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Le financement du lobby vert

Pour les écologistes et les altermondialistes, l’argent n’a pas d’odeur

On pourrait penser que les associations écologistes, telles qu’apparues dans les
années 70 dans les pays anglo-saxons et ailleurs, émanent exclusivement d’un mouvement
populaire en protestation contre les principaux acteurs de la société industrielle. Or,
paradoxalement, ces mouvements écologistes ont reçu un sacré coup de pouce de la part
de nombreuses richissimes fondations qui ont financé cette vague verte et continuent
d’ailleurs de le faire. Paradoxe, car la plupart de ces fondations sont liées aux milieux de
l’industrie et des affaires, cibles des écologistes. C’est le cas notamment de la Ford
Foundation qui tire ses moyens colossaux – plus de 13 milliards de dollars – de la fortune
des entreprises Ford. Comble du mélange des genres, Kathryn S. Fuller, la présidente du
conseil d’administration de la Ford Foundation depuis mai 2004, est une des responsables
de la branche américaine du WWF (qu’elle a présidée entre 1989 et 2005) et est également
depuis 2002 directrice de l’entreprise américaine Alcoa, deuxième producteur mondial
d’aluminium. Ces dernières années, la Ford Foundation a donné plusieurs millions de dollars
aux Friends of the Earth, au WWF ou à l’Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP), une
association militant contre l’agriculture conventionnelle. De même, la richesse de la Charles
Stewart Mott Foundation provient de General Motors et a donné, depuis 1993, plus de 8
millions de dollars aux Friends of the Earth ainsi que plus d’un demi million de dollars, depuis
2002, à leur branche française – les Amis de la Terre. Le Rockefeller Brothers Fund, dont l’un
des responsables est le fameux David Rockefeller, ancien président de la Chase Manhattan
Bank et fondateur du think tank néolibéral baptisé la Commission Trilatérale, joue lui aussi un
rôle important dans le financement de la cause écologiste, subventionnant depuis longtemps
les mouvements écologistes comme les Friends of the Earth ou Greenpeace.

N’est-il pas curieux de constater que ces fondations subventionnent des groupes qui
leur sont a priori hostiles ? Certes, l’argent ne fait pas tout. Au risque de décevoir les adeptes
des conspirations, il serait faux de prétendre que ces fondations tirent les ficelles des
mouvements écologistes ou altermondialistes. D’ailleurs, il ne faut pas beaucoup de moyens
financiers pour mener une action de fauchage de cultures OGM ou pour entamer une grève
de la faim, comme l’a fait José Bové en janvier 2008. Mais tel n’est peut-être pas l’objectif de
ces fondations, qui se contentent de vouloir donner une certaine impulsion pour faire
émerger des débats ou des contre-pouvoirs. Il reste que les associations écologistes
devraient répondre à deux questions importantes : 1. Quelle est leur degré d’indépendance
quand leurs moyens d’action dépendent de quelques puissantes fondations ? 2. Est-ce
vraiment par pure mécénat que ces fondations et multinationales investissent de l’argent
dans l’écologie ?

Ecologie et fondations : une longue histoire d’amour

Les fondations philanthropiques n’ont pas attendu longtemps pour s’inviter dans le
débat écologiste. Depuis longtemps, les milieux du pouvoir aux Etats-Unis comme en
Angleterre se sont intéressées à la protection de la nature. Au début du XXème siècle, le
Royaume-Uni a créé par exemple la première organisation mondiale de conservation – la
Société pour la préservation de la faune sauvage de l’Empire – dont plusieurs responsables
étaient des aristocrates proconsuls impériaux en Inde ou en Afrique. Cette société a par la
suite joué un rôle clef pour la création d’associations environnementalistes comme le WWF
ou l’IUCN. A la même époque, le Président américain Théodore Roosevelt, tristement
célèbre pour sa politique impériale « de la canonnière », engageait son pays dans un
ambitieux programme de création de réserves naturelles.

