Issy-les-Moulineaux « On ne peut pas ne pas communiquer » P. Watzlawick (1921-2007)
« La communication est une condition sine qua
non de la vie humaine et de l'ordre social », Une logique de la communication, 1967, Point Seuil, p. 7 Communication non verbale (CNV) Tout comportement est porteur de sens. Ainsi le langage, support qui semble privilégié́ chez l’homme, n’est pas seul à véhiculer l’information, les comportements non verbaux font partie intégrante de la communication. Corraze (1980) : les communications non verbales sont « l’ensemble des moyens de communication existant entre des individus n’usant pas du langage humain ou de ses dérivés non sonores (écrits, langage des sourds muets, etc...) ». - le regard: modalité́ de communication essentielle, il signale l’engagement dans la communication., que la relation sociale peut s’établir. - les expressions faciales: elles vont renseigner en priorité́ sur l’état émotionnel. - la posture: elle est définie par la position de parties du corps par rapport à des repères déterminés. Signal des attitudes affectives, elle soutient ou invalide le message transmis. - l’espace: l’organisation et l’utilisation de l’espace chez l’homme (comportements qui renvoient au terme de proxémie de Hall). - les gestes: plus ou moins expressifs selon la partie du corps concernée, ils accompagnent le discours, l’illustrent et participent au dispositif d’interaction en régulant l’échange. - le paralangage: la tonalité de la voix, les pauses dans le discours, les hésitations... - le contact cutané́: le toucher est destiné à autrui mais peut aussi prendre la forme d’automanipulations. Il est susceptible d’engendrer des affects positifs (tendance à l’affiliation), aussi bien que négatifs (agression). A ces différents supports, on peut ajouter les messages véhiculés par le canal olfactif (odeurs corporelles - parfums...), les caractéristiques physiologiques du corps et les artefacts liés au corps (vêtements, tatouages, mutilations...). Fonction des CNV Elles rendent la vie sociale possible: elles permettent aux individus de communiquer avec leurs congénères, de s’adapter aux réactions d’autrui et de réguler les informations essentielles dans la communication sociale. L’individu doit pouvoir faire des expectations sur le comportement d’autrui pour donner des réponses appropriées, pour éviter les dangers éventuels. Elles sont des mécanismes d’isolement: elles signalent par leurs différents caractères à quel groupe l’individu appartient. Les CNV isolent les subcultures. Elles participent, avec le langage, à l’interaction: nous avons vu que les CNV renseignent sur le contexte, elles définissent également ce que Cosnier appelle « co- texte ». LES CNV : approche ontogénétique des premiers mois de vie Dès les premiers instants de vie, l’enfant communique à travers les canaux non verbaux. Il existe un véritable système d’interaction mère - enfant où la mère adapte ses réponses en fonction des caractéristiques de l’enfant. Le nouveau né présente des capacités précoces. Selon Field et al. (1982), entre 12 et 21 jours, le nouveau né discrimine déjà̀ des expressions faciales telles que la joie, la surprise et la tristesse. Il est capable de reproduire ces mimiques faciales. On note une grande réceptivité́ aux signaux visuels (Frantz, 1963), olfactifs et cutanés. Ritualisation L’enfant présente au départ un comportement qui se réduit à des coordinations innées. C’est le développement ontogénétique qui conduira à la modification progressive du sens d’une communication originelle. On parle de phénomène de ritualisation où un comportement est renforcé dans sa fonction de signal. On peut citer à titre d’exemple le sourire qui est à la naissance physiologique puis qui va devenir progressivement social. CNV : une place privilégiée La transformation des comportements en systèmes de communication est l’effet de l’apprentissage de l’individu au cours de son développement. Dans cet apprentissage, interviennent les conventions culturelles. Ainsi, le système de communications non verbales, dont le panel comportemental semble inné,́ deviendra socialisé et effectif dans la communication par apprentissage. Ainsi, le mode de communication non verbale occupe une place privilégiée, il