MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
FACULTE DE MEDECINE D’ALGER 1
DEPARTEMENT DE MEDECINE
module EPIDEMIOLOGIE ET MEDECINE PREVENTIVE
Réalisation d’une étude
épidémiologique ou clinique
Dr Lamdjadani Service d’Epidémiologie et de Médecine Préventive
CHU Hussein Dey
Année Universitaire 2019-2020 Objectifs • 1. identifier les trois grandes phases de la réalisation d’une étude • Phase préliminaire • Phase de planification • Phase de réalisation • 2. identifier les différentes étapes constituant les différentes phases • Évaluer l’utilité de l’enquête • Entreprendre une recherche documentaire • Formuler des objectifs • Choisir la structure de l’étude • Choisir la population cible • Choisir et définir les variables • Préparer le plan d’analyse • Élaborer le questionnaire • Collecter et contrôler les données • Coder, saisir et analyser les données • Rédiger un rapport d’enquête et en apprécier le contenu 1. Introduction • Une étude épidémiologique est une recherche qui est essentiellement une réponse proposée à une question posée. Une étude épidémiologique comporte trois grandes phases : • une phase préliminaire, • une phase de planification, • une phase de réalisation. • On distingue quelquefois les études épidémiologiques des études cliniques. Une étude épidémiologique peut être définie simplement comme une étude intéressant des groupes humains. De ce point de vue, une étude clinique dont le matériel n’est pas constitué de cas individuels (case reports ou « à propos d’un cas de… ») est aussi une étude épidémiologique. • Plusieurs étapes peuvent être distinguées à l’intérieur de chacune de ces trois phases. Ces étapes, au nombre de 13 au total, se succèdent dans un ordre défini qu’il convient de respecter. Aucune place ne doit être accordée à l’improvisation pour réaliser une étude épidémiologique. Sinon, de graves problèmes et déboires risquent de survenir occasionnant une perte de temps considérable et un anéantissement des efforts consentis. • 2. Phase préliminaire • 2.1 Evaluation de l’utilité de l’enquête • La phase préliminaire soulève les questions suivantes : • • Quoi enquêter ? • • Pourquoi réalise-t-on cette enquête ? • Exemple: je m’intéresse à « l’importance des infections nosocomiales dans mon hôpital » parce que c’est un problème grave et qui reflète la qualité des soins; je veux par ailleurs situer mon hôpital par rapport aux autres hôpitaux en Algérie et dans le monde. • Il est essentiel à ce stade précoce de connaître clairement les questions qui se posent et d’évaluer si une étude peut vraiment apporter les réponses nécessaires. La ou les questions doivent être explicitement formulées au départ, par exemple : « Quelle est la fréquence des infections nosocomiales dans ce centre hospitalier ? ». • La formulation de questions équivoques et opaques va entraîner un manque de clarté dans la définition des objectifs à la phase de planification. • Il est indiqué aussi dès ce stade de s’enquérir des suites qui pourraient être accordées aux résultats et aux conclusions de l’étude. Outre le fait qu’une étude sert au moins à améliorer les connaissances, elle a souvent des retombées pratiques pour la clinique ou la santé publique. • De manière générale, les enquêtes servent à : • mesurer la fréquence des maladies au sein de groupes ou de populations, • décrire les comportements de populations à l’égard de problèmes de santé. • élucider l’histoire naturelle de maladies, • juger de l’intérêt d’un test diagnostique, • identifier les facteurs de risque des maladies, • évaluer l’efficacité de traitements ou d’interventions préventives. 2.2 Recherche documentaire
• La recherche d’une documentation sur le sujet doit être aussi une
priorité pour celui qui veut réaliser une enquête. • En règle générale, un sujet a déjà fait l’objet d’explorations. Il convient alors de consulter le réseau Internet et les bases bibliographiques médicales internationales informatisées à la recherche d’articles indexés. Les ouvrages traitant du sujet doivent être repérés. • Des exemples détaillés peuvent être téléchargés à l’adresse suivante http://www.anasys.org/IMG/pdf/Recherche_bibliographique.pdf pour consulter le document préparé par G. Borgès Da Silva et intitulé « La recherche bibliographique et documentaire sur l’internet pour l’action en santé ». 3. Phase de planification 3.1 Importance de la phase de planification
• La phase de planification est si importante qu’elle conditionne
en grande partie la réussite de l’enquête projetée. • Cette phase peut demander des efforts considérables et nécessiter plusieurs mois de travail. • Il faut, au cours de cette phase, accorder une grande attention à tous les détails. C’est à ce prix seulement que les perspectives de succès peuvent être réelles. • Il vaut infiniment mieux dépenser du temps à perfectionner cette phase que de se précipiter vers un recueil irréfléchi des données qui annihilera tout le travail effectué. 3.2 Formulation des objectifs de l’étude
