de contrôle po-
nées par la loi religieuse. Le passage ridiques sunnites. Il meurt d'ai lleurs pulai re -ct la prétention des d ercs à
proposé correspond au premier cha- e n prison. en 1328, après avoir été se faire les instruments d'u ne '·sou\'e-
pitre de r OUVr.lge. Fon logiquement. privé de papier, de plumes et de livres. r:lineté divine immédiate"", prétention
al· Mâwardi s ' y intéresse il la pre · Toute son œ uvre vise à Illontrerque le qui leur confè re le statut de ··califes
mière et pri ncipale charge de l' État. la devoir du prince, du savant, voire de de Dicu sur terre, de vice-régents du
di rection des CroylUltS. Face à ridée tout fidè le. est de convert ir l' autorité Prophète ou de l' Imam et de gardiens
que le califat prophétique :. pris fi n. de fait que chac un détie nt il un titre des rnusulm3ns"". À celle conception.
dès r établissement des Umayyades ou un autre en autorité légit ime, par M, Kadi varopposc la notion dc ··sou·
à Dam:ls (661 ), au profit d ' une fi - un effon personncl dc rest3ur.ltion de veraincté di vine démocratique"".
gure purement temporelle de royauté ];1 Loi d ivine.

AI·MâwardÎ :
du contrat d'imâmat,
XIOsiècle
AI· Mâwardi, Les statuts gouvernefrtfJn'
taux, lraduction Ë. Fagnan.
Paris: Le Sycorrore. 1982.
Ibn Taimivya : le
temporel au service
du spirituel, XI~ siècle
Ibn Taymiyya. Traité de politique juri·
dique pour la réforme du berger el de
son troupeau (1314). traduction Henri
Laoust. Alger. 1990.
Mohsen Kadivar cité dans Alain Rous·
sillon. La pensee islamique conlempo-
raine. Acteurs et enjeux.
Paris: Téraèdre. ~004 .
~institution de l'imâmal a pour raison d'ëtre qu'il supplée le prophétisme
[dont le Prophète a été le dernier représentant] pour la sauvegarde de la
religion et l'administration des intérëts terrestres. Il y a unanimité à reconnaître
que celui de la nation qui en exerce les fonctions doit nécessairement en ëtre
investi [ ... ]. Mais il y a divergence sur la question de savoir si ce caractère de
nécessité est rationnel ou canonique: les uns invoquent l'urgence de nécessité
reconnue par les gens raisonnables de confier à un chef le soin d'empëcher les
injustices des uns à l'égard des autres et de trancher les contestations et les
procès, car sans chef on vivrait dans l'anarchie et l'abandon, à la manière des
sauvages livrés à eux·mêmes. [...]
D'autres y voient une nécessité canonique, et non rationnelle, car, disent·
ils, l'imâm accomplit des faits d'ordre canonique dont il lui est, rationnellement ,
permis de ne pas rechercher la charge à titre d'acte de piété, de sorte que la
raison ne lui en fait point un devoir.
À raisonner, en effet, l'homme intelligent a uniquement à s'abstenir de faire
du tort à son prochain et de vivre en mésintelligence avec lui , à pratiquer loyale·
ment et amicalement l'équité vis-à·vis de lui , et ces procédés lui sont comman·
dés par sa propre raison et non par celle d'autrui. Mais c'est la Loi qui intervient
pour confier le soin des choses (humaines] à celui qui le représente. Allah s'est
exprimé ainsi: "Ô vous qui croyez, obéissez à Allah, obéissez à l'Apôtre et
à ceux d'entre vous qui commandent" (Coran, IV, 62). Il nous a donc imposé
catégoriquement d'obéir à ceux d'entre nous qui commandent, c'est·à·dire aux
imâms chargés de ce soin .
Le fidèle qui ne peut faire triompher la religion par l'exercice du pouvoir ou
par la guerre, mais qui s'efforce d'y travailler en prodiguant les bons conseils
(nasiha) que Dieu lui inspire, qui adresse ses prières à Dieu pour le salut de la
communauté, qui aime son prochain et fait tout le bien à sa portée, n'est pas
tenu de s'acquitter de devoirs qui lui sont impossibles. Les fondements de la
religion, comme Dieu l'a dit, sont le Livre qui guide et la Tradition qui aide. Cha·
cun doit donc travailler de son mieux pour préparer le triomphe du Livre et de la
Tradition, pour Dieu et avec l'aide de Dieu.
Le temporel, enfin, est au service du spirituet , ainsi que Mu'âdh b. Djabal
l'a dit: "Ô fils d'Adam, tu as besoin de ta part de ce monde, mais tu as encore
plus besoin de ta part de ,'autre monde. Si tu commences par ta part de l'autre
monde, elle t'apportera ta part de ce monde. Si tu commences par ta part de ce
monde, elle te fera perdre celle de l'autre monde, car ce monde est pour toi un
danger".
La preuve de cette prescription est donnée par le hadith que rapporte
Tirmidhî : "À celui qui , au réveil . se préoccupe de l'autre monde, Dieu inspirera
une conduite droite; il mettra la richesse dans son cœur, et ce bas monde
viendra se mettre à ses pieds. Celui qui, le matin , songe à ce monde, verra ses
biens dispersés par Dieu, il aura, sous les yeux, le spectre de la pauvreté, et il
ne pourra retirer de ce monde plus que la part que Dieu lui assigne".
La raison de ces prescriptions tient dans cette parole de Dieu: "Je n'ai créé
les génies et les hommes que pour qu'ils me servent; je ne leur demande pas
qu 'ils me nourrissent; Dieu seul est le dispensateur de toute substance ; il
détient une force invisible" (Coran, Ll, 56·57) .
a délégué la direction politique de la communauté musulmane à ses
membres eux·mêmes, de telle sorte qu'ils puissent exercer leur souveraineté
dans le cadre des lois islamiques. Cette souveraineté sur eux-mêmes leur a
été déléguée par Dieu et personne n'a le droit de leur contester ce "droit divin".
Les gens élisent leurs dirigeants parmi des candidats qualifiés, de sorte que,
dans le cadre d'une constitution compatible avec la religion, ils servent le public
sur la base d'un contrat ou d'une représentation (vekalaO . Puisque, dans ce
système, le fondement ultime de la légitimité est Dieu , et puisque la commu-
nauté exerce un droit conféré par Dieu et n'exerce sa souveraineté que dans
les limites imparties par la religion , il s'agit bien de souveraineté divine. Mais,
puisque ses membres sont en position d'exercer une médiation entre Dieu et
le gouvernement, ce qui engage un élément démocratique, il s'agit là d' une
~souveraineté divine démocratique".
 statut de la femme en isla
L E statul de la fem-
me e n i51:1111 est très
variable selon les pays el lcs périodes.
Dans les sociétés traditionnelles com-
me l' est la société afg hane. la femme
sort int égral ement couverte par le
voile local. la IJllrk{/, qui dissimu le le
visage e t le corps aux regards ex té-
rieurs. L'usage du voile ne consti tue
pas dans le monde musul man un déni
d'existence. un dénigrement ou un
refus du corps fémini n. comme le ré-
vèle les photographies exposées dans
cc salon de coiffure: som le voile. la
femme peUl être maquillée. parfumée.
sensuelle. voire érotique. Le voile ré-
serve ce l aspect de la fe mme au seul
"ayant droit" légiti me: l"époux.
Le droit musulman. représentatif.
en grande partic. de la réal ité anthro-
pologique CI sociale qui a prévalu à
sa mise en place. a entériné l'orga-
nisation des sociétés traditionnelles
proche-orientales et méditerranéen-
nes. ALI sein des espaces de grand
nomadi sme. la fem me est détentrice
de l'honneur du groupe . triba l ou
familial: elle est un trésor il protéger.
Le corollaire de cen e valorisation
de la fe mme est son exclusion de
l'espace public et des acti vités mas-
c ulines. Aux femmes sont réservés
l'inté rie ur de la maison. les act ivités
domesti ques et la gestion des biens.
Dans les campements et sous la teme.
e lles son! tenues é loignées du regard
des autres hommes par une cloison.
L'esp:lce des fe mmes et celui des
hommes ne se recoupent qu'au se in
de 1:1 fam ille proche. tous ceux avec
qui le mariage est impossible: les
aUlres femmes . le père. les frères
et les o ncles. L'espace publ ic et les
relat ions avec les autres tribus sont
réservés au x ho mmes. Quand les
fem mes ilpparaissent en public. c'est
donc cachées au regard des hommes
par un voile qui projene il l'extérieur
le clo isonnement do mestique. Mal-
gré toutes les vicissitudes historiques.
mal gré la modern isati o n actuelle
des soc iétés musu lmanes. ce statut
de la femme semble être un trait de
civilisation durable. un trait distinctif
par rapport aux aUlres civili sations.
sans que cela e mpêche les évolutions.
porteuses de crises et de réactions
plu s o u moins brutales.
Le message de Muhammad. tel
que le conservent les sources musul-
manes. te ndait à amé liorer le SOft de
ses contemporaines. en leur assurant.
par exemple. une part d ' héritage éga-
Ie à hl moitié de celle d'un homme.
Rappelons qu' en France. et plus gé-
néralement dans l'Occident chrétien.
jusqu'à la Révolution fran çaise. les
femmes. ainsi que les cadets. étaient
total e ment exc lus de I·h é ri ta ge .
Paradoxalement. aujourd·hui . dans
certai nes sociétés musul manes. les
fe mmes se voient privées de droits
(trava iller. conduire de s voit ures.
apparaître non voilées. part iciper à
la vie politique . Cl C .) sous des mo-
tifs religieux. Au sei n des sociétés
musulmanes. s 'opposent ainsi . d'un
point de vue religie ux et soc ial. les
tenants d'une application linérale des
prescri ptions muhammadien nes. ct
les tenants de l' amél ioration du statut
de la felTlme au nom de la fidélité au
modèle "progressiste" des décisions
du Prophète.
Gl obalement. le statut de la fe m-
me en islam s'est considérablement
amé lioré ces de rni è res décenn ies.
Depui s une quinza ine d·années. le
taux d 'ac tivité féminine augmente
dans une grande partie des rég ions
musul manes 11 partir de situations de
départ très diffé rentes les unes des
autres (Asie du Sud et du Sud-Est.
Maghreb. Moyen-Orient). Dans ces
pays. le port du voile semble être le
coro llaire de celte irrupt ion des fe m-
mes dans le monde d es hommes. Le
succès des idées islamistes dans les
sociétés musulmanes a permis par-
fo is. paradoxalement. une ascension
sociale des femmes da ns la société :
"r ascensio n par le voi le" . En Iran .
Salon de coiffure à Kaboul,
Afghanistan, 2002
Projetable en transparent
les femmes accèdent à des postes de
responsabilité. e lles votent et ont vu
proclamer l'égali té de le urs droits
avec ceux des hommes. L'insta ura-
tion du port obli gatoire du tchador
ou du foulard "islamique" y a donné
une impulsion à l'é mam.: ipat ion de
la femme: le voile a en effet permis
l' e ntrée en masse da ns les éco les
et les univers ités de filles que de
nombreuses fa milles trad itionnelles
refusaient de scolariser il r époque de
la monarchie. qua nd le pon du voile
était interdit. Les étudiantes co nsti ·
tuent aujourd ' hui plus de 50 % des
effectifs uni versitaires contre 25 %
il l'époq ue du sh5h.
En revanche. dans les pays laïcs.
co mm e la Turqui e o u la Fra nce.
l' interdiction du voi le suscite parfois
les réacti ons indignées de certains
mu sulmans pour lesquel s il s' agi t
1:'1 d'une atteinte :) leur liberté reli -
g ieuse .
'"La pre mière et dernière conver-
sation entre l'assassin ct la vict ime"
dans le rom:m Nâge du prix Nobel
de lillérature Orhan Pamuk met aux
prises le directeur. musulman. d'une
École normale qui interdit l' ent rée
de son écol e aux jeunes fe mmes
voilées. au nom de la lo i de l'État
turc. et un militant islll1l1iste envoyé
par une organisat ion clandestine
po ur l'assassi ner. Cet extrait oppose.
dans un pays musulman et laïque . la
rhétorique réduct rice et l"i nterp ré-
tation simpli ste et liuérale du te xte
coranique des islamistes :IU X not ions
de service de I·État. de laïcité ct de
liberté indi viduel le.
Quel sort réserver aux jeunes filles voilêes dans la Turquie laïque?
.....
~
Si vous craignez Dieu, cher professeur Nuri Yilmaz, et si vous croyez que le Saint Coran est la parole de Dieu,
cher maitre, alors dites-moi donc ce que vous pensez de ce trente-deuxieme saint verset de la sourate la lu-
mière ,; Dans ce verset, effectivement, il est recommandé d'une façon très claire que les femmes couvrent leur
tete et même qu'elles cachent leur visage. ; Bravo, maître, lU as répondu avec une belle honnêteté. Dans ce cas,
je peux encore poser une question? Comment fais-tu pour ne pas trouver contradictoire cet ordre de Dieu et le
fait de ne pas accepter les filles voilées à l'école? ; C'est un ordre de notre État laïc de ne pas admettre dans
les cours privés comme 8' l'êcole les filles voilées. ; Maître, pardonnez-moi, puis-je poser une question? L'ordre
de l'État est-il plus grand que l'ordre de Dieu. maÎtre? / C'es t une bonne question. Mais dans un État/aïc ces
choses sont différentes. / Tres juste, maître, je voudrais baiser votre main'. N 'ayez pas peur, maître. allez, allez,
a
que je baise satiété votre main. Oh, que Dieu nous bénisse. Vous avez compris tout le respect que j'ai pour
vous. Maintenant, maître, puis-je, s'il vous plaît, poser une autre question? ; Allez-y, je vous en prie. ; Maître,
être !aic c'est bien etre sans religion? ; Non, ; Dans ce cas, pourquoi n'acceptez-vous pas en cours nos fil/es
croyantes qui mettent vraiment en application leur religion? ; Ciel, mon fils. cela ne seri a rien de discuter de
ces sujets. Toute la journée, sur les chaînes de télévision d'Istanbul on parle de ces sujets; et quoi bon ? Ni a
les filles ne se dévoilent ni l'État ne les admet dans cette tenue en cours. / Bien, maître, puis-je vous poser une
question? Pardonnez-moi mais priver de leurs droits 8' l'éducation les filles qui se voilent, nos filles élevées à
grand peine, ces filles travailleuses, polies, obéissantes, est-ce que c'est en accord d'une quelconque manière
avec notre Constitution et avec la liberté d'éducation el de religion? Est-ce que votre conscience n'est pas
heurtée, dites, je vous en prie, maître? / Ces filles, si elles étaient si obéissantes, eh bien elles se dévoileraient.
{. . .} / Ma itre, pardonnez-moi, alors même que c 'est stipulé d'une manière claire dans les soura/es Ahzap2 et la
l umière du Saint Coran, veroe de Dieu, le désarroi de ces filles que vous opprimez aux portes des universités
ne s'insinue pas dans votre conscience? / Mon fils, le Saint Coran dit aussi qu'il faut couper la main du voleur,
pourtant notre État ne la coupe pas. Pourquoi ne te dresses-tu pas contre ça? / Très bonne question, maître, Je
veux baiser votre main. Mais est-ce que l'honneur de nos femmes c'est la même chose que /e bras du voleur?
{. . .} Maitre, s'il vous plait, puis-je poser une question? A abandonner sans éducation ces femmes qui se voilent
vous les mettez au ban de la société, est-ce que nous voulons vendre pour deux sous l'honneur de nos femmes,
comme dans l'Europe de la révolution sexuelle [H') ?