constitue les premières interactions de l’enfant avec le monde environnant, il est déterminant dans les liens d’attachement. Les CNV font donc l’objet d’un apprentissage social et se construisent au cours du développement Compétence sociale et communication non verbale La place du non verbal dans le développement social de l’enfant est essentielle. En effet, notre habileté́ à comprendre les autres, les réponses que l’on peut faire, tout ceci est largement basé sur notre habileté́ à utiliser le non verbal. D’après Wheeler (1994), le succès des interactions sociales est un des aspects les plus important du développement. L’enfant doit être capable d’évaluer une situation sociale et d’émettre des jugements à partir de cette perception (Bruno, 1981). Erasme Pour que le bon naturel d’un enfant se trahisse de toutes parts - et il reluit principalement sur le visage - il faut que son regard soit doux, respectueux, honnête. Des yeux farouches sont un indice de violence ; des yeux fixes, signe d’effronterie ; des yeux errants et égarés, signe de folie. Qu’ils ne regardent pas de travers, ce qui est d’un sournois, de quelqu’un qui médite une méchanceté;́ qu’ils ne soient pas ouverts démesurément, ce qui est d’un imbécile. Abaisser les paupières et cligner des yeux, c’est un indice de légèreté ́ ; les tenir immobiles, c’est la marque d’un esprit paresseux (...). Des yeux perçants trahissent de l’irascibilité;́ trop vifs et trop éloquents, ils dénotent un tempérament lascif. Il importe qu’ils reflètent un esprit calme et respectueusement affectueux. Ce n’est pas un hasard, en effet, s’il a été ́ dit des anciens sages : l’âme a son siège dans le regard. (Erasme (1530/1999). Savoir-vivre à l’usage des enfants. Paris, Arléa, p.15-16) Le langage est un lien Qui dit langage dit production de signes pour communiquer avec autrui. Ces signes peuvent être des gestes, des dessins, des paroles, des symboles. Tout langage est corporel
Tout apprentissage langagier (écriture, langue
orale, art, musique, ...) est un langage corporel ou, tout au moins, engage le corps, implique une gestualité,́ l’utilisation physique d’outils qui produisent des signes. Le corps est langage. En ce sens, les comptines, les jeux chantés, les rondes, les activités gymniques, les jeux collectifs, qui sont eux-mêmes des langages, participent de l’apprentissage de langages symboliques plus abstraits, comme la parole et plus tard l’écriture. L’imitation prestigieuse (Mauss, 1950) l’art d’utiliser le corps procède essentiellement d’une éducation, et notamment d’une imitation des actes que l’enfant a vu réussir « par des personnes en qui il a confiance et qui ont autorité́ sur lui » Le théâtre didactique « L’enfant construit sa vie par une laborieuse expérience tâtonnée que nous devons faire la plus fructueuse et la plus riche possible. Mais l’exemple s’offre à lui comme une expérience déjà̀ réussie qui réduit les aléas de ses tâtonnements » Freinet, C. (1994) Œuvres pédagogiques. Paris : Seuil. Les « neurones-miroirs » Selon Rizzolatti, Folgassi, Gallese (2007), la particularité́ de ces neurones a été́ mise à jour par le fait qu'ils déchargent des « potentiels d’actions » pendant que l'individu exécute un mouvement (c'est le cas pour la plupart des zones motrices) mais aussi lorsqu'il est immobile et voit (ou même entend) une action similaire effectuée par un autre individu, voire seulement quand il pense que ce dernier va effectuer cette action. L’empathie Les neurones miroirs sont également impliqués dans ce qu’on appelle l’empathie (la capacité́ à ressentir les mêmes émotions que l’autre). Cette observation a conduit plusieurs chercheurs à mettre en évidence le fait qu’en imitant, l’être humain ne se contente pas de décrire et reproduire le geste mais qu’il en déchiffre en même temps l’intention Les premiers gestes A la naissance, un mouvement de la bouche sera vu comme un signe de plaisir, la succion sera vu comme un signe de faim, se frotter les yeux sera vu comme un signe de fatigue, les exemples sont multiples. Pourtant, lors des premiers mois de bébé ce ne sont que des réflexes archaïques c’est-à-dire des gestes involontaires. C’est en grandissant et grâce à la maturation neurologique que votre doudou va pouvoir