Plus récemment, le Rockefeller Brothers Fund, par exemple, a joué un rôle de premier
plan pour définir les termes du débat écologistes. Outre l’octroi de nombreuses subventions
à des mouvements écologistes, il a financé en 1975 un projet intitulé « Environmental
Agenda Task Force » rassemblant les principales organisations écologistes américaines
dans le but de préparer un « rapport de consensus » sur les objectifs des dix prochaines
années. Parmi ceux qui ont participé à ce projet, on peut mentionner David Brower
(fondateur des Friends of the Earth), Lester Brown (Worldwatch Institute) ainsi que les
responsables des grandes associations de conservation de la nature –Sierra Club, National
Audubon Society, The Wilderness Society, etc. Toutes les thèmes apocalyptiques de
l’écologie sont déjà évoquées : surpopulation, nucléaire, déchets, pollution de l’air et de
l’eau, pesticides, etc. Peu de temps après, Gerald O. Barney, celui qui a coordonné ce projet
pour le compte du Rockefeller Brothers Fund, sera sollicité par le président Jimmy Carter
pour réaliser une étude connue sous le nom de « Global 2000 ». Traduit en huit langues et
vendu à plus de 1,5 million d’exemplaires, ce rapport aura un impact retentissant et surtout
donnera une forte légitimité institutionnelle pour les questions environnementales. Global
2000 annonçait ainsi dès 1980 avec fracas : « A moins que les nations, collectivement et
individuellement, prennent des initiatives audacieuses et imaginatives pour améliorer les
conditions économiques et sociales, réduire la fertilité, améliorer la gestion des ressources et
protéger l’environnement, le monde doit s’attendre à une entrée mouvementée dans le
XXIème siècle. »

Du côté européen, certaines fondations anglo-saxonnes ont aussi été assez actives
dans le financement des causes écologistes. Ainsi, le milliardaire franco-britannique Jimmy
Goldsmith ne doit pas seulement être connu pour avoir été un requin de la finance
impitoyable et le grand argentier des causes ultraconservatrices comme celles de vicomte
Philippe de Villiers. En effet, en mai 1972, le spéculateur avait convié les grands noms de la
banque et de l’industrie à un dîner au Ritz de Londres avec les responsables du Club de
Rome, connu pour leur fameux rapport Halte à la croissance. A cette occasion, il avait
décidé, avec son frère de Teddy, fondateur de la revue radicale L’Ecologiste, de mettre sur
pied une Fondation écologique afin de financer les mouvements écologistes, principalement
en Grande-Bretagne et en France, en particulier contre le nucléaire, l’agriculture industrielle
et la mondialisation économique. Les héritiers de Jimmy Goldsmith poursuivent aujourd’hui
les activités de cette fondation assez opaque, appelée JMG Foundation, qui affirme donner
au total environ 3 millions de dollars de subventions à des associations comme les Amis de
la Terre, la Confédération Paysanne, le Réseau Sortir du Nucléaire, le CNIID, le MDRGF,
Inf’OGM ou bien Greenpeace France, bien que cette dernière assure que « nous refusons
les subventions publiques et toutes les contributions financières des entreprises ». De plus,
comme le relate le journaliste écologiste Fabrice Nicolino, « sans l’argent de la fondation (de
Teddy Goldsmith), bon nombre d’actions contre la mondialisation n’auraient jamais vu le jour
».