• L’objectif de l’étude doit être formulé clairement et de
façon très précise. • L’objectif décrit la question posée par l’investigateur et reflète l’utilité de l’étude (section 2.1 ci-dessus), la structure de l’étude et la population cible de l’étude. Un objectif est toujours exprimé par un verbe à l’infinitif. • L’objectif relatif à la question sur la fréquence des infections dans un centre hospitalier peut être formulé ainsi : • « Déterminer la prévalence des infections nosocomiales actives chez tous les patients hospitalisés au centre hospitalier depuis au moins 48 heures ». 3.3 Choix de la structure d’étude
• La structure d’étude doit être compatible avec les
objectifs assignés à l’étude. • Par exemple, si l’objectif de l’étude est de comparer deux traitements, la structure de l’étude doit être celle d’un essai randomisé. • Si l’objectif est de mettre en évidence des facteurs de risque pour une maladie, une enquête étiologique de type cas-témoins, cohorte ou transversale est la structure appropriée. 3.4 Choix de la population cible • Il est essentiel de délimiter avec précision la collectivité où est réalisée l ’enquête. Cette collectivité s’appelle population cible. Le choix de la population cible est fonction des objectifs assignés. Une population donnée doit permettre d’atteindre les objectifs fixés. • Les essais randomisés pour l’évaluation de traitements intéressent les populations qui se présentent dans des structures de soins. On peut cependant réaliser des essais dans des écoles (pour l’évaluation de vaccins par exemple) ou dans des usines (pour évaluer l’efficacité de mesures préventives de maladies cardio-vasculaires). • La mise en évidence de facteurs de risque pour les maladies peut utiliser des malades hospitalisés, elle peut aussi utiliser la population générale ou des groupes professionnels. • La prévalence des handicaps parmi la population générale est mesurée auprès des familles. 3.5 Choix des variables
• Une fois les objectifs, la population et la structure d’étude
fixés, les variables, pour lesquelles l’information doit être recueillie, sont sélectionnées • Le choix des variables doit être conforme aux objectifs de l’étude. Une liste exhaustive des variables susceptibles d’être en rapport avec les objectifs doit être établie. • Chacune de ces variables doit être examinée minutieusement avant de décider en dernier ressort de la retenir ou de l’exclure. • NB: la variable ou attribut qui présente différentes valeurs, peut être quantitative comme l’âge, la glycémie ou qualitative comme le sexe, la présence ou non d’une maladie. 3.6 Préparation du plan d’analyse • Le plan d’analyse doit être préparé avant la construction du questionnaire. En aucun cas, cette étape ne doit être différée après le recueil des données. • L’élaboration du plan d’analyse consiste essentiellement à préparer les tableaux qui vont permettre d’atteindre les objectifs assignés. On pourrait dire qu’un tableau donné correspond à un objectif spécifique donné. • Les tableaux à une seule variable sont préparés en premier. L’ensemble de ces tableaux constitue ce qu’on appelle le tri à plat. • Ce tri à plat est l’occasion de présenter l’échelle de mesure de chaque variable. Les catégories d’un facteur de risque, les classes d’une variable quantitative doivent être définies. 3.7 Elaboration du questionnaire • Le questionnaire, ou support d’information, ne doit être conçu qu’après l’élaboration du plan d’analyse. C’est un outil de recueil de données standardisé : l’information pour chaque variable doit systématiquement être recueillie de la même façon quels que soient le moment du recueil et la personne chargée du recueil. • La conception du questionnaire est une des étapes essentielles de l’enquête. La qualité des données recueillies et la fiabilité des résultats obtenus dépendent de la qualité du questionnaire. • Un questionnaire est essentiellement composé de deux parties : identification et corps. La partie relative à l’identification de la personne interrogée doit faire correspondre à chaque questionnaire un numéro d’ordre unique. • Le corps du questionnaire est constitué par l’ensemble des questions relatives aux variables dont on souhaite recueillir les données. Les questions peuvent être fermées : les réponses sont fermées et mutuellement exclusives, 3.8 Pré-enquête
• Avant de passer à la phase de réalisation, il est
fortement recommandé de tester par une pré- enquête une partie ou l’ensemble des éléments planifiés. • Une pré-enquête peut se résumer à une simple consultation de dossiers médicaux pour vérifier, par exemple, si le diagnostic de sortie est bien mentionné. • Une pré-enquête peut prendre les dimensions d’une véritable « étude pilote », 3.9 Préparation pratique • Il ne faut jamais perdre de vue qu’une enquête épidémiologique, malgré la complexité des choix théoriques qu’elle peut susciter, est avant tout une opération pratique. • Les préparatifs pratiques doivent être réalisés avant la collecte des données : • • reproduction des questionnaires, • • formation des enquêteurs, • • organisation du travail, de la récupération des questionnaires, obtention des autorisations préalables, • • organisation éventuelle de l’hébergement et de la restauration des enquêteurs, etc. • En tout cas, plus les préparatifs matériels ont été sérieux, moins les difficultés seront grandes au moment de la collecte à la phase de réalisation 3.10 Elaboration du protocole