créer par lui-même des mouvements intentionnels. Cependant, le sens des premiers gestes volontaires est donné par les parents. Exemple : si vous tendez les bras à votre baby pour le sortir du lit, il pourra plus tard, lui aussi vous tendre les bras pour avoir un câlin. Il apprend de votre gestuelle. Et même avant… Les mouvements du fœtus dans le ventre maternel sont déjà interprétés par ses parents : «Tiens, il bouge, on dirait qu'il a envie de se défouler.» Ou encore : «Il m'a donné un coup de pied, il n'a pas l'air content.» On lui prête même facilement des traits de caractère : «C'est un tonique celui-là, on va en faire un footballeur !» Tout est interprétation Nous interprétons tel frémissement de la bouche comme un signe de plaisir ou de déplaisir, tel mouvement de succion comme la preuve qu'il a faim, ou telle façon de se frotter les yeux comme un indice de fatigue. Et c'est précisément à partir de cette "traduction" que la communication va pouvoir exister.» Au début, il n'y a pas de gestes volontaires et intentionnels chez le nouveau-né. Certes, il est capable de vous tirer la langue si vous lui montrez l'exemple ou même de vous agripper fermement le doigt. Mais il ne s'agit encore que de réflexes archaïques. Peu à peu, ses gestes vont devenir intentionnels grâce à la maturation neurologique et en fonction du sens qu'ils prennent Le langage du visage les gestes et les mimiques que va développer le tout petit lui permettent de se faire comprendre. Les mimiques expriment souvent une émotion. Elles sont faciles à interpréter puisque le bébé les emploient surtout par imitation : ses expressions sont les reflets de vos expressions. Ainsi, en regardant son visage vous pouvez facilement comprendre si cet enfant est heureux, enthousiaste, inquiet, agacé ou pensif. Le langage du corps Il existe deux catégories de mouvement : ceux en lien avec la tension et ceux en lien avec la détente. Il existe deux types de tension : positive et négative. Si vous voyez un bébé avec des bras raides, écartés, corps arqué, tête en arrière : alors il y a malaise. A l’inverse, si ce bout ’chou pédale avec ses jambes ou les tend, il exprime une tension plutôt positive lié au jeu par exemple. C’est avec le temps et l’expérience que vous arriverez à décoder le langage corporel de bébé. Mais, il reste assez simple et universel. Par exemple : si votre petit regroupe tout son corps sur lui-même, joint ses mains, mène son pouce à sa bouche, ce sont plutôt des signes de détente.
Le langage corporel est la base du langage oral. Mais, il ne se
perd jamais. Pour preuve : de nombreux adultes parlent encore avec les mains. Tout est langage « Dès sa conception, l’être humain est un être de langage », écrivait en effet Françoise Dolto dans Les Étapes majeures de l’enfance. Déjà in utero, la parole construit l’enfant à venir Une mère épuisée arrive dans le cabinet de la psychanalyste. Depuis sa naissance, son bébé se réveille de nombreuses fois par nuit. Au fil de la discussion, la psychanalyste découvre ce que l’on n’a jamais dit à ce petit garçon : il a eu un frère aîné, mort peu de temps après la naissance et dont il porte le prénom. Elle s’adresse alors au bébé : « Je lui ai dit que son frère n’était pas fâché contre lui, qu’il lui avait donné son prénom […] et que sa maman savait que, même quand il dormait, il n’était pas un enfant mort, lui. » Une fois rentré, le nourrisson dort… dix heures d’affilée. Dolto F Séminaire de psychanalyse d’enfants, t.3 Le mamanais (motherese) Spontanément, les mamans s'adressent à leur bébé d'une voix plus aiguë qu'à l'ordinaire, plus proche de celle d'un bébé, avec des intonations plus profondes. Loin d'être ridicule, c'est un mode de communication qui est parfaitement compris du nourrisson. C'est en « mamanais » que la mère flatte son bébé, le berce, le cajole, lui raconte des anecdotes ou lui explique son environnement. C’est aussi une façon affective de capter son attention. Au fur et à mesure que votre enfant grandit, le mamanais progresse doucement vers un langage plus évolué, moins bébé. Son initiation au vocabulaire et à la syntaxe commence. Votre enfant va lentement vous imiter : donnez-lui le bon exemple. Des instincts du petit d’homme « Sans émotions il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement » C.J. JUNG « Nous ne naissons pas humains » « Si vous laissez un chien ou une fourmi livrés à eux-mêmes, ils grandiront et deviendront chien ou fourmi, mais si vous laissez un enfant livré à lui-même, il ne deviendra pas un être humain car l’humanisation est un fait culturel, qui se construit. »