oman Pamuk, Neige, lladl.l'l du IUle pal Jean·François Pérou$ll, Paris Gallimard, 2005.

'Expression encore couranle da ,espac1 ilIl'adressu da pe~nes ilgêas BI da personnes considéréeS COITI!'I'Ie vénérables.
, Sourale 331.6S coaNslis'
 question de l'image
L A re ligion m us ul-
mane cst-ellc aussi ré-
ti ve il l'i mage qu'on le dil souvent.
cn invoquant r an des :lrabcsqucs. lcs
motifs géométriques et la call igra-
phie qui ornent les stucs, les boiseries.
les métaux ouvragés ct. de man ière
générale. tout [' "rti sanm dan s l'aire
de c ivil isation musulmane? A-t-elle
une spécifi té parrappon au judaïsme
Cl <lU c hristiani sme?
Il n' y a pas. dan s le Coran, de
théorie de l'image. En revanche. la
Tradition. sunnite et e ncore plus chi ite.
li formellement déconseillé [a repré-
sentation d'êtres possédant un souffle
vital. h urnain.~ ct a nimaux. C'est donc
moi ns L ut figurJ.tif en tant que tel que
la représentation d'ani mau x o u de per-
sonnes qui est condamnée par les ju-
ristes musulmans. Aussi les mosaïques
de la façade de Iii Gr.mde mosquée des
Umayyades de Damas, construite il la
fin du VII' siècle. o u celles du Dô me
du Rocher il Jérusalem, il la mê me
date . peuve nl-elles offrir au regard
des paysages, nota mme nt urbains. e t
des motifs fl orau x tout en respec tant
cct interd it c anoniq ue.
L'i dée q ui prév:lut. dans la Tr:ldi -
tion, est que les images SO IU impures
et donc im::ornpat iblcs :wec l' exercice
de la prière. L'interdic tion légale est
ai ns i liée d'une part à l'oppos ition
orig ine lle de la nouvelle religio n au
c ulte des ido les préi slamiques - la
s tat ua ire a donc touj o urs é té mal
vue da ns les milieu x religieux mu-
s ul mans - , d ' autre part il la cra inte
de voir le peintre concurrencer l'acte
c réateur de Dieu, dans la droite lig ne
du troi s iè me c omm ande men t de
Moïse: ''Tu ne te feras poilU d'image
taillée, ni de représentation quelcon-
que des e hoses qui sont e n haut dans
les c ie ux, qui sont en bas sur la terre,
et qu i sont dans les eau.'" plus bas que
la terre". En is lam, l'exclus ion d u
fi gu ratif de l' espace sacré en partic u-
lie r. et de l'espace public en général.
a cond ui t à réserver [':lrt fi g ur:ltifà un
usage privé et profane. à la différence
du <:hristianis me où l'image, parfoi s
l'icône. fai t l' o bjet d'une vénératio n,
centrale dans la dévotion. non sans
avoir s usc ité de débats, par exemple
lo rs de la c rise iconoclaste qui affecta
l'Empire byzant in au IX<siècle,
Un tou rnant important se produit
au X IV' siècle dans le domaine de
la m in iature, avec l' appa rition de
re prése nt a tions d u Prophète. Ce
manuscrit iranien est l'un des plus
anc iens témoig nages de celle mu -
tatio n : il représen te Muhammad, à
l'fige de douze ;ms, re ncontra nt le
mo ine Bahira qui lui an no nce sa
destinée. Lil scène mélange des sty-
les d ivers. c hinoi s pour les lraits des
visages. byzanti n pour la rép<lrtition
des personnages, irani e n pour les ca-
racté rist iq ues ves timel1laires et pour
les barbes. ct arabe pour le cadre ca-
ra vanie r de la re ncontre. La mission
prophétiq ue de Muhammad. dont la
jcunesscest symbolisée par l'absence
de barbe, est annoncée par le person-
nage androg yne (vraisemblablement
l'archange Gabrie l) (lUi. du ciel. par-
fume la tête de Muhammad.
Cette inno va tion est liée il ]';lP-
parilio n, dans le monde iranien. de
cours pri nc ières se livrant:lu mécéna t.
à l'influence de la peinture d'Extrê-
me-Orient c t à la d ifru s ion du papier:
certainement pas . e n revanche. à une
altitude doctrinale plus favorabl e du
chi is me au développement de l'image.
lei. la mi niature ill us tre d'ailleu rs
un texte commandé par le s ult an
Ghazfin Khfi n, installé il Tabri z, en
Iran, pre mier sultan mongol il opter
pour l' isla m, ct plus précisément pour
le su nni sme. L'appari tion de repré-
senta tions du Prophète re fl è te do nc
plutôt l'autonomi sat ion progres.~ i\'e
du domaine pol itique par rapport aux
interdits relig ieux. ilulOnomi satio n
qui débouc he finalement. après la
Pre mière Guerre mo ndiale, s ur le
développement ril pide de l'art de la
statuaire . Les hé ros de la nation SO I1l
Le jeune Muhammad reconnu
par le moine chrétien BahÎra ,
XIV" siècle
Miniature iranienne illustrant le JAmi' s !·TawârÎ/(h
("La Somme des Chroniquas'). histoire univor.>elle
é<:rite en 1302 par Rashîd ad·Din Faz·luH.éh
rabrb. a!1ribuéo au Mailro dOl> iCénol> do ''''''';\1 du
prophèle. parchemin. Taoriz , ~ers 1307
Université d'Édimbourg, Arabie Ms Or 20 1.43 v"
ProJetabte en transparent
im mortalisés par la scul pture et les
e ffi gies de souverains sc multiplient
pour débo ucher parfois s ur un vé ri-
wble c ulte de la personnalité. Même
dan s un pays wlIhhfibite (S lli van t
une interprétation liltérale du Coran)
comme le Qatar, le symbole national
est un ê tre an imé, une gazelle.
Depuis le XIX<siècle. Illllrqué par
l'essor des images, celte évolll!ion ne
suscite que peu de débats. La litho-
gmphie fa vorise le développement
et la diffus ion de l'image populaire,
Saladin étant un des personnages les
plu s re présent és , par exe mple s ur
les peintures sous o u sur verre de
Tuni sie o u de Turquie. Pourtant. c' est
la photog rap hie q ui va populariser
le portrait. mê me dans les milieux
traditionnels, com me le révèle ces
femme s voilées se prenant en photo-
grap hie dans un contexte "reli gie ux".
pui squ'il s' a g it d'un pè lerina ge à
Kerba la. Alors que les textes n'ont
pas c h:mgé, les prises de pos ition
des docteurs de la Loi ont évolué. Ce
n' est donc pas l'opinio n des o ulémas
qui façonne la société, comme on le
prétend so uve nt. c'est r évolutio n de
la socié té qui contraint ceux-i,:Î à re-
formuler le droit a fin de lég itime r au
moins partielleme nt cc qu i est déjà en-
tré dans les mœu rs. Ains i les oulé mas
s<loudiens, impuissants à interdire la
télévision, affinnent que l' inte rd iction
dépend du ty pe d 'émission regardée.
Et l'attitude rigoriste de certains wah-
hilbites refusant toute sorte d 'Image,
mê me photograph iq ue. a un impact
minime sur la soc iété.
Leseul espace qui reste aujourd'hui
préservé de cette prolifération oontem-
poraine de l'image est la mosquée.
 Une représentation de Damas? Mosaïque de la Grande $ciuvenir photographique à l'occasion d'un pèlerinage à Kerbala,
1-_;.;.0 mosquée des Umayyades, Damas, Ville siècle ~-.;; Iraq, février 2004
 lam et économie de marché
o E M ax Weber à
Maxi me Rodinson. de
nombreux auteurs onl posé la ques-
tion de l'adéquation de la relig io n
musulmane aux contraintes du capi-
t:l lislllc. Ce débat a traversé l'islam
lui-même. Si le prophète Muhammad
était un commerçant, cc qui s uffit à
fa ire du commerce un domaine vaIn-.
Tisé pour les mus ulmans, le Comn et
laTmdition musulmane interdisent le
ribll, notion dont l' interpréta tion ne
rait pas l'unanimité parmi les oulé-
mas: s' agit-i l de toul type d'j ntérêt
ou seulement de [' us ure?
Cette bande dessinée indonésien-
ne. écrite à l' ini tiat ive d 'Abd ullah
Gymnastiar qui. comme beaucoup
d'autres. a fa it forlune grâce à ses
activités de téléprédicatcur. oppose
deux types dïslam à travers l'exem-
pic de jeunes Indonésiens souhaitant
se faire un peu d'argent de poche en
ve ndant des petils pains. Dans la pre-
mière pl:mche, l'I/s/(Ît/II ( pro fesseur,
savalll en religion) auquel ils s' adres-
sent défen d un islam ··extralllondain".
vis.mt au salut dans l'au -del à par 1:1
prière o u l' ascèse. hors du monde
d 'id-bas : dans la deuxiè me plan-
che. au commire, un aUlre re ligieux
les encoumge à pratiquer un islam
" intramondain", mêlant spiritu:ll ité
imime et enrichissement ve rtueux.
Le d iscours de légitimation de la
ric hesse individuelle par un travail
vert ueux. s' il n'est pas nouve.lU . dis-
pose aujourd ' hui de moye ns de com-
munication de masse. I)our certains
prédicateurs, le nouveau jiluid Il 'est
plus le martyre ou la révolution. mai s
le s:llut par les œuvres. Ils justifient
ainsi leur propre richesse et celle de
leur public. constitué e n partie de
classes moyennes pieuses. Le Corom
stigmati se l'impiété h:lbituelle des
riches: c'est donc une richesse pic,
signe de 1:1 gr.ke divine, une piété
dans l'opulence que prétende nt pro-
mouvoir ces "stars islamiques" du
pet it écran.
À l'échelle du monde, cene nou-
velle islamité se défin it en panie en
o pposition au libérali sme occiden-
tal. dont elle a néanmoi ns récupéré
certaines des valeurs et des techni-
ques . Elle cherche à promouvoir une
fomle "d'économie islamique". entre
capitalisme ct soci:tlisme: du capita-
lisme elle retienttOUles les technique...
concrètes. du social isme la redistri -
bution d'une p.."lTI des bénéfices à des
œuvres sociales ou à des causes. Cest
leca~ de Me<.'Ca-Cola. boisson gazeuse
ayant fait l'objet d'un vaste marketin!l.
dont 20 % des bénéfices sont distri-
bués à des œuvres. la moitié de ces
20% devant revenir aux enrants de
Palesti ne. De mc!me. dans les gmndes
banques "islamiques". un consei l de
surveillance vei lle au car.lctère légal
(du point de vue du droit religieux) de.~
techniq ues finan cières utilisées: en
fai t. ce conseil est chargé de dél ivrer un
label "islamique". Comme on le voit
dans l'article d·e!· \lhftlll. il s' agit le
pl us souvent de donner un nom issu de
la tradition commerciale ctlinan.:ière
du monde mus ulman (murâ/)aha par
exemple) li un dispositir bancaire ou
financi er existant pour "l·islamiser'·.
Mal gré les appare nces. il n'y
a rien de nouvea u dans l'islam de
/-_u
~ ne étiquette de Mecca·Cola , boisson lancée en France en nov. 2002
"L'islam de marché" enseigné
aux enfants en Indonésie, 2002
Rana R.Natawigena (dessins). Ariyanti Pratiwi
(leXIes). Saudagar KsciI('1Jn pelit marchand").
Bandung : MO media. juin 2002.
Traduction de l'indonésien : Gwenaêl NjoIo-
Feillard
ProJetable en Iransparenl
m:lr.:hé : voilà bien des siècles que
les docteurs de la Loi utilisent la
te.:hnique de la hNa ( l' astuce ou
ruse juridique) pour légiti mer la
lettre de change hier. les prêts à in-
térêt aujourd· hui . La mondialisatio n
contemporaine des économies, les
dis ponibilités financière s de certains
États mus ulmans, l'essor de classes
moye nnes sol va bles ct l' existence de
nouveaux moyens decommu nication
propul sent s ur III scène médiatique
des déba ts qu i ex istent depui s des
siècles dans le mo nde musulman ct
débouchent sur une "marchandisation
du reli!lieux". quel les 'lu 'en soient les
moti vations. Ainsi. les produits lU/Mf
(" lici tes") sont destinés à concur-
rencer des produits équivalents non
musulmans. Tels sont les paradoxes
de cct "i.~ 1:U1l de m:lrché". contraint
à ];1 re ntabilité et à la soumi ssion aux
règles d'un marc hé mondial domi né
par les économies occidentales. et ti-
mm profit des exi!lences momIes des
classes moye nnes musulmanes.
 ~~2J~
. ,~.::œ~~~~::~~~~~
:~~~~~::M~s............... ; ~ esl vra_
de conala!&r que noire pays esl encore
Oésler'IGanl de I ·~ ra nge r . _
lrisl.