Dans le même ordre d’idées, le lancement de la campagne contre les OGM en France
a bénéficié de l’aide d’une fondation franco-américaine baptisée French American Charitable
Trust (FACT) et dirigée par une ancienne responsable de Greenpeace. Basée dans le
paradis fiscal des Bermudes, FACT a en effet financé la minuscule organisation écologiste
Ecoropa, liée à Teddy Goldsmith, à hauteur de 65.000 euros entre 1996 et 2003. Certes, ce
n’est rien par rapport aux moyens de producteurs d’OGM mais assez pour mener plusieurs
actions qui feront des OGM un débat connu du grand public. Ainsi, en 1996, le président
d’Ecoropa, Etienne Vernet, convainc Jean-Marie Pelt d’organiser un appel de scientifiques
européens en faveur d’un moratoire concernant la production et la commercialisation des
OGM ; en 1997, Ecoropa coédite un ouvrage sur les OGM préfacé par Jean-Marie Pelt ; en
1998, Ecoropa demande, avec d’autres associations, au Conseil d’Etat de suspendre au
nom du principe de précaution l’autorisation accordée à plusieurs variétés de maïs
génétiquement modifié ; en 1999, Ecoropa apporte son concours à la publication, dans
Courrier International, d’un dossier accusateur contre la société Monsanto, en fait la version
française d’articles publiés dans The Ecologist : en 2000, Ecoropa lance un « Appel contre la
brevetabilité des êtres vivants et la monopolisation des ressources génétiques » qui connaît
un vif succès grâce au soutien de José Bové et les signatures de personnalités comme
Teddy Goldsmith, Albert Jacquard, Arnaud Apoteker, Jean-Marie Pelt, Gilles-Eric Séralini,
Jacques Testart, Corinne Lepage, Susan George, etc.

Les parrains bienveillants de l’altermondialisme

Fin 1999, d’importantes manifestations contre l’OMC à Seattle, avec la présence de


José Bové brandissant du roquefort, avaient déclenché le mouvement des protestations
altermondialistes. Ces événements ont bénéficié d’une couverture médiatique considérable,
permettant de donner aux mouvements altermondialistes une résonance à l’échelle
internationale. Il est cependant moins connu, même chez les militants altermondialistes, que
le succès de ces manifestations n’aurait pas été au rendez-vous sans la générosité de
certaines fondations philanthropiques, en particulier de la Foundation for Deep Ecology
(FDE) – la Fondation pour l’écologie profonde.

La FDE a été créée par le multimillionnaire américain Douglas Tompkins, ancien PDG
de la ligne de vêtements Esprit, afin d’apporter une aide financière substantielle à la lutte
écologiste. Cependant, elle veut aussi contribuer à changer en profondeur la société et entre
autres le système économique, considérant que « le “libre-échange” est intrinsèquement
destructeur aussi bien pour l’environnement que pour les êtres humains ». En conséquence,
la FDE décide, dans les années 90, de catalyser les activistes travaillant sur les questions de
l’environnement, de l’agriculture, des rapports Nord-Sud, etc., contre l’« ennemi commun : la
mondialisation ». La FDE réunit les principaux leaders dans le domaine de l’écologie et de la
lutte contre la mondialisation et propose de créer en 1994 une organisation – l’International
Forum on Globalization (IFG) – afin de réunir un maximum de forces dans la rébellion
antimondialisation. Selon ses propres termes, la FDE « a conçu, hébergé et financé » l’IFG.
Jerry Mander, l’un des directeurs de la FDE, devient responsable de l’IFG et, grâce au
financement massif de la FDE – plus d’un million de dollars entre 1997 et 2001 –, l’IFG
multiplie réunions, conférences et formations des militants afin de mobiliser les troupes,
jusqu’à sa consécration en 1999 avec les manifestations de Seattle lors du Sommet de
l’OMC. Comme le résume bien la FDE, « beaucoup d’organisations ont travaillé dur pour
construire une masse critique parmi les activistes et les différents groupes de pression qui
sont venus à Seattle. Mais le plus grand mérite doit revenir à l’International Forum on
Globalization ». Dans le conseil de direction de l’IFG, on trouve plusieurs figures de
l’écologisme radical comme Teddy Goldsmith, Helena Norberg-Hodge ou Vandana Shiva.