• Les principaux aspects théoriques et pratiques de
l’étude sont consignés dans un document qui guide la réalisation de l’enquête. Ce guide est appelé protocole. • L’élaboration du protocole est conditionnée par la question posée et à laquelle on veut apporter une réponse, c'est-à-dire par l’objectif de l’étude. • Celle-ci doit être non seulement justifiée, parce qu’une nouvelle question se pose, mais aussi faisable. 4. Phase de réalisation 4.1 Collecte et contrôle des données
• Les informations sont collectées suivant le plan établi à la
phase de planification et les instructions contenues dans le protocole. Il faut veiller à ce que la collecte ait lieu conformément à ce qui a été arrêté, cela par une surveillance régulière et périodique. • Une validation en temps réel doit être effectuée pour les données recueillies. • Les fiches d’enquête doivent être vérifiées une à une à la recherche d’erreurs, d’omissions ou de défaut de cohérence entre les variables 4.2 Exploitation des données
• Les opérations de codage et de saisie constituent les
premières opérations de l’exploitation des données. • Le codage consiste à transformer en données numériques les catégories de la variable concernée, il peut aussi assigner des lettres à ces catégories. • Par exemple, on pourrait décider d’affecter le code « 1 » au sexe masculin et le code « 2 » au sexe féminin. On pourrait aussi avantageusement affecter la lettre « M » au sexe masculin et la lettre « F » au sexe féminin. • L’analyse des données intervient après leur saisie, elle consiste à éditer les tableaux et à déterminer les paramètres (mesures d’association, moyenne, écart- type, proportion…) prévus à la phase de planification. • Les logiciels disponibles (Epi-info, SPSS...) aident énormément à cette tâche par leurs programmes d’analyse. • L’édition systématique des tableaux du tri à plat est recommandée comme première séquence de l’analyse 4.3 Rédaction du rapport d’enquête
• La rédaction du rapport d’enquête peut être considérée
comme l’étape ultime de l’exploitation des données. Cette étape constitue une tâche importante des investigateurs en charge de l’étude. • Outre le titre, les auteurs, leur affiliation, le résumé, les mots clés et les références, la structure d’un rapport obéit habituellement au standard IMRD qui distingue quatre parties: • • I = introduction, • • M = matériel et méthodes, • • R = résultats, • • D = discussion. • L’Introduction annonce la question posée dans le cadre des connaissances qui ont amené à réaliser l’étude. Avec suffisamment de détails l’introduction doit justifier le travail, exposer l’objectif principal en référence aux travaux publiés et aux lacunes susceptibles d’être comblées. • La partie Matériel et Méthodes ou Patients et Méthodes est la partie la plus importante d’un rapport. Elle met à la disposition du lecteur les techniques et méthodes utilisées pour répondre à la question de recherche. • Les résultats sont ensuite présentés simplement, progressivement dans un ordre logique à l’aide de sections. Les résultats ne sont pas discutés à ce niveau, des conclusions ne doivent pas non plus être tirées. Seuls des commentaires succincts sont exprimés. • La partie résultats est relativement facile à rédiger, notamment grâce à la construction de tableaux et figures qui allège le texte (dont le nombre ne devrait pas excéder cinq) • La partie « Discussion » a une organisation moins formalisée. Cependant , il est indiqué de débuter la discussion par la réponse à la question posée dans l’introduction. Les résultats les plus importants doivent être mis en exergue. Les différences notables avec les résultats d’autres enquêtes vont aider à situer l’étude par rapport au connaissances antérieures. Une interprétation des résultats doit être proposée pour leur donner un sens ainsi que les implications envisagées (retombées pour la pratique clinique ou de santé publique). • Le titre et le résumé ont pour fonction de reproduire une image miniature du rapport. Le titre formule clairement le sujet sans être trop long. Le résumé doit être structuré concis (250à300 mots ) et informatif, il présente le rapport sous une forme très condensée. • Les mots-clés servent à indexer un rapport dans les bases de données bibliographiques, ils sont empruntés en règle générale à la classification NLM (National Library of Medicine). • Les références sont numérotées selon l’ordre de leur première apparition dans le texte.