qu'~ IISI ritt>e

.., r' UOJretll r\II(u'eIes.

Le crédit version ~halAI" en Algérie. 2006

~......
Depuis quelques mois. El Baraka Bank est devenue La Mecque de nombreux postulants au financement bancaire. Cette insti·
lution de droil algérien, qui appartient à hauteur de 50 % à la Badr et le reste au saoudien cheikh Sa/ah Abdallah Kamal, basé
au Bahrein. offre une "couverture religieuse à ceux qui rechignent à s'engager avec les banques conventionnelles. Un créneau
M

Irès porteur qui place El Baraka dans une position de monopole. "Contracter un crédit. c'est bien. mais avoir la "baraka" , de
r..
Dieu. c'est mieux 1". Cette formule f résume parlaitement l'état d'esprit de ces milliers d'Algériens qui ont choisi le financement
a
islamique de leur voiture via El Baraka. Et la formule semble marcher merveille pour cette institution présente depuis une
dizaine d 'années en Algérie. Lancé en 2003, ce crédit version -halâl" a atteint, le mois dernier, seize milliards de dinars, soit
160 milliards de cenlimes. Karim Saïd, le responsable marketing s'enorgueillit de ce que El Baraka Bank soit leader ~dans le
financement automobile" avec pas moins de 32 000 véhicules financés. (.,.)
"Le marché de l'auto va encore exploser, on doit se préparer pour intéresser un maximum de dients", précise Karim Saïd.
Intéresser d'accord, mais pas par , .. "intérêt". Ce mot fâche beaucoup les responsables de cette banque, c 'est pourquoi il est
soigneusement enserré entre guillemets. Pour El Baraka, la notion d'intérêt est la ligne de démarcation avec les autres banques.
"Nous ne prélevons pas d'intérêt, mais juste une marge bénéficiaire qui est calculée sur la valeur du bien, parce que, pour nous,
l'intérét est péché (haramr,
Pour El Baraka , les choses sont claires : ~Le banking islamique suppose que la monnaie ne peut pas être elle-même créatrice de
surplus ". En termes simples, il est interdit de prêter de l'argent moyennant un remboursement plus conséquent. L'argument étant
que la monnaie possède une valeur d'échange et que, à ce titre, elle doit élre au préalable transformée en un bien réel ou un
service pour justifier la marge bénéficiaire, appelée la murâbaha. Et cette marge ne se justifie que s'il y a une opération d'achat
a
ou de vente du bien ou du service, Pour schématiser. le crédit auto El Baraka est une opération qUI consiste pour cette banque
à acheter une voiture au choix du client, qu'elle lui revend â un prix supérieur (la marge) suivant un échéancier préétabli. (.,.)
Chez El Baraka, le banking islamique n 'est pas un vain mot. Tous les chiffres et tous les dinars amassés grace aux différentes
opérations bancaires sont passées au crible. 1/ faut contr61er la conformité des bénéfices aux normes édictees par la charia. C'est
ainsi qu'à chaque fin d'exercice, trois auditeurs de charia [envoyês par la maison mère) et spécialisés dans le fiqh 2 vérifient les
comptes de El Baraka. Et si, par hasard, un dinar supplémentaire est détecté, il sera directement versé sur un compte spécial
a
qui sert financer les actions caritatives de la banque.
Hassan Moali. ' Le crédil vers.ion halAf . EJ,Willan. 26 mars 2006.
, Bénédiction
• Dfoil musulman
 lam radical
ilL ' I SL AM ISME",
ou "islam radie .. !"", cst
conçu par les spécialistes de la ques-
tion co mme une idéologie. un projet
de société. mêlant inlirnclllcn! Ics d i-
mensions religieuse. sociale ct politi-
que. Deux gmndes interprétat ions de
''l'islamisme'' se sonl mises cn place
depu is les années 1980: la première
n' cn connaît. pour construire ]' expli-
cutio n de la totalité du phénomène
de "l'islamisme", que l' expression
la plus radicale: assassi nat , e n 198 1,
du prés ident égyptie n Anou:lr al -
SlIdatc. cn raison de la sign:lture du
traité de paix avec Israël deux ans
plus tô t à Camp David, révolution
is lamique d'Iran cn 1979 ... pro-
longés récemme nt par les allentats
de Bali . de Khanoum. de Knrachi.
du I l septembre 200 1, elc. L' autre
interprétat ion, défendue notamme nt
par Françoi s Burgat. conteste la
précédente: e lle met l'accent sur
la dimension cu lturelle , identiwi rc
et nation:l li ste du phénomène, en
:lIIé nuant et en contexlU:lli sant sa
dime ns io n strictement re lig ieuse,
en considérant comme relat ivement
margi nale sa composante ex trémiste
et en déno nçant par-dessus tout son
antinomie supposée :I Vec les dynam i-
ques de modernisation sociale et de
libéralisation politique,
Le deuxième texte est extrait de
la profession de foi de l' organismion
d es Frères musulmans, fondée en
1928 par Hassan al-Bannâ, dans la
continuité d'un v:lste mouvement de
réfonne lancé à hl fin du XIX' siècle
par des in te llectue ls mus ulm ans
e t con nu sou s le nom de Nllluill
(<<éve il "). Né e n Égypte e n 1906,
Hassan al-Bannâ re<,"Oit une éducmion
rel igieuse traditionnelle, entre dans
un ordre soufi et devient instituteur
e n 1927. Après avoir comme ncé par
prêcher dans les cafés, il décide de
form er une confrérie à but moral et
éducatif. qui a un gr.lIld succès en
Égypte et e n Syrie, Le mou veme nt
veut accéder au pouvoir par l'éduca-
tion du jX!uple (art ,2), L'organisation,
uès anticommuniste, prône un anti -
co lon iali sme virulent (art.5) et. en
même temps, une OPl>osition résolue
au n:lt io na lisme au nom d u pan -
isl:lmisme, Après l' assassin:lt de son
fondateur en 1949, le mou\'ement des
Frères musulmans se TlIdicalise sous
l'influence de Mawdûdî ( 1903- 1979),
un théologie n réform:tteur fondamen-
tali ste pakist:tnais. et de Sayyid Qutb,
jX!nseur égyptien qui dev ient un des
chefs de l'organ isation, e n 1954.
Arrêté, Sayyid Qutb est condamné:1
mort et exécuté en 1963.
Le mouvement des Frères mu -
sulmans constitue le prototype des
futurs pan is "islamistes", désireux
de réi sl:lmiser l:t société par le bas.
en vue de l' avène ment d'un État
islamique et de la restaur:ttion du
califat origine l. mythifié, Tous ces
mouvements, qui sont par ailleu rs
anticolonialistes, développent l' idée
que le despotism e est e n partie
responsllble du retard des soc iétés
musulm:tnes, Ils s' inscrivent d:tns la
tradition de contestation du pou voir
politique par les ho mmes de religion
et manifeste ni la pé rennité, d:tns
le monde musulman, du lien cOIre
l'islam et la cité, et 1:\ cap:tcité des
ou lémas à lég itimer ou discréditer
les pouvoirs en place,
Dan s la sec onde moi t ié du
XX' siècle, le mouvement de réfo rme
mu sulma n, dont les Frères musul-
m:ms ne sont qu' un :tspect. héritier
d'une longue tradi tion de contesta-
tion.:t combattu les régimes en pl:tce
aux côtés des partis d'opposÎtÎon ,
laïques. soci:tlistes ou communisles,
libéraux et démocrates. Pendant la
guerre froide, cc COUr.UII de contes-
t:llion a été re lati vement é p:l rgné
p:lr des pouvoirs souvent alliés aux
États-Unis, alors que tOUles les autres
oppositions ont été comb:tttues très
fe rmement. Seuls les régimes laïcs
socialisllnls de Syrie et d' Iraq ont
ré primé les partis réformat eurs mu-
sulmans, surtout après la Révolution
islamique dïmn. en 1979.
En 1996. Oussama Be n Laden
lance une déclarat ion de guerre aux
Étals-U nis qu'i l accuse de profaner
la terre sacrée de La Mecque ct de
Méd ine, les deux "sanctuaires", mais
aussi d 'agresser les musulmans par-
tout dans le monde. Occultant toul
aut re cons idérati o n (écono mique,
stratégique, etc,), ce texte, de manière
caricaturale et manichéenne, réduit
les mot ivations de to us les conn its
à des questions religieuses. Il mêle
théorie paranoïaque du complot CI
références historiques contradictoi-
res aux CroiS:ldcs, Il fei nt d'ignore r
l'e xiste nce d'une forte minorité
chrétie nne arabe p:l lestin ie nne. Il
rédu it les lie ns hi storiq ues ent re
les États- Uni s et l'Arabie saoudite.
le Pakistan. la Turquie (les " valets"
évoqués dans le texte) à un simple
rapport de vassal ité ... et surtout .
au nom de l' unité rêvée de tous les
musul mans, il passe sous silence III
rivalité millé naire entre chiites et
sunnites ct la di versité de l'islam,
L'islam radiclli trou\'edesadeptes
en pan iculicrau scin du wahhâbisme.
une réforme du h:tnbalisme (une des
quatre écoles j uridiques sunnite s,
éga lemen t cou r:lllt théologique).
qui prône l'application rigori ste Ct
littérale des préceptes coraniques,
Les wahhâbites se disent sala/isles,
c'est-à-dire "respectueux des pieu.x
ancêtres", Cerl:ti ns, des intégristes
qu' on pourrait qualifier de " puritai ns
de l' islam", prônent une ré forme
p:tc ifique des mœurs: d'autres. e.x·
trê mement minoritaires, se to ur-
nent vers le néo fondamental is me
et J':lction :trmée contre l' Occident.
considéré d:ms son ensemble comme
l'ennemi de l'islam ,
r

Bien davantage qu'une hypothétique ~ résurgence du religieux nous vou-

R
,

Ions redire ici que la matrice de l'islamisme n'est aulre que la reformulalion ,
avec un lexique plus endogène, de la vieille dynamique nationaliste ou anli-im-
périaliste arabe. t..:apport du passage au langage Ureligieux a bien sûr été de
R

faciliter la condamnation éthique d'un Occident perçu bien moins comme chré-
tien que comme ... déchristian isé el matérialiste. Ressenti comme endogène,
François Burgat : ce tangage a de su rcroît el surtout répondu au besoin des anciens colonisés
qu'est-ce que de se (re)différencier de l'Occident - moins d'ailleurs que de le renier - et de lui
l' islamisme? redonner, en s'écartant de lui , tous les attributs de l'altérité. [Les] raisons que
donnent bon nombre de leaders ~ nassériens" ou ~ baassistes" de leur ~recon­
François 9o,gal. L'islamisme en lace. version" à l'univers de la pensée religieuse illustrent bien cette continuité : peu
Paris : La OécouverlelPoche. 2' édition.
2002. à peu , le lexique endogène de la culture musulmane héritée leur est apparu
plus apte que les concepts importés du marxisme (qui inspiraient auparavant la
gauche arabe) â exprimer leur ferveur nationaliste.
Cette ~généal ogie" de l'islamisme permet de mieux comprendre pourquoi la
résurgence des catégories de la culture islamique n'a pas nourri une mais une
infinie variété de projets politiques. [ ... ] Dans la sphère des relations entre le
Nord "judéo-ch rétien" et le Sud "musulman", les messages des groupes qui ont
adopté "l'action d irecte" depuis le milieu des années 1990 confirment la centra-
lité de l'hypothèse ~a nt Hmpérialiste" - mais, pour ne pas prendre le risque d'en
"faire le jeu", ou peut-être aussi parce qu'ils ne sont pas toujours agréables à
entendre, on a souvent omis d'en rendre publique la teneur.

Le credo des Frères
musulmans, 1935
C~é clans OIMe' Carré el Michel Seurat.
Les Freres musulmans (1928-1982).
Paris : L.:Harmaltan, 2001.
1. Je crois que tout est sous l'ordre de Dieu ; que Muhammad est le sceau
de toute la prophétie adressée â tous les hommes, que la Rétribution [éter-
nelle] est une réalité , que le Coran est le Livre de Dieu , que l'islam est une Loi
complète pour diriger cette vie et l'autre. Et je promets de réciter [chaque jour]
pour moi-même une section du Coran , de m'en tenir à la Tradition authentique,
d'étudier la vie du Prophète et l'histoire des compagnons. [... ]
2. Je crois que l'action droite, la vertu et la connaissance sont parmi les
piliers de l'islam. (... ]
4 . Je crois que le musulman est responsable de sa famille, qu'il a le devoir
de la conserver en bonne santé, dans la foi , dans les bonnes mœurs. Et je
promets de faire mon possible en ce sens et d'insuffler les enseignements de
l'islam aux membres de ma famille. Je ne ferai pas entrer mes fils dans une
école qui ne préserve rait pas leurs croyances, leurs bonne mœurs. Je leur sup-
primerai tous les journaux, livres, publications qui nient les enseigneme nts de
l'islam, et pareillement les organ isations, les groupes, les clubs de cette sorte.
5. Je crois que le musulman a le devoir de faire revivre l'islam par la renais-
sance de ses différents peuples, par le retour de sa législation propre , et que
la bannière de l'islam doit couvrir le genre humain et que chaque musulman a
pour mission d'éduquer le monde selon les principes de l'islam. Et je promets
de combattre pour accomplir cette mission tant que je vivrai et de sacrifier pou r
cela tout ce que je possède.