Edward Bond, homme de théâtre
Nous aurions le mode d’emploi... Le jeu de la bobine Une autre étape importante a été repérée par Freud : c’est le fameux jeu du for-da. Freud livre son observation dans « Au delà du principe de plaisir » pour illustrer la compulsion de répétition. Rappelons brièvement la teneur du texte. Séjournant sous le même toit qu’un enfant de 18 mois, Freud observe un jeu répétitif : l’enfant a une bobine en bois attachée à un fil, il la lance au loin, par-dessus les barreaux de son lit, en émettant le son « O-O-O » qui est entendu comme « for » (parti en allemand) ; il tirait ensuite le fil et saluait la réapparition de la bobine par un joyeux « da » (voilà). Dans cet exemple, Freud ne s’attarde pas sur le langage ; il pose une réflexion sur la fonction du jeu chez l’enfant et la relie à une fonction de maîtrise d’un affect pénible : les disparitions de la mère et ses réapparitions. Freud y voit de la jubilation, l’effet de la pulsion d’emprise et les effets d’une tendance plus ancienne, la répétition. Le jeu aide l’enfant à maîtriser et pourrait-on dire à élaborer l’absence de l’objet. La poursuite de notre réflexion sur ce jeu et les mots qui l’accompagnent nous amènent à deux constatations : La première est que ces mots, ce langage n’est pas destiné à la mère ; l’enfant utilise les mots pour se représenter à lui-même la mère absente. Le langage ici n’est pas destiné à la communication ; l’enfant se l’approprie comme représentation symbolique. - La seconde constatation est que le langage ici ne sert pas uniquement à désigner l’objet absent ; il repose sur la dynamique d’un va et vient entre deux motions, l’absence, le départ et la présence, le retour. Il s’agit donc d’une articulation langagière entre deux situations contrastées engendrant le plaisir et le déplaisir. R. Diatkine souligne que le «OOO» et le «da» accompagnant le jeu indiquent qu’il s’agit bien ici : « d’un processus de symbolisation plus organisé portant sur l’action et le désir de l’enfant et non pas sur l’objet absent lui-même » L’hypothèse qu’on peut en déduire est que c’est justement la capacité à jouer qui permet l’articulation du langage, qui permettait que le langage ne soit pas une succession de signifiants mais des signifiants articulés entre eux qui peuvent rendre compte avec finesse et sensibilité du vécu intérieur. C’est probablement à partir de ce phénomène que naît la syntaxe qui donne sa richesse et sa coloration à la langue. On peut rapprocher cette conception de celle des phénomènes transitionnels décrits par Winnicott. P. Ferrari situe l’acte de parole comme l’objet d’un investissement transitionnel entre l’activité narcissique et la libido d’objet qui permet de lutter contre les angoisses dépressives (6). Il ne faut pas cependant assimiler le langage aux objets transitionnels dont le sort est d’être progressivement désinvesti mais bien aux phénomènes transitionnels qui perdurent et sont susceptibles de modifications au cours des étapes de la maturation. On pourrait considérer que le langage lui-même n’apparaît que lors des tentatives que fait l’enfant pour désigner l’objet absent à condition qu’il puisse être lié à l’activité ludique. Le langage sera alors utilisé par l’enfant avec plaisir. D. Houzel insiste sur cette notion de plaisir. A 18 mois, l’enfant a découvert les ressources de la communication vocale ; il lui reste à apprendre le code linguistique. C’est le plaisir lié à l’activité ludique et à la communication qui vont inciter l’enfant à cet apprentissage et qui plus tard deviendra le plaisir lié au fonctionnement mental. La communication précède le langage, mais le langage se développe grâce au plaisir de jouer.
Parent enfant - s'élever ensemble - Pour réveiller subtilement ma parentalité et accompagner mon enfant efficacement vers son avenir (Développement Personnel): Ou trouver ma façon d'accompagner mon enfant