Mais la présence des fondations dans cette dynamique de lutte antimondialisation ne


s’arrête pas là. Au même moment où les militants altermondialistes manifestaient à Seattle
en 1999, à quelques rues de là, se réunissaient une quarantaine de fondations à l’initiative
de l’Environmental Grantmakers Association, un réseau de fondations spécialisées dans le
financement des causes écologistes, afin de réfléchir à la façon d’intervenir dans cette
problématique de la mondialisation. C’est ainsi que fut créé le Funders Network on Trade
and Globalization (FNTG), un nouveau réseau de fondations dont l’un des objectifs est «
d’accroître les ressources financières destinées à un développement économique mondial
juste, centré sur l’homme et durable d’un point de vue environnemental ». Dans le comité
directeur du FNTG, on trouve évidemment Jerry Mander pour le compte de la FDE mais
aussi tous les poids lourds de la philanthropie : Rockefeller Foundation, JMG Foundation,
Rockefeller Brothers Fund, Charles Stewart Mott Foundation, Ford Foundation, etc. Il est
aussi à noter que la Ford Foundation a été l’un des principaux pourvoyeurs de fonds du
Forum social mondial, et cela depuis Porto Alegre en 2001.

Le cas de la Fondation pour le progrès de l’homme

Toutes les fondations philanthropiques ne sont pas nécessairement liées à des


multinationales ou au monde des affaires. C’est le cas notamment de la Fondation pour le
progrès de l’homme (FPH), une fondation de droit suisse dirigée par le Français Pierre
Calame et dont l’argent provient de la fortune d’un riche chimiste, Charles-Léopold Mayer. Le
capital de la FPH représente en 2006 plus de 200 millions d’euros et est composé à 80 %
d’un capital mobilier (placé en obligations et en actions) et à 20 % de biens immobiliers en
Suisse et en France. Le joyau de la FPH est sans aucun doute le très chic Domaine de
Villarceaux, dont la famille Calame est propriétaire. Celui-ci comprend un château, un golf et
une exploitation agricole de plus de 400 ha – la ferme de la Bergerie – convertie en bio en
1997 et gérée par Matthieu Calame, le fils du président et l’un des responsables de
programmes à la fondation. Contrairement aux fondations anglo-saxonnes, la FPH se targue
d’appliquer une éthique dans le choix de ses placements financiers. Elle est même le
partenaire de l’Observatoire de la Finance, dont elle a soutenu la création au début des
années 90 pour « sensibiliser les milieux financiers à la recherche du bien commun »…

Toutefois, à l’instar de ses consœurs anglo-saxonnes, la FPH joue un rôle important


dans l’émergence de certaines ONG comme par exemple Inf’OGM, une association anti-
OGM créée en 1999 à l’initiative de la FPH et de différents groupes comme Greenpeace, les
Amis de la Terre et la Confédération paysanne. Sans l’aide financière de la FPH, Inf’OGM
aurait de grosses difficultés à poursuivre ses activités. A titre indicatif, Inf’OGM est le
partenaire unique de la FPH dans un programme piloté par Matthieu Calame avec un budget
de 100.000 euros et dont le thème est « Réintroduire les choix scientifiques et techniques
dans le champ de la démocratie ». De même, les recettes de la Fondation sciences
citoyennes (FSC), dirigée par Jacques Testart, dépend entre 65 et 90 % de la FPH. D’autres
associations impliquées dans une bataille contre l’agriculture conventionnelle, comme BEDE,
Réseau Semences Paysannes et Geyser, reçoivent aussi régulièrement des aides de la
FPH. Rappelons également que le voyage de José Bové à Seattle en 1999 a été organisé
par Pierre Vuarin, le responsable des questions agricoles à la FPH.