Ben Laden : déclara-
tion de jihâd contre
les Américains, 1996
Oussama Ben Ladon. -Déclaration de
jihAd contre lM Américains qui occup&nt
le pays cI8s deux ~eux saints".
23 ao(ll 1996
Cité dans Gilles KepeI (di •.). AI·Qaidll
dans 16 lexIe. Pa ris : PUF. 2005.
Chacun d'entre vous sait quelle injustice, quelle oppression, quelle agres-
sion subissent les musulmans de la part de l'alliance judéo-croisée et de ses
valets! À tel po int que le sang des musulmans n'a plus aucun prix, que leurs
biens et leur argent sont offerts en pillage à leurs ennemis. [ ... ] Et tout cela au
vu et au su du monde entier, pour ne pas dire en raison du complot des Amé-
ricains et de leurs alliés, derrière l'écran de fumée des Nations Injustes Unies.
Mais les musulmans se sont rendus compte qu'ils étaient la cible principale de
la coalition judéo"croisée, et toute cette propagande mensongère sur les droits
de l'Homme a laissé la place aux coups portés et aux massacres perpétrés
contre les musu lmans sur toute la surface de la terre.
La dernière calamité à s'être abattue sur les musulmans, c'est l'occupation
du pays des deux sanctuaires, le foyer de la maison de l'islam et le berceau de
la prophétie, depuis le décès du Prophète et la source du message divin , où se
trouve la sainte Ka'ba vers laquelle prient l'ensemble des musulmans, et cela
par les armées des ch rétiens américains et leurs all iés! Il n'y a de force et de
puissance qu'en Dieu!
 islam et la France au Maghre
- L ES relations de la
France ct du Maghreb
sont com plexe s. De la mort de
Louis IX. futur Saint Louis, devant
Tunis e n 1280. à la renconlre de
footba ll France-Algérie au Stade de
France en 2003, e lles sont passées par
toute la gamme de la fascination à la
haine, des échanges pacifiques et de
la m ixité des unions à la plus grande
violence. Cela ne relève pasdu conflit
de c ivilisations mai s d'une hi slOi re
où l'i slam a pu servir de référent
idéologique ou idcnti tairc.
La conquête de [' Algérie par la
France. à part ir de 1830, a été extrê-
mement violente. Abde lkadcr ('Abd
al-Qâdi r). né en 1808 il l'ouest de
Mascara (ou Mouaskar. Algérie), est
un théologien mystique issu J"une
f:tlni lle chérifi enne - c' cst-i't-dirc cen-
sée re monter au Prophète par 'A li et
Fâti ma -qui dirigeait une ZlÎll'iya (er-
mitage) rallachée à la confrérie soufie
Qlidiriyya. La conquête française le
<:onduisit à rés iste r par les armes.
Favorisé par son savoir, son charisme
et sa réputation, Abde lkader prit la di-
rection du mou veme nt qu i visait tout
à la fois à réformer les mœurs politi-
ques de la société algérienne, à rendre
l'Algérie indépendante de la tutelle
ollomane ct à résister il l'invas ion
françai se. Les référents po litiques
d'Abde lkader sont tous issus de la
plus pure tradition arabo-musulmane,
comme en témo igne l'allégeance que
lui prête un groupe de tribus en 1832.
Dans sa forme même (style, structure
et vocabulaire), cet acte d'allégeance
s' inscrit dans une tradition remontant
aux origi nes de l'islam, En outre, les
référenœs au désintéressement , il la
luite <:ontre l'ennemi (fr:mçais), à
l' unificat ion des tribus par la réforme
des mœurs, à l'i mpémtif de justice, au
titre <:al ifal de "prince des croyants"
et à la c rainte du chât iment divin
s'intègrent toutes dans le cadre d' une
pensée politi<:o-religieuse, é laborée
par les grands penseurs musul mans
au cours des siècles et actual isée en droit musulman, négativement. une
fonction du contexte. Les devoirs instrumentalisation de la relig ion pm
évoqués sont ceux, traditionnels, du
calife: guerre défensive (jiIIlÎd) pour
un homme politique.
L'atti tude de la France à l' égard
protéger le dtir a/-i.rllÎm ("territoire de l'i slam alla de la répression , avec
de l'i slam"), justice , paix sociale, le gouverneur général Bugeaud en
respeci des principcs de la Lo i d ivine Algérie, au respect ct à 1":Idmiratio n,
el de l' exemple muhammadien. avec le m:lréch:ll Lyautey au Maroc.
Tels sont les cadres de la pensée Ce dern ier avait l'intuition que les
politique dans la presque totalité du Européens en terre d'I slam étaient
monde musul man et te ls sont les ré- '"de tro p", qu'ils s'étaie nt imposés,
férents obligés de toute réforme, de sans y avoir été invi tés. Celil faisait
tout discours politique, Même Habib d' eux des profanateurs, Pour atténuer
Bourguiba. le premier président de les sources de ressentiment possible,
la Tuni sie, héros de l'indépendance pour amortir le choc de l'irruption
du pilys (1956), ratt:lche son combilt des Françai s, Lyautey préconise de
contre la pu issance coloniale fran - préserver l'intimité du culte et l' in-
çaise aujilJ{jd, à la lutte pour la libé- tégrité des musulmans, Il prend ai nsi
rat ion des terres musulmanes et à la plu sieurs mesures parmi lesq uelles
"sauvegarde des valeurs de l'islam" . l' interdiction d'accès aux Européens
ll utili se même cet argument dans Li n dans les sanctuaires mu sul man s:
discours incit:Ult ses concitoyens il ne mosq uées, zliwiy a- s, cimetières,
pas respecter le jeûne du ramadan, madra.w-s. Apparemment, ces me-
pourtant un des cinq "piliers de l'is- sures pri ses par arrêtés municipaux
lam", pour ne pas nuire il l'économie ne furent pas relayées par le sultan
du pays, Pour al ler contre l' avis des et ne semblent pas avoir répondu à
ou lémas consultés . qu i ont refusé une demande des Marocains, C'est
d'interdire le jeûne, Bourguiba fa it aujourd'hui une originalité du Ma-
:Ippel à un l1tulÎlh sur la récompense ghreb par rapport au reste du monde
divine qui :m end to ute personne musulman que l'entrée des mosquées
pratiquant l'ij liluÎl/ (e ffort d'inte r- soit toujours interdite aux non-musul -
prétm ion de la Loi) : récompense mans.. . il la suite d'une décision de la
simple en cas d'erreur, récompense pui ssance coloniale,
double en CotS de bonne décision. Les
ou lém:ls consultés par Bourguiba se-
raient, selon lui, rétifs il l' inte ll igence
et se contenteraient de répéter sans
réfl ex ion ce qu' ils ont appris, c' est-à-
dire de pratiquer le /aq/ùi ("imi tation
servile"), contre l'exemple mêmede
Muhammad, l'I nnovateur par excel-
lence. Ces références au Coran et à la
Tradition (SIIIIIW) assoient les propos
de Bourguiba sur les fondeme nts
traditionne ls d u droit musulman
(jiqh ) et lui permettent de présenter
sa d éc ision comme une [a/wu ou
consultation juridique, el lu i-même
co mme un II/Iifli pratiquant lïjlihâd.
Lu positivement. cc discours est une
tentative élaborée de ré forme du

Cité dans BnH1(l Étienne, AbOOlkad6r. IsrhfTlfl
des/srhmes. Paris : Hachette. 1994.
, Sui! une lisle de tribus
• C·est·A·dire AbdeIkader, !orme irancisée du
nom arabe
Lyautey: les Euro-
péens inte rdits
de madrasa-s, 1921
NOie de service du maréch.a l Lyautey ' au sujet
des madrasa-s (Universilé,)". 18 mai 1921 .
çitée dans Lraurer l'A/ricain. éd. P. Lyauley. 1. 4 .
Paris : Plon. 1956.
Bourguiba:
la "réforme
du jeûne", 1960
Habib Bourguiba. "la rérorme du jeûne- (dis·
çours de Tunis, 18 lévrier 1960).
cilé dans Jean Rous. Habib Bourguiba.
ROmOrllOtin : Editions Mar tinsart 1984.
' Les ()Ulémas. enseignant le droit lit la théolo·
gie musulmans
vous shuyûkh et oulêmas, à vous gens des tribus, et en particulier à vous
nobles d'épée, notables et marchands, savants, à vous tous, sal ut! [ ...j Les
habitants des régions de Mascara , [ ... jleurs voisins et alliés ' [... 1 et d'autres
encore non dénommés, sont unanimement convenus de me confier l'autorité
su prême de notre pays [ ... j. En conséquence, et bien que je m'en sois énergi-
quement défendu , j'ai accepté d'assumer cette lourde tâche. dans l'espoir de
pouvoir être le moyen d'unir la communauté des musulmans, d'éteindre leurs
querelles intestines et d'apporter une sécurité générale à tous les habitants de
ce pays, de mettre fin à tous les actes illégaux perpétrés par les fauteurs de
désordre contre les honnêtes gens, de refouler et de battre ,'ennemi qui envahit
notre territoire dans le dessein de nous imposer son joug. Comme condition à
mon acceptation, j'ai imposé à ceux qui m'ont délégué le pouvoir suprême, le
devoir de toujours se conformer dans toutes leurs actions, aux saints préceptes
et à l'enseignement du Livre de Dieu et de rendre la justice, dans leur ressort
respectif, suivant la loi du Prophète, loyalement et impartialement, au fort et au
faible, au noble et au vertueux. Ils ont souscrit à cette condition. Je vous invite
donc à confirmer celle promesse et le contrat passé entre nous. En conséquen-
ce, hâtez-vous de manifester votre allégeance et votre obéissance. Puisse Dieu
vous apporter la prospérité en ce monde et dans l'autre. [... ] Par ordre du défen-
seur de la foi, notre souverain, le seigneur prince des fidèles, 'Abd al-Qâdi r!l ibn
Muhiy al-Din - Que Dieu lui donne la victoire. AmÎn .
Le Résident général rappelle que l'entrée des madrasa-s est en principe in-
terdite aux Européens. Ces établissements de caractère religieux sont réservés
à l'étude et à la prière, ne peuvent être considérés comme des lieux de visite
touristique et ne doivent en aucun cas être ouverts à des caravanes de voya-
geurs ni à des collectivités. Des abus se sont introduits depuis quelque temps à
cet égard. De nombreux manques de tenue, de correction et de discrétion ont
été signalés. Des dames y ont pénétré contrairement aux règles les plus strictes
de ces établissements religieux. Des réclamations légitimes se sont produites
de la part des fidèles.
D'accord avec S.M. le sultan, le vizir des habüs et le pacha de Fès, ne
peuvent y entrer à titre exceptionnel et individuel, dans l'intérêt de l'Art et des
recherches historiques ou pour des motifs de haute convenance politique, que
les individualités nominativement désignées par les autorités [ ... j et accompa-
gnées d'un de leurs agents.
En tant que chef d'État musulman , je peux moi aussi parler au nom de la
religion. Tout le monde sait ce que j'ai fait pour l'islam à un moment où les profes-
seurs!, qui s'en tiennent aujourd'hui à une prudente réselVe, ne manquaient pas
de complaisance à l'égard du régime colonial [ ... j. Pendant ce temps nous étions
en train de lutter pour la sauvegarde des valeurs de l'islam. C'est un fait qu'elles
dominent, aujourd'hui, la vie de ce pays.
Si j'ai sollicité l'avis de ces professeurs, c'est pour que notre action se recom·
mande de l'adhésion unanime. [... J Il est inconcevable que nous puissions consen-
tir à dilapider tout un mois de travail alors que la religion elle-même prévoit des
tolérances, aussi bien dans le Coran que dans la tradition du Prophète. Chaque
lois que les exigences du temporel se sont révélées difficiles à concilier avec
l'obligation du jeûne, notre Pmphète a fait prévaloir la logique et la raison d'Êta!.
Malheureusement, nos pmfesseurs appartiennent à une catégorie d'esprits
qui se refusent à raisonner et à se faire un jugement propre à la lumière des en-
seignements du Coran et de la Tradition . Ils n'en ont pas l'habitude. C'est inhérent
à leur formation. {... J
Il faut donc commencer par le commencement, compter sur l'intelligence et,
pour cela, la libérer de tous les complexes. D'ailleurs, l'islam est la seule religion
à avoir encouragé l'esprit d'initiative. t..:homme qui cherche, mais se trompe, a
son mérite. Celui qui cherche et aboutit à des conclusions saines est doublement
méritant. Ce noble enseignement devra toujours nous guider. [... j
Dans la mesure où le jeûne se révélera incompatible avec l'effort, il ne faut
pas se priver du bénéfice des tolérances. On pourra alors rompre le jeûne, la
conscience tranquille. C'est ma tatwa [... J
 lams d'Europe
UNE simple comp:!-
misan e ntre les lie ux de
prière musulmans e n Euro pe conduit
au constat de l'historic ité de l'islam
e uropé e n. A li X g rarHt es e l he ll e .~
mosq uées d' IstanbuL de S:mljcvo.
de Bu lgarie o u de Chypre. s'oppo-
sent les s<llles de prière improv isées.
dans dc.~ hangars et des caves o u. ici.
da ns un "Centre cullUTcl fr<ln ça is
mU Sli Iman".
En Europe occ ide ntale. la prése n-
ce de populations musulmanes nom-
breuses dale des Trente Glo rieuses. de
la période de c roissance au co urs de
laquelle les besoins e n main_do œuvre
des g randes industries (aulOrnobi ie
e n part icu lie r) o nt conduit à une im-
mig rati o n irnpOr1:ltlle e n provenance
so it des anc ie nnes co lonies : M:lg hreb
pour la Fr:mce. rnde e t Pakist;m pour
la G rande-B retag ne, soit de Turquie
pour l'Alle mag ne,
Dé po urvus d'une in stituti o n ec-
clésia le en mesure de centr:lliser les
dons pie ux et de pre ndre e n c ha rge
la construc tio n de mosquées, les mu-
s ulmans de France ou d'Alle tnilgne
qui veu lent dis poser de lieu x de c ulte
sont c ontraints d ' avo ir recours à des
so lution s plu s ou moin s adaptées .
c omtne cc "centre c ulture l", bie n
trop é troit pour le no mbre d es lidè les
qui vienne nt y prie r le ve nd red i, La
s ituatio n n'est pas no uve lle et la re-
ve ndication, d e la pa rt des tr.lvililleurs
m usulmans, de lieux de c ulte déc e nts
ne date pas d'aujourd ' h ui. Faut - il
rappele r que les grandes g rè ves d e
l'auto mobile, qui éc late nt au x usines
C itroën d' Aul nay-sous- Bo is e n 1982 ,
avaie nt pour causes non seule me nt le
développement d e la robotique et ses
conséquences négatives s ur ['emploi ,
mais auss i e t surto ulla re ve ndicat io n
du res pect d es he ures d e priè re e t
d ' une mise ù di spos ition d ' un loca l
:'1 cct effet ?
Le d éiic it d ' açcompag neme nt des
pouvoirs pu blics :'1 l'égard d e popula -
tions dont l'imm igration é tait e nco u-
Prière du vendredi à la
"mosquée" de Montreuil,
15 janvier 20D2
Tilgée c t. dans un pre mie r temps. te
tau x de rn:lsculinité Cl de célibat très
Seine·Sain t·Denis
Projetable en transparent
élevé. eSI inco ntestable. [1 a dé bou-
ché. :lVcc rappil ri tio n de générations
de Françai s mlls lllm;Hls, s llr l'inre r-
ve nti o n de pu issances finan c ières
é tra ngè res : Arabie sao udite, Algé rie,
Maroc, Libye. Ces diffé re nts pays, lig née s de souve rains e t d e mécè nes
par le mécé nat, par l'évergé ti smc (le - ri c hes Sllvants, re lig ie ux o u fo nctio n-
ra it, po ur les no tables, d e faire profi- nilÎres - y ont fi na ncé [;\ construction
te r la collecti vité de le ur ri c hesse). par d 'orato ires. de I/Iadm sl/- s, de fo ntai -
le financeme nt d ' œu vres sociales o u nes c t d'institutio ns pie uses di l'erses
d e mosquées , voire par la formation dans le cadre du \\,(ui/: les biens de
et l' e nvoi dïm ûm-s dé fe nse urs de main-morte (cédés pa r des perso nnes
le ur vis io n de l'is lam. ont comblé les pie uses à J' usage de l'ensemble des
c are nces de l'État. Il s sc livre nt une musulmans), Ceux-ci, immo bil isés
vé ritable conc urre nce dans l' espoir au prolït de la "communauté des
d e parve ni r à un mag istè re sym bol i- c ro yant s" ( 1111111/(/ ), o cc upe nt un e
que, politique ou idéolog ique, sur les superfic ie importa nte d es villes de
musulmans d e France. La sit uatio n l'Empire o tto man e t o nt j o ué un rôle
fran ç ai se est assez révélatriœ de la majeu r dans l'urba nis me de to utes les
politique interve ntionnis te des États vil les mus ulmanes du Proche-Orie nt.
du Go lfe e t plus panic uliè re llle nt de Quant au x mosquées, telle la mosquée
J' Arabie sao udite dan s to us les pays Tombu l ( 1744) en Bulga rie, finan cées
du mo nde, y compris musulmans (Ii - cn théorie par les reve nus de l'aumône
nancement du FIS algé rie n. des Frè- légale. la : (lkÛI, tro is iè me "pilier" de
res mus ulmans e n Syrie, e tc,), Te lles l' islam. e lles l'ont été en pratique p:tr
sont les co ntrad icti o n .~ de la laïc ité "à les impôts prélevés p:tr l' État o ttoman
la franç a ise" , qu i a condui t il ig norer jusqu 'à sa dis p:tritio n nominale e n
pe ndant lo ng te mps les problè mes 1924,
s pé cifiques d'une main -d'œuvr e L'exte nsio n d e l'Empire ottoman.
encouragée à ve nir pour faire tourne r d o nt les limites ex tn!mes sont ma r-
l'industrie, sans cons idé ration de ses q uées sym bol ique me nt par les de ux
besoins, notamme nt re lig ie ux, s ièges de Vienne ( 1529 e t 1683), a
Au dé but du XX I" s iècle, les mu- contri bué à c réer une mosaïque re li -
sulmans de France ne sont pl us des g ie use, Au sein de l' Empire, toute Iii
immi g rés. ce sont majorita ireme nt populatio n n'était pas musulma ne ct la
des c itoye ns qui revendique nt ;\ la foi s disparition du "colosse au x pieds d' ar-
leur appartenance :'1 1:\ natio n française g ile" au dé but d u XX· siècle, a laissé
ct le ur re lig ion musulma ne, dans un des popu lation s in ex tri c abl e me nt
c ontexte nouveau, celui de l'é me rge n- e mmê lées, re ligieusement - c hré tiens
ce :'ll'éche lle inte mationale de l' is lam (cat holiques e t orthodoxes). juifs ou
rildicil1. Celu i-ci re nd inconfon a ble la musulma ns - e t e thn ique me nt - tu rcs,
pos ilion de tous ceux qui revendique nt latins, armé niens, g recs o u slaves, Les
une identité musulma ne au sein de la gue rres successives c t les politiques de
société franç aise, sans se reco nnaît re "purificatio n ethnique" plus o u moins
dans la violence des actes commis par ache vées, ont conduit. da ns le sang, à
d ',lUtres au nom de leur rel igion, la fo nllation d'entités proto-nationales
A l' opposé de cct is lam o uest- (Chypre No rd, Kosovo ) ou natio na les
e uro l>éen, celui des Balkan s c ompte ( Bosnic. Alban ie) plus homogènes d u
p lus ie urs s ièc les d ' hi s toire , Des point dc vue rel ig ie ux.
 ..
EUITRE C[1l ru:'EL
"':1~~Ri : ~ , .. , :l
r