De plus, la FPH partage depuis longtemps une même préoccupation que certaines
grandes fondations anglo-américaines : la gouvernance mondiale. Elle a d’ailleurs créé
début 2006, en partenariat avec entre autres la Ford Foundation, l’Institut de recherche et
débat sur la gouvernance qui vise à réfléchir sur de nouvelles régulations des sociétés
humaines. Dans cette optique, il ne s’agirait plus simplement d’aider les ONG – la société
civile – pour réaliser certains projets concrets mais d’en faire des acteurs clefs de cette
nouvelle gouvernance mondiale.
Soft power, diplomatie non gouvernementale et nouvelle gouvernance mondiale

Il existe certainement de multiples et diverses raisons pour lesquelles des fondations


trouvent un intérêt à financer des associations qui leurs sont a priori hostiles. Non seulement
les motivations sont quelques fois différentes d’une fondation à une autre mais elles évoluent
aussi avec le temps et le contexte. Il peut y avoir, par exemple, des convergences
idéologiques tactiques. Certains milieux néolibéraux occidentaux ne voient pas d’un mauvais
œil la remise en cause de l’Etat par les écologistes ainsi que leur opposition au
développement industriel des pays du Sud. En outre, ces milieux partagent la même vision
malthusienne que les écologistes et considèrent sans doute que, pour l’opinion publique, il
vaut mieux leur expliquer qu’on doit réduire la population pour sauver la Terre et non pour
des raisons géopolitiques et économiques. Ainsi, Ted Turner, le fondateur de CNN et de la
Turner Foundation, déclarait en 1997 que la surpopulation est « le plus important des
problèmes auquel fait face l’humanité aujourd’hui » et affirmait que « ce que nous avons
besoin pour les cent prochaines années, c’est une politique de l’enfant unique (…) Si tout le
monde avait volontairement un enfant pendant cent ans, on retournerait fondamentalement
à 2 milliards d’individus, et on pourrait s’en sortir sans une extinction de masse. » La Turner
Foundation donne plus de 10 millions de dollars chaque année aux mouvements
écologistes.

Mais au-delà de ces questions idéologiques, un concept se dégage clairement de la


stratégie de nombreuses fondations : faire des ONG, ou alliances d’ONG, un acteur
essentiel d’une nouvelle gouvernance mondiale au détriment des Etats-nations. Ainsi, Pierre
Calame parle de la « fiction » de l’Etat-nation souverain, affirmant que c’est « le phénomène
irréversible de la mondialisation, le développement des interdépendances de tous ordres à
l’échelle planétaire, qui constituera au XXIème siècle le facteur structurel décisif de remise
en cause du rôle de l’État tel que nous l’avons connu jusqu’à la dernière guerre. » Pour lui, «
le caractère absolu de la souveraineté des États n’apparaît plus que (comme) une
construction historique ». Cette question taraude aussi depuis longtemps certains think tanks
néolibéraux comme la Commission Trilatérale qui, déjà en 1977, se plaignait que « la plupart
des peuples et dirigeants continuent à vivre dans un univers mental qui n’existe plus – un
monde de nations séparées – et ont de grandes difficultés à réfléchir en termes de
perspectives globales et d’interdépendance. » D’ailleurs, il n’est pas anodin de mentionner
que l’un des proches collaborateurs et conseillers de Pierre Calame sur cette problématique
s’appelle Georges Berthoin, qui a présidé pendant 17 ans la branche européenne de la
Commission trilatérale…

Pour mieux comprendre sa vision, il faut préciser que le modèle de Pierre Calame est celui de la
construction européenne, technocratique et bureaucratique. Réunissant en mars 1996 plusieurs
acteurs majeurs des débuts de la construction européenne, dont Georges Berthoin, il est
ressorti qu’il était « indispensable que des instances soient créées, qui puissent parler de
l’intérêt commun de l’Europe face aux responsables politiques nationaux et éventuellement
contre eux. C’est de façon parfaitement consciente que l’on a créé des instances
“technocratiques”, faites de gens sans mandat politique et parlant au nom de l’Europe ».
Pour Pierre Calame, il est clair que « sans cette Europe technocratique, il n’y aurait pas eu
d’Europe du tout ». Aujourd’hui, Pierre Calame voit les ONG comme un acteur similaire à
celui des technocrates européens, se félicitant de voir que « les instances multinationales
avaient bien besoin (de la société civile) pour sortir de leur face-à-face avec les Etats ». En
cela, il rejoint parfaitement le point de vue d’Henri Rouillé d’Orfeuil, président de
Coordination Sud et collaborateur régulier de la FPH, qui imagine une « diplomatie non
gouvernementale » assurée par des ONG et des réseaux d’ONG. Dans ce contexte, la FPH
finance un programme intitulé « Aider au développement de l’Alliance mondiale de
fédérations d’ONG », programme auquel sont associés Coordination Sud et la Ford
Foundation.

Derrière ces déclarations d’intentions, certains discernent des manœuvres destinées à


empêcher toutes remise en causes véritables du système. Ainsi, Paul Labarique, journaliste
au controversé Réseau Voltaire, y voit la manifestation du « soft power ». Le politologue
américain Joseph Nye décrit le soft power comme étant « la capacité à obtenir ce que l’on
veut en séduisant et en persuadant les autres d’adopter vos buts. Il diffère du “hard power”,
la capacité d’utiliser les carottes et les bâtons de la puissance économique et militaire afin
que les autres suivent votre volonté ». Pour Paul Labarique, le soft power est une « nouvelle
méthode d’ingérence » de la part de certaines fondations philanthropiques comme la Ford
Foundation consistant à « intervenir dans les débats internes de ses adversaires en
subventionnant les uns pour faire échouer les autres, voire en favorisant des rivalités
stérilisantes ». Serge Halimi, du Monde Diplomatique, considère que les grandes entreprises
privées et les institutions économiques internationales « sont assez avisées pour savoir que
la contestation qu’elles affrontent est susceptible d’être résorbée comme la concurrence :
par la séduction ou le partenariat ». Il ajoute que « l’humanitaire, le sens, le droit :
l’entreprise privée n’admet plus de frontière. Tout relèverait d’elle, y compris les contre-
pouvoirs ». Autrement dit, il y aurait une stratégie d’instrumentalisation et de récupération
des mouvements contestataires. René Riesel, ancien secrétaire national de la Confédération
paysanne et penseur très radical, estime que « quiconque observe de bonne foi l’évolution
de cette société n’échappe pas à la conclusion qu’une de ses forces est de savoir répondre,
par anticipation s’il le faut, aux nouveaux problèmes de gestion, de régulation et de contrôle
sociaux que lui pose son incontestable victoire historique. (…) Elle a appris qu’il sera
toujours avantageux de mettre en scène les conflits fictifs où elle laisse aux adversaires
factices qu’elle se choisit le soin de rédiger leur cahier de doléances et la liste des
aménagements qu’elle a besoin de mettre en œuvre ».

Sources

Gil Rivière-Wekstein, « De l’Altermondialisme à la contestation anti-OGM (1) et (2) »,


http://www.agriculture-environnement.fr/De-l-Altermondialisme-a-la,208.html,
http://www.agriculture-environnement.fr/De-l-Altermondialisme-a-la.html

Gil Rivière-Wekstein, « L’étrange fondation de la famille Calame »,


http://www.agriculture-environnement.fr/L-etrange-fondation-de-la-famille.html

Serge Halimi, « Eternelle récupération de la contestation », Monde Diplomatique, avril


2001, http://www.monde-diplomatique.fr/2001/04/HALIMI/15040

Pierre Calame, La démocratie en miettes, pour une révolution de la gouvernance,


ECLM, 2003, téléchargeable ici

Paul Labarique, « Pourquoi la Fondation Ford subventionne la contestation »,


http://www.voltairenet.org/article13444.html

Richard N. Cooper, Karl Kaiser and Masataka Kosaka « Towards a Renovated


International System », The Trilateral Commission, 1977. Téléchargeable ici.
Thomas Goetz, « Billionaire boys cause : Can three of the world s richest men put
overpopulation back on the public agenda? », The Village Voice, 7 October 1997.
http://epidemix.org/blog/?page_id=37

Jean Jacob, L’Antimondialisation, aspects méconnus d’une nébuleuse, Berg international


éditeurs, 2006.

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