,...........
Musulmans dans les Balkans, 2006
Mosquée Tombul bâtie en 1744, Schumen, Bulgarie
R. TCH(QUE .
SLOVAQUIE

"VTRlCHE • UKRAINE
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• HONGRIE
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MOUlAVI[

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.... , ;0.... .. ( . . "") hUPllpot..,.(lub-in,.",., ,f< f plo"'.I«J

Source : Ouestions internationales. "islam. israms·, n"21, seplembre-<>etobre

2IXl6. PariS la Documen1ation lrançaise.
 lams en Afrique
subsaharienne
Ecole coranique "Sayma
Dayma", Umm Durman,
Soudan,1993

L ' ISL AM africai n au XVIII" siècle et jouent un rô le de ProJelllble en IrlIIn,~rent

sc démarq ue très nCI· médiation entre les cultures locales
tement de lïslam ambo-mu sulman, et l'islam arabe . Un des traits carac-
même si les l iens avec le monde téristiques de ces confréries sou fies
arabe. et plus paniculièrcmcnt avec 1;, réside dans le rôle tout-p uissant du
péninsule Arabique. sont tre... fon.... , Le chef de la confrérie (q ui porte le
pèlerinage à La Mecque provoque en titre de slmykh ou de calife) sur ses
effet de grands flux d ïdées. de mar· disciples (Iii/ib-s ou lIIurÎll- s). Il est le
chtmdi scs CI d' hom mes el constitue gu ide non seulement spirituel, mais 1981 ), contre le musulman Mamadou
un r:.it cu lturel enraciné. une coutu me auss i temporel. pui sq ue le râlilJ/III/1- Dia, soutenu p:lr les dirigeants de 1:1
ancienne. source d'une vaslccommu- rill doit obéir il to us les ordres de 7ïjrÎl1iYJa.
naUlé affective. Dans certa ins pays son maître, que ceux-ci concernent Malgré lOI présence d'un islam
arabes. comme le Soudan. mais aussi sa vie professionnelle ou fam iliale, rétif à toute interprétation allégorique
doms les pays non ar..tbes d'Afrique Au Sénégal. par exemple. outre la du Coran, l'islam sahélien secaraclé-
subsaharicnne . r e nseignement de MllrÎdiyya, il existe de ux autres gr.ln- rise égale ment par l'imponance des
l' arabe. l:tnguc de prestige 3.<isociéc des confréries: la 1ïjô,,;y)'a, éclatée marabouts. Dans ce tex te, l' écrivain
au Coran . sc fail dans les écoles c n plusie urs courants. qui compte ivoi rien Ahmadou Kourouma met en
coraniques. pl us de deul' mill ions d' adeptes, ct 1:1 ~cè nc un marabo ut qui reve nd ique
L'école "Saym:. Dayma" J' Umm QâdiriYYlI. avec un demi-mill io n de des do ns divinatoi res et thérapeUli -
Dunmm. ville voisine de Kharto um . fidè les, La Mllrillîyya est une bran· ques. Les pratiques préislamiques de
au Soudan. est emblématique de ces che, fondée au Sénégal en 1886 par magie om été islamisées: dorénavant,
/I/(/l/rasa-s, tres largement répandues Ahmadou Bambll . de la Qâtliriyya. r effi cacité du marabout est liée à la
dans J'ensemble du monde musulman, La tombe du fondateur de cet ord re. connaissance de hl Révélation mu -
Elle est à la fo is lieu d'en se igne- à Touba. fait l'o bjet d' un pèlerinage hammadienne, 11 la grâce divine ct à
mem, de prière, d'inhumation et de :mnuel et on éva lue aujourd' hui le l'intervention des t1ji"I1.~, ces anges
pèlerinage, Elle pone le nom d'un nombre des me mbres de la confrérie ou démons mentio nnés dans le Co-
saint enterré à cet endroit sous la il quatre mi llions, ra n. Comme les "saints" de J'islam,
coupole de l'arrière-plan, et accueille En Afrique subsaharie nne. les les marabouts possèdent la baraka
q uelque deux cents élèves originaires confréries .<ioufies sonl au centre de (!lràce, bénédiction) et sont proches
de tout le Soudan et d'a utres pays véritables réseaux de so lidarité et de Dieu. p:lr leur piélé. leur :lscèse
d' Afrique . L·ellSeignement. dispensé jouent un très grand rôle soc ial ct po. ou leur don famili:ll. Ce phénomène
doms la cour à des garçons àgés d 'au litiquequi découle en partie de I·épo· des marabouts. certai ns étant ehefs
mo ins cinq oms, est fondé sur l' ap- que coloniale, L'alliance entre les de confréries. les autres, tcl Bobno
prenti ssage par cœur du Coran. L1 shaykhselles colonisateurs conlribua Yacouba. exerçant de manière isolée.
complémentarité entre la proximité c n retour à modifier le pouvoir des est propre il l'islam négro-africain .
du saint. l' apprent issage du Coran chefs musulmans. L.1 chefferie devint Comme aille urs da ns le monde mu-
et de la l:mgue arabe et un lieu de un rouage admin istmtif, une courroie sulman. mais peut·être ici de manière
prière allen:mt gOlramissent le succès de tran smission entre l'admin istra- plu s év idente . le droi t mu sulma n
de celle madras(/. La plupart des teur et l'admin istré indigène. au bas compose avec les coutumes locOlles.
lenrés d 'Afrique subsaharienne sont de I·échclle .<iociale. Ce rôle dc... chefs Au Sénégal, par exemple, les Sérèreet
passés parce type d'institutions dont locaux el des marabo ulS pe rdure les Dio la. qui som islamisés. règ lent
on trouve un grand nombre dans to us aujourd'hui dans les États modernes leurs problèmes de succession, leurs
les pays musulmans. africains. Dans 1c.<i années 1960. par conflits de propriété et leurs échanges
Mais l'i s lam sahélien se carac- exem ple, la p lupart de.<i diri geants au sein de leur tribu, non en fonct ion
térise d'abord par la diffusion des souri s appuielll la candidature du de la loi coranique sur l'héritage, sur
confrérie s soufies. Celles-c i appa- catholique Léopold Sédar Senghor. la propriété ou .<iur l'usure, mai s selon
rai sse nt au XV I" siècle en Afrique qui devient le premier pré.<iident de la loi ancestrale.
noire. mais scdéveloppent réellement la République du Sénégal (j usqu 'en
Le ids de l'islam conlrêrique au Sénégal aujourd'hui Portrait d'un marabout en Côte d'Ivoire

Comme marabout, Bokano Yacouba était aussi entier

-_._.
qu'un tronc de baobab et plein comme le djoliba au
fort de l'hivernage. La musique, la danse, la sagesse,
~.
1 w.u~ IT~ N I E la longévité sont comme la divination des dons, des vo-
!
~ =- '-
- '-- cations, des graces. Le ch6mage conduit actuellement

1It-I,_ .::~- dans nos vif/es beaucoup d'astuCÎeux, de nombreux

ï l1W~ -=-.. __
1. menteurs aux langues mielleuses à exercer la divination
sans en avoir le don. La rapidité de la langue est une
.J....:J ;:::::::... demi-faveur d'Allâh ; elle n'est pas la divination. Le don

J -.-- de la divination est un plein privilège que l'Omniprésent

1
! ·•
.- réserve cl quelques élus. Bokano Yacouba était de
ceux-là Allâh l'avait gratifié, comblé des grandes et des
pleines générosités que lui seul possède. [. .. f

1 ·•
>

.- g ""
C'est raide et à la lueur des flambeaux que Nadjouma'
arriva sur une CÎviére dans le campement du guérisseur
des possédés, des fous .. . des incurables. Le guérisseur

j .
, .
des possédés, le réalisateur des choses impossibles

j
"•
...--
..-. ..... _-
~-
_ I~t:
étaient quelques-uns des innombrables surnoms de
Bokano. Dans toutes les montagnes et 'res loin dans les
plaines. on célébrait son érudition dans le maraboutage,

.-...... .-
. ~-

1 ----
-...-..-:
le Coran et les arts divinatoires. Il manipulait avec bon-
heur et réussite les prophéties de Muhammad qu'il tirait
l --"".",,--
~ du Coran. Les djinns et les ames des ancêtres ne lui
taisaient aucun de leurs secrets quand ses doigts les
Carto tirée de AI/as de fis/am dons le monde. Anne-Laure Dupont. Guillaume interrogeaient par le sable de la géomancie.
Balavoine. Atlas/Monde C Éditions Autrement. 2005. Ahmadou Kourouma . En IItrondant le 1'0111 des beles sauvages.
Paris : Éditions du Seuil. 1998.
' la mère du héros. considérée comme possédée.
 ndonésie, premier pays
musulman du monde
L 'INSU LI NDE est
forte ment marq uée par
[' innuencc i nd ienne au moment où
l' islam commence il sc développer
au Proche-Orien! ct les pre mi e rs
documents archéologiques connus
:llIestant une presence arabe e n Asie
du Sud-Est remontent tOul au plus
:IU X Xc· Xle siècles. Cette date n'i n-
dique pas celle de l'islamisation des
régio ns. En fait. le to urnant majeur
a lieu au XIIIe siècle. quand les prin-
cip'Lulés bouddhistes. angkoricnncs
ou hindouistes périclitent au profit
de sult,mals musulmans qui sc déve-
loppent dans les ports d'Insulinde el
d ' Indo nésie (Acch. Banlcn. MatarJ.nl.
ctc.). En cITe!. peu il peu. les colonies
musulmanes établ ies dans les ports
du sud de l'Inde ont css.Limé ct c'est
par l'intermédiaire des marchands
indiens i s lami ~és q ue lïs1:ull s ' est
imposé dans le monde m:tlai s.
Les premières communautés isla-
misées des Xlll< et XIV siècles selll-
ble nt s'être concentrées il Sumatra-
Nord, sur la côte est de III péninsule
Malaise et il Java-Est. mais l'essor de
l"islam dans ces régions ne date que
du début du X V: siècle et se poursui t
j usqu'au milieu du XV I]< siècle mal-
~ré l'intcrventio n des Ponugais. pu is
des Hollandai s. Comme en Afrique
orientale, cet islam marchand sc dé-
ploie uniquement sur les côt e.~ ct ne
pénètre pas l"intérieur des terres.
Par ai lleurs. la structure insulaire
ne favorisait pas la naissance de gr..m-
des unités poli tiques susceptibles
d "i mposer une nomle islamique (lin-
guistique. religieuse, juridique). Cela
permct de comprendre la to nalité du
disco urs de Soekarno. premier prési-
dent de la République indonésienne
en 1945. et le texte de hl Constitu -
ti on du pays : il fallait développer
une concept ion large et ouven e de
l"islam et de la République. alin de
La diffusion de l'islam
en Malaisie et en Indonésie
n' cxclure personne ni de risquer le Projetable en transparent
morcel lement politique. Rappelons
que Bornéo était di visé. au début du
XX" siècle, en une vingtai ne de petits
roya umes et que l"is lam , quoique
représentant 87 % de la population constitution indonésie nne. promul-
indonésienne. est extrê mement varié . guée en 1945. fasse du monothé isme
En effet. l"i slamisation très progres- (la ··croy.. nce e n un Dieu unique"")
sive a laissé une grande pl:lcc aux un fondeme nt de la nouvelle Répu ·
coutumes locales. blique. et interdise le prosélytisme
D'abord, les fenunesjouent dans et les mariages mixtes. on ..ssiste. au
la vie publique un rôle nettement plus sein de l"i slam. à un rééqu ilibr:lge
imponant qu'ailleurs dans le monde des courant s en fa veur de rislam
musulman. Les hommes panicipcnt "traditionnel"" aux dépens du courant
aux tâches familial es quo tidie nnes javanai s.
traditionne lleme nt réservées aux En effet. l'État ""théi ste" indoné-
fem mes dans Ie.~ mondes limbes. turcs sie n ne reco nnaît que cinq re ligio ns
ct ira niens, et ces dernières cxercent o ffi cielles: l"islam.le protestantisme.
des responsabi lités politiques, même le cath o licis me. l'hindouis me et
dans les régions très précocement is- le bo uddhi s me (:Ilors mème que
lamisées. comme dans la principauté ces deux dernières ne sont pas des
d'Aceh: elles dirigent pllr exemple monothé ismes !). La ré islamisat ion
la principalLlé sans discontinue r de ac tuell e de la société de JOLV.I ne
1641 il 1699. Plus récemment. les bou leverse pa s l' é<luilibre en tre
femme s ont p:tnicipé 1Icti vement il grande.~ religions d ' État. m'li s affecte
la lutte anticoloni:lle. le syncréti sme islamique local et pro-
Ensuite. l'islamisati on progres- meut des normes ""moyen-orientales"
sive a donné naissance il des formes qU;lIlt au dogme et à la pratique : de
religie uses spéc ifi ques. comllle à plus en plus d'Abangan renoncent
Java. La "javanité"" (kl'ja ll"cn) sc pré- à leurs pr:ll iq ues "" hé té ro doxes""
sente mo ins comme une re ligion que - comme les pèlerinages (:iylÎra) sur
comme une :ltti tude philosophique les tom bes des neuf saints de l'île - et
et cu lturelle qui pui se dans le vieux deviennent des Sa li/ri. Le voi le se
fonds cu lturel jav:mais. Ses tenants. rép:lnd chez les femme s depu is la
IesAlmllgllll. sc déclarent musulmans fin du XX, siècle. Le St:ltut de la
e t :Iffirmenl qu ' il s pratique nl une femme est d 'ai lleurs objet de débat
forme loc:lle de spirituali sme soufi. dans la société indonésienne entre
Tous les Javanais (80 millions) ne les pan isans de r .. ppliciltion rigou-
pratiquent pas la religion de Java. re use des normes musulmanes et les
En e ffe t. des institu tions privées ten:tnts de 1:1coutume: 1:llibené des
musulmanes (pc,flmtren). lieux de fem mes est globalement plus gmnde
diffusion de 1.. foi et d'enseignement c hez les Abangall que chez les S(lIIlri.
relig ieux. permettent de former des plus rigoristes. À Sumatra-Ouest. le
mu s ulman s p lus " Iraditi o nn els ", système Iraditionnel de transmission
pratiquants. soucieux de 1:1 pureté des biens resle matrilinéaire, mais
de leur foi. les Sali/ri. qui constituent le droit patriarc'II musulm .. n tend à
une pan impon ante du milieu social s' imposer progress ivement depuis
des petits entrepreneurs. Bien que la quelques décennies.
 M inda nao
M or do
Sulu

•
OCÉAN INDIEN

Roulell commen:ialea
" ••• Tuban Ti mor
··: __. _DeraJata
• P"'$fJflCe musulmane aux XII,.·XI'I" siècles

Expansion de l'islam aux XI'I"·XVII' siècles

r-''1'~_'~, 't:..Surabaya
a+ ci\~~trowulan
Expansion de I"islam aux XVI,.·XVIlI' siècles Banten " .. Matar '.

o """'~"
:'Cirebon .... KUdus G'reSik
Jakarta K I ~te n
+ Tombeaux des neutsainll de Java

D'après Allas de rislam dans le monde, Anne·Laure Dupont, GlIillaume Bala...olne, AtlaslMonde, ÉdilXlns Aulremel'll, 2005.

,""_500
;;;; karno : l'islam par la représenlalion, 1945 Extrait du préambule de la Constitution
Nous tous, moi aussi, sommes musulmans. Dieu me pardonne. mon
f-- - de la République d'Indooésie, 18 août 1945
islam est loin d 'il/re parfait, mes amis, si vous voulez voir en moi, si vous (".] Par la grace de Dieu tout Puissant et animé par le
voulez lire dans mon cœur, vous ne trouverez rien d'autre qu'un cœur désir d'avoir une vie nationale libre, le peuple indonésien
de musulman, Et de toute son Ame de musulman, Bung Kama' aspire proclame son indépendance,
à défendre l'islam, dans le consensus, dans la concerta/ion. Car c'est D'autre pari, afin de former un gouvernement de l'Êtal
par le consensus que nous pouvons améliorer toute chose et assurer indonésien protecteur de la nation et de la patrie. pour
le salut de la religion. je veux dire la discussion et la concertation au que progresse le bien-être, pour que se développe la vie
sein d'un Parlement, intellectuelle de la nation et pour contribuer à l'établisse·
Ce dont nous ne sommes pas satisfaits, discutons-en au cours de ment d'un ordre mondial basé sur /'indépendance, la paix
délibérations, Le Parlement est le lieu pour exprimer nos exigences éternelle et la justice sociale, les structures de /'Indonésie
de musulmans. C'est là que nous demanderons aux dirigeants du indépendante sont décrites dans une Constitution de
peuple tout ce que nous estimerons nécessaire au mieux-étre. Si nous l'Êtat indonésien ayant la forme d'une République fondée
sommes vraiment un peuple musulman, faisons de notre mieux pour sur la souveraineté populaire el basée sur .- la croyance
que la majorité des sièges du Parlement que nous allons créer soient en un Dieu unique, l'Humanité juste et civilisée, l'Unité
occupés par des représentants de l'Islam. Si vraimenlle peuple indo- indonésienne, la Démocratie conduite avec sagesse dans
nésien est, dans sa majorité, musulman, si l'islam est, chez nous, une la concertation et la représentation et la Justice sociale
religion bien vivante dans le peuple, nous, les dirigeants, mobilisons pour tout le peuple indonésien.
l'ensemble de la population pour qu 'elle délegue le plus grand nombre
possible de représentants musulmans 8U Parlement. Supposons qu'il
y ait dans ce Parlement 100 sieges, eh bien, efforçons·nous d'obtenir
qu'il y en ait 60, 70, 80. 90 qui soient occupés par des personnalités
musulmanes, Il ira de soi que les lois qui sortiront de cette assemblée
seront des lois musulmanes. Et j'irai méme plus loin: si une telle
évidence devait s'imposer. on pourrait dire alors que /'islam est bien
vivant dans l'âme du peuple, puisque 60, 70, 80, 90 pour cent de ses
représentants seront des musulmans, des personnalités musulmanes,
des oulémas. S'il en est bien ainsi, je dirai : Vive l'islam indonésien, et
non l'islam prononcé du bout des levres.
Discours de Soekarno proooncé le 1" juitll945 devant les membres de la commission
d'étude pour la préparation de rindépeodance ilôoOllésioone réunie pour sa première

' Soekarno
 siam dans le monde
LE croissant qui. de
la côte occide ntale de
l' Afriq ue j usqu' à I"A sic du Sud-
Est passe par les Asics Mineure ct
centrale. correspond au "domaine
de l'Islam", Il comprend: la zone
ce nt ra le de ta première ex pansion
( YII<. V III" siède) du Maroc il J' Inde.
la zone sahé lie nne dont l'islamisa-
tion. comme ncée vers le XW s iècle.
s'cst faite surtout il partir des XIV
e t X \1< s iècles e n sc prolo ngea nt
au cours des siècles sui vants. les
littoraux ct archi pel s de l' o céa n
Indi e n. ou ve rt s ;1 lï sl:un dès les
X·· X' <sièc les . mai s mass ive ment
islamisés il. partir du XV siècl e. En
outrc. le poids démographique du
subcontincnt indicn (pakistan . Inde.
Bangladesh) cl de rlndonésic :Jppa-
raÎt claire lllent.
Dans le détailjXlunant. la propor-
tion de musulmans par Étal rend peu
compte des répartitions régionales.
Ai nsi, sur le milliard et demi J ' habi-
tants que compte la Chine, le f:liblc
nombre relatif de musulmans (entre
20 et 120 millions tout de mê me)
dissimule l' existence de deux types de
musulmans et leur inégale ré p:u1it io n
sur le territoire: la grande majorité,
turcopho ne, est concentrée da ns le
Turkestan Oriental ou Xi njia ng et
subit la répression du régime de Pékin
qui colo nise le territoire en installant
des non-musulm:lI1s sinophones : il
ex iste aussi des musulrmms sinopho-
nes, les Hui, dispersés dans le pays,
De mê mc, en Afrique, le Nigeria est
coupé en deux, Au nord, 1:. majorité
de la population est musulmane: au
sud, clic est chrétienne, En Russie, il
faudra it souligner l:l concc nlrntion
des musulman s dans l'agg loméra-
tion moscovite. Quant à l'Europe de
l'Ouest, aux États- Unis, au Cn nada et
à l' Austmlie, les zones de l'one densité
correspomlent en généml aux grandes
villes et régions industrielles,
La seconde cane met e n valeur
1:. di versité de l'islam , Les écoles
juridiques sunnites sont très diffé-
re ntes les unes des autres ct n'ont
rien à voir avec les cour.mts chiites,
très dissemblables e ntre eux: peu de
points communs entre les Alaouites
de Syrie, p:lr exemple, et les Z:.ydites
du Yémen,
Les logiques territoriales d'i m-
plantation des grands courants mu-
sulrn:ms apparaisscm c lairement.
L'école mâlékite valorise struc-
IUrellement l'u sage loca l pour in-
terpréter la Loi divine, Les régions
maghrébines, à dominante berbère,
furen t séd ui tes par cette école qui
leur permettait d' intégrer au droit
musulman leurs propres coutumes,
Jusqu 'à nos jours, le m:1léki sme e.~t
['école juridique sunnite domi n:mt :1U
Maghreb et e n Afrique noire.
Le hanbalisme, quant il lui. après
avoi r joué, :IU Moyen Âge, un rôlc
important à Bagd:.d . s'est enmciné,
sous sa forme wahhi1bite. d ans la
péninsule Arabique, e t dé fend une
leclUre littér:.le du Cor:tn ct de la Tra-
dition. Presque naturellement domine
au cœur de l'islam ambc une lecture
stricte du Coran, alors que dans la
périphérie occidentale s'esl imposée
une doctrine fais:mt une large part
aux traditions locules.
La prédominan ce d e r éco le
juridique chafjite dans les territoires
maritimes et insulaires de t'océan
Indi en ct du golfe Pe rsique a des
raisons hi storiques, Les premiers
compto irs mu sulmans, ct les plu s
importants. ainsi que les pre mières
communautés de marchands ambes.
persans ou indiens app:lr..issent sur
les lilloraux de t' océan Indien au
moment même oltl 'écolcdejurispru-
dence chaflite prédomine en Égypte,
en Iran ct en Iraq. au XI<siècle. Les
marchands, les rnarin .~ ct les juges
chatï ites export en t avec e ux leur
doctrine juridiquc. LorS(IUC le cha-
tiisme perd sa prépondérance dans
les terres du Proche ct du Moyen-
Orient, en part iculier à l'arrivée au
Une géographie
de la diversité musulmane
. f'o9uIation musulmane par pays en miHions
et poun::enl.ilges
, Conlessions et écoles juridiqUM musulmanes
dans le monde
Calles tirées de Arias de l'islam dans le monde,
Anne· Laure Duponl, Guillaume BataYOine, Alias!
Monde CI Editions Autremenl, 2005.
Proletable en transparent
pouvoir d es Mamelouks qu i, à cause
de leurs origi nes turques, imposent le
hanafisme, il est déjà bien implanté
dans les ports de l'océan Ind ien ct de
la mer de Chine, Dans les tribu nau x
indonésiens des XV'-XV III<siècles,
les juges musulmans rende nt ainsi
leur déci sion en langue arabe ct selon
le droit c hafiite.
Quant au rite han:lfite, app:.ru en
Iraq dès le milieu du VIII< siècle, à
une époq ue où la Tmdition du Pro-
phète (s uI/lia) faisait encore l'objet
d'i ncess:lntes polémiques. ce sont le
poids dé mographique ct l'influence
des peuples turcs qu i e n expliq uent
la diffusion ct le succès durable dans
loute l'Eurasie centmle, Ce rite laisse
une relative autonomie aux oulémas
dans la solution des problèmes théo-
logiques ct jurid iques non traités
par les textes sacrés, en ménageant
une gr:Ulde place :IU raisonnemcnt
par ana logie. qui donne au juriste
une cer1:.ine marge de liberté pour
prononcer un j ugement. Pour celle
raison. l'école h:mafite susci te depuis
lOujours l'hostilité des :lUtres écoles
juridiques, en particulier de r école
hanbal ite, Fe rme ment in stall ée à
Boukhara ct Samarkand, c lic s'est
ensuite propagée dans le sous-conti-
nent ind ien ct duns l'empire Olloman,
deux régions qui furent longtemps
liées à l'Eurasie centrale par de
fécond s échanges commerciaux et
inte llectuels.
 OC E AN
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OC EAN
PAC I F I OUE ATL A NTIOUE

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D'après S. Couprie. LÉPAC,
Atlas de l'islam, in Histoire el PaIOOloin9 n"-""'-"0
) Sunn"me :
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malrue _

hanal~e
hanbalite
(~ I
ChIIsme :
D
_

D
dUOOéeimain •
ismaélien

alaoo~e
drule

. alevi
. zaydite
Kl'IariJI.mIt :
• ibadisme

M,tan Presse. TOllIouH. 2004.

 Publier aujourd'hui une histoire de l'islam, c'est répondre à une demande
forte en matière de connaissance du religieux. La Documentation photogra·
phique et l'Institut européen en sciences des religions (IESR) ont choisi de
mener ensemble ce travail.
Ce numéro, élaboré par Pascal Buresi, se situe résolument dans une pers·
pective d'histoire critique. Cette approche, toujours soucieuse des contex·
tes, tend à souligner que l'islam d'aujourd 'hui n'est pas l'islam des origines.
Elle souligne également la pluralité de l'islam dans l'espace ; en témoigne la
diversité des sociétés mu sulmanes dans le monde contemporain. Autrement
dit, dans un domaine où se bousculent les affirmations aussi tranchantes
que simplistes, cet ouvrage pourrait démontrer que l'histoi re de l'islam est
complexe.

Point sur (pages 1 à 16)

Secrélariat général
du gouvernemenl Naissance d'une nouvelle religion
Histoire politique et religieuse du udomaine de l'islam"
l a progressive définition du dogme, des pratiques et du droit musulman
Direction de Religion et pouvoir en islam
La documenta tion FrarlÇaise
Lislam à l'heure des colonisations et des décolonisations
29. quai Vollaire Lislam aujourd'hui
75344 Paris Cedex 07
0140 157000 Thèmes et documents (pag es 17 à 63)
Direeteur de la publicalion Fondements et débat s
Olivier Cazenave Lo. péninsule Arabique â l'aube de l'islam
Muhammad
Schismes
La canonisation du Coran
Photogravure. flashage Différentes interprétations du Coran
el impression par Islam et conquêtes
Louis Jean (Gap) Islamisation et arabisation
Dép6t légal 2" lrim. 2007
DF08012-8-8058 Êvo lution des doctrines , évolution des pratiques
ISSN : 0419·5361 Prier, du désert à la mosquée
Vivre et travailler à l'heure de l'islam
10,80 f Pèlerinages et lieux saints
Soufis et saints de l'islam
Sciences religieuses, sciences profanes
Monothéismes autour de la Méditerranée au XIIe siècle
Islam et politique
Islams dans le monde contemporain
Le statut de la femme en islam
La question de l'image
Islam et économie de marché
Islam radical
L:islam et la France au Maghreb
Islams d'Europe
Islams en Afrique subsaharienne
L:lndonésie, premier pays musulman du monde
Lislam dans le monde